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7. Discussion

7.1. Implications pour la pratique infirmière

Le but de notre revue de littérature est de comprendre l’expérience des mères lors d’un accouchement compliqué et de suggérer des pistes d’interventions infirmières adaptées à leurs besoins. À travers les résultats des six articles sélectionnés, nous avons défini quatre thèmes : émotions, perception des soins reçus, traumatisme et ressources.

Émotions

Les femmes ont éprouvé diverses émotions autant pendant l’accouchement qu’en postpartum immédiat. Selon Elmir, Schmied, Wilkes & Jackson (2010), « the theme ‘a rollercoaster of emotions’ describes the mixed emotions women felt in response to their birth experiences » (p. 2149). Les émotions les plus souvent identifiées par ces femmes sont les suivantes : peur, anxiété, colère, tristesse, frustration et joie.

Les femmes ressentent de la colère lorsqu’elles ne se sentent pas incluses dans la prise de décisions. Elles sont tristes et frustrées de ne pas avoir pu mettre au monde leur enfant selon leurs attentes. Cela dit, certaines éprouvent tout de même un sentiment de joie du fait de devenir mère.

The complexity of emotional experiences observed in this study and the manner in which some health care practitioners were perceived suggest the need for more integrated care of the woman, and not only restricted to the biomedical events that trigger the process of morbidity (Souza, Cecatti, Parpinelli, Krupa & Osis, 2009, p. 157).

En effet, tout comme les aspects biomédicaux, les émotions font partie de l’expérience de la femme et peuvent être variées et complexes. De plus, celles-ci ont un rôle à jouer dans la perception de l’événement. Il est donc essentiel pour l’infirmière de prendre en compte les émotions de la mère. Pour cela, la professionnelle devrait aider la patiente à identifier et reconnaître ses émotions. La validation des émotions par l’infirmière permettrait une reconnaissance de l’expérience de la femme. Ayant rencontré une infirmière sage-femme du terrain, celle-ci a particulièrement souligné cet aspect de la prise en soins.

La peur et l’anxiété des mères sont soit associées à leur propre mort ou au devenir de leur enfant. Dans certaines situations, la spiritualité a parfois été une ressource pour faire face aux idées de mort. L’infirmière devrait prendre en compte les croyances de chacune et, si la mère le désire, contacter des personnes ressources (psychologue, aumônier, etc.). En effet, « psychological support and spiritual comfort should be available, offered preferably but not exclusively by specialized professionals » (Souza, Cecatti, Parpinelli, Krupa & Osis, 2009, p. 157).

Dans la théorie de l’incertitude, les capacités cognitives de la personne sont influencées par divers éléments. Chez une femme vivant des complications durant l’accouchement, le stress lié à la situation (de la femme, du partenaire et des professionnels), la peur pour la vie du bébé et la sienne ainsi que les autres émotions vont altérer sa capacité à traiter les informations. Si ses capacités cognitives sont compromises, les stimuli seront perçus négativement et amèneront à une incertitude. En effet, selon le premier postulat de la théorie, « l’incertitude est un état cognitif, représentant l’inadéquation d’un schéma cognitif existant pour soutenir

l’interprétation des évènements liés à la maladie » [traduction libre] (Baily & Steward cité

dans Alligood & Tomey, 2010, pp.603-604). L’infirmière rassurera la patiente quant à sa vie et à celle du bébé et mettra des stratégies en place afin de gérer le stress de la femme, dans la mesure du possible.

Perception des soins reçus

Dans plusieurs études, les femmes ont perçu négativement les soins lors de l’accouchement. Elles expriment un manque de respect, de dignité et d’intimité ; « women felt that there had been a lack of care and respect for their physical and emotional well-being […] » (Goldbort, 2009, p. 59). Qui plus est, d’autres auteurs évoquent l’expérience des femmes comme déshumanisante et dégradante. Selon Beck (2004) et Thompson & Downe (2008),

Other participants talked of feeling like a ‘lump of meat’ or a ‘slab on a table’ when describing the dehumanizing way in which they were treated during birth, and described a total lack of acknowledgement of them as people, as though they were non-existent (cité dans Elmir, Schmied, Wilkes & Jackson, 2010, p. 2147).

Dans des situations stressantes, les professionnels de la santé, dont l’infirmière, peuvent paraître distants et froids. Cela dit, ils ne devraient pas oublier qu’une relation soignant-soigné est empreinte de respect et d’empathie. En situations d’urgences, l’infirmière devrait communiquer avec la femme et la rassurer sur le déroulement des événements (Goldbort, 2009). Ceci permettrait à la patiente de se sentir prise en compte en étant traitée humainement.

possible et l’information donnée à la mère peut être insuffisante. Le comportement des professionnels peut sembler autoritaire. Le rôle de l’infirmière serait d’être attentive à donner l’information à la patiente en postpartum, selon les besoins de celle-ci. La collaboration avec la sage-femme et toute l’équipe présente en salle d’accouchement serait un atout.

En lien avec la théorie de l’incertitude, l’infirmière peut être perçue comme une autorité crédible auprès de la femme. Ce statut lui confère de la crédibilité en tant que professionnelle. Cela peut aider la patiente à avoir confiance dans les soins reçus. Afin de permettre cela, l’infirmière se montrera disponible et présente dans la relation avec la femme afin que celle-ci la considère comme une ressource. Ceci aidera la mère à évaluer positivement son incertitude. Le rôle d’autorité crédible de l’infirmière est également important lorsque l’événement est perçu comme inhabituel. La professionnelle peut interpréter, donner de l’information et expliquer le déroulement la situation afin de réduire et/ou prévenir l’incertitude (Mishel & Clayton, 2008 cités dans Smith & Liehr).

Traumatisme

Selon Beck (2004) et Ayers (2007) une naissance traumatique peut conduire à un syndrome de stress post traumatique, « there is increasing recognition that, for some women, traumatic birth can lead to post-traumatic stress disorder (PTSD)» (cité dans Elmir, Schmied, Wilkes & Jackson, 2010, p. 2143). Dans deux de nos articles, les femmes ont été confrontées dans les mois et années qui ont suivi à des manifestations telles que des cauchemars récurrents, des reviviscences et des flashbacks de l’accouchement. Cependant, certains accouchements ne sont pas considérés comme traumatiques de la part des professionnels de la santé mais perçus comme naturels et routiniers (Beck 2004 cité dans Elmir, Schmied, Wilkes & Jackson, 2010). L’infirmière devrait alors rester attentive au fait que l’accouchement pourrait être perçu comme traumatique pour la femme.

Dans ce genre de situation, les femmes ressentent le besoin de parler de leur expérience traumatique. Selon Wright (2005), « the mothers described a need to talk about their complicated delivery. Talking about suffering from illness or traumatic events is healing » (cité dans Engström & Lindberg, 2011, p. 68). Le rôle de l’infirmière serait de favoriser l’expression du vécu de la femme. Pour cela, l’infirmière pourrait prévoir des temps de parole en dehors des soins. Lors de ces entretiens, la professionnelle utiliserait des stratégies d’écoute adaptées.

Par ailleurs, lorsque l’infirmière prend en soin une mère à la suite de complications liées à l’accouchement, elle aurait également un rôle à jouer dans la prévention de la maladie. En identifiant les femmes à risque, l’infirmière pourrait les sensibiliser à d’éventuelles apparitions de symptômes du syndrome de stress post-traumatique. Ces symptômes peuvent affecter la santé et le fonctionnement quotidien de la mère. Selon Elmir, Schmied, Jackson & Wilkes (2012),

Flashbacks were not the only reminder of the women’s birth experiences, some women experienced disturbing nightmares. The memories affected some of the women’s sleep patterns, causing insomnia and difficulty sleeping. Interrupted sleep patterns were debilitating for some of the women’s ability to function during the day (p. 232).

Ces manifestations peuvent également avoir des conséquences à plus long terme sur la capacité de la mère à prendre soin de son enfant, sa capacité d’établir un lien avec leur enfant et remplir son rôle de mère. En effet, comme le mentionnent Elmir, Schmied, Wilkes & Jackson (2010),

Women participants in the studies reviewed felt overwhelmed by the experience of a traumatic birth. (…) many held vivid memories of the experience of a traumatic birth for many years. These feelings and experiences at times affected their ability to care for their babies, and their capacity to establish a close bond or connection with their infants and fulfil the expectations of the mother role (p. 2150).

En référence à la théorie de l’incertitude, nous déduisons que ce thème fait partie des stimuli perçus. L’accouchement est perçu par la mère comme traumatique. La situation n’est pas habituelle étant donné l’imprévisibilité des complications survenues. De ce fait, il y a un manque de cohérence entre l’événement imaginé et celui vécu. Cela aura comme conséquence d’augmenter l’incertitude. En ayant conscience de cela, l’infirmière pourra aider la femme à identifier ce sentiment, l’évaluer et trouver des stratégies de coping pour une bonne adaptation. Comme le stipule le quatrième postulat de la théorie, « les relations entre les évènements liés à la maladie, l’incertitude, l’appréciation, le coping et l’adaptation sont linéaires et unidirectionnels, allant de situations qui génèrent de l’incertitude jusqu’à

l’adaptation » [traduction libre] (Baily & Steward cité dans Alligood & Tomey, 2010, p.604).

Ressources

Dans les trois thèmes précédents, nous avons identifié l’infirmière comme étant une ressource pour la femme. Dans ce thème, nous nous intéressons plus particulièrement au père ou partenaire et au bébé.

Le père ou partenaire a un rôle de soutien auprès de la femme durant et après l’accouchement. Dans les résultats d’Engström & Lindberg (2011), « all the mothers highlighted the importance of having their partner close by before, during and after the delivery; for their own and for the baby’s sake » (p. 67). C’est la raison pour laquelle, l’infirmière devrait l’inclure le plus possible dans la prise en soins.

Les mères hospitalisées en soins intensifs suite à des complications durant l’accouchement ont été séparées de leur bébé. Cela a été une épreuve difficile pour elles. Selon Hinton, Locock & Knight (2015),

For many women, the hardest aspect of being in Intensive Care Unit (ICU) was being a new mother and separated from their newborn. Not being able to see or hold their baby, missing out of key ‘firsts’ like a feed or nappy change was devastating (p. 5).

Dans deux de nos articles, l’allaitement est envisagé comme une manière de surmonter l’événement. En effet, « breastfeeding provided an opportunity for some women to overcome the trauma of their birth experiences and prove their ‘success’ as mothers » (Elmir, Schmied, Wilkes & Jackson, 2010, p. 2150). Lorsque cela est possible, il est important que l’infirmière aux soins intensifs ou continus considère le souhait de la femme en matière d’allaitement. Si la mère le désire, l’infirmière l’accompagnerait et la soutiendrait.

Selon la théorie de l’incertitude, le soutien social est une composante essentielle des prestataires structurants. Il aide la mère à interpréter le vécu des événements. Le père et le bébé sont des acteurs centraux dans notre problématique et l’infirmière les inclura dans la prise en soins.

Synthèse des implications pour la pratique des soins infirmiers

Théorie de l’incertitude Implications pour la pratique infirmière

La capacité cognitive de la personne est influencée par

plusieurs éléments : complications durant l’accouchement, stress, peur et

autres émotions.

Les soins ne se limitent pas aux aspects biomédicaux. L’infirmière devrait donc intégrer les émotions à la prise

en soins.

L’infirmière peut être perçue comme une autorité crédible

auprès de la femme.

L’infirmière se rend disponible et présente dans la relation.

Lorsque l’information ne peut pas être donnée pendant l’accouchement, l’infirmière veillera à informer la patiente et répondre à ses demandes en temps voulu. L’accouchement peut être perçu

comme traumatique (stimuli perçus) et mener à un sentiment

d’incertitude.

L’infirmière pourra aider la femme à identifier le sentiment d’incertitude, l’évaluer et trouver des stratégies

de coping.

L’infirmière favorisera l’expression du vécu de l’expérience.

L’infirmière reconnaîtra les symptômes de stress post-traumatique et identifiera les femmes à risque. Le père ou partenaire et le bébé

sont considérés comme un soutien social pour la mère.

L’infirmière les inclura dans la prise en soins de la mère hospitalisée.

Lorsque le nouveau-né est séparé de la mère, l’infirmière donnera des informations régulièrement et mettra en place

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