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Partie III. Discussion : variabilité phénotypique, plasticité de l'architecture et lien avec le

1. In situ : Plasticité du développement

i. Identification de la plasticité du développement

Les résultats montrent que pour une même hauteur, les arbres poussant avec l'ouverture de canopée la plus forte, présentaient des PA plus longues (Figure VI-1). Ce résultat a déjà été observé sur Abies balsamea et A. lasiocarpa (Parent et Messier 1995; Claveau et al. 2002). Cela est renforcé par la Figure VI-3 qui montre que le même résultat se retrouve sur l'ensemble de la vie de l'arbre : globalement les arbres les plus à l'ombre font des PA plus courtes que ceux à la lumière, ce qui entraîne un accroissement en hauteur plus lent. Cela confirme donc bien que l'âge n'est pas un critère de développement fiable dans l'étude du développement de régénérations naturelles en sous-bois (Taugourdeau et Sabatier 2010; Taugourdeau et al. 2011).

La trajectoire de croissance du tronc est donc parcourue plus lentement à l'ombre, cela correspond donc bien à de la plasticité du développement.

Contrairement à Taugourdeau et al. (2011) sur le noyer, la plasticité du développement ne se traduit pas par un blocage du développement de l'arbre (i.e. phase d’attente, Barthélémy et al. 2010) mais uniquement un ralentissement. Cela est confirmé par la capacité des arbres à l'ombre à atteindre la dernière phase de croissance du modèle HSMC (Figure VI-2), ce qui n'était pas le cas des noyers.

Cette modulation du développement de l'arbre vient principalement d'une diminution de la quantité d'énergie lumineuse liée à l'ombrage qui va donc limiter l'assimilation carbonée et la croissance. La fermeture du milieu est associée à un changement de qualité de lumière : une réduction du ratio rouge clair/rouge sombre, le premier étant absorbé par le feuillage (Ross et al. 1986). Cela entraîne un allongement plus important des axes (Franklin et Whitelam 2005),

c'est-à-dire l'inverse de la situation observée ici.

Cette plasticité du développement se retrouve à travers le temps de séjour des arbres dans les différentes phases de croissance successives. La Figure VI-4 montre que les arbres dans les environnements ouverts se développent rapidement alors que ceux à l'ombre peuvent se développer lentement.

ii. Plasticité du développement et tempérament de l'espèce

Les différences inter-spécifiques de tolérance à l'ombre chez les espèces forestières déterminent la position des espèces le long du compromis colonisateur/compétiteur et donc leurs positions dans les successions secondaires qui suivent l'ouverture du milieu (chablis, volis) (Henry et Aarssen 2001). Gravel et al. (2010) ont montré que ces différences de tempéraments pouvaient expliquer la coexistence de plusieurs espèces en lien avec la fréquence de perturbation du milieu.

Quantifier le degré de tolérance à l'ombre d'une espèce se fait souvent sur sa capacité à survivre et pousser à l'ombre (Walters et Reich 1996). L'importance de la prise en compte du développement dans l'estimation de la tolérance à l'ombre a été mis en évidence (Kneeshaw et al. 2006; Niinemets 2006) mais plutôt à travers un effet taille. Le lien entre tolérance à l'ombre et plasticité du développement a déjà été abordé (Barthélémy et al. 2010; Charles-Dominique et al. 2010; Taugourdeau et al. 2011) mais n'a jamais été étudié sous un angle écologique.

Dans ce contexte, le contraste de forme de distributions de temps de séjour entre les noyers, espèce peu tolérante à l'ombre (Taugourdeau et al. 2011), et les sapins, espèce tolérante à l'ombre mérite d'être creusé. En effet, les noyers présentaient des distributions de temps de séjour sans mémoire (loi géométrique, Figure VI-10a) caractérisant un comportement opportuniste en lien avec la disponibilité en lumière : les noyers sont capables de changer de phase de croissance d’une année sur l'autre si l’environnement lumineux devient favorable.

Par opposition aux sapins qui présentent des distributions de temps de séjour avec mémoire en forme de cloche avec une queue longue (Figure V-26). Ces formes peuvent rappeler celles observées sur des arbres ayant poussé en plantation forestière équiènne (Fig. 5 in (Chaubert-Pereira et al. 2009) et Figure VI-10b), toutefois la queue est plus « lourde » chez les sapins. Cela correspond aux individus qui progressent très lentement dans leur développement du fait du manque de lumière. Cette forme de distribution de temps de séjour montre que le développement du sapin en sous-bois est sous contrainte endogène et sous contrôle environnemental.

La distribution des temps de séjour semble donc pouvoir résumer le comportement plastique du développement des arbres mesurés : que ce soit la phase d'attente et le comportement opportuniste des noyers ou le ralentissement du développement des sapins. Les approches de modélisation HSMC semblent donc capables de gérer des espèces au tempérament varié tout en étant capable de caractériser ce tempérament, et ce, dans le contexte de la plasticité du développement. Cette approche semble donc intéressante pour étudier à la fois le tempérament des arbres mais également la manière dont interagissent exactement le développement et l' environnement lumineux : deux hypothèses différentes occasionnant des distributions de temps de

Figure VI-10: Distribution du temps de séjour dans une phase de croissance selon les conditions

pour en sortir (données simulées). Ce modèle simule le temps que met une population d'arbres pour

changer de phase de croissance selon les conditions nécessaires à la transition. À chaque pas de temps, 10% des environnements défavorables à la transition deviennent favorables. Le temps de développement nécessaire à la transition est tiré dans une binomiale négative à l'initialisation (deux temps sont tirés pour le dernier cas) a. distribution des temps de séjour si la transition ne dépend que du fait si l’environnement est favorable ; b. distribution des temps de séjour si la transition ne dépend que du fait que le temps de développement nécessaire est atteint ; c. distribution des temps de séjour si à la fois l’environnement doit être favorable et le temps de développement nécessaire atteint ; d. distribution des temps de séjour si l’environnement modifie le temps de développement nécessaire à la transition (favorable en trait plein et défavorable en pointillé).

séjour différents (Figure VI-10c-d).

Taugourdeau et al. (2011) ont montré que ce type d'approche permettait d'identifier la plasticité de chaque phase de croissance au climat et de prédire les conséquences du climat futur sur la croissance et donc d'identifier de potentiels conséquences des changements climatiques sur la compétition inter-spécifique.

2. In situ : Variabilité des traits indépendante de la trajectoire de