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L'implication nécessaire d'un second facteur dans l'apoptose induite par le NAD est venue de la comparaison de différentes souches de souris. Les souris C57BL/6 n'expriment pas l'ART2.1 mais expriment l'ART2.2. à un très haut niveau (Kanaitsuka, T. et al., 1997; Koch-Nolte, F. et al., 1999) et possèdent de ce fait une activité ADP-ribosyltransférase supérieure à celle mesurée chez BALB/c. Cependant, les lymphocytes T des souris C57BL/6 ne sont que très faiblement sensibles aux effets du NAD. Ceci suggère que l'expression de l'ART2.2, bien que nécessaire, n'est pas suffisante pour expliquer les effets du NAD. Par ailleurs, les souris NZW expriment l'ART2.1 mais pas l'ART2.2. et sont donc elles aussi résistantes, en absence de DTT, à l'apoptose induite par le NAD. Pourtant, les lymphocytes T des hybrides [C57BL/6 x NZW] F1, issus de deux lignées résistantes, ont une sensibilité à l'apoptose induite par le NAD analogue à celle des souris BALB/c. La réponse de ces hybrides ne pouvait s'expliquer que par une complémentarité entre l'ART2.2 du parent C57BL/6 et une protéine dont le gène était apporté par NZW qui serait déficiente chez C57BL/6 (Article 1).

6. Identification de P2X

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comme le second facteur impliqué dans les

effets du NAD

L'identification du second facteur impliqué dans la mort cellulaire induite par le NAD est venue d'expériences avec des analogues du NAD. Le [32P]NAD permet de détecter les protéines qui ont incorporé un groupement ribose radioactif transféré par l'activité ADP-ribosyltransférase. Cette technique sensible reste néanmoins contraignante du fait de l'utilisation de la radioactivité difficile à manipuler. Une alternative à cette méthode a été développée basée sur l'utilisation de l'etheno-NAD, un analogue du NAD dont la base adénine est modifiée. Un anticorps monoclonal spécifique du groupement etheno-adénosine a été développé par l'équipe de Santella (Young, T.L. et al., 1988). Cet anticorps, 1G4, permet de suivre l'etheno-ADP-ribosylation des protéines membranaires et offre une alternative à l'utilisation de [32P]NAD (Article 3 et (Krebs, C. et al., 2003)). Ainsi, l'etheno-NAD est apparu comme un substrat des ART. Pourtant, l'etheno-NAD s'est révélé incapable d'induire l'apoptose des lymphocytes T, même à forte concentration. Plus surprenant encore, la pré-incubation des cellules avec 10 µM d'etheno-NAD prévient entièrement des effets du NAD. L'etheno-NAD bien que substrat des ART se comporte donc comme un antagoniste de l'effet apoptotique du NAD sur les lymphocytes T. Cette observation suggérait que le second facteur impliqué dans la réponse des cellules T au NAD était sensible à la modification de la structure de l'adénine. Pour confirmer cette hypothèse, nous avons testé l'activité de deux autres analogues, le nicotinamide hypoxanthine dinucléotide (NHD) et le nicotinamide guanine dinucléotide (NGD) qui ne diffèrent du NAD que par la nature de la base purique. Le NHD et le NGD, comme l'etheno-NAD, n'induisent pas l'apoptose des cellules T et inhibent l'action du NAD (Article 3). Le NHD et le NGD sont cependant des substrats de l'ART2.2 puisque la préincubation des cellules T avec ces molécules inhibe l'etheno-ADP-ribosylation ultérieure attestée par l'absence de marquage par 1G4.

Ces données suggéraient que l'intégrité de l'adénine du groupement ADP-ribose transféré sur les protéines membranaires était nécessaire à l'induction des effets pro-apoptotiques du NAD. Le second effecteur, prédit par les données génétiques, devait donc

être un récepteur sensible à la structure de l'adénosine ou de l'adénosine phosphate du groupement ADPR transféré par les ART sur les protéines cibles. Ceci conduisait à émettre l'hypothèse que le second facteur était un des récepteurs P1 ou P2 sensibles aux purines.

Nous avons rapidement écarté l'implication d'un récepteur P1 du fait que l'adénosine n'induit aucune toxicité sur les cellules T, même à des concentrations supérieures au millimolaire. Pour ce qui est des récepteurs P2, la situation était différente puisque l'ATP est capable d'induire des effets similaires à ceux du NAD bien qu'à des concentrations 100 fois plus élevées (Article 1 et Article 2). Un récepteur à l'ATP de type P2 pouvait donc correspondre aux critères recherchés. Dans la littérature, le récepteur P2X7 a largement été impliqué dans les effets cytolytiques des fortes concentrations d'ATP sur les cellules d'origines hématopoïétiques (Di Virgilio, F. et al., 1998; Di Virgilio, F. et al., 2001). Ce récepteur est notamment exprimé sur les lymphocytes T murins chez qui nous avons pu détecter la présence de l'ARNm correspondant par RT-PCR et de la protéine sur gel avec des anticorps polyclonaux du commerce (Article 2). L'une des caractéristiques du récepteur P2X7 est de former, lorsqu'il est stimulé de manière prolongée, un large pore membranaire perméable aux molécules pouvant atteindre 900 Da (Surprenant, A. et al., 1996). L'ouverture de ce pore permet le passage de molécules fluorescentes à l'intérieur de la cellule. L'incubation des lymphocytes T avec de l'ATP provoque ainsi l'incorporation dose dépendante du YO-PRO-1 ou du BET , ce qui confirme la présence d'un récepteur P2X7 fonctionnel à la surface des lymphocytes T murins (Article 2).

Bien qu'il n'existe pas d'agoniste sélectif des récepteurs P2, le profil pharmacologique de réponse obtenu avec différents analogues est souvent caractéristique du récepteur impliqué. Dans le cas des lymphocytes T murins, la faible sensibilité à l'ATP (EC50=300µM) et le profil pharmacologique obtenu (BzATP > ATP > β,γ−meATP) se sont révélés compatibles avec l'implication du P2X7 dans l'apoptose induite par l'ATP. De plus, la préincubation des lymphocytes T avec les antagonistes connus du récepteur P2X7 (KN-62 et oATP) inhibait entièrement l'apoptose induite par l'ATP (Article 2). Le récepteur P2X7 exprimé par les

lymphocytes T murins nous est donc apparu responsable des effets toxiques de l'ATP à forte concentration (>100µM).

Compte tenu de ces observations, le récepteur P2X7 pouvait donc devenir l'effecteur cytolytique activé par l'ADP-ribosylation induite par les ART2 en présence de NAD. Une étude pharmacologique similaire a donc été entreprise pour évaluer le rôle éventuel du récepteur P2X7 dans l'apoptose induite par le NAD. Nos résultats montrent que le NAD, comme précédemment l'ATP, est capable de provoquer l'incorporation du YO-PRO-1 ou du BET dans les lymphocytes T mais pas dans les lymphocytes B (Article 3). Cet effet est caractéristique de la formation d'un pore membranaire tel que décrit lors de l'activation chronique du récepteur P2X7. Il survient dans les 30 min suivant l'addition de NAD et précède à la survenue de la perte de l'intégrité membranaire détectée par l'incorporation de l'iodure de propidium. De plus, les inhibiteurs du récepteur P2X7 (KN-62 et oATP) bloquent la capacité du NAD à induire à la fois la formation de ce pore et l'exposition des phosphatidyl-sérines à la surface cellulaire laquelle témoigne de l'engagement vers le processus apoptotique (Article 3). Ces résultats suggèrent donc fortement que l'apoptose induite par le NAD implique l'activation du récepteur P2X7 suite à l'ADP-ribosylation des protéines membranaires.

Afin de vérifier cette hypothèse, des cellules de la lignée HEK-293 ont été soit simplement transfectées avec le gène codant pour l'ART2.2 ou le P2X7 soit doublement transfectées par ces deux gènes. Seules les cellules doublement transfectées sont apparues sensibles aux effets du NAD démontrant que ni l'ART2.2 ni P2X7 seuls ne sont suffisants. Dans ce modèle cellulaire, comme précédemment sur les lymphocytes T, le NAD induit l'exposition des phosphatidylsérines à la surface des cellules HEK ART2.2+/P2X7+ et l'incorporation du YO-PRO-1 qui témoigne de l'ouverture du pore membranaire (Article 3). Cependant, nous avons constaté que les doses de NAD nécessaires sont, dans ce modèle cellulaire, largement supérieures à celles qui sont actives sur les lymphocytes T normaux. Cette perte de sensibilité vis-à-vis du NAD indique que d'autres facteurs contribuent probablement à une efficacité optimale du processus. Il peut notamment être envisagé que dans ce modèle cellulaire hétérologue la protéine P2X7 qui a été démontrée faire partie d'un

vaste complexe protéique ne se trouve pas dans un environnement adapté (Kim, M. et al., 2001).

Enfin, on pouvait encore envisager que le NAD, via les ART puisse entraîner une libération d'ATP endogène qui à son tour activerait le récepteur P2X7. L'incubation des cellules T en présence de NAD et d'apyrase qui dégrade l'ATP, n'entraînait pas de modification du signal apoptotique induit par le NAD. Cette hypothèse fut donc écartée.

Ainsi, le NAD apparaît comme un effecteur conduisant à faible concentration à l'activation du récepteur P2X7 via l'ART2.2. Deux hypothèses peuvent être proposées quant au mécanisme. Suivant la première (Figure 9, page 78) le récepteur P2X7 serait lui-même une cible des ART et son ADP-ribosylation conduirait à son activation. Alternativement, cette activation procèderait de manière indirecte. Une protéine cible des ART, une fois ADP-ribosylée présenterait de façon efficace le groupement ADPR au site de fixation à l'ATP de P2X7 lors d'interactions étroites protéine-protéine (Figure 10, page 79).

Figure 9: Activation de P2X7 par le NAD. Selon ce modèle, P2X7 serait lui-même la cible de

Figure 10: Activation de P2X7 par le NAD. Selon ce modèle, P2X7 serait activé par le groupement "ADP-ribose" présenté par une protéine cibles de l'ART2.2.

7. Une mutation ponctuelle du récepteur P2X

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chez C57BL/6 est

responsable de sa résistance à l'effet délétère du NAD sur les