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certes moins impressionnantes que le navire hôpital des Etats Unis, mais aussi nécessaires

C’est aussi des besoins en personnels. A Mexico, 100 médecins et plus de 200 administratifs

trouvent la mort lors de l’effondrement des hôpitaux Général et Juarez. A Haïti, le personnel du

ministère de la santé est directement touché. Les équipes médicales internationales pallient en

partie et temporairement ces manques, en particulier en médecins et en paramédicaux, mais pas

en infirmières

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Un des besoins spécifiques des crises est celui de l’espace. Alors que les hôpitaux sont soit

inutilisables, soit saturés, les patients affluent (souvent avec leurs familles) et s’installent aux

alentours, souvent à même la rue. Tous les espaces libres sont mobilisés, souvent de manière

spontanée. A Mexico, les stades font offices de morgue, les cadavres sont conservés avec des

blocs de glace. A la Nouvelle-Orléans, un hôpital de campagne est installé dans l’aéroport.

. La coordination avec les équipes de secours étrangères n’est par ailleurs pas

toujours facile. A Haïti, une grande partie des soins complexes sont assurés par des équipes

internationales, anglophones et hispanophones. Comment vit-on une amputation lorsque l’on ne

peut pas communiquer avec le chirurgien ?

Photo n°9 : Hôpital de campagne à la Nouvelle-Orléans

Source : Mc Swain, 2011

Au besoin d’espace, s’ajoute la nécessité de mobilité. Où aller lorsque les infrastructures locales

sont saturées et comment ? A la Nouvelle-Orléans, 12 000 patients ont dû être évacués, malgré les

risques de cette opération, lorsque les hôpitaux n’étaient plus en mesure d’assurer leur

fonctionnement de base.

22 CICR, 25 janvier 2010, Séisme en Haïti : deux postes de santé subviennent aux besoins de la population dans un des quartiers les plus pauvres de la capitale,

23 PAHO, 26 Janvier 2010, Post-Emergency Needs Call for New Health Focus in Haiti,

3.3 Faire face à l’extraordinaire sans omettre le quotidien

L’ensemble de ces problèmes ne doit pas faire oublier les contraintes ordinaires du

fonctionnement normal. Si les patients légers peuvent quitter l’hôpital (Mexico, plus de 2000 lits

sont libérés), ce n’est pas possible pour d’autres. C’est le cas des femmes enceintes, des malades

chroniques (diabétiques, problèmes cardiaques, tuberculose ou SIDA), des personnes nécessitant

impérativement de soins impossibles à trouver hors des structures hospitalière, dans le chaos post

sismique (c’est le cas par exemple des personnes atteintes de défaillance rénale qui doivent

recevoir des dialyses plusieurs fois par semaine, ou encore des personnes âgées). A la

Nouvelle-Orléans, c’est plus de 200 000 personnes qui sont dans cette situation : “Over 200 000 people with

chronic medical conditions, displaced by the storm and isolated by the flooding, found themselves

without access to their usual medications and sources of medical care.” (Lagadec, 2007b, p. 121). Il

s’agit donc de gérer en même temps le surplus provoqué par l’événement et les nécessités

quotidiennes.

Les grandes crises sont des mises à l’épreuve des systèmes de soins, marquées par

l’extraordinaire. Mais elles soulignent aussi les problèmes et les insuffisances du fonctionnement

normal.

4. Quelles dimensions spatiales et territoriales ?

« Au-delà des surprises spécifiques, qui se multiplient à l’infini (…), il y a la surprise

essentielle : l’environnement est subitement méconnaissable. Suite à Katrina, beaucoup

d’habitants expliquent qu’ils ne reconnaissent plus leur environnement géographique, et

qu’ils se perdent dans des quartiers autrefois familiers. » (Guilhou, Lagadec et al., 2006,

p.17)

« … le fiasco Katrina a montré l’incapacité du système à apporter en temps et en heure,

aux endroits voulus, l’information voulue. » (Lagadec, 2007a, p.13)

A travers ces deux exemples tirés de l’analyse de la crise de Katrina et dans le cadre plus général

de la perte des cadres de références, P. Lagadec (2002) souligne un point qui intéresse le

géographe : les crises posent des problèmes spatiaux et territoriaux. Spatiaux dans le sens où les

crises affectent des espaces et provoquent des flux divers et variés. Territoriaux dans le sens où la

gestion de crise met en jeu des acteurs sur des territoires délimités.

4.1 La crise produit des espaces

On peut d’entrée repérer un premier type d’espaces produits par la crise. Ce sont les « espaces

affectés », c’est-à-dire les espaces qui enregistrent directement des dommages, à l’image des

quartiers centraux de Mexico. Certains souffrent plus de 80 % de destruction alors que d’autres ne

sont presque pas touchés. Les cartes d’intensité de dommages différencient des espaces

particuliers : ceux qui sont relativement épargnés, ceux qui sont plus ou moins détruits, ceux qui

concentrent les dommages.

Au-delà des espaces de dommages directs, d’autres espaces peuvent se dessiner de façon

indirecte. Par exemple, les problèmes d’accès contribuent à générer des espaces particuliers

(photo 10). Les cartes produites par les organismes internationaux pour l’aide à la décision au

lendemain d’Haïti en sont une illustration lorsqu’elles représentent les zones de regroupement

spontanées de la population, les espaces isolés

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ou encore les axes de transports et les ponts

partiellement ou totalement « bloqués par les débris »

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. On retrouve aussi ces espaces de la crise

à la Nouvelle-Orléans, conséquences directes des inondations qui provoquent l’isolement de

certains secteurs ou encore des hôpitaux (photo 11). Les problèmes de mobilité doivent être

résolus grâce aux moyens aériens. Dans le même ordre d’idée, on peut mentionner la distribution

d’aide humanitaire assurée par hélicoptère en Haïti en raison des coupures des routes (photo 12).

Lorsque les hélicoptères n’arrivent pas à se poser, l’unique solution a consisté à larguer la

marchandise, malgré les polémiques

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24 Carte des secteurs affectés, mentionnant les « espaces fermés ou d’accès restreints par les débris » ; Haïti - Earthquake affected areas, USAID, 23 janvier 2010

.

25 Carte des zones de regroupement spontané des victimes et état des ponts et des routes dans le centre de Port au Prince, Haïti, UNOSAT, 15 janvier 201

26 « En Haïti, nourriture et soins peinent à parvenir aux sinistrés », Le Monde, 17 janvier 2010 ; « Faut-il abandonner le largage de vivre ? » Blog du Monde, 20 janvier 2010

Photos n°10, 11 et 12 : Route barrée par les contrôles militaires et communication par bateaux entre hôpitaux à la Nouvelle-Orléans ; Largage de vivre par hélicoptère à Haïti

Sources : Mc Swain, 2011 ; Blog du Monde (20 janvier 2011)

Face aux dommages et aux difficultés d’accessibilité, il s’opère une réorganisation de l’espace

associée à une modification des usages du sol. On a ainsi assisté à la délocalisation des lieux du

pouvoir de Port-au-Prince du centre-ville vers l’aéroport, qui se constitue en quartier général des

organisations nationales et internationales. Les camps de déplacés provoquent aussi un

bouleversement majeur de l’occupation du sol, en occupant les parcs et places, les interstices

urbains ou les périphéries délaissées jusqu’alors, et générant de nouveaux défis de gestion. A la

Nouvelle-Orléans, les institutions pénitentiaires, forcées d’évacuer, viennent occuper une portion

d’autoroute (Huret, 2010, p.52). De même l’aéroport de la Nouvelle-Orléans, tout en continuant à

assurer ses fonctions habituelles, se retrouve transformé en hôpital de campagne, en centre

d’hébergement et même en morgue. La localisation des ressources qui permettent de gérer la

situation de crise crée ainsi de nouveaux espaces de polarité.

Dans le domaine de la santé, les transferts de patients - depuis les zones affectées du centre de