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L’indisponibilité du droit moral

TITRE I : LA CONSECRATION LEGALE DE L’INALIENABILITE DU DROIT MORAL

Section 1 L’indisponibilité du droit moral

 

163. Plan. Bien que le droit moral diffère des droits de la personnalité stricto sensu, il n’en

reste pas moins attaché à la personne de l’auteur de l’œuvre, sa fonction résidant dans la protection de la personnalité de ce dernier. A ce titre, la loi a d’une part, entendu protéger efficacement l’auteur, au besoin contre lui-même, le droit moral échappant en effet à sa libre volonté du fait de son indisponibilité (section 1) et, lui a d’autre part, conféré une maîtrise effective et quasi absolue sur sa création (section 2).

Section 1 : L’indisponibilité du droit moral

164. Le postulat selon lequel le droit d’auteur est non seulement « la plus sacrée, la plus

légitime, la plus inattaquable des propriétés », mais encore « la plus personnelle »407, ayant peu à peu abouti à la reconnaissance de deux ordres de prérogatives, l’une de nature patrimoniale, permettant à l’auteur de tirer des revenus de l’exploitation de son œuvre, et l’autre de nature morale, se situant hors du commerce juridique, interdit non seulement au créateur de conclure des conventions ayant pour objet son droit moral (§1), mais encore de renoncer à celui-ci (§2).

§1. L’interdiction légale de conclure des conventions ayant pour objet le droit moral

165. « L’aliénation comprend tout acte ou fait juridique qui a comme conséquence pour le

titulaire d’un droit la perte de celui-ci »408. Ainsi entendue, la notion d’aliénation apparaît relativement large, ne se bornant pas à la seule disposition du droit (A) mais comprenant également la faculté de transférer l’exercice de ce droit (B).

      

407 Georges KOUMANTOS, « Faut-il avoir peur du droit moral ? », RIDA Avr. 1999 n° 180, pp. 87-125.

A) L’impossibilité pour l’auteur de disposer de son droit moral

166. Un droit hors du commerce juridique. La summa divisio du Code civil résidant dans la

distinction entre les personnes et les choses, il est traditionnel de considérer que la personne n’étant pas une chose, cette dernière est par essence rétive à toute forme d’appropriation409, et partant de classer les droits attachés à la personne dans la catégorie des choses hors du commerce juridique, lesquels ne peuvent être l’objet de conventions conformément aux dispositions de l’article 1128 du Code civil410.

167. Conséquences directes de l’inaliénabilité du droit moral. La conséquence principale

du rejet de la sphère de commercialité des droits attachés à la personne consistera en la prohibition pour le créateur de céder les différentes composantes de son droit moral. Il est donc de jurisprudence constante que le « droit moral, qui est lui destiné à assurer à l’auteur ce qu’il a de plus précieux, le respect de sa personnalité, présente des caractères tout différents ; qu’il est par son essence même perpétuel et incessible ; qu’on ne concevrait pas que ce droit, qui doit assurer la protection de la personnalité du créateur intellectuel, puisse être en quoi que ce fut limité dans le temps ; qu’il ne peut non plus faire l’objet d’une cession qui donnerait à l’acquéreur la possibilité de modifier ou de transformer l’œuvre de l’auteur contrairement aux intentions de ce dernier »411. Outre l’interdiction de porter atteinte au respect de l’œuvre, le droit de paternité ne saurait non plus être cédé. Certes, ce ne fut pas toujours le cas, l’exemple probant par excellence étant l’arrêt ayant opposé Alexandre

      

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F. TERRE, Introduction générale au droit, 5ème Edition, Dalloz, Paris 2000, n° 322 ; Henri & Léon MAZEAUD, Jean MAZEAUD, CHABAS, Leçons de droit civil, Tome 1 : Introduction à l’étude du droit, 12ème Edition par CHABAS, Montchrestien, Paris 2000, n° 215 ; BERTAULD, Questions pratiques et doctrinales de Code Napoléon., loc. cit. pp. 170-213, spéc. pp. 185 et 191 ; MASSE, Le droit moral de l’auteur sur son œuvre littéraire ou artistique., loc. cit. p. 96 ; AUSSY, Du droit moral de l’auteur sur les œuvres s de littérature et d’art., loc. cit. p. 135 ; P. KAYSER, « Les droits de la personnalité, aspects théoriques et pratiques »., loc. cit. p. 448 ; DESBOIS, Le droit d’auteur en France., loc. cit. p. 470 n°482 ; G. LOISEAU, Typologie des choses hors du commerce ., RTD Civ. 2000, p. 47.

410

Art. 1128 C. civ. : « Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet de conventions ».

411

V. Affaire BLANCHAR (1ère espèce), Affaire Les enfants du Paradis (2ème espèce), T. Civ. Seine, 6 et 7 avr. 1949, Gaz. Pal. 1949. 1 p. 249, concl. GEGOUT ; V. pour une espèce plus récente : Affaire On va fluncher, Cass. 1ère Civ., 28 janv. 2003, D. 2003 p. 559 obs. J. DALEAU ; JCP E 2004, 561 obs. A. RATOVO, CCE 2003, comm. 21, note C. CARON ; Légipresse mai 2003, n° 201, III, p. 61, note A. MAFFRE-BAUGE ; Propr. Intell. Avr. 2003, p. 165, obs. P. SIRINELLI ; RIDA avr. 2003, p. 281, obs. A. KEREVER ; Cass. 1ère Civ., 5 déc. 2006, CCE 2007, comm. 18, note C. CARON, RTD Com. 2007, note F. POLLAUD-DULIAN ; Cass. 1ère Civ., 2 avr. 2009, CCE 2009, comm. 52, note C. CARON.

DUMAS à Auguste MAQUET412. Toutefois la jurisprudence est depuis, revenue sur sa position pour affirmer que le droit de paternité, composante du droit moral, est inaliénable413. Si le droit de retrait et de repentir n’appelle à ce stade aucune remarque particulière414, il en va autrement du droit de divulgation lequel pour sa part, est réputé être la prérogative la plus puissante et la plus absolue du droit moral, certains auteurs ayant même estimé que l’acte de divulgation conditionnait la naissance des droits patrimoniaux415, ceux-ci n’étant exercés qu’à partir du moment où le créateur met son œuvre à la disposition du public au moyen d’un acte positif. De fait, nous avons pu remarquer que cette faculté, en sus d’être incessible, influence également l’exécution des contrats de commande, ou plus généralement certaines règles du droit d’auteur.

168. Conséquences accessoires de l’inaliénabilité du droit moral – Contrats de

commande. L’incidence du droit de divulgation sur les contrats de commande s’est, en effet,

vérifiée à plusieurs reprises416, et ce notamment à l’occasion de l’affaire ayant opposé le peintre Rosa BONHEUR au sieur POURCHET, ou encore à l’occasion de celle ayant opposé Lord EDEN au peintre WHISTLER417. La jurisprudence, suivie par la majorité de la doctrine418, s’est attachée dans un premier temps à analyser l’obligation prise par le peintre

      

412 Affaire DUMAS c/ MAQUET, CA Paris, 14 nov. 1859, API 1859, p. 390 : « Le droit de mettre son nom sur des œuvres littéraires peut être valablement aliéné ».

413 V. CA Paris, 1er févr. 1989, D. 1990 p. 52, obs. C. COLOMBET.

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Le droit de retrait et de repentir étant davantage susceptible d’être l’objet d’une renonciation plutôt que celui d’une cession au sens strict.

415 V. DESBOIS, Le droit d’auteur en France., loc. cit. n° 387 p. 476 ; Les travaux de la commission de la propriété intellectuelle, Décret du 28 août 1944 et du 5 mai 1945., publiés par l’Office Professionnel des Industries et Métiers d’Art et de Création, et par l’Office Professionnel des Industries, Arts et Commerce du Livre, Paris 1945, p. 9 : « Mais le droit d’exploitation duquel découlera le contrat d’exploitation pécuniaire n’est qu’une des conséquences du droit de divulgation, comme le sont, dans l’ordre intellectuel et moral, le droit pour l’auteur de veiller à l’intégrité de son œuvre, les droits de « repentir » ou de « retrait ». Au-dessus de ce droit [d’exploitation], le dominant de son caractère tout personnel et de son rattachement intime à la création de l’œuvre, source du droit de l’auteur, le droit de divulgation apparaît bien comme l’un des attributs les plus élevés du droit incorporel que possède l’auteur. Ainsi se trouve établie la prééminence des éléments d’ordre intellectuel et moral ».

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V. C. CARON relevant que « la position du célèbre arrêt Whistler, rendu en 1900 [et qui] n’a jamais été démentie depuis », in « Droit d’auteur et droits voisins », loc. cit., n° 264 p. 233.

417 Affaire Rosa BONHEUR, CA Paris, 4 juill. 1865, S. 1865. 2. 233 ; DP 1865. 2. 201 ; Affaire WHISTLER, T. Civ. Seine, 20 mars 1895 ; CA Paris, 2 déc. 1897, D. 1898. 2. 465 note PLANIOL ; Cass. Civ., 14 mars 1900, Gaz. Pal. 1900. 1. 498 concl. DESJARDINS ; S. 1900. 1. 489 ; D. 1900. 1. 497 note PLANIOL, rapp. RAU.

418 Contra : PLANIOL pour qui l’obligation du peintre est constituée de deux obligations successives : l’une de faire (laquelle se résout en dommages-intérêts), l’autre de donner (laquelle est susceptible d’exécution forcée).

d’exécuter une œuvre comme une obligation de faire, laquelle conformément à l’adage Nemo precise potest cosi ad factum419, se résout en cas d’inexécution de la part de ce dernier en dommages-intérêts420 ; puis enfin, de reconnaître à l’artiste un véritable droit de contrôle sur son œuvre421, le laissant seul juge « du degré d’achèvement » de celle-ci et l’autorisant à ne pas livrer son tableau, alors qu’une présomption d’achèvement pouvait être tirée du fait de son exposition publique.

169. Conséquences accessoires de l’inaliénabilité du droit moral – Interdiction de cession

globale des œuvres futures. L’emprise du droit de divulgation sur la conclusion de contrats

de commande mise à part, il nous a été loisible de relever que le droit de divulgation marque également de son empreinte certaines dispositions relatives à l’exploitation des droits d’auteur. En premier lieu, la règle de l’article L. 131-1 du Code de la propriété intellectuelle, laquelle interdit la cession globale des œuvres futures, n’est en effet pas sans rapport avec la faculté dont dispose l’auteur de rester maître du destin de ses créations. Sans doute est-il permis de penser que le législateur de 1957 s’est remémoré les tristes sorts de Balzac, Dumas et Châteaubriand, forcés de céder à leurs créanciers, peu scrupuleux de leurs intérêts moraux, leurs œuvres à venir, les obligeant parfois à divulguer des ouvrages dont ils ne souhaitaient pas la parution422 ; position qui au reste, et bien que l’article L. 131-1 du Code de la propriété intelledtuelle ne s’applique pas au support423, a trouvé un écho parmi les juges du fond

       

Or, WHISTLER en exposant son œuvre au Salon du Champ de Mars l’a nécessairement considérée comme étant achevée, le seul mobile ayant motivé la rétention de l’œuvre par le peintre résidant dans le différend l’opposant à Sir EDEN, et ayant pour objet le prix de la chose. En conséquence, PLANIOL estimait que WHISTLER aurait dû remettre la toile à son cocontractant.

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« Personne ne peut être contraint à faire une chose ».

420 V. Affaire Rosa BONHEUR, loc. cit.

421

V. Affaire WHISTLER, loc. cit. spéc. le rapport du conseiller RAU.

422 V. pour un exemple particulièrement marquant l’avant-propos des Mémoires d’Outre-tombe : « La triste nécessité qui m'a toujours tenu le pied sur la gorge, m'a forcé de vendre mes Mémoires. Personne ne peut savoir ce que j'ai souffert d'avoir été obligé d'hypothéquer ma tombe [...] mon dessein était de les laisser à madame de Chateaubriand : elle les eût fait connaître à sa volonté, ou les aurait supprimés, ce que je désirerais plus que jamais aujourd'hui. Ah ! si, avant de quitter la terre, j'avais pu trouver quelqu'un d'assez riche, d'assez confiant pour racheter les actions de la Société, et n'étant pas, comme cette Société, dans la nécessité de mettre l'ouvrage sous presse sitôt que tintera mon glas ! » in F.-R. CHATEAUBRIAND, « Mémoires d’outre-tombe / par M. le Vte de Chateaubriand », Edition E. et V. Penaud, Paris 1849-1850, pp. 1-7.

423 V. A. LUCAS, LUCAS Henri-Jacques, et A. LUCAS-SCHLOETTER, Traité de la propriété littéraire et

artistique., loc. cit. pp. 581-582 n° 657 ; M. VIVANT, J.-M. BRUGUIERE, Droit d’auteur et droits voisins., loc. cit. p. 557 n° 661 ; CA Nîmes, 4 juill. 1966, MARTIN-CAILLE c/ BERGEROT, JCP 1967, II. 14961, concl. CHAMPEIL ; CA Paris, 15 nov. 1966, GUILLE c/ COLMANT, D. 1967, jur. p. 284.

lesquels ont pu déceler et annuler certains contrats, ou clauses de contrats de cession d’œuvres futures intervenus entre un artiste et un marchand de tableaux, en raison de la limite imposée au droit moral de l’auteur424, admettant ainsi implicitement l’attraction exercée par celui-ci sur la validité des conventions afférentes aux droits d’exploitation ou au mécénat.

170. Conséquences accessoires de l’inaliénabilité du droit moral – Consentement. En

second lieu, nous avons pu relever que le droit de divulgation influence les règles relatives à la formation des contrats d’auteur. En effet, si le droit commun impose pour la validité d’une convention la réunion de quatre conditions, dont la première est le consentement425, l’exigence de l’écrit quant à lui, n’est requis qu’à compter du dépassement de la somme ou de la valeur de 1500 €426, le principe du consensualisme trouvant à s’appliquer427. Or, en matière de cession de droits d’auteur, l’article L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle déroge à ce principe en disposant : « Les contrats de représentation, d'édition et de production audiovisuelle définis au présent titre doivent être constatés par écrit. Il en est de même des autorisations gratuites d'exécution. Dans tous les autres cas, les dispositions des articles

1341 à 1348 du code civil sont applicables ». Certes, cette règle n’a normalement vocation à

s’appliquer qu’à certains types de contrats d’auteur428, toutefois, la doctrine et la jurisprudence tendent à l’appliquer sans distinction à tout contrat mettant en jeu le droit moral de l’auteur429. De plus, à y regarder de plus près, et même s’il s’agit d’une règle à vocation

      

424 V. CA Nîmes, 4 juill. 1966, Martin-Caille c/ Bergerot, JCP 1967, II. 14961, concl. CHAMPEIL ; CA Paris, 15 nov. 1966, Guille c/ Colmant, D. 1967, jur. p. 284.

425 Art. 1108 C. civ. : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention : Le consentement de la partie qui s'oblige ; Sa capacité de contracter ; Une cause licite dans l'obligation ».

426 V. art. 1341 C. civ. : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret » ; art. 1 du décret n° 80-533 du 15 juillet 1980 modifié par décret n° 2004-836 du 20 août 2004 : « La somme ou la valeur visée à l'article 1341 du code civil est fixée à 1 500 euros ».

427 V. Cass. 1ère Civ., 4 juin 2002, Bull. Civ. I, n°159 : « le caractère consensuel d'un contrat n'impose pas que les volontés contractuelles soient formulées de manière expresse ».

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Les dispositions de l’article L. 131-2 CPI s’appliquent aux quatre contrats spéciaux nommés, à savoir : les contrats de représentation, d’édition, de production audiovisuelle, ainsi que les autorisations gratuites d’exécution ; tandis que l’article L. 132-7 n’est censé concerner que le contrat d’édition.

429 V. pour un argument de texte l’article L. 121-2 CPI : « L’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci » ; ainsi que l’article L. 131-3 CPI : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée » ; DESBOIS, Le droit d’auteur en France., loc. cit. p. 613, n° 494 ; P.-Y. GAUTIER,

probatoire, n’est-il pas possible d’en inférer que par la conclusion de tels contrats l’auteur expose sa personnalité au jugement d’autrui, et dès lors doit exprimer son consentement de manière expresse ? DESBOIS semblait le penser430 puisqu’il affirme dans son manuel431 que

« le droit de divulgation procède de la nature des œuvres de l’esprit et commande l’exercice

des droits patrimoniaux432 », de sorte qu’il déplorait que « le législateur n’ait pas poussé sa sollicitude pour les intérêts moraux des auteurs jusqu’à exiger que tous les contrats relatifs

aux droits patrimoniaux soient constatés par écrit433 ».

171. Outre son influence sur la forme du consentement, le droit moral va également avoir une

incidence sur la possibilité pour l’auteur de charger un tiers de le représenter dans ses intérêts extrapatrimoniaux, l’inaliénabilité interdisant en principe tout transfert ayant pour finalité la perte de l’exercice du droit par son titulaire.

B) L’impossibilité pour l’auteur de transférer l’exercice de son droit moral à un tiers

172. Exclusion de la représentation légale pour l’exercice d’un droit personnel. L’étude

du droit des personnes, et plus particulièrement du droit des incapacités, montre que si le législateur a institué un mécanisme de représentation légale en faveur des mineurs ou des

       

commun des contrats ., Thèse Paris II, 1985, pp. 27-28, pp. 172-175 ; C. CARON, Droit d’auteur et droits voisins., 3ème édition, Lexis-Nexis, Paris 2013, p. 375 n° 407; CA Aix, 24 nov. 2000, JurisData n° 2000-146990 : « Si la cession du droit de reproduction peut être faite à titre gracieux, le contrat de reproduction doit être en toute hypothèse constaté par écrit et interprété de façon restrictive, la preuve que l'objet dépasse la cession ne pouvant être rapportée par témoignages ou présomptions » ; CA Paris, 16 janv. 2004, Gaz. Pal. 6 janvier 2005, n°6 p. 30, note LE TARNEC ; contra : M. VIVANT, J.-M. BRUGUIERE, Droit d’auteur et droits voisins., loc. cit. pp. 552, n°655 ; A. LUCAS, H.-J. LUCAS, et A. LUCAS-SCHLOETTER, Traité de la propriété littéraire et artistique., loc. cit. p. 563, n° 634, et p. 575, n°648.

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V. également en ce sens, P. SIRINELLI, Le droit moral de l’auteur et le droit commun des contrats ., loc. cit., p. 175 : « Si l’on s’attache au contraire à considérer que le consentement doit être protégé principalement parce que l’auteur engage, au travers de son œuvre, sa personnalité, il faut alors conclure qu’il importe d’exiger cette condition de l’article 31 de la loi du 11 mars 1957 [L 131-2 CPI] chaque fois que le contrat aura pour conséquence pratique de diffuser davantage l’œuvre, de la divulguer. Dès lors, ce ne sont pas tels ou tels droits pécuniaires qui sont en cause, mais bien le droit moral de l’auteur et plus précisément le droit de divulgation. En conséquence, l’article 31 devrait être appliqué à tous les contrats ayant pour résultat de porter l’œuvre à la connaissance du public, quelle que soit leur qualification ».

431 V. DESBOIS, Le droit d’auteur en France., loc. cit.

432 Ibid. n° 384, p. 473.

majeurs dits incapables, certains actes ne sauraient valablement être passés sans que le consentement de la personne protégée ne soit recueilli. En effet, les actes qualifiés de « strictement personnels »434, tels le mariage435, la disposition par testament436, ou la reconnaissance d’un enfant naturel437, ne souffrent aucune intervention extérieure. Aussi, la volonté du mineur ou du majeur protégé apparaît-elle comme indispensable, celle du représentant légal ne pouvant se substituer à celle du représenté, de sorte que si ce dernier est incapable d’exprimer son consentement, l’incapacité d’exercice du droit se muera en incapacité de jouissance438.

173. Exclusion de la représentation légale pour l’exercice du droit moral. Il en sera de

même pour l’exercice du droit moral, l’argument tiré de la lecture de l’article L. 121-1 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle, n’autorisant sa transmission et son exercice par les héritiers ou un tiers qu’à cause de mort de l’auteur, nous permet en effet de déduire que le créateur ne peut transférer l’usage de son droit moral de son vivant. Par ailleurs, l’article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle vient renforcer cette impossibilité quant à l’exercice du droit de divulgation, sa formulation étant suffisamment claire sur ce point439. Outre ces deux dispositions, l’article L 132-7 du même code440, en exigeant que le

      

434 V. art. 458 C. civ. : « Sous réserve des dispositions particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée. Sont réputés strictement personnels la déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant ».

435 V art. 148 C. civ. pour les mineurs et art. 460 C. civ. pour les majeurs protégés ; Cass. 1ère Civ., 24 mars 1998, D. 1999. 19, note J.-J. LEMOULAND ; Defrénois 1998. 1398, obs. J. MASSIP ; RTD Civ. 1998. 658, obs. J. HAUSER : « D'une part, est recevable, par application de l'art. 1222 NCPC, le recours fondé sur un moyen de droit formé par un juge des tutelles contre la décision d'un conseil de famille ayant autorisé le mariage d'un majeur sous tutelle, dès lors que le juge n'invoque pas seulement l'omission d'une formalité substantielle, mais surtout le fait qu'aucun élément ne permettait de penser que le majeur avait ou avait eu la volonté de contracter. D'autre part, si le mariage d'un majeur en tutelle n'est permis qu'avec le consentement du conseil de famille ou des deux parents, il nécessite, préalablement le consentement du majeur. Ayant constaté que ce consentement n'a pas pu être recueilli, le tribunal réforme à bon droit la délibération du conseil de