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3 Inflammation

3.3 Inflammation dans la fibrose kystique

3.3.1 Mécanismes étiologiques

La présence des marqueurs de l’inflammation a été largement rapportée dans les voies respiratoires de FK et l’infection chronique a longtemps été considérée comme l’étiologie principale (Cantin et al., 2007). Cependant, la mise en évidence d’une augmentation du niveau d’expression des molécules pro-inflammatoires en dehors de toute infection, ainsi qu’une infiltration pulmonaire de neutrophiles chez des fœtus de 24 semaines (homozygotes p.Phe508del.) démontrent une origine intrinsèque probable de cette inflammation. En effet, la molécule d’adhésion ICAM-1, la métalloprotéase MMP1, les chimiokines Groβ et Groγ ainsi que le COX-2 ont une expression plus marquée dans les poumons des fœtus de FK (Verhaege, 2007).

Parallèlement aux voies respiratoires, l’intestin des patients de FK présente des caractéristiques en faveur d’un processus inflammatoire chronique. Les mécanismes causaux qui demeurent mal élucidés semblent découler davantage de la défectuosité génique. En effet la présence des marqueurs inflammatoires dans l’intestin de FK est parfois détectée même en l’absence de symptômes gastro-intestinaux (A. Munck, 2014). Il est aussi rapporté que les sujets porteurs d’une pancréatite chronique associée à une insuffisance pancréatique en dehors du contexte de la FK ne présentent pas d’inflammation duodénale (A. Munck, 2014). L’examen endoscopique de la muqueuse intestinale rapporte la présence de lésions œdémateuses et érythémateuses ainsi que des ruptures de la muqueuse et des ulcérations franches. En outre, la mesure de la calprotectine fécale révèle une élévation significative chez les patients de FK insuffisants pancréatiques. Leurs valeurs atteignent 258 µg/g de selles comparativement à des valeurs physiologiques inférieures à 50 µg/g (Werlin et al., 2010). La calprotectine est sécrétée par les neutrophiles et sa présence traduit une inflammation de la muqueuse intestinale. Cette inflammation intestinale chronique a été démontrée sur des modèles in vivo de souris knockout pour le CFTR. Ces dernières développent spontanément la maladie inflammatoire de l’intestin. En effet, l’analyse histologique de l’intestin confirme la présence d’une infiltration par des cellules immunitaires notamment des mastocytes et des neutrophiles(Norkina, Kaur, Ziemer, & De Lisle, 2004). Cette infiltration immunitaire a également été décrite dans la lamina propria

de patients de FK insuffisants pancréatiques. Elle se caractérise par la présence de cellules mononuclées exprimant des marqueurs inflammatoires tels que la molécule d’adhésion cellulaire ICAM-1, IL-2 et l’interféron-gamma (Raia et al., 2000). De même, le liquide de lavage intestinal de sujets FK, insuffisants pancréatiques et asymptomatiques révèlent une élévation significative d’albumine, d’IgG, d’IgM, d’élastase neutrophile, d’IL8 et d’IL1 comparativement aux sujets contrôle (Smyth, Croft, O'Hea, Marshall, & Ferguson, 2000). La modulation de l’expression génique des marqueurs de l’inflammation a été évaluée dans des modèles in vivo par microarray. Les résultats rapportent que la plupart des gènes régulés positivement ou négativement sont associés à l’inflammation (Norkina, Kaur, et al., 2004). Les autres gènes sont impliqués dans les voies métaboliques du métabolisme lipidique. Le déséquilibre en AGE dans la FK est pro-inflammatoire et les déficits en vitamine liposolubles notamment en vitamine E contribuerait à l’inflammation. Il existe une corrélation entre le statut en vitamine E, le statut en AGPI et l’inflammation. Ces études soulignent l’étroitesse du lien entre l’inflammation et le métabolisme lipidique dans cette affection (Sabharwal, 2016).

Plusieurs hypothèses ont été émises afin d’identifier les mécanismes étiologiques de l’inflammation intestinale de la FK. Les troubles, hydro-électrolytiques induisent une perte du volume et de la fluidité des sécrétions qui associées à l’acidité anormale dans la lumière intestinale entrainent une accumulation de mucus. La digestion, l’absorption, la motilité et le microbiote intestinal sont affectés favorisant l’émergence de l’inflammation (A. Munck, 2014). Certaines hypothèses suggèrent que la protéine CFTR soit un régulateur négatif du NF-κB : la première hypothèse stipule que le dysfonctionnement du CFTR entraine une différenciation incomplète des cellules sécrétrices, inhibitrices de l’expression des cytokines impliquées dans la genèse de l’inflammation chronique et de la fibrose pulmonaire. La deuxième propose que l’inhibition du canal CFTR induise une augmentation de la translocation nucléaire de NF- κB avec pour conséquence une augmentation de l’expression des cytokines pro-inflammatoires. La troisième décrit le canal ENAC comme un activateur potentiel de NF-κB. Ainsi, sa régulation négative par le CFTR dans les conditions physiologiques, contribuerait à l’inhibition de ce facteur de transcription (Cohen & Larson, 2005; Lebowitz et al., 2004). D’un autre abord, la protéine CFTR mutée est elle-même décrite comme responsable de l’activation du NF-κB et

d’AP-1. Ceci se ferait par le biais de protéines chaperonnes impliquées dans la voie d’activation de TNF-α puis de NF-κB. Cette activation pourrait également découler d’une augmentation du calcium intracellulaire et des taux de céramides tels que décrits dans les cellules FK. Ces mécanismes impliqueraient également les kinases IKK et ERK (A. Garcia, Shankar, Murugappan, Kim, & Kunapuli, 2007; Knorre, Wagner, Hans-Eckart Schaefer, Colledge, & Pahl, 2002; Ogretmen & Hannun, 2004).

Dans ce contexte, le stress du RE et l’activation du NF-κB qui lui est imputée pourraient donc être considérés comme une étiologie potentielle de l’inflammation.

Une autre voie proposée est celle du peroxisome-proliferator-activated receptors (PPAR). Leur l’expression réduite dans les tissus déficients pour la CFTR altère l’inhibition du NF-κB et abouti à la survenue de l’inflammation (Ollero et al., 2004).

L’étroite interaction qui existe entre le SOx et l’inflammation sous-entend que l’un soit instigateur de l’autre et vice-versa (Cantin et al., 2007; Hansen et al., 2006). En effet, la présence massive de ROS décrite dans la FK est aussi reconnue comme une source d’inflammation. Les ROS sont capables d’activer plusieurs voies de signalisation incluant les facteurs de croissance, les protéines kinases, les facteurs de transcription NF-κB et AP-1 et en définitive induire la transcription de gènes cibles de l’inflammation. Si l’activation des facteurs de transcription et leur translocation nucléaire requiert un signal oxydatif dans le cytoplasme, leur liaison à l’ADN des gènes régulateurs de l’oxydation et de l’inflammation exige au contraire un statut réduit dans le noyau. Ceci étant assuré par Trx (SH)2 et facteur effecteur redox 1 (Ref1) (Allen & Tresini, 2000; Bloom, Dhakshinamoorthy, & Jaiswal, 2002).

Par ailleurs, les manifestations respiratoires de la FK ont été associées à des niveaux bas de GSH dans le liquide épithélial bronchique. L’augmentation des concentrations en GSH a également été décrite comme un moyen de défense efficace contre les dommages oxydatifs induits par les stimuli inflammatoires (Day et al., 2004).

Ces données conduisent à admettre que dans la FK, l’inflammation est constitutive et d’intensité modérée. Elle sera toutefois exacerbée par la survenue d’infections chroniques. L’activation du facteur de transcription NF-κB constitue un maillon central dans le processus de cette inflammation qui pourrait toucher volontiers tous les organes exprimant le CFTR. En ce qui concerne l’intestin, la présence de l’inflammation chronique est démontrée même si les causes

ne sont encore clarifiées. Son lien direct avec la défectuosité du CFTR semble probable et mérite d’être davantage exploré, et de même pour la voie du NF-κB.

3.3.2 Caractéristiques

L’inflammation dans la FK est de type chronique caractérisée essentiellement par une neutrophilie massive, source importante d’IL-8 (L. G. Wood et al., 2001) et probablement d’IL- 17 dont le lien avec la neutrophilie et l’excès de mucus a été rapporté (Brodlie et al., 2011). La production d’IL-8 a au départ été rattachée à l’activation intrinsèque de NF-κB mais elle n’est pas détectable en l’absence de pathogènes et l’ARNm d’IL-8 n’est pas non plus modifié en présence de cette activation (Joseph, Shukitt-Hale, Casadesus, & Fisher, 2005). La neutrophilie massive pourrait s’expliquer par la longévité anormale des neutrophiles due à l’activation du NF-κB qui retarde leur apoptose. Elle contribue sous plusieurs aspects à l’entretien du SOx par la sécrétion des ROS (Cantin et al., 2007; Hansen et al., 2006).