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L’ouverture du métro modifie fortement les préoccupations associées à celui-ci, puisque la réduction de la congestion urbaine dépend d’une organisation efficace du réseau. Comme réponse à une demande, la détermination de la « bonne » organisation interne est donc sujette à évolution, si les termes de la demande évoluent, et on verra d’ailleurs que la majorité des évolutions internes à la STM auront été la traduction interne d’une pression extérieure.

Toutefois, avant d’étudier l’évolution du rapport gestionnaire à l’efficacité, il convient de montrer que l’efficacité reste une préoccupation constante dans l’histoire du métro87. On a déjà

partiellement confirmé ce point avec le retour effectué chapitre 4 sur la conception de l’efficacité du réseau au sein de la métropole, et Jean Drapeau (1966) le confirme lui-même en affirmant que « la construction du métro de Montréal était question de service plus que de prestige ». Mais au-delà de cette efficacité métropolitaine associée théoriquement à la construction d’un réseau de métro, ce dernier doit être organisé concrètement et en interne de façon à rechercher une efficacité de fonctionnement au quotidien.

On peut facilement vérifier l’existence de cette recherche d’efficacité en reprenant le contenu des rapports annuels de l’entreprise. En 1965-1966, soit peu avant l’ouverture du métro88, on peut ainsi lire, à propos du réseau de bus : « Pour des raisons d’efficacité et de

bonne administration, la [CTM] profite ordinairement des périodes d’assignation des tâches des chauffeurs pour modifier et améliorer ses services » (CTM 1966). Dix ans plus tard, on trouve la CTCUM (1976) « toujours soucieuse de la qualité du service ». La PDG Louise Roy (1988) évoque également pour l’année 1987 « une démarche de réorganisation » de la STCUM pour « être plus efficaces et davantage efficients ». De même, Jacques Fortin (2002), directeur général, acte le vieillissement des infrastructures et mentionne « la nécessité d’accroître les sources de financement […] pour améliorer les services et en développer de nouveaux ». Enfin, pour prendre un dernier exemple, Philippe Schnobb (2014a), président du CA, fait part dans le rapport annuel 2013 de sa préoccupation d’« assurer [pour la STM] un maintien adéquat de ses actifs et [d’]améliorer l’expérience client sur [le] réseau ».

87 On pourrait bien sûr raisonner par l’absurde, en posant le fait que la création d’une structure et d’une organisation

complexes autour d’infrastructures lourdes ne saurait se faire sans une réflexion sur le fonctionnement du tout.

88 Le rapport concerne l’exercice financier du 1er mai 1965 au 30 avril 1966, l’inauguration du métro ayant lieu le 14

Tableau 7 : Dirigeants de l’entreprise à partir de la municipalisation de 1951 Années et durée

approximative du mandat

Nom du PDG

1951-1960 (9 ans) Arthur Duperron

1960-1964 (4 ans) Jean-Guy Gauveau

1964-1974 (10 ans) Lucien L’Allier

1974-1985 (11 ans) Lawrence Hanigan

Nom de la PDG ou du directeur général89 (années, durée approximative du mandat)

Nom du président du CA (années, durée approximative du mandat)

Louise Roy (1985-1991, 6 ans) Trefflé Lacombe (1991-1997, 6 ans) Jacques Fortin (1997-2002, 5 ans)

Pierre Vandelac (2003-2006, 3 ans) Yves Devin (2006-2012, 6 ans) Carl Desrosiers (2012-…)

Yves Ryan (1985-1986, 1 an) Robert Perreault (1986-1994, 8 ans) Yves Ryan (1994-1998, 4 ans) Frank Zampino (1998-2000, 2 ans) Pierre-Yves Melançon (2000-2001, 1 an) Claude Dauphin (2001-2005, 4 ans) Claude Trudel (2005-2009, 4 ans) Michel Labrecque (2009-2013, 4 ans) Philippe Schnobb (2013-…)

(Source : STM c2013)

Pour autant, la recherche d’une efficacité interne au réseau ne signifie pas que les contours définitionnels de cette efficacité restent les mêmes au fil du temps. Durant les années qui suivent son ouverture, le métro ne manque pas d’être tout d’abord mis de l’avant pour rien de moins que sa perfection. Dans son « petit lexique du métro », Dominique Beaudin (1966) n’hésite ainsi pas à écrire : « Panne de métro : ce qui n’arrive qu’ailleurs ». De même, si le terme « perfection » n’est pas utilisé avant les années 1980, on lit dans le rapport annuel 1968-

89 Les dirigeants portent le titre de président de 1861 à 1951, puis celui de PDG après la municipalisation de 1951.

Enfin, la réforme administrative concrétisée en 1985 par la création de la STCUM scinde en deux la fonction, avec d’une part le directeur général et de l’autre le président du conseil d’administration – Louise Roy conserve toutefois son titre de PDG jusqu’à son départ en 1991.

1969 (CTM 1969) que « [d]epuis son inauguration[,] le métro de Montréal est vraiment une attraction mondiale[,] si on en juge par la suite ininterrompue de visiteurs qui nous viennent de partout ». L’efficacité n’est donc pas tant affichée comme une préoccupation que comme une fierté, mais elle renvoie d’abord et avant tout à une perfection d’ordre technique.

À l’inverse, l’approche contemporaine se trouve plus centrée sur la performance et l’utilisateur, comme on le verra au chapitre 6. Si l’on y proposera une explication contextuelle, on peut d’ores et déjà trouver trace de cette évolution à travers les grandes campagnes de publicité de la STM depuis les années 1960 (STM 2003c, 2003d). La campagne de 1966, pour l’ouverture du métro, est ainsi tout d’abord centrée autour de « Monsieur Galant », qui explique la praticité d’un nouveau mode de transport. Ce message est par la suite repris, au fil des années, de manière de plus en plus centrée sur l’individu : sur le ton de la décontraction en 1970 (« Prenez la vie du bon côté » ; « Lâchez le volant »), de l’affection en 1972 (« J’aime le métro, j’aime l’autobus » chanté par des enfants) (CTCUM 1972) et du bonheur extatique en 1977 (« Il fait beau dans le métro ») (CTCUM 1977). Cette évolution depuis la praticité du métro90 vers une mise en valeur de l’usager-client culmine avec la campagne de 1992

(« prendre le métro, c’est intelligent »), où le choix du métro comme mode de transport n’est plus juste le résultat d’un arbitrage économique individuel, mais aussi l’expression de qualités personnelles (STCUM 1992b).

Comme on peut déjà le voir, l’évolution du discours gestionnaire, si elle ne modifie pas l’objectif général d’une efficacité du service, n’est pas sans conséquence par contre sur la définition de cette dernière et sur les priorités qui lui sont associées. On peut plus concrètement retracer trois grandes phases dans la définition de l’efficacité. La première phase, celle de l’efficacité « urbanistique » (E1 dans nos hypothèses), a été abordée au chapitre 4, de façon à

introduire à la construction du métro. Centrée sur la justification de la construction du métro, elle repose d’abord et avant tout sur une approche économique en termes de flux, au niveau métropolitain. La deuxième, qu’on entend aborder dans les prochaines pages, est celle de l’efficacité « ingénierique » (E2 dans nos hypothèses), centrée sur le fonctionnement du métro.

Enfin, la troisième, l’efficacité « managériale » (E3 et E4 dans nos hypothèses), qui concentre

l’attention sur la qualité du service associé au métro, sera abordée dans le chapitre 691.

90 Y compris dans une fonction économique de fluidification de la circulation à des fins productives, avec la campagne

de 1972 qui explique que plus d’usagers dans le métro et le bus, c’est un meilleur service d’autobus, car les rues seront moins congestionnées, ce qui signifie « plus de travail pour plus de monde ».

91 À la manière de ce que Foucault (2004b, 6-12) décrit pour la punition, la discipline et la sécurité, la montée en

La préoccupation pour l’efficacité du service précède bien entendu la construction effective du réseau de métro, ne serait-ce que du fait de l’existence préalable d’un réseau de tramways, de trolleybus et d’autobus. On en trouve par exemple trace dans le projet de métro de la CTM en 1953, qui évoque « la nécessité de la vitesse, de la sécurité, du confort, de la commodité et des autres caractéristiques des transports en commun modernes et attrayants » (CTM 1953). On retrouve également cette préoccupation dans un rapport de la CTM de 1961, qui mentionne le besoin d’« offrir aux heures de pointe au plus grand nombre de passagers un service rapide, régulier et confortable », sans pour autant oublier « les considérations essentielles de rentabilité du métro et les considérations d’ordre technique qui affecteraient l’efficacité, la vitesse et la capacité de tout le réseau » (CTM 1961). Ce dernier rapport ne s’attache d’ailleurs pas à justifier le choix d’un métro comme les précédents, mais à évaluer quels devraient être, entre autres, le trajet et le gabarit de celui-ci.

La préoccupation pour l’efficacité interne quotidienne semble donc liée, à l’époque, au degré de concrétude du projet. Il ne s’agit en ce sens pas autant d’une rupture avec l’efficacité « urbanistique » que d’une traduction à l’interne des ambitions associées à la construction du réseau. La plupart des urbanistes cités dans la description des projets de construction du métro sont d’ailleurs des ingénieurs92, et ces derniers ont toute leur place au sein de la direction de la

CTM93. Cette nouvelle définition de l’efficacité, au-delà des grands principes, se construit en

premier lieu autour du maintien et de la capacité au rétablissement du service, comme on va le voir successivement à travers des exemples de grèves, d’incidents ou accidents internes, de coupures de courant et de crainte d’attaques terroristes – soit respectivement, selon notre catégorisation, des événements humains internes, non-humains internes, non-humains externes et humains externes.

demeurent par exemple en 2003 une préoccupation pour la STM, de même que la diminution de la part modale du transport en commun (STM 2003b).

92 La profession émerge à la fin du XIXe siècle, avec la redéfinition de la fonction urbaine dans le contexte de la

Révolution industrielle (Claude 2005).

93 « Gloire de Montréal et fierté des ingénieurs de la CTCUM, le métro est considéré à juste titre comme une réussite

en matière de transport en commun », écrit l’éditorialiste du Devoir Jean-Claude Leclerc (1974), actant un rapport de quasi possession. Cette domination des ingénieurs perdure, puisque Carl Desrosiers, actuel directeur général, déclare qu’avant l’arrivée de Louise Roy à la tête de la STCUM, en 1985, « c’était le fief des commissaires et des ingénieurs. La connaissance dominait, c’était comme ça » (interrogé in Fadil, Toulouse et Hafsi 2013).

De l’ennemi à la nuisance : vers une dépolitisation de la grève (événements

humains internes)

Jusqu’à la fin des années 1970, la réponse aux grèves se trouve centrée sur l’objectif d’un retour à une efficacité « quotidienne » et sur le maintien des conditions préalables à son existence. On peut toutefois distinguer deux modalités de réponse de la CTM/CTCUM jusqu’aux années 1980, à savoir une première consacrée à la limitation de la capacité syndicale à perturber l’efficacité « quotidienne » du réseau et la circulation dans la métropole, et une seconde plus centrée sur la capacité de la direction à rétablir le service au plus vite.

Les moyens de pression entamés le 7 septembre 1967 par le Syndicat des employés du transport de Montréal (STM)94 pour obtenir l’application de la convention collective de 1965 aux

employés du métro visent ainsi « à limiter et à détraquer le service » de la CTM par une grève du zèle95, selon l’expression du juge Georges F. Reid (1967) de la Cour supérieure. La menace

pèse également sur le prestige de la métropole, puisque l’Expo 67, débutée le 21 avril, dure encore jusqu’au 27 octobre96. Le jugement (postérieur) du juge se fonde d’ailleurs sur la mission

de la CTM de faciliter la circulation métropolitaine, mais introduit une circonstance aggravante interne, la remise en cause de l’intégrité physique des usagers. Reid reproche ainsi au STM d’avoir « limité le transport public de la requérante [i.e. la CTM] […] à un point tel que la sécurité du public […] a été mise en danger et que les usagers ont subi des retards qui ont causé à tous et à chacun […] des dommages incalculables97 ».

Lorsque la grève commence, le 21 septembre 1967, la stratégie de la CTM s’avère par contre plus centrée désormais sur le maintien en état des infrastructures et du matériel, tant face à de possibles incidents ou actes de sabotage qu’au niveau de la capacité à reprendre le service au plus vite. Une entente sur les « services essentiels », signée six jours après le

94 Le STM est créé, avec l’aide de la CSN, pour unifier la lutte des employés divisés en quatre syndicats selon qu’il

sont employés de « bureau, contremaîtres, inspecteurs [ou] agents » (CSN 1967; Reid 1967). Le STM ne représentera toutefois plus tard que les employés de l’entretien.

95 La grève du zèle inclut une application stricte des instructions pour ralentir le service et le refus des heures

supplémentaires, soit une part importante du travail des employés du fait d’une pratique établie (Reid 1967).

96 Le 15 septembre, alors que la menace de grève se précise, l’éditorialiste du Devoir Vincent Prince rédige un

éditorial titré « La grève […] ne peut pas et ne doit pas avoir lieu », pour exprimer sa crainte que l’Expo cesse ses activités (cité in Denis [1979] 2003).

97 Le juge Reid (1967) justifie en particulier pour le métro son affirmation en évoquant la création d’« encombrements

sérieux sur les quais » du fait du moins grand nombre de véhicules en service, qui va de pair avec un « risqu[e] de voir certaines personnes projetées sur la voie » (sic). De même, le juge fournit un autre argument sécuritaire concernant la réparation et l’entretien préventif des véhicules qui ont été perturbés, empêchant « d’en assurer le bon fonctionnement et la sécurité du public ».

déclenchement de la grève, acte ainsi cette priorité au maintien en état du réseau98 (CTM

1967a). L’expression ne concerne pour l’heure à la CTM que les infrastructures et le matériel, et non le service au public, seulement pour « pour fin d’urgence, c’est-à-dire afin d’éviter les dégâts possibles aux équipements et appareils et non pas pour assurer un déplacement des trains, même réduit », à part dans la perspective d’une reprise prochaine du service, résume Guy L. Blain (1967), directeur du transport.

Dans un « message de la CTM à ses usagers » du 12 septembre, on peut certes voir exposé le « caractère essentiel d’un service de transport », à savoir « offrir à différentes heures du jour et à différents jours de la semaine, un moyen de transport commode, sûr et économique pour un nombre sans cesse variable de voyageurs99 ». Mais le document reconnait également

que, « advenant une restriction indue de certains services essentiels [à la CTM], il lui deviendra presqu’impossible d’assurer le fonctionnement de ses services » (CTM 1967b). On peut donc estimer qu’il s’agit d’une communication antigrève mais pas d’une politique effective.

Cette préoccupation pour les « services essentiels » comme maintien des conditions préalables au retour au service après la grève parait dans les faits issue d’un compromis avec les représentants syndicaux de la CSN, en vertu du rapport de force avec la direction. En témoigne un épisode raconté par Paul E. Laurin (1967), contremaître section puissance, à propos d’une visite au PCC du « comité de discipline de la CSN » pour exiger la coupure de l’alimentation des lignes du métro et inviter les employés, y compris « les opérateurs du PCC qui eux étaient sur l’équipe d’urgence, [à] bien vouloir quitter leur travail ». Par la discussion, Laurin affirme les faire changer d’avis :

[…] [A]près leur avoir expliqué que nous étions une équipe d’urgence afin de veiller pour que nous n’ayons pas de panne électrique et aussi d’assurer le bon fonctionnement des pompes en tunnel[,] etc. […], ils m’ont dit [: « ]vous autres les pompistes[,] vous êtes des intouchables, […]. Il est entendu que vous restez au travail afin de protéger nos intérêts car[,] s’il fallait que le tunnel s’inonde[,] nous serions mal pris pour revenir au travail une fois la grève terminée [»].

98 On peut relever entre autres « le maintien en bon état de l’outillage et sa remise en service dès la date fixée pour la

reprise du service », « la mise en opération constante […] des 16 postes de pompage pour empêcher la submersion du métro », le maintien de l’accessibilité du poste de commande et de contrôle (PCC) pour conserver en fonction le poste de commande et de mesure (PCM) en tout temps, ou encore le maintien de la capacité à « ventiler périodiquement les garages de service ou les ateliers où sont remisés les autobus afin de faire évacuer le mélange de gaz inflammable ou explosif » (CTM 1967a).

99 Cette définition élargie des services essentiels a déjà été appliquée aux transports en commun montréalais en

temps de guerre, en 1944, dans un arrêté du conseil considéré comme la première utilisation (implicite) de la notion de services essentiels, qui évoque « des conséquences graves [d’une grève de la MTC] pour les entreprises tant civiles que militaires de la région, ainsi qu’une diminution dans la production du matériel essentiel à la guerre », et l’importance à la fois de « la sécurité, la défense, la paix, l’ordre et le bien-être du Canada » et de « la poursuite efficace de la guerre » (cité in Fontaine 2008).

Les « services essentiels » s’inscrivent d’ailleurs dans le cadre d’une confrontation marquée entre syndicats et direction à la CTM100, qui se situe initialement sur deux fronts : le

sabotage et l’intimidation101, considérés par la direction comme dans la continuité de la grève,

mode d’action nuisible en lui-même. Le directeur de la sécurité, Howard M. Baker, prend ainsi en charge une surveillance qui implique autant l’identification d’auteurs d’actes illégaux102,

notamment via la mobilisation des contremaîtres103, que l’espionnage des assemblées de grève

en tant que telles104. De même, « M. L’Allier "est prêt à faire feu" » le 14 septembre, selon Guy

Blain, directeur du transport, envisageant malgré les craintes de représailles, que des inspecteurs volontaires « prenn[ent] la place des opérateurs manquant à bord des trains » (Anonyme 1967a).

La définition de la sécurité, dans ce cadre, semble plus reposer sur une échelle métropolitaine (voire nationale) qu’interne. L’Allier justifie ainsi par la « sécurité des voyageurs » le recours à des inspecteurs pour conduire les trains, mais se fait opposer par un contradicteur anonyme un argument sur la « sécurité (pannes provoquées sciemment, arrêts prolongés en tunnel, panique…) » (Anonyme 1967a) très proche de celui du juge Reid (1967) à l’encontre de la grève du zèle (cf. supra). En d’autres termes, la préoccupation sécuritaire de L’Allier se situe à une échelle métropolitaine, associée au bon fonctionnement retrouvé avec de nouveau un service normal. Cette approche semble héritée directement de la période de la guerre, puisque le ministre du travail Maurice Bellemare défend son projet de loi spéciale pour mettre fin à la grève en paraphrasant l’arrêté de 1944 contre la grève à la MTC (cf. supra), lui-même issu de la

Loi des mesures de guerre : « Le droit de grève finit où commence le droit du public à la

sécurité, à sa vie, au bon ordre, au mieux-être de la collectivité105 » (Assemblée législative

1967).

100 À propos de Jacques Guilbault, directeur des relations industrielles entre 1966 et 1981, Pierre Vennat (1984),

chroniqueur à La Presse, évoque un « règne […] mouvementé » et une « approche […] très contestée », éventuellement imposée par les dirigeants politiques de la CUM.

101 J. G. Lagacé (1967), gérant général adjoint, mentionne par exemple dans une lettre à Lucien L’Allier le cas d’un

contremaître dont la « fenêtre panoramique de [l]a résidence » a été traversée par un « morceau de ciment ». De même, Laurin (1967) évoque dans son récit des dégâts tout juste réparés « sur les câbles traction de la ligne n°1 »

102 Pour une menace envers un employé au garage Saint-Michel, Baker (1967b) fournit ainsi à Lagacé les noms de la

victime, d’un témoin policier et des grévistes, matricules comprises; il liste le lieu, le jour et l’heure précise; et enfin il joint les deux témoignages sous serment et précise qu’une plainte sera déposée.

103 Outre le récit du contremaître Laurin, préparatoire à d’éventuelles poursuites, des notes peu structurées font

allusion à un certain nombre de consignes, destinées au premier échelon hiérarchique, pour identifier tout employé défendant le maintien de la grève malgré une injonction de la cour (Anonyme 1967b).

104 On trouve dans les archives un compte-rendu détaillé d’assemblée générale (Baker 1967a) et de nombreux tracts

sont apportées en preuve aux suites judiciaires (Reid 1967).

105 L’argument individualiste du contribuable qui a droit à « son service à lui » (sic) puisque, « grève ou non », il paye

pas sans lien avec le fait que les commissaires de la CTM étaient « essentiellement des militaires de la Seconde Guerre mondiale » (Labrecque interrogé in Fadil, Toulouse et Hafsi 2013), peut plus largement se retrouver dans le discours académique de l’époque, par exemple dans l’analyse du juriste Harry Arthurs (1967), centrée sur le maintien de la production économique au nom de la sécurité nationale et de l’intérêt public. L’hypothèse « métropolitaine »