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fonctions immunes

4.2 ATP et fonctions immunes

L'intervention de l'ATP extracellulaire dans la régulation de fonctions immunes est évidente quoique incomplètement appréhendée. Outre le fait que la présence d'ATP dans l'environnement où siège la réponse immune ne soit pas encore clairement établie, l'identification exhaustive des récepteurs à la surface des différentes catégories de cellules immunes reste encore à parachever. Cependant, certains récepteurs P2Y et P2X sont exprimés par la plupart de ces cellules (Tableau 8, page 55). A l'heure actuelle, seul le rôle de P2X7, commun à toutes ces cellules a suscité un intérêt particulier.

Type cellulaire P2Y P2X

Lymphocytes T (Homme) P2X1 ;P2X4 ; P2X7

Lymphocytes T (souris) P2X7

Thymocytes (souris) P2Y1 ;P2Y2 P2X1

Lymphocytes B (Homme) P2Y P2X7

Monocytes (Homme) P2Y1 ;P2Y2 ; P2Y4 ; P2Y6 P2X7

Macrophages (Homme) P2Y P2X7

Cellules dendritiques (Homme) P2Y1 ;P2YP2Y2 ; P2Y4 ; P2Y6 ; 11

P2X1 ;P2X4 ; P2X5 ; P2X7

Cellules de Langerhans (Homme) P2Y P2X7 (C.F.)

Cellules dendritiques (souris) P2Y P2X7

Macrophages péritonéaux (rat, souris) P2Y P2X7

Neutrophiles (Homme) P2Y4 ; P2Y6 P2X7

Plaquettes (Homme) P2Y1 ; P2Y12 P2X1

Erythrocytes (Homme) P2Y1 P2X7 (C.F.)

Précurseurs hématopoïétiques (souris) P2X7 (C.F.)

Lymphome YAC P2X7 (C.F.)

Lignée de macrophages BAC1.2F5 P2Y P2X7 (C.F.)

Lignée de macrophages RAW 264.7 P2Y P2X7 (C.F.)

Lignée de macrophages J774 P2Y P2X7

Lignée de macrophages THP-1 P2Y2 P2X7

Lignée de myéloblastes KG-1 P2Y1

Lignée myéloïde HL-60 P2Y2 ;P2Y11 P2X1

Lignée de monocytes U937 P2Y2 ;P2Y6

Mastocytome P-815 P2X7 (C.F.)

Tableau 8: Expression des récepteurs P2 dans les cellules sanguines. La caractérisation de

l'expression de ces récepteurs est basée sur la détection des ARN messagers correspondant, la réactivité aux anticorps spécifiques ou sur des données pharmacologiques. Pour les récepteurs P2Y, l'identité précise du sous-type exprimé n'a parfois pas été caractérisée bien que les données fonctionnelles supposent l'expression de ce type de récepteur (noté « P2Y » dans le tableau). Pour le récepteur P2X7, l'abréviation « C.F. » (pour Caractérisation Fonctionnelle) utilisée dans le tableau indique que, dans ce cas, le récepteur a été caractérisé sur la base de données fonctionnelles uniquement. D'après Di Virgilio F. et al. (Di Virgilio, F. et al., 2001).

Les études in vitro ont montré que le récepteur P2X7 est au carrefour de plusieurs voies de signalisation impliquées dans l'activation comme dans la mort cellulaire. Comme activateur, la stimulation de P2X7 par l'ATP semble promouvoir la prolifération des lymphocytes T et B, permettre la libération de cytokines comme l'IL1-β, induire la migration des cellules dendritiques immatures, voire provoquer la maturation des précurseurs des cellules dendritiques (Di Virgilio, F. et al., 2001; Idzko, M. et al., 2002; la Sala, A. et al., 2002). Comme récepteur cytolytique capable d'induire la mort des lymphocytes T et B et des macrophages, le récepteur P2X7 activé par l'ATP interviendrait dans l'élimination des macrophages infectés par des pathogènes intracellulaires ou les fonctions cytotoxiques des CTL et des cellules NK (Filippini, A. et al., 1990) (Di Virgilio, F., 1995; Di Virgilio, F. et al., 1998; Di Virgilio, F. et al., 1990; Mancino, G. et al., 2001).

Ainsi, l'incubation in vitro de macrophages murins et humains avec de fortes concentrations d'ATP (1-5 mM) induit leur mort en activant le récepteur P2X7 (Di Virgilio, F. et al., 2001). Ce phénomène est remarquable car, dans le cas de macrophages infectés par des mycobactéries, il conduit aussi à la mort des parasites contrairement à ce qui est observé avec d'autres facteurs cytotoxiques comme les peroxydes (Lammas, D.A. et al., 1997). De récentes données confirment le rôle essentiel du récepteur P2X7 dans ce mécanisme en s'appuyant sur des souris P2X7-/-,déficientes pour l'expression de ce récepteur (Fairbairn, I.P. et al., 2001). Les mycobactéries sont capables de survivre à l'intérieur des macrophages en utilisant différentes stratégies telles que le blocage de la production de radicaux libres normalement induite par la phagocytose et l'inhibition active de la fusion des phagosomes et des lysosomes (Clemens, D.L. et al., 1995; Manca, C. et al., 1999). La stimulation du récepteur P2X7 semble capable de restaurer cette fusion. Les événements moléculaires impliqués dans ce processus requièrent la génération d'un influx calcique et la stimulation de la phospholipase D (Fairbairn, I.P. et al., 2001; Kusner, D.J. et al., 2001). L'activation de P2X7 par l'ATP extracellulaire pourrait ainsi participer à la lutte contre les mycobactéries et, de manière plus générale, contre les pathogènes intracellulaires. Ce rôle semble tout au moins se vérifié dans le cas de l'infection par Chlamydia. En effet, dans cet autre modèle d'infection des macrophages par des parasites intracellulaires, l'activation de P2X7 affecte le pouvoir infectieux et la survie du pathogène (Coutinho-Silva, R. et al., 2001). Par ailleurs, en utilisant

les souris P2X7-/- d'autres auteurs ont montré qu'il existe un mécanisme de lutte contre les infections à pathogènes intracellulaires impliquant l'ATP mais indépendant du récepteur P2X7. Ce processus met toutefois en cause un récepteur de type P2 dont l'activation stimule fortement la production des radicaux libres, directement responsables de la toxicité exercée sur les mycobactéries (Sikora, A. et al., 1999). Ces observations suggèrent globalement que l'ATP joue un rôle important dans la lutte contre les mycobactéries et les bactéries intracellulaires. Toutefois, l'importance physiologique in vivo de ces mécanismes reste encore à préciser. Sachant qu'il existe chez l'Homme une mutation E496A du récepteur P2X7 qui affecte profondément sa fonctionnalité (Gu, B.J. et al., 2001) et une mutation I568B qui inhibe l'expression du récepteur à la membrane (Wiley, J.S. et al., 2003), des études épidémiologiques sur la fréquence de ces mutations chez les patients tuberculeux permettrons sans doute de mieux appréhender le rôle de P2X7 in vivo. Une première étude épidémiologique qui vient de paraître semble conforter l'importance de ce récepteur dans la résistance contre la tuberculose (Li, C.M. et al., 2002).

Le récepteur P2X7 joue parallèlement un rôle important dans la maturation et la sécrétion de l'IL1-β. Cette cytokine pro-inflammatoire majeure est produite en abondance par les monocytes et les macrophages activés. L'IL1-β est d'abord synthétisée sous sa forme immature (pro-IL1-β) et ne deviendra active qu'après avoir été clivée par la caspase-1. Au final, la libération de l'IL1-β nécessite un premier signal tel que le LPS qui induit la transcription du gène codant pour la pro-IL1-β et un second signal permettant d'activer la caspase-1. Le mécanisme qui aboutit à la stimulation de la caspase-1 n'est pas connu avec précision mais semble lié à une diminution de la concentration cytoplasmique des ions potassiums (Cheneval, D. et al., 1998). Par ailleurs, la sécrétion d'IL1-β ne suit pas les voies classiques de sécrétion des protéines et semble réalisée par l'intermédiaire de microvésicules, formées par des bourgeonnements de la membrane plasmique (MacKenzie, A. et al., 2001). L'incubation de macrophages pré-stimulés par le LPS avec de l'ATP conduit à la sécrétion d'importantes quantités d'IL1-β. La maturation comme la libération d'IL1-β dans le milieu extérieur semblent dépendre du récepteur P2X7. En effet, les macrophages issus de souris P2X7-/-sont incapables de produire la forme mature de l'IL1-β suite à l'action synergique du

LPS et de l'ATP (Solle, M. et al., 2001). De même, la formation des micro-vésicules, semble induite par la stimulation prolongée du récepteur P2X7 (MacKenzie, A. et al., 2001). L'ATP au travers de ce récepteur participe donc à la fois à la maturation de l'IL1-β et à son exportation vers l'espace extracellulaire. In vivo, l'injection de LPS et d'ATP dans la cavité péritonéale de souris normales induit la synthèse d'IL1-β et stimule fortement la production d'IL-6 illustrant le potentiel pro-inflammatoire des mécanismes liés à la stimulation de P2X7 dans l'environnement physiologique. Chez les souris P2X7-/-, ce traitement n'induit qu'une faible production d'IL-6 (également induite par le LPS seul) et ne promeut pas la production de l'IL1-β (Solle, M. et al., 2001). Toutefois, le recours à l'injection d'ATP exogène dans ce modèle ne permet pas d'estimer la pertinence physiologique de ces observations. Dans un autre modèle, l'injection d'un anticorps monoclonal spécifique du collagène suivie de l'administration de LPS produit des lésions inflammatoires des articulations. Les souris déficientes dans l'expression du récepteur P2X7 sont significativement moins affectées par ce traitement (Labasi, J.M. et al., 2002). Ce modèle plus proche de la physiologique semble confirmer que l'activation du récepteur P2X7 par l'ATP libéré dans l'environnement in situ pourrait participer à l'amplification de la réponse inflammatoire en stimulant localement la production de cytokines.

L'ATP semble par ailleurs pouvoir être libéré par les lymphocytes T cytotoxiques, les lymphocytes T CD4+ activés et les cellules NK (Filippini, A. et al., 1990; Henney, C.S., 1973; Mizumoto, N. et al., 2002). Un rôle assez inattendu lié à sa libération a été suggéré. L'ATP libéré par les lymphocytes T cytotoxiques et les cellules NK, participerait au mécanisme de cytotoxicité en stimulant le récepteur pro-apoptotique P2X7 surles cellules cibles (Di Virgilio, F. et al., 1990; Filippini, A. et al., 1990). D'après les auteurs de ces études, l'ATP pourrait ainsi compléter l'arsenal des molécules responsables de la cytolyse. Les cellules cytotoxiques exprimant elles-mêmes un récepteur P2X7 se protègeraient de l'effet délétère de l'ATP par la surexpression d'ecto-ATPases à leur surface. Des données récentes attribuent à l'ATP libéré par les lymphocytes T activés un rôle supplémentaire. Il interviendrait dans l'activation des cellules de Langerhans au travers de récepteurs P2 (Mizumoto, N. et al., 2002). L'ATP, libéré par les cellules T, serait ainsi utilisé aussi bien dans l'exécution des fonctions effectrices que dans la coopération entre les différents partenaires de l'immunité.