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1 3 Incertitudes sur le second membre des contraintes

Dans le document Robustesse en programmation linéaire (Page 46-51)

Quand ces travaux de thèse ont débuté, les problèmes linéaires traités dans le cadre de l’optimisation robuste étaient des problèmes contenant de l’incertitude sur les coeffi- cients de la fonction objectif, la matrice des contraintes ou la matrice des contraintes et le second membre. Dans ce dernier cas, les incertitudes portant sur les coefficients du second membre étaient conjointement traitées avec celles portant sur les coefficients de la matrice des contraintes, en suivant les approches présentées dans les sections pré- cédentes de ce chapitre (par exemple l’approche (1.2.3) de Bertsimas et Sim). Si l’on se propose de traiter un programme linéaire avec des incertitudes portant exclusivement sur le second membre, il est nécessaire de savoir si ces méthodes sont pertinentes pour la détermination de solutions robustes.

Afin de traiter ces problèmes, une première approche assez naturelle concerne l’uti- lisation de la dualité pour transférer l’incertitude se situant dans le second membre des contraintes aux coefficients de la fonction objectif. Comme cela sera développé ci- après, nous montrerons que cette possibilité se révèle inadaptée pour la détermination de solutions robustes au problème incertain en question. De plus, nous allons montrer que l’utilisation des approches paramétriques dans un contexte statique, comme par exemple l’approche de Bertsimas et Sim (voir section 1.2) est tout aussi insatisfaisant.

Avant d’aborder ces approches, formulons le problème incertain. Soit (Pb)le pro- gramme linéaire suivant :

(Pb)        min cx s.c. Ax≥b x≥0

où x est une matrice colonne de taille n représentant les variables du problème, c est une matrice ligne de taille n, A est une matrice de taille m×n et le second membre b est une matrice colonne de taille m. Les coefficients de b sont incertains. Le modèle d’incertitude est le modèle par intervalles.

Utilisation de la dualité

Le dual d’un programme linéaire (primal) dont le second membre des contraintes est incertain est un programme linéaire où seuls les coefficients de la fonction objectif sont

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incertains. Il semblerait alors pertinent, via la théorie de la dualité, d’exploiter le résul- tat obtenu pour le cas d’incertitudes sur les coefficients de la fonction objectif. En effet, afin de déterminer des solutions robustes au problème primal, une approche serait dans un premier temps d’appliquer un des critères de la décision, comme par exemple le critère du pire cas (voir section (1.1)), au problème dual. Puis dans un second temps, retrouver les solutions robustes du problème primal, et cela en exploitant de nouveau la dualité. Toutefois, cette approche n’est pas concluante comme le montre l’exemple suivant.

Exemple 1.5 Soit le programme linéaire incertain(P3b):

(P3b)              min 3x1+x2 s.c. x1+x2 ≥b1 x1−x2 ≥b2 x1 ≥0, x2 ≥0

où les coefficients du second membre varient dans les intervalles suivants b1 ∈ [4, 5] et

b2 ∈ [1, 3].

Tout d’abord, notons que, pour toute valeur de second membre b dans les intervalles correspon- dant, le problème (P3b) est réalisable, et son optimum est fini. Par conséquent, et d’après le

théorème fort de la dualité, le problème dual admet lui aussi un optimum fini. Il s’écrit :

(D)              max b1y1+b2y2 s.c. y1+y2≤3 y1−y2≤1 y1≥0, y2 ≥0

où les coefficients de la fonction objectif b1 et b2 sont incertains, appartenant respectivement

aux intervalles[4, 5]et[1, 3].

Le problème résultant de l’application du critère du pire cas au problème (D)est un problème facile (voir la proposition (1.1)). Étant donné que les variables du problème sont non négatives, il suffit d’associer aux paramètres incertains les plus petites valeurs des intervalles. La solution robuste de pire cas est alors y∗pirCas = (2, 1). Elle est de valeur égale à 9 et est réalisée sous le scénario bpirCas = (4, 1).

Remplaçons ce scénario dans le problème primal : (P3b)pirCas              min 3x1+x2 s.c. x1+x2≥4 x1−x2≥1 x1 ≥0, x2≥0

La solution optimale x∗= (5/2, 3/2)est de valeur égale à 9.

Nous observons que la solution x∗ associée au scénario bpirCas = (4, 1)ne correspond pas à la

solution du pire cas pour(P3b). En effet, cette solution n’est réalisable que sur le seul scénario bpirCas, et il est clair que si elle est choisie avant de connaître la réalisation de l’incertitude, elle

sera non réalisable sur la quasi totalité des scénarios (sauf un seul, égal à bpirCas). Elle ne peut

donc être qualifiée de robuste.

Comme on le voit sur cet exemple, la dualité ne peut être exploitée de cette manière pour déterminer des solutions robustes au problème incertain. Plus généralement, Mi- noux (2007a; 2009b) a montré que le problème issu de l’application du critère du pire cas sur le problème primal était différent de celui obtenu par l’application du même critère sur le problème dual. Nous reviendrons sur ces problématiques et nous développerons cette relation de dualité plus en détails au chapitre 2 de ce manuscrit.

Utilisation de l’approche paramétrique de Bertsimas et Sim

La deuxième alternative pour traiter le problème (Pb) est d’utiliser les approches présentées à la section 1.2 du chapitre courant. Intéressons-nous à l’approche paramé- trique de Bertsimas et Sim (voir section (1.2.3)) appliquée au problème(Pb).

Rappelons que selon cette approche, les coefficients du second membre sont modélisés par des intervalles composés d’une valeur nominale autour de laquelle une déviation est permise. Dans ce cas, tout bi, i=1 . . . m appartient à l’intervalle[bi−ˆbi, bi+ˆbi], où

bi représente la valeur nominale du coefficient bi et ˆbi sa déviation. Le décideur doit

fixer un budget d’incertitude pour chaque contrainte, l’objectif étant de déterminer des solutions robustes dans ce budget, autorisant ainsi une faible violation des contraintes.

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duisons pour ce faire un vecteur Γ de taille m où chaque composante représente le budget d’incertitude de la i`eme contrainte, pour i = 1 . . . m. Nous remarquons que, ne disposant que d’un seul coefficient incertain par contrainte, le budget d’incertitudeΓi

(i =1 . . . m) n’excède pas 1, et doncΓi ∈ [0, 1]. Ceci implique que la version robuste de

(Pb)se déduit aisément et s’écrit :

Pb(Γ)BS        min cx s.c. Ax≥b+Γˆb x≥0

Nous observons que cette approche conduit à décider sur la base d’un scénario unique induit par les valeurs deΓi. Par conséquent, l’application directe de cette approche sur

le problème incertain(Pb)est peu pertinente.

Nous nous proposons dans le chapitre 3 d’adapter l’approche de Bertsimas et Sim au problème incertain (Pb) en considérant non plus un budget d’incertitude par contrainte (modèle d’incertitude en ligne), mais un budget commun à l’ensemble des coefficients incertains du second membre (modèle d’incertitude colonne).

Approches multi-étapes

Nous nous intéressons dans cette dernière section aux approches robustes pour le trai- tement de (Pb)placé dans un contexte multi-étapes. Durant ces dernières années les approches robustes multi-étapes, et notamment des approches bi-étapes, ont suscité un fort engouement pour la résolution d’applications réelles. Citons à titre d’exemple les travaux de Minoux (2007a;b; 2009b) pour des problèmes d’ordonnancement et Mi- noux (2008) pour un problème de gestion de stock. Atamtürk et Zhang (2007) traitent quant à eux d’un problème de dimensionnement de réseaux et Solyali et al. (2010) s’intéressant à un problème de tournées de véhicules.

Nous présentons brièvement l’approche robuste bi-étapes, suivie par Thiele et al. (2009), qui vise à calculer des solutions robustes d’un programme linéaire incertain particulier, où une partie des coefficients du second membre des contraintes sont incertains.

Définissons le problème. Soit un programme linéaire (H)suivant : (H)        min cx s.c. Ax=b A0x ≥b0

où x est une matrice colonne de taille n représentant les variables du problème, c est une matrice ligne de taille n, les matrices A et A0 de taille respectivement m×n et m0×n, et b et b0 sont des matrices colonnes de taille respectivement m et m0. Nous supposons que le domaine des solutions réalisables de (H)est non vide, et que l’opti- mum est atteint en une valeur finie.

Les auteurs s’intéressent à la prise de décision robuste quand les coefficients du second membre b sont incertains. Pour ce faire, ils adoptent une approche bi-étapes et cela en ajoutant de nouvelles variables : les variables de recours y. Celles-ci ont pour rôle de mesurer le degré de violation des contraintes d’égalité à l’aide de pénalités reportées dans la fonction objectif. Le problème qu’ils proposent de résoudre est le suivant :

(H0)              min cx+py s.c. Ax+Ry=b A0x≥ b0 y≥0

où y est une matrice colonne de taille l, p est une matrice ligne de pénalités de taille l et R représente la matrice de recours, de taille m×l. Ici, le recours est supposé fixe (R ne dépend pas des incertitudes).

Soit le domaine d’incertitude Ψ dans lequel varient les valeurs des coefficients incer- tains de b. La version robuste bi-étapes (H0)BiE consiste à déterminer les décisions de première étape x telles que quelle que soit l’incertitude dans le domaineΨ, un recours y est possible à la seconde étape. Il s’écrit alors :

(H0)BiE  

min {cx+max

b∈Ψ Ry=bmin−Ax, y≥0py}

s.c. A0x≥b0

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difficile à résoudre. Afin de le simplifier, les auteurs supposent l’existence d’un recours complet, où pour tout vecteur x réalisable (de première étape) le problème de recours admet une solution finie. En d’autres termes, le problème de minimisation suivant :

min

Ry=b−Ax, y≥0 py (1.17)

est réalisable et admet un optimum fini pour tout b ∈ Ψ. Sa valeur peut donc être substituée par la valeur du problème dual (selon le théorème fort de la dualité). Par conséquent, le problème (H0)BiEest équivalent à :

   min {cx+ max b∈Ψ, Rtupt (b−Ax) tu} s.c. A0x≥ b0

où u sont les variables du problème dual de (1.17).

Dans le cas où le domaine incertain Ψ est un polyèdre, les auteurs montrent que le problème (H0)BiE est un problème d’optimisation convexe, et emploient l’algorithme proposé par Kelley (1960) pour le résoudre. Cet algorithme se base sur une procédure de génération de contraintes dont nous verrons le détail au chapitre 4.

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