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1.3. Rations riches en AGn-3LC

1.3.1. Influence des glycérophospholipides sur l'action de l'insuline

Nous avons vu que l'insuline est une hormone qui favorise l'anabolisme protéique par l'activation d'une cascade de signalisations intracellulaires. Nous avons également vu que l'alimentation pouvait influencer la composition en acides gras des glycérophospholipides des cellules musculaires. Voyons maintenant comment la nature des glycérophospholipides peut réguler l'action de l'insuline dans le muscle.

1.3.1.1. Effet de l'environnement lipidique sur le fonctionnement des protéines intramembranaires

Les lipides et les protéines membranaires ont une liberté de rotation et de mouvement latéral (Garrett et Grisham, 2000) et les recherches effectuées au cours des 35 dernières années ont montré que le compartiment hydrophobe de la bicouche lipidique influence plusieurs aspects des fonctions cellulaires. Ainsi, des changements dans la composition en lipides des membranes peuvent affecter le fonctionnement et l'activité des protéines intramembranaires en modifiant leur environnement (Clandinin et coll., 1985).

Une portion significative d'un enzyme transmembranaire est plongée dans la phase lipidique. Ces protéines ne sont pas des molécules rigides autour desquelles une bicouche lipidique se déforme lors des changements de conformation. Il s'agit plutôt de macromolécules souples qui se déforment également pour permettre les plus fortes interactions possibles avec les glycérophospholipides. Par conséquent, leur efficacité est affectée par la constitution de la bicouche lipidique environnante (Lee, 2004). Il a également été proposé que la nature des glycérophospholipides exerce un effet en influençant l'activité moléculaire des protéines intramembranaires par un transfert plus ou moins grand d'énergie durant leurs collisions intermoléculaires (Hulbert et Else, 1999).

Cette composition, ajoutée à la température, détermine la fluidité et l'épaisseur de la membrane et est principalement fonction du degré d'insaturation et de la longueur des chaines hydrocarbonées des acides gras qu'elle contient et du positionnement de ces insaturations.

D'abord, le degré d'insaturation des acides gras joue un rôle important quant à l'entassement et aux déplacements des glycérophospholipides. Parce que les acides gras saturés présentent moins de liaisons covalentes que les insaturés, leur squelette est très flexible et il en résulte un entassement plus dense des glycérophospholipides dans la bicouche lipidique (Kelley et coll., 2002). La fluidité de la membrane plasmique peut donc être régulée par l'action relative des désaturases en agissant sur la composition en acides gras des glycérophospholipides (Sprecher et coll., 1995).

Ensuite, il est possible que le positionnement des insaturations d'un acide gras puisse avoir un effet sur la fluidité de la membrane. L'axe longitudinal des acides gras est considéré comme perpendiculaire au plan de la membrane, mais le désordre de la chaine hydrocarbonée croît vers son extrémité (vers le milieu de la bicouche) (Garrett et Grisham, 2000). Seuls les AGn-3LC sont en mesure d'enfouir une insaturation très profondément dans la partie médiane de la bicouche. Les conséquences fonctionnelles d'un tel positionnement restent encore à être pleinement appréciées, mais il est logique de penser que cela pourrait mener à un entassement réduit des glycérophospholipides contenant une haute proportion d'AGn-3LC, comparativement aux AGn-6LC

Enfin, la longueur des chaines hydrocarbonées des glycérophospholipides influence la fluidité de la membrane (Gunstone et coll., 1994). Plus les acides gras des glycérophospholipides possèdent de longues chaines hydrocarbonées, plus la membrane est épaisse. Toute variation d'épaisseur de la membrane résulte en une modification de conformation des protéines intramembranaires. Cette épaisseur peut s'éloigner ou s'approcher de celle requise pour assurer une activité maximale de la protéine (Lee, 2004). Il existe des évidences qu'un changement de longueur des chaines hydrocarbonées affecte l'activité d'une grande variété de protéines membranaires. Notamment, il en est ainsi pour les (Ca2+-Mg2+)-ATPases (East et Lee, 1982; Starling et coll., 1993), les Ca2+-ATPases (Caffrey et Feigenson, 1981), les Na,K-ATPases (Cornelius, 2001; Cornelius et coll., 2003), les Na-ATPases (Cornelius, 2001), les

diacylglycérol kinases (Pilot et coll., 2001) et les transporteurs de glucose (Carruthers et Melchior, 1988).

1.3.1.1.1. Influence des AGn-3LC sur les récepteurs insuliniques du muscle

Les récepteurs de l'insuline (IR) et leur fonction stimulée par l'hormone sont sensibles à leur environnement lipidique (Field et coll., 1989). Lorsque l'insuline se lie au domaine fixateur extracellulaire du récepteur transmembranaire, le domaine tyrosine-kinase intracellulaire de ce dernier s'active par une série d'autophosphorylations (Alberts et coll., 2002). Des études effectuées chez des rats où une incorporation d'acides gras polyinsaturés a eu lieu dans les membranes suite à une alimentation contenant un haut ratio d'acides gras polyinsaturés / saturés (P/S) ont montré que les récepteurs des adipocytes liaient plus d'insuline que ceux provenant des rats alimentés d'une ration contenant un faible ratio P/S (Field et coll., 1988; Field et coll., 1990). Il en est de même pour le muscle squelettique chez des rats nourris d'une ration à teneur élevée en AGn- 3LC provenant d'huile de poisson, chez qui les récepteurs insuliniques étaient plus actifs que les rats qui recevaient une ration faible en n-3 (Liu et coll., 1994). Une ration riche en AGn-3LC peut donc augmenter l'activité des récepteurs insuliniques.

Les AGn-3LC fournis par l'alimentation augmentent la sensibilité à l'insuline des cellules musculaires par l'augmentation du nombre de récepteurs insuliniques à leur surface (Taouis et coll., 2002). En effet, le nombre de liaisons insuline-récepteur était plus élevé dans les sarcomeres des muscles squelettiques de rats alimentés d'une ration riche en n-3 que ceux alimentés d'une ration standard (Liu et coll., 1994). Cette augmentation du nombre de récepteurs de l'insuline par cellule a été également observée chez des rats dont les glycérophospholipides ont été enrichis en acides gras polyinsaturés par l'ingestion d'huile de tournesol (Ginsberg et coll., 1982). Ainsi, en présence d'une concentration physiologique d'insuline simulant un état alimenté (100 - 150 pU/mL), les cellules enrichies en acides gras polyinsaturés présentaient plus de deux fois plus de récepteurs que les cellules des rats non enrichis.

Les AGn-3LC des glycérophospholipides favorisent l'activation de la voie de signalisation intracellulaire insulinique. Après la fixation des molécules d'insuline aux récepteurs suivie de leur autophosphorylation, les résidus tyrosine phosphorylés des récepteurs eux-mêmes

et subséquemment des substrats des récepteurs (IRS-1) vont offrir des sites d'ancrage pour d'autres molécules de la voie insulinique. Une étude effectuée chez des bouvillons a révélé qu'un enrichissement des membranes des muscles squelettiques en AGn-3LC par une infusion abomasale d'huile de menhaden a mené à une augmentation d'activation d'Akt de 141 %, de mTOR de 474 %, de S6K1 de 209 % et une tendance pour l'augmentation de la 4E-BP1 de 130 % (Gingras et coll., 2007). De plus, une tendance à l'expression accrue du transporteur de glucose GLUT4 (133 %) a été observée. Une étude a été effectuée chez des rats ayant consommé une ration riche en gras (58 % de l'énergie ingérée) enrichie ou non en AGn-3LC. Bien que l'abondance des récepteurs de l'insuline dans les membranes des muscles squelettiques soit demeurée stable avec la ration riche en n-3, cette diète a permis de prévenir une diminution de la phosphorylation du résidu tyrosine du récepteur de l'insuline et du IRS-1, ainsi qu'une diminution de l'activité de la PI3K en comparaison à la diète témoin (Taouis et coll., 2002).

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