• Aucun résultat trouvé

III. TROISIEME PARTIE : L’ENTRETIEN FAMILIAL

III.4. Présentation des thérapies dites « brèves »

III.4.3. La relation thérapeutique

III.4.3.5. Influence de M Erickson

Milton H. Erickson, psychiatre, ancien adepte des théories psychodynamiques, a révolutionné les techniques hypnothérapeutiques et tient une place importante dans l’histoire des thérapies brèves. Il rencontre en 1940, Bateson, et collabore plus tard avec John Weakland et Jay Haley. Ses travaux ont été observés et réutilisés en thérapie brève, et ont fait évoluer de manière substantielle les techniques thérapeutiques stratégiques.

129

M. Erickson a particulièrement développé l’art de la communication verbale et non verbale, et les moyens de nouer une relation thérapeutique de qualité, empreinte de respect et propice aux innovations des patients. Il a étudié les moyens pour installer un contexte de changement (Erickson M., 1999) [67].

Il utilise avec finesse et subtilité les formes de langage (langage permissif et métaphorique, suggestions indirectes et composées…) pour aider certains patients à « voir », « sentir » autrement leurs troubles et à modifier leur perspective de leur situation.

Parmi les aspects principaux qui ont eu le plus d’influence, on peut retenir l’absence d’a

priori sur le patient, le contact avec lui « sur son propre terrain », la progressivité du changement et

la construction de situations dans lesquelles le patient apprend à modifier son jugement des faits.

Cinq idées directrices ont été retenues par les observateurs du travail d’Erickson :

- Il avait un objectif précis, pour éviter les dérives utopiques et savoir décider du moment où la thérapie est terminée.

- Il usait de son influence bienveillante pour obtenir le changement.

- Il se focalisait sur le présent et, si le passé se manifestait, il examinait en quoi ce passé exerçait une influence dans la vie présente du patient.

- Il utilisait un langage injonctif et savait prescrire au patient une action visant à lui permettre d’expérimenter un autre type de relation à autrui et à soi-même.

- Il employait le langage du patient. “Langage” est ici représentant de la vision du monde, de l’ensemble des croyances et des valeurs, dont il est rendu compte par le discours, les images et les métaphores.

Sa pensée se trouve bien exprimée dans l’extrait suivant de ses écrits (Erickson, 1999) : « La raison première pour laquelle on entreprend une psychothérapie n’est pas le fait qu’on cherche à être éclairé sur un passé auquel on ne peut plus rien changer mais tient à ce que l’on est insatisfait du présent et que l’on veut un avenir meilleur. Dans quelle direction et à quel degré le changement est nécessaire, cela, ni le patient ni le thérapeute ne le savent. Mais un changement intervenant dans la situation présente est nécessaire et, une fois réalisé, aussi petit soit-il, ce changement rend nécessaires d’autres changements mineurs, et un effet boule de neige fait que tous ces petits changements ajoutés mènent à d’autres changements plus considérables variant selon les

130

potentialités du patient. La question de savoir si les changements sont fugaces ou permanents ou évoluent pour apporter d’autres changements plus significatifs, est d’une importance vitale qui conditionne toute compréhension du comportement humain qui soit utile à soi-même et aux autres. J’en suis venu à considérer qu’une grande partie de ce que j’ai fait revenait à accélérer le cours du changement déjà en ferment dans la personne et dans la famille, mais il s’agissait de ferments qui avaient besoin de l’inattendu, de l’illogique et d’une soudaine altération pour qu’ils portent leurs fruits de façon tangible ».

L’objectif thérapeutique est de permettre de transposer les expériences et les apprentissages passés dans le problème (Kerouac, 1989) [123]. Cela permet, dit-il, de découvrir une nouvelle dimension à la situation dans laquelle les patients sont enfermés.

Si dans la vision analytique, l’inconscient est un réservoir pulsionnel, il est, dans la vision de l’hypnose ericksonienne, un réservoir de ressources « dans lequel, entre autres, deux potentiels, adaptatif et rééducatif, sont emmagasinés et prêts à être mis au service d’un apprentissage. (…) C’est le lieu où le sujet peut trouver, avec l’aide contextuelle du thérapeute, les solutions non utilisées, ses capacités restées intactes, non explorées » (Kerouac, 1989) [123]. C’est la partie la plus riche de l’individu, et l’enjeu thérapeutique est celui de l’accès aux ressources de changement et d’apprentissage.

La métaphore thérapeutique offre une alternative à la réalité perçue par le patient.

Par exemple, dans un cas de frigidité, Erickson demande à la patiente d’imaginer dans les moindres détails comment elle s’y prendrait pour dégivrer son réfrigérateur... Il propose à un couple où le mari présente des éjaculations précoces de se promener dans toute la ville pour le faire arriver à un restaurant situé à 5 minutes de son domicile… Il n’évoque jamais le problème sexuel ; le langage figuratif limite les effets de censure et constitue une sorte de rêve à l’envers : contrairement au rêve “normal” représentant l’expression d’un conflit intérieur, le langage métaphorique est une intervention active.

Autre exemple: plutôt que d’aborder directement les relations sexuelles des deux conjoints, Erickson s’intéresse à leur façon de se retrouver: ainsi la femme explique qu’elle apprécie les amuse- gueule avant le dîner et le mari préfère manger le plat principal directement. Elle prend son temps

131

pour manger, alors que son mari expédie le repas. Si le couple commence à faire le rapprochement avec la sexualité, Erickson change de conversation, mais peut y revenir en fin de séance en proposant une tâche mettant en scène un repas.

La métaphore thérapeutique implique un recadrage analogique au niveau inconscient et une nouvelle compréhension de la situation qui favorise l’autonomie du sujet en faisant appel à sa créativité, et aide à développer des stratégies personnelles (Erickson M., 1999) [67].

Documents relatifs