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Chapitre II. Présentation des résultats de l’enquête

2.3. Église et pratique du dialogue interreligieux

2.3.4. Importance du dialogue avec les autres religions

Loin de vouloir être celui au nom duquel on tuerait d’autres hommes, il engage les croyants à se mettre ensemble au service de la vie, dans la justice et la paix105. On veillera donc particulièrement à ce que le dialogue islamo-chrétien respecte de part et d’autre l’exercice de la liberté religieuse avec tout ce qu’elle comporte, notamment les manifestations extérieures et publiques de la foi106. Chrétiens et musulmans sont appelés à promouvoir un dialogue exempt de tous les dangers qu’entraîne un irréalisme de mauvais aloi ou un fondamentalisme militant, et de s’élever contre des politiques et des pratiques déloyales, ainsi que contre tout manque de réciprocité en matière de liberté religieuse107. En ce qui concerne la religion traditionnelle africaine, un dialogue serein et prudent pourra, d’une part, préserver d’influences négatives qui affectent la manière de vivre de nombreux catholiques, et, d’autre part, permettre l’assimilation des valeurs positives, telle que la croyance en un Être Suprême, Éternel108.

Question 14: La société camerounaise héritée des puissances coloniales est marquée par la

coexistence de groupes ethniques, de traditions, de langues et même de religions différentes (christianisme catholique et protestant, l’islam et les religions traditionnelles africaines) parfois au sein d’une même famille. Évaluez la fréquence et la qualité de la pratique du dialogue vécu avec les membres des autres religions ?

105 Documentation catholique, 91 (1994), p.528. 106 Proposition, n. 45

107 Proposition, n.46 et Ecclesia in Africa, n. 66.

108

Réponse : (1) 14,00 % (2) 18,67 % (3) 47,00 % (4) 3,67% (0) 16,67 % Opinions Genre J’approuve totalement J’approuve quelque peu Je désapprouve totalement Je désapprouve quelque peu Sans opinion totaux Femmes 6,30 8,4 21,15 1,65 7,50 45 Hommes 7,70 10,27 25,85 2,02 9,17 55 Totaux 14,00 18,67 47,00 3,67 16,67 100

La fréquence et la qualité de la pratique du dialogue avec les membres des autres religions sont perçues différemment par les interviewés; ainsi donc, sur la base des pratiques quotidiennes observables (14,00% plus 18,67% soit 32,67%) qui approuvent totalement ou quelque peu. Il ya 17,97% d’hommes et 12,7% qui de femmes estiment que le dialogue avec les membres des autres religions est pacifique et harmonieux; par contre, 47,00% plus 3,67% soit au total 50,67% désapprouvent, estimant qu’il n’y a pas une coexistence entre les groupes ethniques et les religions au Cameroun. Car en tenant compte de la qualité des pratiques habituelles, il en ressort que dans le dialogue prennent souvent le pas, les différences culturelles qui conduisent inéluctablement aux conflits ethniques et aux violences. Les 16,67 % d’abstentions en disent long.

Au final, les différents répondants (50,67%) qui désapprouvent doublés des 16,67% d’abstentions interpellent l’Église à revoir sa politique du dialogue à tous les niveaux.

C’est pourquoi les chrétiens et les musulmans sont appelés à promouvoir un dialogue exempt de tous les dangers et de s’élever contre des politiques et des pratiques déloyales, ainsi que contre tout manque de réciprocité en matière de liberté religieuse.

Il existe une forme de pratique du dialogue entre les membres d’une même famille qui font partie des religions différentes. Dans certaines régions du Cameroun, plus particulièrement dans le département du Noun à l’ouest du pays, le peuple vit une forme de dialogue interreligieux et ethnique tout à fait original. En effet, dans certaines familles, des

musulman(e)s, des chrétien(e)s et des adeptes des religions traditionnelles africaines cohabitent pacifiquement dans la même concession. Au cimetière familial, il y a un espace pour les musulmans, un espace pour les chrétiens et un espace pour les adeptes de la religion traditionnelle. Un décès survient dans la famille, toute la famille se réunit pour les funérailles que président les membres de la religion du défunt. En cas de fête religieuse concernant certains membres de la famille, tous les autres membres de la famille s’associent à eux pour fêter. Lorsqu’il y a un problème au sein de la famille, tous se réunissent également pour chercher ensemble une solution à ce problème. Au-delà de cette convivialité familiale, des discussions ont eu lieu autour de la foi au Dieu créateur entre les membres de la famille. Cette pratique du dialogue est aussi perceptible dans des mariages entre chrétien(e)s et musulman(e)s et entre chrétien(e)s et membres des religions traditionnelles lorsque chaque membre accepte de pratiquer sa religion dans le respect de l’autre et de sa religion. Bien que les cas de conversion de musulman(e)s au christianisme soient rares dans la région, certain(e)s musulman(e)s, devant des problèmes graves de la vie comme le cas de maladies liées au monde de la nuit ou de la sorcellerie, n’hésitent pas à recourir à la communauté chrétienne pour demander de l’aide. Mais le dialogue structuré et formalisé est moins articulé entre l’Église et les autres religions. Un participant souligne à cet effet :

L’Afrique est un réservoir de grandes traditions religieuses et culturelles différentes. On y trouve toutes sortes de races, de religions et de groupes d’ethnies (éléments sociaux qui sont incontestablement la source de problèmes parmi les plus graves du monde contemporain, très caractéristiques depuis des décennies) venant principalement de trois continents : l'Afrique, l'Asie et l'Europe. Le nombre des tribus est important sur tout le continent, surtout lorsqu’on avance le chiffre de 260 ethnies environ pour un petit pays comme le Cameroun. Les religions, notamment traditionnelles africaines, forment le ciment de l’identité culturelle et ethnique.

Les religions principalement le christianisme, l’islam, les religions traditionnelles africaines sont présentes au Cameroun. Dans les pays de l’Est de l’Afrique, elles se partagent l’espace avec les religions asiatiques : l’hindouisme, le bouddhisme, le shintoïsme et le confucianisme. Cette cohabitation ethnique et religieuse était une pratique courante dans la société africaine traditionnelle.

Les personnes interrogées interpellent l’Église à engager sans délai un dialogue organique avec les autres religions (avec l’islam et surtout avec les religions traditionnelles). La société camerounaise héritée des puissances coloniales est marquée par la coexistence de groupes ethniques, de traditions, de langues et même de religions différentes (christianisme catholique et protestant, l’islam et les religions traditionnelles africaines) parfois au sein des familles. La culture des conflits ethniques et de la violence, à la base des violences entre les tribus, est une tendance observée récemment. Pour un collaborateur c’est un aspect important:

Cette réalité ethnique soulève des grandes inquiétudes telles que : comment créer un climat de confiance et démobiliser les lobbies ethniques dans la communauté nationale, surtout quand la communauté n’a pas d’autres mécanismes de sécurité que «l’autodéfense»? Quels sont les nouveaux mécanismes que les initiatives de paix peuvent développer pour résoudre le problème d’insécurité? Cette augmentation de la culture de la violence met en lumière le défi de travailler pour la transformation des attitudes, des images et des croyances négatives que ces individus et les rapports des médias ont, allant de l’usage d’un langage qui diabolise et méprise à l’usage d’un langage qui affirme et respecte l’autre. Or, la paix au Cameroun est impossible sans la paix interethnique et religieuse.

Ainsi donc le dialogue interethnique et religieux apparaît comme une réalité inéluctable au Cameroun si l’on en croit certains de nos interviewés.