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Nous avons démontré au cours de ce travail qu'il existe une voie d'activation du récepteur P2X7 indépendante de l'ATP. Cette voie implique une ecto-enzyme analogue à certaines toxines bactériennes, l'ART2.2, qui utilise le NAD extracellulaire pour catalyser l'ADP-ribosylation de nombreuses protéines membranaires (Article 1). Sur les lymphocytes T murins, l'ADP-ribosylation de ces protéines membranaires induit la stimulation du récepteur P2X7 et conduit à l'initiation d'un processus apoptotique directement responsable de la toxicité exercé par le NAD sur ces cellules (Article 3). Les effets délétères du NAD sur les lymphocytes T sont en partie contrôlés par la régulation fine de l'expression de l'ART2.2 au cours de leur différentiation. Dans le thymus, seuls les lymphocytes T matures CD3High expriment l'ART2.2 (Koch-Nolte, F. et al., 1999). Cependant, pour des raisons que nous n'avons pas explorées ces thymocytes sont tout autant insensibles au NAD que les thymocytes immatures qui n'expriment pas l'ART2.2 (Article 4). Une hypothèse serait qu'ils n'expriment pas le récepteur P2X7. En périphérie, la majorité des lymphocytes T expriment à leur surface l'ART2.2 et P2X7 et sont sensibles à l'apoptose induite par l'ATP et le NAD (Article 1 et 4). In vitro, l'activation de ces lymphocytes matures par la voie du CD3 ou par l'utilisation d'un ester de phorbol stimulant directement les protéines kinases C cytoplasmiques provoque rapidement le clivage de l'ART2.2 par des métalloprotéases de la famille TACE et sa libération subséquente de la surface membranaire (Kahl, S. et al., 2000; Nemoto, E. et al., 1996b). L'activation de ces lymphocytes T conduit, comme on peut donc s'y attendre, à l'acquisition concomitante d'une résistance au NAD (Article 4, et (Liu, Z.X. et al., 2001)). Ex vivo, les lymphocytes T périphériques qui y sont résistants expriment des marqueurs d'activations et correspondent vraisemblablement à des cellules récemment activées ou à des cellules mémoires (résultats non publiés). En accord avec cette interprétation, l'expression de l'ART2.2 sur les lymphocytes T semble corrélée positivement avec l'expression de CD62L mais négativement avec l'expression de CD25 et CD38 (Kahl, S. et al., 2000; Koch-Nolte, F.

et al., 1999). Ces résultats, dans leur ensemble, montrent que la sensibilité à l'apoptose induite par le NAD est restreinte aux lymphocytes T matures et quiescents.

La mise en évidence de concentrations élevées de NAD dans les sites inflammatoires induits par le Biogel, nous permet de proposer que le NAD puisse participer à la régulation du système immunitaire in vivo. En effet, le NAD libéré par les cellules lésées permettrait d'inhiber sélectivement l'activation des lymphocytes T naïfs sans affecter les fonctions des cellules T pré-activées. Nous pensons que ce mécanisme est susceptible de jouer un rôle dans la prévention de l'activation des lymphocytes T auto-réactifs aux contacts de cellules en souffrance. En accord avec cette hypothèse, les animaux présentant des défauts génétiques affectant l'expression des ART2 manifestent une susceptibilité accrue aux maladies autoimmunes (Ablamunits, V. et al., 2001; Greiner, D.L. et al., 1987; Haag, F. et al., 1993; Koch-Nolte, F. et al., 1995; Prochazka, M. et al., 1991).

L'activation de P2X7 consécutive à l'ADP-ribosylation de certaines protéines de la membrane des lymphocytes par l'ART2.2 représente une voie originale et inattendue d'activation de ce récepteur dont l'ATP est réputé être le ligand physiologique majeur. Nos études n'ont pas encore permis de mettre en évidence le mécanisme précis par lequel l'ADP-ribosylation conduit à cette stimulation. Il est cependant clair que l'activité de l'ART2.2 ne provoque pas la libération de l'ATP endogène et ne conduit pas à l'activation « autocrine » du récepteur P2X7. En effet, ce mécanisme est difficilement conciliable avec nos observations montrant que l'addition d'ATPase (apyrase) dans le milieu réactionnel inhibe l'activation du récepteur P2X7 par l'ATP exogène sans affecter la réponse au NAD. D'autre part, il ressort des expériences avec les cellules HEK transfectées avec P2X7 que, ni le NAD, ni l'ADPR, ne sont en soi des activateurs de ce récepteur. Enfin, nous avons montré que certains analogues du NAD dont le groupement adénine est modifié, demeurent substrat de l'ART2.2 mais sont incapables d'induire l'apoptose des lymphocytes T (Article 3). Cette observation souligne l'importance du groupement « ADP » ou « ADP-ribose », apporté par l'ADP-ribosylation des protéines par l'ART2.2, nécessaires selon notre modèle à l'activation du récepteur P2X7. Dans ce cas, deux modèles peuvent schématiquement être proposés. Dans un premier cas, il est possible d'envisager que le récepteur P2X7 soit lui-même ADP-ribosylé par l'ART2.2 à

proximité du site de fixation de l'ATP. Le groupement ADP-ribose lié de manière covalente au récepteur serait alors capable d'interagir avec ce site de reconnaissance aux ligands et permettrait d'activer directement le récepteur P2X7 (Figure 9, page 78). Alternativement, il peut être envisagé que le récepteur soit stimulé par le groupement ADP-ribose présenté par une protéine annexe laquelle serait directement une cible de l'ADP-ribosylation (Figure 10, page 79). A l'évidence, cette « présentation » serait plus efficace que l'interaction avec l'ADPR libre, soit pour des raisons d'affinité, soit du fait qu'elle mettrait parallèlement en jeu des interactions protéine-protéine qui auraient des conséquences sur la conformation du récepteur P2X7.

Il a récemment été démontré dans la lignée cellulaire humaine HEK-293 transfectée avec le gène codant pour la protéine P2X7 de rat que le récepteur P2X7 fonctionnel est en fait constitué d'un vaste complexe protéique impliquant au moins 11 autres protéines (Kim, M. et al., 2001). Certaines de ces protéines, associées par l'intermédiaire de liaisons faibles à P2X7, ont une localisation cytoplasmique et participent probablement à la stabilisation du complexe et à la transduction des signaux (Kim, M. et al., 2001). Cependant, deux protéines membranaires ont également été identifiées : l'intégrine β-2 et une phosphatase (RPTP- β) (Figure 3, page 28). Cette dernière participe d'après les auteurs à la désensibilisation du récepteur. Ces deux protéines membranaires pourraient potentiellement, si elles étaient ADP-ribosylées, présenter de manière efficace le groupement « ADP-ribose » à la protéine P2X7 avec laquelle elles entretiennent des relations privilégiées. Cette hypothèse est d'autant plus séduisante que des protéines analogues sont effectivement ADP-ribosylées en présence de NAD à la surface des lymphocytes T de souris. En effet, il a été démontré par des expériences d'immuno-précipitation que l'intégrine β-2 (CD18), constituant de l'hétérodimère LFA-1, ainsi que la phosphatase CD45 sont toutes deux ADP-ribosylées lorsque les lymphocytes T sont incubés en présence de NAD (Nemoto, E. et al., 1996b; Okamoto, S. et al., 1998). Il serait intéressant de savoir si, dans les lymphocytes T de souris, ces protéines ADP-ribosylées font également partie d'un complexe protéique comprenant la protéine P2X7 similaire à celui décrit dans le modèle cellulaire HEK-293. L'accès à ces données importantes concernant l'identité des protéines qui interagissent avec la protéine P2X7 est pour le moment entravé par le manque d'anticorps susceptibles de reconnaître et d'immunoprécipiter P2X7 chez la souris.

Des tentatives pour mettre au point de tels anticorps sont actuellement en cours, en collaboration avec l'équipe de F. Koch-Nolte à Hambourg. De tels outils permettraient également de vérifier si la protéine P2X7 peut elle-même constituer une cible directe de l'ADP-ribosyl transférase. Pour le moment, en se basant sur la séparation bidimensionnelle des protéines ADP-ribosylées, nos résultats préliminaires semblent indiquer que P2X7 ne serait pas ADP-ribosylé.

1. Le groupement ADP-ribose transféré sur les protéines

membranaires peut-il se comporter comme un agoniste du récepteur