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L'information sectorielle à publier selon la réglementation française.

Chapitre premier : L'environnement réglementaire de l'information sectorielle

Section 1 L'information sectorielle à publier selon la réglementation française.

La réglementation de la publication d’informations comptables sectorielles se trouve formalisée dans plusieurs textes :

 au plan mondial : norme IAS 14 (mars 1981) ;

 au plan européen : 4° directive (Art. 43 pt. 8) et 7° et directive (Art. 34 pt. 8) ;

 au plan national : décret du 29-11-1983 (Art. 24 pt. 21), décret du 23-03-1967 (Art. 248-12 pt. 13) et dans le cadre du rapport de gestion : loi du 24-07-1966 sur les sociétés commerciales article 356 alinéa 2.

§1 Compétence des différentes réglementations.

A - La normalisation internationale.

Les normes internationales ne peuvent pas être considérées comme un texte de loi au sens strict du terme. Le CNC5 précise que :

"les recommandations publiées en conclusion de ces travaux n’engagent que les signataires de la charte de cet organisme et leurs engagements ne peuvent prévaloir sur les obligations qu’ils ont dans le cadre national".

Ainsi, d'un point de vue juridique, les normes de l’IASC ne sont pas obligatoires pour les sociétés françaises.

Il convient de noter que la France est représentée au sein de cette organisation par la CNCC et par l’OEC. Les experts-comptables et les commissaires aux comptes se sont donc engagés à mettre en application les normes internationales. Toutefois, bien qu’ils puissent prendre en compte les normes internationales dans l’accomplissement de leur mission, ils ne peuvent obliger les entreprises à les appliquer.

En dehors de l’aspect purement légal, les comptes sociaux ou consolidés peuvent être établis selon différentes normes. Si l’entité souhaite présenter ses comptes selon les normes internationales et l’indique dans l’annexe, elle a alors l’obligation de respecter ces

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normes. Selon les personnes à qui s’adressent les comptes, l’application des normes internationales peut devenir une obligation de fait. Une société ou un groupe de sociétés qui recherche un financement au plan international devra être en mesure de présenter ses comptes par rapport aux normes internationales.

B - La réglementation européenne.

L’article 55 de la constitution française du 4 octobre 1958 place dans la hiérarchie des lois les traités internationaux (régulièrement ratifiés ou approuvés) au-dessus du droit national. Les directives européennes entrent dans cette catégorie. Il est indiqué dans la 4ième directive, traitant des comptes annuels des sociétés et dans la 7ième directive, traitant des comptes consolidés, que les entreprises doivent présenter dans l'annexe :

"la ventilation du montant net du chiffre d'affaires (…) par catégorie d'activité, ainsi que par marché géographique, dans la mesure ou, du point de vue de l'organisation de la vente des produits et de la prestation des services correspondant aux activités ordinaires de la société, ces catégories et marchés différent entre eux de façon considérable".

Ces demandes sont précises en ce qui concerne l'information à publier. En revanche, il n'y a pas de précision en ce qui concerne la forme de la présentation (délimitation des secteurs notamment). Les directives européennes n'étant pas destinées à se substituer aux réglementations nationales, ce manque de précision est tout à fait normal. En effet, l’article 189 du traité de Rome stipule que :

"la directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens".

C'est donc aux textes nationaux des pays de l'Union Européenne d'imposer aux entreprises de présenter la ventilation du chiffre d'affaires par secteurs d'activité et par zone géographique et de préciser comment cette information doit être construite et présentée.

C - Conséquences au plan national.

D’un point de vue strictement légal, les sociétés françaises ne sont soumises qu’aux obligations contenues dans les textes nationaux. Elles ont toutefois la possibilité de présenter une information plus riche dans la mesure où ces textes n’imposent qu’un minimum obligatoire dans un contexte national.

L’étude conduite par POURTIER [1995] sur un ensemble de 80 entreprises françaises6 montre que toutes ne respectent pas toujours les obligations édictées par la loi. Ce phénomène peut être dû à l’absence de sanction pour le non respect de cette réglementation. En effet, les deux seuls organes qui pourraient infliger cette sanction sont la COB (si la société est cotée en bourse) et le Commissaire aux Comptes. Toutefois, l’information sectorielle n’étant qu’un élément parmi un ensemble plus vaste, ces organes ne peuvent sanctionner un défaut en la matière si les autres informations comptables publiées sont satisfaisantes.

§2 Les textes légaux nationaux.

Les trois références légales françaises en matière d’information sectorielle sont pauvres et éparses par rapport à la normalisation internationale.

A - Références légales.

Les trois références légales sont :

Le décret du 29 novembre 1983, article 24 (informations à publier dans l’annexe des comptes sociaux si elles ont une importance significative), point n°21 :

"Ventilation du montant net du chiffre d’affaires par secteur d’activité et par marché géographique ; si certaines de ces indications sont omises en raison du préjudice grave qui pourrait résulter de leur divulgation, il est fait mention du caractère incomplet de cette information".

Le décret du 23 mars 1967, modifié par le décret du 17 février 1983, article 248-12 (informations à publier dans l’annexe des comptes consolidés si elles ont une importance

significative), point n°13 :

"La ventilation du chiffre d’affaires consolidé par secteurs d’activité et par zones géographiques".

La loi sur les sociétés commerciales, (modifiée par la loi n°85-705 du 12 juillet 1985), article 356 alinéa 2 :

"Le conseil d’administration, le directoire ou le gérant d’une société rend compte dans son rapport de l’activité et des résultats de l’ensemble de la société, des filiales de la

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société et des sociétés qu’elle contrôle par branche d’activité. Lorsque cette société établit et publie des comptes consolidés, le rapport ci-dessus mentionné peut être inclus dans le rapport sur la gestion du groupe".

Ces textes sont en conformité avec la 4ième et la 7ième directive européenne puisqu'ils imposent la publication de la ventilation du chiffre d'affaires par secteurs d'activité et par secteurs géographiques.

B - Extension aux documents intérimaires.

L'article 297 du décret du 23 mars 1967, modifié par le décret du 1er mars 1985, impose à certaines sociétés la publication au bulletin des annonces obligatoires :

"(…) par branches d'activités, le montant net du chiffre d'affaires du trimestre écoulé et, le cas échéant, de chacun des trimestres précédents de l'exercice en cours et de l'ensemble de cet exercice, ainsi que l'indication des chiffres d'affaires correspondants de l'exercice précédent. Celles d'entre elles qui établissent et publient des comptes consolidés publient le montant de leur chiffre d'affaires consolidé selon les mêmes méthodes. Si l'une de ces indications est de nature à porter gravement préjudice à la société, la publicité de cette indication peut être écartée."

Les sociétés soumises à cette obligation sont :

 celles dont les actions sont inscrites à la cote officielle (premier marché) ;

 celles qui émettent des certificats d'investissement inscrits à la cote officielle (premier marché) ;

 les sociétés inscrites à la cote du second marché.

Bien que les textes ne le précisent pas, on peut considérer que la ventilation du chiffre d'affaires par branches d'activité doit être présentée dans les documents du premier semestre puisque les sociétés qui ont l'obligation de présenter des comptes semestriels sont les mêmes que celles soumises à la publication trimestrielle du chiffre d'affaires par branches d'activité.

C - Précisions du Plan Comptable Général.

Le plan comptable reprend l'obligation de publication du chiffre d'affaires par "catégories d'activités" et par "marchés géographiques" dans l'annexe des comptes sociaux (PCG, page II.75, point 15). Ce document précise que cette présentation sera effectuée si les catégories d'activités ou les marchés géographiques "diffèrent entre eux de façon très

importante et pour autant que la loi n'en dispense pas l'entreprise en raison du préjudice que la publication d'une telle ventilation pourrait lui porter".

Cette obligation de publication est aussi reprise dans l'annexe des comptes consolidés (PCG, page II.171). Dans ce cas, le plan comptable ne prévoit pas de dispense de publication en raison du préjudice que pourrait subir l'entreprise.

Au delà de la publication de la ventilation du chiffre d'affaires, le PCG demande celle des immobilisations "par zone géographique ou monétaire et par secteur d'activité" (PCG, page II.170). Toutefois, si la direction estime que cette information ne présente pas un caractère significatif, elle n'est pas à fournir. Il n'y a donc pas obligation de présenter cette information.

Au delà de l'indication de cette obligation, aucune information n'est apportée sur la manière de préparer et de présenter l'information sectorielle.

§3 Présentation de l’information sectorielle.

A - Mise en pratique dans les comptes.

Dans les comptes, la seule obligation de publication d'information sectorielle correspond à la ventilation du chiffre d’affaires par secteurs d'activité et par secteurs géographiques. Les entreprises ont la possibilité de présenter la ventilation des Produits

des activités courantes plutôt que celle du chiffre d'affaires (CNC, Avis du 27 mars 1985).

Selon la COB7, cette grandeur, dont la ventilation par branches d'activité et par secteurs géographiques apparaît plus logique que celle du chiffre d'affaires, est en effet plus utile aux actionnaires et aux investisseurs potentiels.

Cette publication peut être omise dans les comptes sociaux et dans les comptes consolidés si le dirigeant estime qu’elle peut faire subir un "préjudice grave" à l’entreprise. Dans ce cas, il sera fait mention de l’omission dans l’annexe, mais l'entreprise n'a pas à

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indiquer les motifs de cette omission. Cette position n'est pas identique à celle de l'IASC8. La 14ième norme internationale indique sur ce point que même si cette information peut favoriser la concurrence, elle remet sur un pied d'égalité les entreprises qui exercent leur activité dans plusieurs secteurs avec celles qui l'exercent dans un seul secteur (§8)9. L'OEC souhaite que la position française soit maintenue. Les observations apportées en réponse à l'exposé-sondage E51 (IASC [1995]) portent essentiellement sur le point suivant :

"nous souhaiterions que les entreprises puissent ne pas fournir d'information sectorielle si elles sont liées par le secret professionnel ou si la divulgation d'une telle information conduisait à (les) défavoriser par rapport à des concurrents non astreints à une obligation de publication." Lettre du 15 juillet 1996 de l'OEC à l'IASC.

Toutefois, la COB10 a précisé que cette omission devait avoir un caractère exceptionnel et qu'elle relevait de la pleine responsabilité des organes sociaux, sous le contrôle des commissaires aux comptes. Par ailleurs l'absence de la publication de cette information peut être contraire aux demandes des directives européennes (citées ci-dessus) qui ne prévoient pas cette exonération. De plus en 1984, le Ministre de la Justice indiquait dans une réponse ministérielle11 que les Tiers devaient avoir droit à la même information que les actionnaires :

"Il apparaît contraire, tant à la lettre qu'à l'esprit de la 4ième

directive et de la loi française, de priver les tiers, à la protection desquels elle prétend ainsi contribuer, des informations auxquelles les associés et les actionnaires ont accès pour guider leurs décisions en assemblée. La publicité de l'information financière, loin de nuire à la marche de l'entreprise, est de nature à renforcer la sécurité des transactions commerciales et à améliorer les relations de l'entreprise avec ses partenaires."

Selon ce texte, une information financière qui permet à l'actionnaire de mieux évaluer son entreprise ne doit pas être cachée aux tiers. Lorsque l'entreprise considère que la présentation de la ventilation du chiffre d'affaires par secteur peut lui porter préjudice, cette ventilation contient des informations qui ne sont pas encore connues en dehors des

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Cette position a été adoptée par l'ASC au Royaume-Uni. Ainsi sa 25ième norme intitulée "Segmental

Reporting" envisage cette exonération (§43). On la retrouve également dans les réglementations allemande

et japonaise. En revanche, les Etats-Unis ne prévoient pas cette exonération.

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Les rédacteurs du BULLETIN COMPTABLE et FINANCIER [1996] estiment que la réponse à cette question

réside dans la comparabilité des informations sectorielles publiées. Si toutes les entreprises présentent cette information avec les mêmes règles et la même finesse, il n'y a plus de désavantage concurrentiel. En revanche, les règles qui se fondent sur les caractéristiques de l'entreprise (significativité à 10% d'une variable comptable interne, délimitation des secteurs fondée sur une approche managériale pure et simple, utilisation des méthodes comptables internes) ne permettent pas cette comparabilité et peuvent entraîner un déséquilibre dans le jeu de la concurrence.

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Bulletin n°166, janvier 1984, p. 6.

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organes de direction de l'entreprise. Dans la plupart des cas, cette information serait utile aux actionnaires pour évaluer leur entreprise et guider leurs décisions en assemblée. Le fait d'omettre cette information pour que les tiers ne puissent pas en prendre connaissance est donc contraire à la réponse ministérielle.

La loi ne précise pas la manière de préparer et de présenter l'information sectorielle. Ainsi, il n’existe aucune indication en ce qui concerne la délimitation des secteurs, la comparabilité des informations dans le temps ou le traitement des prestations internes.

En l'absence de précision légale, c'est à l'organe de direction qu'il incombe de définir les secteurs. Cette position est conforme avec la norme internationale12 qui précise :

"On peut délimiter de plusieurs façons les secteurs d’activité et les secteurs géographiques. Il incombe à la direction de faire preuve de discernement lorsqu’elle procède à la délimitation des secteurs en vue de la présentation de l’information financière."

L’information sectorielle étant intégrée dans l’annexe, il n’y a pas d’obligation en matière de comparabilité d'un exercice sur l'autre. Toutefois la COB demande que les informations soient communiquées sur deux années. Une étude menée par la REVUE

FIDUCIAIRE COMPTABLE [1989] indique qu’il serait intéressant que l’information sectorielle soit communiquée sur la série chronologique la plus longue possible (3 ans ou 5 ans). Dans ce cas, les différents chiffres présentés dans une même annexe doivent être comparables entre eux (présentation pro forma).

B - Mise en pratique dans le rapport de gestion.

Le rapport de gestion ne fait pas réellement partie des comptes de l’entreprise. Toutefois, il est disponible en même temps et de la même manière que les comptes. Dans la mesure où il contient de l’information sectorielle, il est difficile de l’écarter de notre propos.

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En l'absence de texte législatif ou réglementaire indiquant comment délimiter les secteurs, l'entreprise doit se référer à des éléments de doctrine. Dans ce cadre, la norme IAS 14 peut être définie comme un texte doctrinal. En développant cette notion, l'entreprise pourrait se référer à ce texte toute les fois que la loi n'indique pas comment l'information sectorielle doit être présentée.

La loi indique que le rapport de gestion doit comprendre des informations sur l’activité et les résultats de l’entreprise par branches d'activité. La notion de branche d’activité correspond à la notion de secteur d’activité.

Ici encore, la loi ne permet pas de définir d’une manière précise le contenu de l’information à publier. D’après l’étude menée par la REVUE FIDUCIAIRE COMPTABLE

[1989] cette information peut être présentée en trois parties :  Description de la branche.

 Situation de la branche (évolution de l’activité, analyse de certaines données sectorielles : chiffres d’affaires, résultat courant, investissement, effectifs…).

 Résultats des filiales et des sociétés contrôlées.

C - formalisation de la présentation de l'information sectorielle.

L’information sectorielle se trouve en définitive présentée dans deux types de documents : comptes annuels (répartition du chiffre d’affaires) et rapport de gestion (autres informations). Si l’entité étudiée est une société qui contrôle d’autres sociétés (cas relativement fréquent), cette information peut apparaître sous différentes formes dans quatre documents : rapport de gestion sur la société, rapport de gestion sur le groupe, comptes sociaux et comptes consolidés.

Par rapport à ce problème, l’étude menée par la REVUE FIDUCIAIRE COMPTABLE

[1989] émet trois propositions :

 Fusionner les deux rapports de gestion (cette option est explicitement prévue par la loi).

 Ne pas reproduire dans l’annexe des comptes sociaux et consolidés les informations sectorielles incluses dans le rapport de gestion.

 Elargir l’information sectorielle (dans le rapport de gestion) par un commentaire approprié et des informations par sous segment, le cas échéant.

Ces différentes propositions n’ont rien de contraire à la réglementation en vigueur. Elles correspondent à une certaine organisation des recommandations prévues par la loi. Toutefois, elles n'intègrent pas l'évolution potentielle de la réglementation française vers la normalisation internationale existante. De ce fait, certaines critiques peuvent être émises à l'encontre de ces propositions. En premier lieu il convient de noter que les comptes annuels

sont dans la plupart des cas accompagnés du rapport de gestion, mais que ce dernier ne fait pas partie des comptes annuels. Ainsi, les propositions préconisées entraîneraient la disparition de toute information sectorielle des comptes annuels. En second lieu, le rapport de gestion est beaucoup moins formalisé et précis que l’annexe en ce qui concerne les règles de présentation et le contenu13. Si l’on souhaite obtenir une information de qualité homogène entre les différentes entreprises, il est souhaitable de maintenir la présentation de l’information sectorielle dans l’annexe, même si l’information obligatoire est très pauvre. Enfin, il est vraisemblable que les objectifs poursuivis par une publication d’informations sectorielles dans le rapport de gestion soient différents de ceux poursuivis par une publication de ce type dans l’annexe.