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de L. monocytogenes

La filière porcine, de l’abattoir à l’usine de transformation, est particulièrement sensible au risque de contamination par L. monocytogenes, du fait de son portage dans le tractus intestinal ou sur la peau des porcs, de la contamination croisée, en particulier, dans les chambres froides et les salles de découpe (Giovannacci et al., 1999).

Au cours du procédé de fabrication des lardons, de nombreux facteurs physico-chimiques sont contrôlés et permettent de limiter le développement de L. monocytogenes. En fonction des opérations unitaires, différentes stratégies sont employées pour garantir la qualité hygiénique des lardons.

2-1. Désossage, découennage et parage

Dans les salles de découpe, le maintien d’une température inférieure ou égale à 2°C limite ou inhibe la prolifération microbienne. Cependant, Listeria est un germe psychrotrophe (Larpent, 2000), c'est-à-dire que sa croissance, même si elle est ralentie, est possible jusqu’à des températures de l’ordre de 1°C. Par exemple, dans du pâté de porc, l’abaissement de la température de 10°C à 4°C allonge le temps de latence (lag) de L. monocytogenes d’un facteur sept et multiplie le temps de génération par environ trois (Farber et al., 1995).

Dans du jambon cuit stérile (pH 6,2), le temps de latence de L. monocytogenes est divisé par trois, lorsque la température passe de 4°C à 8°C ; le temps de génération est, quant à lui, divisé par deux (Devlieghere et al., 2001).

La température minimale permettant la croissance de Listeria est également liée à la valeur

des autres paramètres environnementaux : elle augmente, lorsque le pH est acide et l’aw basse

(Koutsoumanis et al., 2004).

2-2. Saumurage

2-2.1. Chlorure de sodium

En début de procédé, les poitrines de porc ont une aw proche de 0,99, très favorable au

développement bactérien. Lors du saumurage, l’ajout de chlorure de sodium permet de réduire

l’aw à des niveaux compris entre 0,96 et 0,97 (en moyenne, il y a 3% de chlorure de sodium

dans les lardons (AFSSA, 2002)), ce qui limite le développement de Listeria. En effet, des études réalisées sur du saumon montrent que, pour un même pH et une même concentration en acide lactique, l’augmentation du pourcentage de chlorure de sodium de 3,5 à 5,2% (mesure dans la phase aqueuse) multiplie le temps de génération de Listeria par deux. A 8,9% de chlorure de sodium, la croissance de Listeria est inhibée (Dalgaard et Jorgensen, 1998).

Des études ont montré que Listeria pouvait survivre dans de la saumure contenant 22% de chlorure de sodium (Ryser et Marth (1996), cités par Chawla et al (1996)). La saumure peut donc être à l’origine de contamination croisée entre des poitrines de porc contaminées par

Listeria et d’autres saines. En effet, lors de l’injection de la saumure, les aiguilles peuvent être

contaminées avec les Listeria présentes en surface de la viande, et ensuite, contaminer la saumure qui va être injectée dans d’autres poitrines, dont la viande en profondeur est stérile (Gill et al., 2005).

Pour les lardons comme pour le jambon cuit (aw supérieure à 0,97 (Stekelenburg et

Kant-Muermans, 2001)), même après saumurage, l’aw n’est pas suffisamment basse pour éliminer

tout risque de prolifération de Listeria, puisque ce pathogène peut croître dans une gamme d’aw de l’ordre de 0,92 à 1,00 (Bourgeois et al., 1996).

L’aw minimale pour laquelle la croissance de Listeria est possible est également influencée par la valeur des autres paramètres environnementaux : elle augmente, lorsque le pH et la température diminuent (Koutsoumanis et al., 2004).

2-2.2. Inhibiteurs

Les inhibiteurs de la croissance microbienne présents dans la saumure sont : - les acides organiques,

- les sels d’acides organiques - et le nitrite.

L’effet inhibiteur des acides et des sels d’acides organiques est consécutif à leur pouvoir acidifiant (plus faible pour les sels d’acides par rapport aux acides correspondants) mais également, à la nature de l’anion issu de leur dissociation. A la différence des acides, les sels d’acides organiques ont également un pouvoir osmoréducteur.

Listeria a un pH minimal de croissance de l’ordre de 4,3 à 5,0 (Bourgeois et al., 1996). Le

pH minimum au-dessous duquel sa croissance est inhibée est également :

- lié à la valeur de la température et de l’aw : une température et/ou une aw basse(s)

augmente(nt) le pH minimal de croissance (Koutsoumanis et al., 2004),

- influencé par l’acide utilisé pour ajuster le pH (Durand, 1999). L’efficacité antimicrobienne des acides organiques est supérieure à celle de l’acide chlorhydrique et décroît dans l’ordre suivant : acide acétique, lactique, citrique (Sorrells, 1989). Rosso (1995) a lié l’effet inhibiteur des acides organiques à leur pKa : plus le pKa de l’acide est élevé, plus l’acide est inhibiteur.

Dans les aliments, les acides faibles sont majoritairement sous forme dissociée. C’est la forme non dissociée qui a l’effet antibactérien principal : non chargée, elle pénètre dans la cellule bactérienne, puis se dissocie. Elle entraîne alors une baisse du pH intracellulaire, conduisant à un dérèglement de la pompe à protons, productrice d’énergie sous forme d’ATP. Privée d’énergie, la bactérie ne peut plus assurer les fonctions indispensables à sa survie (Bourgeois et al., 1996).

De plus, en fonction de leur nature, les acides inhibent spécifiquement certaines voies enzymatiques. Par exemple, les ions lactate inhibent les enzymes impliqués dans la conversion de l’acide pyruvique en acide lactique (Houtsma et al., 1994). Une modification de la physiologie et des activités métaboliques bactériennes a également été démontrée en présence d’ions acétate (Jensen et al., 2003).

L’utilisation d’acides et de sels d’acides organiques en charcuterie/salaison est très fréquente (Durand, 1999). Sur des rondelles de saucisse de Bologne conservées à 4°C, l’addition de 1,8% de lactate de sodium augmente de 33% le temps de génération de Listeria.

Il est doublé, lorsqu’une combinaison de 1,8% de lactate de sodium et de 0,25% de diacétate de sodium est utilisée (Barmpalia et al., 2005). Sur du jambon conservé à 4°C, la croissance de Listeria est inhibée en présence de 2,5 ou 3,3% de lactate de sodium ou de 0,2% de diacétate de sodium. A ces pourcentages, les inhibiteurs n’ont pas d’influence significative sur le goût ou la couleur du jambon (Stekelenburg et Kant-Muermans, 2001).

L’effet inhibiteur du nitrite de sodium sur la croissance de Listeria a été mis en évidence par de nombreux auteurs (Vignolo et al., 1998 ; Leistner, 1999). Il est fortement influencé par le pH, la température et la concentration en chlorure de sodium (Durand, 1999).

L’abaissement de l’aw, lors de l’ajout de nitrite de sodium, explique en partie son effet

inhibiteur. La forme active du nitrite pourrait également être l’acide nitreux non dissocié (Cammack et al., 1999), mais le mode d’action de cet inhibiteur n’est cependant pas encore clairement expliqué.

2-3. Etuvage

Au cours de cette étape, les poitrines passent d’une température de réfrigération à des valeurs pouvant atteindre 30 à 45°C, lorsque l’étuvage est réalisé à basse température, et jusqu’à 50-55°C, lorsque l’étuvage est effectué à haute température.

La température maximale au-delà de laquelle la croissance de Listeria n’a plus lieu est de l’ordre de 45°C (Bourgeois et al., 1996). L’étuvage basse température est un procédé particulièrement sensible, car il se déroule dans un domaine de température très favorable à la croissance de Listeria, celle-ci étant la plus rapide à 37°C.

Lorsque l’étuvage est réalisé entre 50 et 55°C, il permet de détruire une partie de la population, et ainsi, de réduire le taux de contamination. Dans ce domaine, une élévation

minime de la température réduit fortement le temps de réduction décimale (Dθ) de Listeria

(c'est-à-dire le temps nécessaire pour diviser par dix la concentration bactérienne), comme présenté dans le Tableau 3.

Tableau 3 : influence de la température θ (°C) sur le Dθ (min) pour Listeria cultivée dans de la saucisse fermentée (ICMSF, 1996)

Température (°C) Dθ (min)

48,9 99-107

52,0 38-42

54,4 20

Outre la température, qui est le paramètre influençant majoritairement la destruction thermique de Listeria, la valeur du temps de réduction décimale est également modifiée par de nombreux facteurs liés au procédé, à la matrice ou à la bactérie.

9 Facteurs liés au procédé :

- la vitesse d’élévation de la température (Tableau 4),

- l’historique de température : dans de la saucisse de foie, la destruction de Listeria à 60°C est deux fois plus rapide, lorsque la température de croissance préalable au choc est de 19°C plutôt que 37°C (Bhaduri et al (1991), cités par Doyle et al (2001)) ; - les chocs préalables (acide, thermique ou autre) permettent à Listeria de mieux résister à la chaleur (Doyle et al., 2001). Par exemple, dans de la viande hachée, le nombre de Listeria détruites lors d’un chauffage à 64°C est plus faible lorsque les bactéries ont subi au préalable un traitement thermique de 30 minutes à 48°C (Farber, 1989) ;

- la formulation : dans de la viande hachée de porc (Yen et al., 1991) ou de bœuf (Passos et Kuaye, 2002), l’addition de chlorure de sodium jusqu’à 3% limite la destruction de L. monocytogenes. L’ajout de nitrite (200 ppm), nitrate (300 ppm) dans les produits à base de viande, est également corrélé avec une augmentation du temps de réduction décimale à 60, 65 ou 70°C (Mackey et al., 1990 ; Doyle et al., 2001). Le

D60 de Listeria dans la viande de bœuf augmente, lorsque le pH augmente de 5,6 à 6,2

(Jorgensen et al., 1999). En revanche, l’ajout de lactate de sodium favorise la destruction thermique de Listeria (Yen et al (1992), cités par Doyle et al. (2001)).

Tableau 4 : influence de la vitesse d’élévation de température de la viande de porc sur le D62 de Listeria (Doyle et al., 2001)

Vitesse d’élévation de la température (°C.min-1) D62 (min)

1,3 9,2

2,2 6,2

8,0 5,5

9 Facteurs liés à la matrice :

- L. monocytogenes est plus résistante à la chaleur dans les aliments solides que dans des bouillons de laboratoire (Murphy et al., 2000),

- la teneur élevée en gras (30%, comparativement à 2%) ralentit la destruction de

9 Facteurs liés à la bactérie :

- la souche : il est cependant complexe de classer les différentes souches de Listeria, puisque les études de destruction thermique sont rarement réalisées dans les mêmes conditions (état physiologique, préculture, milieux) (Doyle et al., 2001),

- l’état physiologique : les bactéries sont moins résistantes en phase exponentielle de croissance qu’en phase stationnaire (ICMSF, 1996),

- les cellules de L. monocytogenes adhérées à un support sont plus résistantes à la chaleur que les cellules planctoniques (Frank et Koffi, 1990).

2-4. Fumage

Lors du fumage, deux paramètres influent sur le développement de Listeria : la température qui est supérieure à la température maximale de croissance, et à un degré moindre, les constituants de la fumée liquide qui sont des inhibiteurs de croissance.

L’effet inhibiteur de la fumée liquide est aussi dû à son pouvoir acidifiant (présence d’acide acétique). Lorsque l’acide acétique est utilisé seul, le pH minimal au-dessous duquel la croissance de Listeria est inhibée est compris entre 5,0 et 5,2 (Farber et al., 1989).

Les fumées contiennent d’autres composés qui ont un effet inhibiteur, en particulier, le formaldéhyde et les composés phénoliques (Niedziela et al., 1998 ; Sunen et al., 2001). Certaines études ont mis en évidence que l’isoeugénol était le composé actif des fumées (Faith et al (1992), cités par Doyle (1999)), alors que pour d’autres, c’est la concentration en phénols totaux qui est déterminante (Sunen, 1998). Cependant, dans cette même étude, Sunen souligne que, pour plusieurs fumées du commerce, les concentrations à ajouter pour observer un effet inhibiteur optimum sont génératrices de goûts désagréables.

Dans de la chair de saumon, Poysky et al. (1997) ont montré que l’ajout de fumée liquide diminuait de 24,4°C la température à partir de laquelle une partie de la population de Listeria était détruite.

2-5. Cubage

Lors du cubage, les températures sont négatives et peuvent atteindre -8°C. Aucune bactérie pathogène alimentaire ne peut se multiplier dans ces conditions ; une faible fraction de la population peut même être détruite. Cependant, la majeure partie des bactéries retrouve leur potentiel de croissance, lorsque les températures redeviennent positives (Bourgeois et al., 1996).

Comme pour la destruction thermique à température élevée, l’effet bactériostatique (ou faiblement bactéricide) des températures négatives est influencé par le procédé (vitesse d’abaissement de température, temps d’exposition aux basses températures), le produit (teneur en eau, pH) et la bactérie (état physiologique, espèce).

2-6. Conditionnement

Au cours du conditionnement, quatre paramètres limitent ou inhibent le développement de

Listeria :

- les températures négatives,

- l’ajout d’acide lactique ou de lactate de sodium (paragraphe 2.2.2), - l’ajout de bactéries lactiques (biopréservation)

- et la mise sous atmosphère modifiée (en général, de l’azote).

Pour des raisons technologiques, la température est comprise entre -12 et -15°C. Dans ces conditions, la population bactérienne n’évolue pas et une très faible proportion est même détruite.

Des bactéries lactiques, principalement du genre Lactobacillus, sont ajoutées aux lardons pour inhiber le développement de bactéries pathogènes ou d’altération (Demeyer, 2004). Les souches utilisées sont principalement sélectionnées pour leur antagonisme vis-à-vis de

Listeria. Elles doivent également pouvoir survivre aux températures de réfrigération, tolérer la

présence de chlorure de sodium, se développer rapidement dans la viande et ne pas en modifier les propriétés sensorielles (Vermeiren et al., 2004). Les bactéries lactiques sont, en

général, ajoutées à des concentrations supérieures à 106 cellules par gramme de produit

(Durand, 1999). De nombreux travaux réalisés dans de la viande de porc ont montré l’inhibition de Listeria par des bactéries lactiques ou les bactériocines qu’elles produisent (Mataragas et al., 2003 ; Sabia et al., 2003).

En règle générale, les barquettes de lardons sont mises sous atmosphère modifiée, principalement sous azote. Listeria est peu exigeante vis-à-vis de ses besoins en oxygène. Elle peut se développer en aérobiose ou anaérobiose (ICMSF, 1996). Cependant, la présence d’azote, donc la baisse de la concentration en oxygène, peut contribuer à ralentir sa croissance. La concentration en Listeria dans de la viande de bœuf, conservée durant cinq jours à 10°C sous atmosphère modifiée (60% d’oxyde de carbone/40% d’azote/0,4% de monoxyde de carbone), est dix fois plus faible par rapport à une conservation sous un mélange 70% d’oxygène/30% d’oxyde de carbone (Nissen et al., 2000).

Par ailleurs, Liserre et al. (2002) ont mis en évidence que l’inhibition de Listeria par une souche de Lactobacillus sakei était plus efficace sous atmosphère modifiée. Ils ont émis l’hypothèse d’une production de bactériocine plus conséquente, lorsque la concentration en oxygène diminuait.

2-7. Stockage

La stabilité et la sécurité microbienne des lardons jusqu’à leur date limite de consommation sont assurées par une combinaison de plusieurs facteurs. Le maintien d’une température basse (inférieure à 4°C) est la condition la plus importante. Elle permet d’allonger le temps de latence et d’augmenter le temps de génération de Listeria. Cependant, elle n’est pas suffisante pour inhiber son développement ; c’est pourquoi, l’ajout de chlorure de sodium et d’inhibiteurs lors du procédé de fabrication, la conservation sous atmosphère modifiée, de même que le respect des règles d’hygiène sont indispensables pour garantir la qualité microbiologique du produit.