• Aucun résultat trouvé

II. La corrosion des objets archéologiques ferreux en présence de chlore

2. La dégradation à très long terme des objets archéologiques en fer dans les sols

2.2. Influence du chlore sur l'altération du fer dans les sols

2.2.1. Les phases chlorées identifiées sur les objets archéologiques

Contrairement aux objets issus de fouilles marines, peu d’études concernent l’identification des produits de corrosion contenant du chlore formés sur les objets archéologiques ferreux enfouis dans les sols4.

Zucchi et al (Zucchi et al., 1977) s’intéressent à l’étude d’objets archéologiques ferreux issus d’une tombe

4 Les études qui traitent des produits de corrosion formés en milieu marin ne seront pas détaillées ici. Il faut

simplement noter que FeOCl est un composé présenté comme le produit prédominant de corrosion contenant du chlore, notamment dans les objets issus de fouilles marines [37]. Ce composé, instable en présence d'oxygène, est présenté comme une phase intermédiaire conduisant à la formation d'akaganeite [38]

Chapitre I : synthèse bibliographique

35

Gallique du IVème siècle avant JC (Pianetto, Forli, Italie). Les produits de corrosion sont majoritairement

constitués de goethite et magnétite mais également, la présence d’akaganeite, identifiée par diffraction des rayons X (DRX), a été montrée. Ces auteurs jugent l'akaganeite comme entièrement responsable de la dégradation des objets. Malheureusement cet article très succin, mais qui a le mérite d'être précurseur, a étudié très peu d'objets. De plus, les analyses ont simplement qualitatives : elles utilisent la diffraction des rayons X à l'échelle macroscopique, ce qui implique un mélange complexe de phases. Enfin, l'étude ne fournit aucune indication quant à la teneur en chlore des produits de corrosion identifiés.

P. Arnould-Pernot (Arnould-Pernot, 1994 ; 1995) a réalisé des études sur des produits de corrosion de clous ferreux. Le premier lot de clous maintenait la roue d'un char Romain, issu de fouilles terrestres d'un site archéologique daté du IVème siècle avant JC (Marainville sur Madon, Vosges). Les produits de

corrosion recensés sur ces objets après analyse par DRX sont constitués de magnétite, goethite et d'akaganeite. De plus, il a été montré par fluorescence X et microscopie optique et électronique, que le chlore était principalement localisé au contact du métal, dans de petites poches de quelques dizaines de micromètres. Le second lot de clous provenait d'un site daté de l'époque Mérovingienne, du Vème au

VIIème siècle après J.C. (Chatel Saint Germain, Moselle). Quelques pulvérulences de couleur brun-orangé

présentes dans les produits de corrosion de ces objets, sont caractéristiques de phases chlorées. De plus les analyses ont révélé la présence d'akaganeite avec un taux de chlore relativement important (10 %atomique). Cependant la caractérisation et la quantification des phases ont été réalisées en DRX et par fluorescence X en utilisant donc un macro faisceau. Ceci signifie que les données fournissent des renseignements toutes phases confondues. Il est donc difficile d'identifier précisément des phases minoritaires sur ces diffractogrammes complexes.

L'analyse de produits de corrosion de clous Romains issus de fouilles terrestres par Rinuy et al (Rinuy, 1981) a permit de voir que la quantité de chlore se trouvant à la surface du noyau métallique est presque aussi important que celle répartie dans l'ensemble des couches de corrosion (environ 4/5). Ceci signifie la destruction à plus ou moins long terme, du noyau métallique puis de l'objet. L'analyse par DRX des produits de corrosion de ces clous a permis de conclure sur la présence de trois phases: la goethite, la lépidocrocite et la magnétite. En revanche, le composé akaganeite n'a pas été identifié. Mais selon Rinuy et al (Rinuy, 1981) le fait de ne pas identifier de produits de corrosion chlorés indique que leur quantité est sans doute trop faible pour avoir une chance d'être détectée dans le petit prélèvement effectué pour les analyses de DRX et serait de plus inférieure à la limite de détection de cette méthode d'analyse. Ce qui démontre encore une fois la limite de l'utilisation de mesures à l'échelle macroscopique.

Chapitre I : synthèse bibliographique

36

Les exemples précédents font essentiellement appel à des techniques permettant une analyse à l'échelle macroscopique. Or quelques rares travaux ont permis une identification locale et structurale à l'échelle, plus précise, du micromètre des produits chlorés présents dans les couches de corrosion.

Dans ses travaux, E. Pons (Pons, 2002) indique la présence de rouilles vertes chlorurées GR1, identifiées par spectroscopie Raman. Ce composé est du même type que celui identifié par F. Trolard et al (Trolard et al., 1997). Malheureusement les spectres obtenus ne présentent qu'une une seule bande caractéristique de cette phase, de plus, cette analyse a été réalisée suite à un polissage aqueux et demande à être confirmée. Le chlore a également été répertorié comme présent dans les produits de corrosion sous la forme d'oxyhydroxyde comme l'akaganeite β–FeOOH et une seule fois sous la forme de β–Fe2(OH)3Cl (Neff, 2003 ; Neff et al., 2005). Ces composés se localisent au niveau de l'interface

M/CPD, dans les échantillons du corpus où ils sont présents. Comme pour les travaux d'E. Pons (Pons, 2002), le polissage n'a pas été effectué hors d'eau afin d'éviter des possibles reprises de la corrosion, qui auraient pu provoquer la formation et évolution des phases chlorées.

2.2.2. Mécanismes mis en jeu : accumulation des chlorures

Pour expliquer l’accumulation des chlorures dans les couches de corrosion au cours de l'enfouissement, un mécanisme a été proposé par Turgoose (Turgoose, 1985) et Weizhen et al. (Weizhen et al., 2004). Les auteurs considèrent que la surface du fer va peu à peu être recouverte par les produits de corrosion peu solubles, du fait de la précipitation des phases constituant les produits de corrosion, conduisant à une sorte de passivation. Les sites anodiques et cathodiques de la réaction seraient ainsi séparés. L’isolation de la région anodique provoque une augmentation de l’acidité au niveau de l'interface M/CPD. L’oxygène diffuse depuis le milieu environnant et est réduit dans la couche, tandis que les ions Fe2+ sont

oxydés en Fe3+ au niveau de l'interface M/CPD. Ceux-ci réagissent ensuite selon la réaction d'hydrolyse

de Fe2+ suivante (4) :

Fe2+ +H

2OpFeOH+ + H+

FeOH+ + H

2O p Fe(OH)2 + H+

La génération locale d'acide à l'interface métallique produit une diminution du pH. Parallèlement cette augmentation de l'acidité accélère le processus de corrosion. L'électroneutralité de la solution est maintenue par la présence d’ions Cl–. Ceux-ci, du fait de leur forte mobilité, diffusent depuis

l’électrolyte environnant et se concentrent à l’interface métal/produits de corrosion. Les chlorures sont alors piégés dans les pores et fissures des produits de corrosion les remplissant de solution de chlorure ferreux et produisant un enrichissement local en chlorure. En conclusion, ce processus conduit à une augmentation de l'acidité d'une part, via l'hydrolyse, et de la concentration en Cl– d'autre part, via leur

Chapitre I : synthèse bibliographique

37

migration. Ce réservoir de chlorures sera fatal pour l'objet après sa mise au jour (voir annexe n°1, p209). Cette hypothèse de mécanisme est attrayante mais est basée sur peu de données expérimentales. Il manque en effet une validation sur les échantillons archéologiques eux même en prenant en compte la distribution et caractérisation fine des produits de corrosion. Cependant il faut noter que ce mécanisme d’acidification de l’interface n’a lieu que dans le cas où l'hypothèse de couches conductrices, permettant le découplage des réactions électrochimiques qui entrent en jeu lors du processus de corrosion du fer, est vérifiée. Or il semble que cette hypothèse soit en contradiction avec ce qui a été mis en évidence par les études de la corrosion à long terme du fer dans les sols présentées précédemment (Neff, 2003 ; Vega, 2004). En effet, les auteurs concluent sur le fait que les deux réactions ont justement lieu au niveau de l’interface métallique. Ceci sera donc à éclaircir lors de la présente étude.