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MAGMATISME ITALIEN

1- Contexte tectonique

Une caractéristique de la Méditerranée Occidentale est la forte courbure d’un bon nombre de segments de la ceinture orogénique, comme les Carpathes, les Hellenides, les Apennins et le système Betique-Rif-Tell (Fig. I-A.1). Sur le côté concave de ces chaînes de montagnes arquées, des zones de subsidence récentes (Miocènes à Actuelles) sont présentes, comme les bassins Pannonien, Egéen, Tyrrhénien et d’Alboran. On trouve donc des bassins au beau milieu d’orogènes, c’est-à-dire, pour souligner le paradoxe, des zones en extension dans un contexte général en compression.

Figure I-A.1 : Carte structurale de la zone Méditerranéenne (simplifiée d’après Channel et al., 1979 ; et

Horvath et al., 1981 ; dans Malinverno et Ryan, 1986). 1 = Avant-pays Africain ; 2 = marge continentale Africaine déformée ; 3 = nappes Austro-Alpines ; 4 = Avant-pays Européen ; 5 = marge continentale Européenne déformée ; 6 = témoins océaniques (ophiolites, sédiments océaniques, etc…) ; 7 = « massifs internes » (complexes pré-Alpins et Alpins métamorphisés) ; KA = Kabylie nappes; MA = Maghrebides ; AA = Aeolian volcanic Arc ; IF = Iblean Foreland ; CA = Calabria ; AF = Apulian Foreland. Contours bathymétriques en kilomètres.

La Méditerranée est un puzzle compliqué. Le principal facteur contrôlant la tectonique Méditerranéenne a communément été considéré comme étant le mouvement relatif de convergence entre l’Afrique et l’Europe résultant de différents taux d’accrétion le long de la dorsale Atlantique. En dépit des failles transformantes orientées Est-Ouest segmentant de manière régulière la croûte océanique Atlantique, la convergence Nord-Sud entre l’Afrique et

l’Europe a été considérée comme le moteur des orogènes méditerranéens depuis le Crétacé Supérieur (~ 95 Ma).

Depuis le travail d’Argand (1916), l’orogène alpin était attribué à la collision entre le promontoire Adriatique et l’Europe. Cet héritage historique a fortement influencé bon nombre de reconstructions tectoniques de la région Méditerranéenne. Les structures tectoniques différemment orientées telles que la Mer Tyrrhénienne ou les Appenins furent interprétées dans le contexte d’une convergence générale Nord-Sud (p. ex., Boccaletti et al., 1982 ; et beaucoup d’autres), proposant que la poussée Nord-Sud était responsable de l’extrusion (ou du fluage) vers l’Est des Appenins (p. ex., Tapponnier, 1977).

Même pour les 30 derniers millions d’années, les modèles géodynamiques de la Méditerranée Occidentale sont toujours très conversés car il est très difficile d’estimer la quantité de déplacement des blocs continentaux en son sein. La raison est que les données généralement utilisées pour contraindre un modèle cinématique de plaques sont dérivées des anomalies magnétiques, des zones de fracture et de la morphologie des marges conjuguées. Or, la géométrie des anomalies magnétiques en Méditerranée Occidentale ne permet pas l’identification aisée des anomalies et tous les bassins se sont développés à l’intérieur ou au bord d’orogènes actifs, si bien que les marges conjuguées sont déformées, sauf celles du bassin Liguro-Provençal.

De nombreux modèles ont été proposés depuis les années 60, et ont fait progresser les idées sur l’évolution de cette zone complexe. Les premiers modèles expliquaient l’existence de bassins au milieu d’orogènes uniquement par des mouvements verticaux de soulèvement puis effondrement (p. ex. ; Aubouin, 1965 ; Van Bemmelen, 1969 ; Morelli, 1970 ; Wezel, 1978) faisant de ces bassins des structures post-orogéniques. Puis, les mouvements horizontaux et les interactions entre plaques furent considérés. Le bassin Tyrrhénien, par exemple, fut comparé aux bassins marginaux du Pacifique Ouest où de la croûte océanique est créée par des processus d’accrétion liés à la subduction d’une lithosphère océanique (Boccaletti et al., 1971 ; Bousquet, 1973 ; Barberi et al., 1973 ; Ryan et al., 1973 ; Boccaletti et Guazzone, 1974 ; Hsü, 1977). Ainsi, l’histoire tectonique du système alpin fut reliée au mouvement relatif entre Afrique et Europe durant les 180 derniers Ma, d’après les anomalies magnétiques de l’Océan Atlantique, et fut interprétée comme le résultat de l’interaction d’une mosaïque de microplaques écrasées entre les deux masses continentales principales (Dewey et al., 1973). Plus tard, il est apparu que certains aspects de la tectonique continentale, et particulièrement la formation de ceintures orogéniques fortement arquées, étaient difficiles à expliquer seulement par le jeu de plaques rigides. Il fût donc suggéré que les plaques

continentales n’étaient pas entièrement rigides, mais qu’elles se déformaient de manière plastique, au moins sur leurs bords (Molnar et Taponnier, 1975). La tectonique du système alpin occidental fût ainsi interprétée comme le résultat du poinçonnement d’un promontoire africain, le bloc adriatique, dans la masse continentale européenne (Fig. I-A.2; Taponnier, 1977).

Pour certains, la comparaison du bassin Tyrrhénien avec les bassins marginaux du Pacifique Ouest évoquée auparavant parût incompatible avec certains faits, comme (1) l’absence de magmatisme calco-alcalin contemporain de l’extension (le volcanisme de l’arc éolien était de loin trop jeune, environ 1 Ma ; d’après Barberi et al., 1974), et (2) la discontinuité du plan de Benioff sous l’arc Calabrien (qui affiche un « gap » de séismes entre 100 et 200 km de profondeur, et 350 et 450 km, d’après Papazachos (1973)). D’après ces observations, il a donc été proposé un modèle de « rifting ». D’après ce modèle, le bassin Tyrrhénien se formerait par rifting par rotation anti-horaire de la péninsule italienne. D’après Scandone (1979) et Mantovani (1982), cette rotation n’était pas liée à la subduction, cette dernière étant réactivée plus tard. Enfin, d’autres chercheurs firent intervenir la gravité pour expliquer la présence de ces bassins. Ils suggérèrent que la formation des bassins méditerranéens était quelque chose d’unique, et Horvath et al. (1981) firent remarquer que

Figure I-A.2: Extrait de la carte de sismicité dans la région Méditerranéenne (modifiée d’après

Plag et al., 1998). Les lignes marquent les structures principales des limites de plaques entre les plaques eurasienne et africaine. Les points représentent la sismicité d'après le catalogue ISC avec des magnitudes >1, et les carrés les magnitudes supérieures à 5. Cette carte met en évidence le promontoire adriatique (africain).

l’extension succédait aux premiers événements orogéniques dans l’arc alentour, c’est à dire ce qu’ils considèrent comme le début de la collision continent-continent. Selon ces auteurs, à ce moment-là, la zone interne devrait être anormalement élevée à cause de la montée des isothermes liée à la subduction, et à cause de l’épaississement crustal lié à la collision. De par son potentiel gravitaire plus fort, l’ « arc » surélevé s’étalerait ensuite vers la croûte plus mince de l’avant-pays, provoquant l’extension dans la zone interne (Berckhemer, 1977). Dans chacun des modèles présentés ci-dessus, toutes les structures observées en Méditerranée occidentale n’étaient pas satisfaites, ou certains éléments des modèles n’étaient pas compatibles avec les observations (tant du point de vue morphologique, structural et temporel).

Malinverno et Ryan (1986) ont été les premiers à proposer un modèle complet, focalisé sur le système Tyrrhénien-Apennin. Leur modèle de migration d’arc (Fig. I-A.3) est basé sur quatre postulats:

1) La formation du bassin tyrrhénien est contemporaine des événements orogéniques qui ont lieu dans la chaîne apenninique adjacente.

2) Une quantité significative de raccourcissement crustal peut-être déduite de l’enregistrement stratigraphique et structural dans les Apennins.

3) Les caractéristiques et la magnitude de l’amincissement crustal dans le bassin Tyrrhénien sont en accord avec une extension E-W maximum d’environ 350 km.

4) Dans la zone tyrrhénienne, le mouvement relatif des plaques Africaine et Européenne, tel qu’il a été calculé d’après les taux et la direction d’expansion océanique dans l’océan Atlantique, correspond à une convergence approximativement Nord-Sud durant la formation du bassin Tyrrhénien.

Figure I-A.3 : Modèle simple de développement d’un bassin dû à la

migration d’un arc (Malinverno et Ryan, 1986). 1 = continent; 2 = marge continentale; 3 = domaine océanique; 4 = front de subduction. L’extension se fait dans la plaque chevauchante lorsque

Plus récemment, Gueguen et al. (1998) ont proposé 4 phases pour l’évolution tectonique globale, Néogène à Actuelle, de la Méditerranée occidentale. Leur étude intègre les résultats précédents publiés sur le sujet (Gueguen et al., 1997 ; Doglioni et al., 1997a, b), et représente une hypothèse alternative au concept généralement accepté selon lequel la géodynamique de la Méditerranée occidentale fut principalement façonnée par la convergence Nord-Sud Afrique-Europe. Ce processus serait secondaire comparé à l’influence dominante d’un système d’arc migrant d’Est en Ouest (système Rif-Tell-Bétiques) et d’Ouest en Est (Apennins). La partie qui suit expose leur modèle.

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