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MAGMATISME ITALIEN

B- Le Magmatisme Italien

3- Implications géodynamiques

Il est couramment admis que les grandes variations de composition du magmatisme Plio-Quaternaire de la zone Tyrrhénienne reflètent des sources mantelliques hétérogènes. Les aspects les plus débattus sont liés aux processus qui ont généré une si extrême hétérogénéité dans une zone si restreinte spatialement.

Certains auteurs suggèrent un rôle important de panaches mantelliques profonds sous la zone Tyrrhénienne (p. ex. Vollmer, 1976, 1989 ; Bell, 2003, Bell et al., 2004), probablement combinés avec des processus de subduction (Gasperini et al., 2002). D’autres auteurs suggèrent un rôle prédominant de la subduction, qui serait à l’origine des anomalies mantelliques et induirait une remontée mantellique passive et une fusion par décompression dans les zones arrière-arc et le long des failles lithosphériques (p.ex., Peccerillo, 1985 ; Beccaluva et al., 1991 ; Gvirtzman et Nur, 1999).

Les différents modes de génération de l’hétérogénéité de la composition mantellique impliquent des modèles distincts pour la dynamique mantellique et l’évolution géodynamique de la région. La compréhension des processus magmatiques a donc d’importantes implications géodynamiques.

a) Les modèles associés aux panaches

Les courbes de tendances hyperboliques pour les isotopes radiogéniques (Figure I-B.5) le long de la province italienne ont été longtemps interprétées comme reflétant le mélange de deux pôles représentés par un panache mantellique et la croûte supérieure (Vollmer, 1976). Une origine intraplaque associée à un panache a été

successivement proposée par différents auteurs (p.ex., Ayuso et al., 1997 ; Lavecchia et Stoppa, 1996 ; Lavecchia et al., 2003 ; Bell et al., 2004 ;).

Des hypothèses extrêmes suggèrent ainsi que tout le magmatisme italien reflète l’interaction de différents réservoirs de panaches mantelliques (ex., Bell et al., 2003, 2004). Ainsi, dans le modèle de Lavecchia et al. (2003) et celui de Bell et al. (2004), la mise en place d’un panache serait responsable de l’ouverture de la Mer Tyrrhénienne (rifting actif ; Fig. I-B.8a), alors que l’hétérogénéité de composition au sein de ce panache expliquerait la complexité du magmatisme. Durant son ascension, le panache pourrait entraîner une partie du manteau qu’il traverse dont la composition est différente de celle de sa source, créant ainsi une tête de panache isotopiquement hétérogène et chimiquement zonée (Fig. I-B.8b). Pour ces auteurs, nombres de caractéristiques de l’Italie (ex., amincissement lithosphérique considérable, polarité tectonique et magmatique vers l’Est, et métasomatisme du manteau) sont en accord avec une tête de panache asymétrique s’élargissant vers l’Est, piégée dans la zone de transition entre les discontinuités à 670 et 410 km (Fig. I-B.8). L’excès de volume dans l’asthénosphère, généré par l’élargissement de la tête de panache dans la zone de transition, conduirait alors à l’étirement et l’amincissement de la lithosphère sus-jacente. Les forces de poussée du rifting seraient alors responsables de la formation des structures compressives des Apennins-Maghrébides (Fig. I-B.8a).

Certains suggèrent que seules les roches des Monts Etna, Iblei, Ustica (c.a.d. HIMU-FOZO) et de la Sardaigne (c.a.d., EMI ; Fig. I-B.7) dérivent de panaches mantelliques, alors que le reste du magmatisme du pourtour Tyrrhénien représente les mélanges de matériels de type panache et de composants de la croûte supérieure subductée. Gasperini et al. (2002) proposent ainsi l’existence d’une fenêtre dans le slab adriatique qui serait créée par la différence de vitesse de subduction entre la plaque fossile sous la Toscane (1 cm/an, subduction passive) et la plaque plongeante active sous la Sicile (5 cm/an, subduction active), ainsi que par le changement abrupte de la direction de subduction (Fig. I-B.9). Les auteurs appuient la présence de cette fenêtre sur la tomographie (Fig. I-B.10). En effet, un gap NW-SE d’environ 400 km de large dans le matériel à vitesses rapides, représentant la plaque plongeante froide, est visible dans la partie Sud de la péninsule italienne sur les modèles tomographiques haute-résolution de Piromallo et Morelli (2003). Ceci a été récemment confirmé par les modèles de Spakman et Wortel (2004). La Figure I-B.10a montre une zone d’anomalies de vitesse négatives dans les premiers 200-250 km sous les Apennins

Centre-Sud. Les magmas de type panache pourraient donc remonter depuis le manteau inférieur à travers cette fenêtre. La source mantellique du volcanisme basique italien serait alors produite par le mélange vertical de manteau inférieur et supérieur. Le composant crustal, quant à lui, serait probablement acquis lors de l’interaction du manteau advecté à travers la fenêtre avec la partie supérieure de la plaque subductée.

Figure I-B.8: (a) Epaisseur crustale en Méditerranée et principales structures extensives et décrochantes

aux bordures externes de la région affectée par l’extension (Bell et al., 2004). (b) Coupe interprétative montrant un panache mantellique dégazé coincé dans la zone de transition ; le trait de coupe est montré sur la figure a. La géométrie du panache est hypothétique, elle est dérivée de la figure 6 dans le papier de Brunet et Yuen (2000) ; sa taille est prédite par Lavecchia et Creati (2004). 1- Lithosphère; 2-Asthénosphère métasomatisée enrichie avec des fluides radiogéniques riches en CO2 hydroxylique et avec des volatiles venant de la tête du panache; 3- Mésosphère; 4- Panache dégazé et hétérogène (les couleurs marquent la diminution de la densité de l’extérieur vers l’intérieur du plume; et 5- restes de la lithosphère Téthys qui fût subductée vers le Sud-Est durant la phase tectonique Alpine Crétacé-Paléocène sous l’avant-pays adriatique. La géométrie du slab renversé dans la figure b est déduite de la distribution de la sismicité profonde en Calabre.

Figure I-B.10 : Deux profils tomographiques issus du modèle BS2000 à travers les 1000 premiers

kilomètres du manteau de la Méditerranée Occidentale (Bijwaard et Spakman, 2000; Spakman et Wortel, 2004). a : Profil à travers les Apennins Sud et le bassin Tyrrhénien ; b : profil à travers les Apennins Nord et le bassin Liguro-Provençal. Notez la différence entre les deux profils : l’anomalie positive représentant le slab se suit jusqu’à la surface dans le profil b, alors que dans le profil a l’anomalie positive est interrompue à ~200 km de profondeur. Pour l’explication des axes, tracés, symboles et codes de couleurs se reporter à la légende de la Figure I-A.8.

Figure I-B.9 : Croquis illustrant le modèle de fenêtre asthénosphérique

proposé par Gasperini et al. (2002) pour expliquer le magmatisme italien. TMP, Tuscan Magmatic Province ; RMP, Roman Magmatic Province.

Les preuves évoquées en faveur de l’hypothèse du panache mantellique prennent en compte les considérations géochimiques et géophysiques suivantes :

1. Les courbes de tendances des isotopes du Sr, du Nd, et du Pb connectant des réservoirs mantelliques. HIMU, FOZO, EMI et EMIIe (Peccerillo et Lustrino, 2005) représentent des composants de panaches mantelliques. Les compositions isotopiques en Sr très élevées du réservoir EMIIe requièrent l’existence d’un manteau à fort rapport Rb/Sr qui aurait évolué depuis au moins 2 Ga avant de fondre pour générer des magmas potassiques (Hawkesworth et Vollmer, 1979 ; Bell, 2002 ; Castorina et al., 2002). Ceci ne peut pas se produire dans le manteau peu profond où il aurait fondu durant l’évolution complexe de la Mer Tyrrhénienne.

2. Les roches volcaniques italiennes montrent une corrélation positive du rapport 87Sr/86Sr par rapport au rapport Rb/Sr (Fig. I-B.11). Si on l’interprète comme une isochrone, une telle corrélation vise à un enrichissement d’environ 2 Ga (Hawkesworth et Vollmer, 1979 ; Castorina et al., 2000).

3. Les compositions isotopiques de certaines roches volcaniques italiennes (p.ex. Mt Etna, Mts Eblei) sont très semblables à d’autres roches tholéiitiques et alcalino-sodique d’Europe Occidentale et Centrale, ce qui révèle un vaste Réservoir Asthénosphérique Européen (RAE), représentant, d’après Granet et al. (1995), la tête d’un panache. En particulier, l’affinité HIMU serait une preuve d’une origine

Figure I-B.11 : Diagramme 87Sr/86Sr vs. Rb/Sr représentant les roches basiques d’Italie Centrale et Sud (Peccerillo et Lustrino, 2005).

mantellique de type panache, comparablement au HIMU des OIB comme les îles des Canaries (ex., Abratis et al., 2002), Mangaia-Tubuai-Rurutu (Polynésie française ; Chauvel et al., 1997) et St Helena (Océan Atlantique Central ; Chaffey et al., 1989).

4. Le caractère ultrapotassique d’une grande partie du magmatisme Plio-Quaternaire Italien est typique de contextes tels que la province magmatique de Virunga-Toro-Ankole (branche Ouest du Rift Est Africain ; Lloyd et al., 1991), classiquement connue pour s’être développée au-dessus de panaches mantelliques (Stoppa et Lavecchia, 1992 ; Lavecchia et Stoppa, 1996).

5. Les roches pyroclastiques riches en carbonates d’Italie centrale représentent

un magma carbonatitique, un « précurseur » présumé des panaches mantelliques (Rosatelli et al., 2000 ; Stoppa et al., 2003).

6. Les études tomographiques sous l’Europe et les zones du pourtour Méditerranéen montrent l’existence de zones à faibles vitesses interprétées comme des têtes de panaches mantelliques et/ou des conduits à au moins 250 km de profondeur (Hoernle et al., 1995 ; Granet et al., 1995 ; Sobolev et al., 1997 ; Ritter et al., 2001 ; Wilson et Patterson, 2001).

Les objections à ces arguments peuvent être résumées comme ce qui suit :

1. Les arguments évoqués en faveur de l’existence de panaches mantelliques sont basés sur le concept que les compositions géochimiques des pôles mantelliques peuvent être liées à des environnements géologiques et des contextes tectoniques spécifiques. HIMU, FOZO, EMI et EMIIe sont tous associés au recyclage de matériel crustal dans le manteau (Cordery et al., 1997 ; Yaxley, 2000 ; Tatsumi, 2000 ; Kogiso et al., 2003 ; Lustrino et Dallai, 2004). Cependant, l’âge et la composition du matériel subducté, ainsi que le timing de la contamination du manteau peuvent énormément varier. Ainsi, HIMU, FOZO, EMI et EMIIe ne représentent pas nécessairement des réservoirs préservés depuis longtemps dans le manteau profond et successivement mis en place sous forme de panaches actifs (voir Meibom and Anderson, 2003). Il semble que ce soit le cas pour le pôle EMIIe du volcanisme italien. Il faut également noter que dans la zone-type évoquée pour les basaltes HIMU, EMI et EMII (Polynésie, Pacifique Sud), les données géochimiques, géochronologiques et géophysiques (McNutt et al., 1997 ; Lassiter et al., 2003) ne concordent pas avec la théorie du

panache, mais s’expliquent plus aisément par un fort contrôle lithosphérique sur les processus pétrogénétiques.

2. La corrélation positive générale du rapport 87Sr/86Sr versus Rb/Sr (Fig.

I-B.11) est observée seulement si tout le magmatisme italien est pris en compte (flèche grise, Fig. I-B.11). Lorsque les différentes provinces magmatiques sont observées séparément, la corrélation devient plate (flèches blanches). Pour expliquer cela, Peccerillo (2002) suggère que de jeunes et distincts évènements métasomatiques ont affecté les différentes régions.

3. On peut trouver des roches de type HIMU dans des contextes tectoniques qui ne montrent aucune existence de panache mantellique actif (c.a.d. un bombement avant l’arrivée du magmatisme, un grand volume de magmas éruptés, une température élevée à la limite lithosphère/asthénosphère ; voir Ziegler et Cloetingh, 2003). Par exemple, le volcanisme Miocène à Actuel dans le Nord-Est de l’Arabie (Harrat Ash Shaam, Jordan ; Shaw et al., 2003) montre des compositions en éléments majeurs, traces, et des compositions isotopiques en Sr-Nd-Pb typiques de basaltes de type HIMU, mais ce volcanisme a été associé à une simple décompression mantellique dans un système de rift continental (le rift de la Mer Morte). Le Mt Etna est mis en place le long de la faille transformante Tindari-Letojanni (Fig. I-B.2), le long de laquelle les îles éoliennes de Lipari et Vulcano sont alignées. Cela suggère que la décompression du manteau le long de failles distensives est le mécanisme déclenchant le magmatisme, mais la composition des liquides change en fonction de la nature du manteau sus-jacent (Peccerillo et Lustrino, 2005). Ainsi, si d’un côté la présence étendue des compositions HIMU en Mer Tyrrhénienne et en Europe favorise l’hypothèse d’un grand réservoir homogène, leur restriction le long des discontinuités lithosphériques favorise un fort contrôle lithosphérique dans la genèse et la mise en place de ces magmas plutôt que des panaches mantelliques profonds.

4. Les roches ultrapotassiques italiennes ont des spectres de distribution d’éléments incompatibles qui sont totalement différentes de ceux des roches volcaniques de l’Est de l’Afrique (ex., Virunga district ; Figure I-B.12). Ces dernières montrent un enrichissement en Ta et en Nb, et un appauvrissement en Rb, Cs, Th et

d’autres LILE ; alors que les roches potassiques d’Italie montrent un fort

enrichissement en LILE et un appauvrissement en HFSE (Figure I-B.12). Cela suggère une genèse et une signification tectonique différentes pour les roches ultrapotassiques d’Italie et d’Afrique.

5. Les roches riches en carbonates d’Italie centrale (district ultra-alcalin d’Umbria-Abruzzi ; Fig. I-B.2) représenteraient des magmas ultrapotassiques auxquels du matériel carbonaté, provenant des roches sédimentaires carbonatées encaissantes, aurait été ajouté (ex., Peccerillo, 1998). Cela est démontré, entre autres, par la

composition géochimiquement inerte de la fraction carbonatée, par des δ18Ο élevés de

la calcite (autour de +20‰ à +25‰ ; voir discussion dans Peccerillo, 1998) et par les

teneurs élevées en MgO des olivines (jusqu’à 99% de Fo ; ex., Rosatelli et al., 2000) dans les roches riches en carbonates. Certaines des roches les plus particulières du district ultra-alcalin d’Umbria (mélilitites à wollastonite-leucite de Colle Fabri et Ricetto) ont été reconsidérées comme le résultat de la fusion, dévolatilisation et recristallisation de sédiments marneux (Melluso et al., 2003).

6. Les anomalies de vitesse VP et VS et les anomalies thermiques peuvent être aussi liées à l’hétérogénéité de composition du manteau (ex., Deschamps et Trampert, 2003 ; Lee, 2003). Les modèles tomographiques sont fortement dépendants de la référence choisie pour la structure du manteau (ex., Ritsema et Allen, 2003). Selon les hypothèses de départ utilisées dans ces modèles, certaines anomalies (comme des têtes de panache mantellique, ou des conduits) apparaissent ou disparaissent (ex., Silveira et Stutzmann, 2002 ; Ritsema et Allen, 2003).

Figure I-B.12 : Diagramme multi-éléments normalisé au manteau primitif

de roches basiques Plio-Quaternaires représentatives d’Italie, comparées aux roches ultrapotassiques de l’Afrique de l’Est (Virunga district ; Rogers et al., 1992), aux métagranites de Dora Maria (composition moyenne d’après Cadoppi, 1990) et aux gneiss de Toscane (Conticelli, 1998).

7. La Mer Tyrrhénienne (la cible de l’ascension du panache mantellique supposé) montre plusieurs caractéristiques en désaccord avec l’hypothèse du panache. Par exemple, l’absence de magmatisme vraiment abondant en Mer Tyrrhénienne et la forte profondeur (~ 3700m max.) de ce jeune (< 7 Ma) bassin. Ces caractères vont en défaveur d’un mécanisme actif de remontée asthénosphérique qui devrait générer un soulèvement, ou bien une subsidence régionale modérée.

8. Le fort régionalisme dans la distribution des types de magmas suggère un

lien génétique entre les roches volcaniques et la lithosphère de chaque province (ex., Peccerillo et Panza, 1999). Le lien entre les compositions des magmas et la structure lithosphérique est difficile à expliquer si le rôle principal dans la genèse du magma est attribué à un panache mantellique profond.

En conclusion, la présence de panaches mantelliques profonds ascendants sous la Mer Tyrrhénienne n’est pas complètement soutenue par les données géochimiques, structurales et géophysiques. Par conséquent, d’autres modèles alternatifs doivent être proposés pour expliquer les caractéristiques pétrologiques et structurales de cette région.

b) Modèles liés à l’hétérogénéité du manteau supérieur Introduction

L’extrême diversité magmatique des roches volcaniques Plio-Quaternaires du pourtour Tyrrhénien est probablement l’héritage de l’évolution géodynamique complexe de la région méditerranéenne qui a subi de nombreux cycles de Wilson dans les derniers 300 Ma (c.f., Chapitre I-A, Annexe A). Notamment, la résorption du Paléo-Téthys au cours du Paléozoïque et la collision continentale qui s’en suivit, ont généré une grande contamination mantellique et un magmatisme lié à la subduction. La naissance du Néo-Téthys puis du Téthys Alpin au Paléozoïque supérieur - Mésozoïque inférieur généra une fusion mantellique intense et l’extraction de magmas basaltiques qui formèrent la nouvelle croûte océanique durant la dislocation de la Pangée (Annexe A). L’ouverture de l’Océan Atlantique Sud provoqua de nouvelles

contraintes compressives dans le Nord du Gondwana, avec la subduction de la croûte océanique nouvellement formée jusqu’à l’Oligocène. Cependant, des données pétrologiques sur certaines roches alpines comme le massif de Dora Maira indiquent que de la croûte continentale fut également subductée durant les dernières phases de la collision continentale.

Ainsi, le manteau a vraisemblablement été contaminé par de la croûte continentale supérieur durant la collision continentale entre l’Afrique et l’Europe.

Enfin, l’évolution post-Oligocène de la zone tyrrhénienne est marquée par la subduction et le roll-back de la lithosphère océanique de la Mer Ionienne (Chapitre I-A). Ces processus générèrent une grande variété de magmas exposée dans la section A-2 de ce Chapitre I.

L’histoire de l’évolution de la région Tyrrhénienne résumée ci-dessus implique que le manteau supérieur sous cette zone a été soumis à plusieurs épisodes de fusion, d’extraction de liquides basaltiques, et de contamination par un grand nombre de matériaux liés à la subduction. Cela a probablement créée de fortes hétérogénéités dans le manteau supérieur. Peccerillo et Lustrino (2004), par exemple, estiment donc que la grande variation de composition du magmatisme italien est la conséquence évidente de cette évolution complexe et ne nécessite pas de processus impliquant le manteau profond. D’après ces auteurs, il est plus probable que le manteau sub-continental du pourtour Tyrrhénien (et du pourtour Méditerranéen en général) soit une région fortement hétérogène, avec des secteurs enrichis et d’autres appauvris, distribués et dispersés de manière variable. Les régions enrichies seraient les conséquences de recyclages crustaux via les zones de subduction et les processus de détachements, alors que l’extraction de liquides basaltiques serait à l’origine des zones appauvries. Dans ce cas, le modèle récemment proposé par Meibom et Anderson (2003), le « Statistical Upper Mantle Assemblage » (SUMA), serait satisfaisant pour expliquer la géochimie du manteau supérieur du pourtour Tyrrhénien.

Arguments en faveur de processus peu profonds

Les preuves pétrologiques et géochimiques évoquées en faveur de processus peu profonds, essentiellement liés à la subduction et à la remontée passive de manteau, sont les suivants :

- Les roches magmatiques de l’arc Eolien et de la péninsule Italienne

montrent des signatures géochimiques comme de fortes teneurs en LILE et HFSE typiques des roches liées à la subduction.

- La polarité de l’âge des roches liées à la subduction, du volcanisme

Oligo-Miocène de Sardaigne vers l’arc Eolien actif, s’accorde très bien avec l’hypothèse de la migration Sud-Est du système arc-fosse.

- Les signatures isotopiques et les spectres d’éléments en trace des roches

ultrapotassiques italiennes ressemblent fortement à la croûte supérieure (Peccerillo, 1999 ; cf. gneiss de Toscane, Fig. I-B.12).

- Les tendances 87Sr/86Sr vs. Rb/Sr pour chaque province (p. ex., la PMR)

sont plates ou légèrement inclinées (Fig. I-B.11), indiquant des phénomènes de contamination récents pour les sources mantelliques de chaque province. Une contamination mantellique récente a été suggérée pour le volcan Vico dans la PMR d’après les déséquilibres U/Th (Villemant et Flehoc, 1989).

- Les roches ayant des compositions de type OIB sont, soit en position

arrière-arc (p.ex. Sardaigne), soit le long de failles transformantes (p. ex. l’Etna). Or, ces deux structures sont liées à des processus de subduction.

Origine des compositions EMIIe, EMI et HIMU

Un scénario impliquant le manteau supérieur pour le magmatisme Tyrrhénien requiert une explication pour les diverses compositions extrêmes dans cette zone, particulièrement, EMIIe, EMI, et HIMU-FOZO.

Le pôle EMIIe, dont les meilleurs représentants sont les lamproïtes

ultrapotassiques de Toscane, montre la preuve la plus évidente de la participation de roches de la croûte supérieure dans la contamination du manteau de la zone Tyrrhénienne (ex., Lustrino et Peccerillo, 2005). Les

143

Nd/144Nd bas, ainsi que des spectres d’éléments incompatibles comparables

à ceux des granites et des gneiss (Fig. I-B.12). Cependant, ils montrent également des Mg# et des teneurs en Cr et Ni élevés qui indiquent peu d’évolution durant l’ascension vers la surface. D’après Peccerillo (2002), la seule possibilité pour expliquer les signatures à la fois mantellique et crustale dans ces roches est d’envisager une contamination crustale en profondeur, et pas une contamination des liquides basiques lors de leur remontée vers la surface. Les modalités d’interaction des roches crustales (granites et métapélites) peuvent être uniquement liées aux processus de subduction. Bien que l’âge de la contamination du manteau soit difficile à démontrer, d’après Peccerillo et Lustrino (2005), elle est intervenue assez récemment, probablement durant les derniers stades de la résorption de l’océan Liguro-Piémontais. Comme cela a été évoqué précédemment, le manteau supérieur a été probablement contaminé par l’introduction de croûte supérieure durant la collision continentale Oligocène. De plus, la similitude entre les spectres d’éléments incompatibles des lamproïtes de Toscane et des roches de la croûte supérieure, incluant les métagranites de Dora Maira (Fig. I-B.12), indique que la totalité de la croûte supérieure fût ajoutée au manteau et que le fractionnement inter-éléments fût minime durant la contamination et l’évolution de la source mantellique du magma lamproïtique qui suivit. Cette hypothèse va à l’encontre de celle impliquant une longue histoire de recyclage de matériel crustal dans le manteau profond. En d’autres termes, d’après

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