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L'infection correspond à l'invasion et la multiplication de microorganismes dans les tissus de l'hôte, induisant une destruction tissulaire, avec ou sans inflammation.

3.1. Mécanismes physiopathologiques de l'infection du pied diabétique

Une plaie profonde chronique ou récidivante, et des anomalies immunitaires liées au diabète, ainsi que l’ischémie liée à l’artériopathie périphérique prédisposent à l’infection. L'infection est rarement responsable directement d'un ulcère. Elle est le plus souvent

secondaire à une brèche cutanée, dont le principal facteur est la neuropathie périphérique80,81.

40 à 80% des ulcérations du pied diabétique se compliquent d’une infection, dont l’évolution

peut être rapide du fait de l’anatomie particulière du pied82. En effet, le pied est divisé en

loges communicantes, favorisant par contiguïté la diffusion de l’infection aux tissus sous-

jacents (fascias, tendons, muscles, os)81. L’infection est responsable d’une augmentation de la

pression dans la loge, lorsque celle-ci dépasse la pression capillaire, le risque de nécrose

ischémique est élevé83.

L’infection impacte sur l’évolution et le pronostic de l’ulcération. La classification UT (University of Texas) (Tab.8) est la référence dans l’identification de la gravité d’une plaie du

pied diabétique. Elle établit le risque d’amputation en fonction de la présence ou l’absence d’infection et d’ischémie selon la profondeur de la plaie. On constate notamment que l’association d’une infection et d’une artériopathie est un facteur de risque majeur

d'amputation du membre inférieur84.

3.2. Diagnostic et classification de l’infection86

Le diagnostic de l’état infectieux du pied est primordial à double titre. Premièrement, la progression de l’infection pouvant être rapide, le délai de la mise en route d’un traitement antibiotique est important pour limiter son extension et donc le risque d’amputation. Deuxièmement, une antibiothérapie chez tous les patients diabétiques présentant une plaie du pied, notamment ceux ne présentant aucun signe d’infection favoriserait l’émergence de bactéries multirésistantes.

Toutes les plaies étant colonisées par des bactéries, le diagnostic de l'infection du pied

diabétique est clinique et non microbiologique87. Une classification clinique, basée sur des

signes inflammatoires locaux et généraux (Tab.9) est proposée par Société Américaine des Maladies Infectieuses (IDSA, Infectious Diseases Society of America) et le Consensus International (IWGDF: International Working Group on the Diabetic Foot).

Cette classification est la référence pour juger de la sévérité de l’infection du pied diabétique. Toutefois, elle présente des limites, puisque les manifestations cliniques recensées peuvent être atténuées chez les patients porteurs d'une neuropathie ou d'une artérite des membres inférieurs, rendant le diagnostic difficile. D’autres indices peuvent aider à poser le

Tab.8: Classification UT des plaies du pied diabétique et

taux d’amputation en fonction du niveau de classification85.

Lésion

épithialisée superficiellePlaie

Exposition tendon ou capsule Exposition os 
 ou articulation Stade A Pas d'infection Pas d'ischémie 0A (0%) 1A (0%) 2A (0%) 3A (0%) Stade B Infection Pas d'ischémie 0B (12,5%) 1B (8,5%) 2B (28,6%) 3B (92%) Stade C Pas d'infection Ischémie 0C (25%) 1C (20%) 2C (25%) 3C (100%) Stade D Infection Ischémie 0D (50%) 1D (50%) 2D (100%) 3D (100%)

diagnostic d’infection: présence de nécrose, d'un tissu de granulation friable ou décoloré, de sécrétions purulentes, d'une odeur fétide ou l'incapacité d'une plaie correctement traitée à cicatriser88.

3.3. Épidémiologie microbienne

Les prélèvements bactériologiques ne sont indiqués qu'en cas d'infection cliniquement établie, c’est-à-dire qu’à partir du grade 2 de la classification de l’IDSA et du Consensus

International89,90.

Il n'existe pas encore de moyen de faire la distinction entre bactéries pathogènes et non pathogènes. Néanmoins, certaines tendances sont mises en évidence.

L'isolement d'une seule espèce bactérienne sur la culture est en faveur du caractère pathogène de l'espèce isolée. En revanche, si de multiples microorganismes sont isolés,

Tab.9: Système de classification définissant la présence et la sévérité d'une infection d'un pied chez un patient diabétique selon l’IDSA et l'IWGDF1 Grade 1

(Non infecté) Absence de symptômes ou de signes généraux ou locaux d’infection Grade 2

(Infection légère) - Au moins 2 des constatations suivantes sont présentes: • Chaleur locale • Érythème > 0,5–2 cm autour de l’ulcère

• Sensibilité locale ou douleur • Tuméfaction locale ou induration

• Décharge purulente (sécrétion épaisse, opaque à blanchâtre ou sanguinolente)

- Infection touchant seulement la peau et/ou de tissu sous- cutané (sans atteinte des tissus profonds et sans signes généraux)

- Les autres causes de réaction inflammatoire de la peau doivent être éliminées (par exemple : traumatisme, goutte, pied de Charcot aigu, fracture, thrombose, stase veineuse) Grade 3

(Infection modérée)

- Infection touchant les structures plus profondes que la peau et les tissus sous-cutanés (os, articulation, tendon) ou érythème s’étendant à plus de 2 cm des bords de la plaie

- Pas de signes ou de symptômes généraux d'infection (voir ci-dessous)

Grade 4

(Infection sévère) - Toute infection du pied avec signes du syndrome systémique inflammatoire. Ce syndrome se manifeste par 2 ou plus des constatations suivantes :

• Température > 38° ou < 36°C

• Fréquence cardiaque> 90 battements/minute


Fréquence respiratoire > 20 cycles/min ou PaCO2 <32mmHg

• Leucocytose > 12 000 ou < 4 000GB/mm3 ou présence de 10% de formes immatures

notamment à partir d'ulcère superficiel, il est difficile de déterminer quels sont les pathogènes parmi l'isolement.

Dans l'infection du pied diabétique, toutes plaies confondues, les bactéries les plus retrouvées (Tab.10) sont les aérobies gram positif. Le pathogène le plus fréquent et le plus virulent est Staphylococcus aureus, tant dans les infections monomicrobiennes que dans les polymicrobiennes. Les streptocoque β-hémolytiques sont également fréquents, et le plus

souvent dans des infections polymicrobiennes91.

Dans les infections chroniques ou déjà traitées par une antibiothérapie, on isole en association à des cocci gram positif et des bacilles gram négatif, essentiellement des entérobactéries, telles que Proteus mirabilis, Escherichia coli, Klebsiella spp. Dans ce type d'infection, on retrouve également Pseudomomas aeruginosa et d'autres espèces fermentaires. Les anaérobies strictes sont plus fréquentes dans les plaies avec nécrose ischémique ou les plaies profondes. Le plus souvent, elles font partie des infections mixtes avec les

aérobies92.

Tab.10: Pathogènes impliqués dans le pied diabétique89

Type de plaie Pathogènes

Cellulite sans plaie

Plaie superficielle récente sans antibiothérapie récente

Ulcère infecté et chronique (> 1 mois) ou ayant été traité par antibiotique Ulcère avec macération

Plaie > 6 mois, traitement antérieur par antibiothérapie à large spectre

Nécrose, gangrène, plaie malodorante

Streptocoque B-hémolytique et Staphylococcus aureus

S. Aureus et Streptocoque B-hémolytique

S. Aureus et Streptocoque B-hémolytique et entérobactérie

Pseudomonas aeruginosa (souvent associé à d’autres pathogènes)

Cocci gram positifs aérobies (S. Aureus, Staphylocoque à coagulase négative, entérocoque, corynébactéries, Pseudomonas spp)

Bacilles Gram négatifs non fermentatifs ± agents fongiques

Cocci Gram positifs aérobies, Pseudomonas spp, bacilles gram négatif non fermentatifs, anaérobies strictes

3.4. L’ostéite.

L’ostéite se retrouve chez 50 à 60% des infections du pied diabétique93. L’infection se

fait par contiguïté, à partir d’une plaie. Le diagnostic et le traitement restent difficiles et ne font pas l’objet d’un consensus total. Plusieurs éléments d’atteinte osseuse doivent faire suspecter la présence d’une ostéite :

-

exposition osseuse,

-

expulsion spontanée d’un séquestre osseux,

-

ancienneté de la plaie (> 4 semaines)93,

-

plaie bien traitée, notamment avec une décharge stricte ne cicatrisant pas95,

-

contact osseux « rugueux » au moyen d’une sonde métallique stérile à pointe mousse

introduite au travers de l’ulcération. Cet élément a une haute valeur prédictive

positive, mais son absence n’élimine pas le diagnostic d’ostéite96, car ce geste

nécessite un apprentissage et est opérateur dépendant.

-

aspect érythémateux, œdématié en «saucisse» d’un orteil ou la mobilité anormale d’un