• Aucun résultat trouvé

Mécanismes de formation et de transformation des sulfures de fer impliqués dans les processus de corrosion induits par les bactéries

III.2 Influence du rapport R = Fe/S sur la cristallisation du précipité initial

62

III.2 Influence du rapport R = Fe/S sur la cristallisation du précipité initial

Préambule :

Le rapport des concentrations molaires en fer et soufre, R = Fe/S, joue un rôle sur le pH initial des solutions. Pour R = ½, le pH est supérieur à 12, tandis que pour R = 1, il est voisin de 7. En effet, sachant que l’apport de sulfures provient du sel Na2S, l’excès d’ions S2-, correspondant aux rapports R <1, entraine une hausse du pH initial (rappelons que le pK du couple acido-basique HS-/S2- est voisin de 17). Au contraire, un excès d’ions ferreux (R > 1) entraine une diminution du pH par rapport au mélange stœchiométrique Fe/S = 1 pour lequel le pH est proche de la neutralité. Ainsi, l’influence du rapport R est-elle partiellement liée à celle du pH.

III.2.1 Cas des rapports R • 1

Pour les rapports Fe/S supérieurs à 1, on observe une évolution continue du spectre Raman lors du vieillissement des précipités à température ambiante (voir Figure. III.5 page

suivante). Le pic à 208 cm-1 reste inchangé alors que le pic à 283 cm-1 s’estompe au profit d’une bande à 290 cm-1, bien visible sur le spectre du précipité vieilli 19 heures. Finalement cette dernière bande de vibration se décale jusqu’à une position de 298±1 cm-1 pour ne plus évoluer par la suite. De plus on remarque également qu’une petite bande de vibration apparaît vers 256 cm-1.

Le petit pic à 355 cm-1 sera discuté dans la suite et correspond à une oxydation de Fe(II) en Fe(III). On notera qu’il est présent ou non et plus ou moins intense sans rapport avec la durée de vieillissement, ce qui corrobore l’hypothèse selon laquelle il serait dû à une légère oxydation accidentelle de l’échantillon.

Chapitre III : Mécanismes de formation et de transformation des sulfures de fer impliqués dans les processus de corrosion induits par les bactéries sulfurogènes

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

63

Figure III.5 : Evolution de la position des pics Raman de la mackinawite lors du vieillissement en suspension à température ambiante. R = 1

Les diffractogrammes des produits vieillis plusieurs semaines à température ambiante ou à 96°C sont présentés sur la figure III.6 (page suivante). Ils sont tous les deux constitués de pics de diffraction relativement fins et caractéristiques de la mackinawite. Il a été possible de calculer les paramètres de maille à partir de la position des pics d001 et d200 : a = b = 2d200 = 0,3678 nm et c = d001 = 0,5045 nm. Ces valeurs sont cohérentes avec celles habituellement reportées pour la mackinawite FeS [6,9,10] (cf chap. I, §4.3).

On note que l’échantillon vieilli à 96°C présente des pics de diffraction nettement plus fins que le précipité vieilli à température ambiante. Pourtant, la durée de vieillissement est beaucoup plus faible. Ce résultat démontre que pour une mackinawite nanocristalline évoluant dans une solution de pH neutre, le seul effet d’une augmentation de la température de ~22°C à 96°C est une accélération des processus de cristallisation.

Chapitre III : Mécanismes de formation et de transformation des sulfures de fer impliqués dans les processus de corrosion induits par les bactéries sulfurogènes

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

64

Figure III.6 : Diffractogramme (CuK

α

) d’un précipité obtenu à R = 3/2 et vieilli 215 jours à température ambiante (gauche) et d’un précipité obtenu à R = 1 et vieilli 52 jours à 96°C

(droite)

Les spectres Raman obtenus via l’analyse d’échantillons de mackinawite cristallisée, c’est-à-dire donnant des diffractogrammes X où les quatre principaux pics sont clairement visibles, sont tous quasiment identiques. Un exemple typique est présenté sur la figure III.7.

Figure III.7 : Spectre Raman du sulfure de fer obtenu pour R = 3 après 50 jours de vieillissement à température ambiante

Chapitre III : Mécanismes de formation et de transformation des sulfures de fer impliqués dans les processus de corrosion induits par les bactéries sulfurogènes

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

65

Ce spectre Raman est donc celui qui caractérise la mackinawite FeIIS. Il n’avait jamais été reporté dans la littérature. On peut noter qu’il est composé d’un pic principal à 298 cm-1 et de deux pics secondaires à 209 et 259 cm-1. Les 2 pics à 356 et 386 cm-1 sont dus à une oxydation partielle de la mackinawite, comme nous le verrons plus loin (voir section III.4).

Il apparaît clairement que les spectres Raman de la mackinawite cristallisée et de la mackinawite nanocristalline sont voisins. Les changements induits sur le spectre Raman sont en effet dus à la cristallisation et les spectres sont ceux d’une même phase dans deux états physiques différents. Le premier pic, à 208 cm-1, pourrait être attribué à un mode de vibration de réseau. Le réseau étant le même, on peut donc concevoir que ce pic reste à la même position quelque soit le degré de cristallinité. Le pic principal, qui se décale de 281 à 298 cm-1 au cours de la cristallisation, pourrait être associé à un mode de vibration lié à l’élongation des liaisons Fe-S. Dans ce cas, l’augmentation du nombre d’onde associé, qui correspond à une augmentation de l’énergie de vibration, correspondrait à la diminution des distances interatomiques moyennes qui accompagne toujours un phénomène de cristallisation, et qui induirait un renforcement des liaisons Fe-S.

Il est clair que l’interprétation de ces spectres Raman demande une étude complémentaire détaillée qui n’entrait pas dans le cadre de cette thèse.

III.2.2 Cas du rapport R = ½

Les analyses des précipités obtenus au rapport Fe/S = ½ et vieillis en suspension à température ambiante sont présentées sur la figure III.8 (page suivante). La signature Raman n’a pas évoluée. Après 70 jours, le spectre est toujours constitué de deux pics à 208 et 282 cm

-1

caractéristiques de la mackinawite nanocristalline.

De fait, les diffractogrammes témoignent également que la cristallisation n’a que très peu progressé. Cependant, un certain amincissement des « bosses » de diffraction (A-D) est observé. Plus particulièrement, les bosses A et D sont situées dans des domaines angulaires voisins de ceux des pics de diffraction 001 et 200 de la mackinawite. On peut donc en conclure que les processus de cristallisation ont eu cours mais de façon beaucoup plus lente comparativement à ce qui s’est passé pour les rapports Fe/S supérieurs à 1.

Chapitre III : Mécanismes de formation et de transformation des sulfures de fer impliqués dans les processus de corrosion induits par les bactéries sulfurogènes

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

66

Figure III.8 : (gauche) Spectre Raman du précipité obtenu pour R = 1/2 après 5 et 70 jours de vieillissement et (droite) diffractogramme X du même composé après 14 jours de

vieillissement

Figure III.9 : diffracto-gramme X du précipité (R = 1/2) vieilli 52 jours à 96°C. Les pics de diffraction de la mackinawite sont repérés par les indices de Miller correspondant

Chapitre III : Mécanismes de formation et de transformation des sulfures de fer impliqués dans les processus de corrosion induits par les bactéries sulfurogènes

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

67

Le vieillissement à 96°C des précipités obtenus (à température ambiante) avec le rapport Fe/S = ½ a conduit à des diffractogrammes qui témoignent de la formation de nouvelle(s) phase(s) (Figure III.9). Le précipité a néanmoins partiellement cristallisé sous forme de mackinawite avec une orientation préférentielle le long de la direction [001]. En effet, le pic de diffraction 001 présente une intensité relative particulièrement élevée. Ceci indique que la cristallisation a progressé, contrairement à ce qui se produit à température ambiante. Cependant, de nouveaux pics apparaissent à 7,7°, 9,0°, 14,6° et 18,3° quelque soit le sel ferreux utilisé comme réactif. Ceci indique qu’il ne s’agit pas d’un composé contenant des sulfates ou des chlorures. Ce composé reste à identifier. Il est probablement caractéristique des milieux très basiques. Notre sujet de thèse ayant surtout trait à des milieux neutres ou acides, nous n’avons poursuivi plus loin cette étude.

En conclusion, la cristallisation de la mackinawite est clairement inhibée au rapport Fe/S = ½. Ce peut être dû soit à l’excès de sulfure, soit à la valeur élevée du pH. Des expériences complémentaires ont été menées au rapport R = 1. Nous avons ajouté, à l’issue de la précipitation de la mackinawite nanocristalline, de la soude à la suspension afin d’en augmenter le pH. La cristallisation a été inhibée. Ainsi, l’effet majeur est lié au pH et non à l’excès de sulfure. Il est probable que la cristallisation de la mackinawite implique des mécanismes de dissolution-reprécipitation. Nous pouvons supposer que la dissolution de la mackinawite nanocristalline est très lente à des pH élevés, peut-être à cause de l’adsorption d’ions OH- ou S2- à la surface des nanocristallites.