• Aucun résultat trouvé

MAGMATISME ITALIEN

2- Géodynamique de la Méditerranée Occidentale

a) Histoire géodynamique pré-Cénozoïque

La configuration géologique actuelle de la région méditerranéenne est le résultat de l’ouverture et de la résorption de deux bassins océaniques majeurs (le Paléo-Téthys essentiellement Paléozoïque, et le Néo-Téthys, Paléozoïque Supérieur- Mésozoïque) et de plusieurs petits bassins océaniques tel que la Téthys Alpine, dans un contexte général de convergence entre les plaques eurasienne et africano-arabique (Cavazza et al., 2004).

Au cours du Paléozoique, le Gondwana (incluant le craton Africain) et la Laurasia (incluant le craton Européen) sont séparés par un océan majeur (plus de 3000 km de large), le Paléo-Téthys (Annexe A, Fig. 1). Durant l’orogenèse Hercynienne, à la fin du Paléozoïque, la résorption de cet océan généra un important magmatisme dont on trouve des témoins en plusieurs endroits autour de la mer Tyrrhénienne comme en Corse, Sardaigne, en Calabre et dans les Alpes (ex., Lustrino, 2000b). Débute alors, au Paléozoique Supérieur – Mésozoique Inférieur, une phase de rifting donnant naissance à l’Océan Néo-Téthys (Annexe A, Fig. 2). L’ouverture du Néo-Téthys se propagea entre les cratons Africain et Européen ouvrant ainsi la Téthys Alpine (Annexe A, Figs. 3 et 4). L’ouverture de l’Océan Atlantique Sud au Crétacé Supérieur provoqua ensuite de nouvelles contraintes compressives dans le Nord du Gondwana, et la subduction de la croûte océanique nouvellement formée (Annexe A, Figs. 5 et 6).

Ce nouveau stade marque le début de l'orogenèse alpine. Le bassin Liguro-Piémontais, faisant partie de la Téthys Alpine, fut subducté (Annexe A, Fig. 7) et on en trouve à présent des restes dans les séquences ophiolitiques obductées des Alpes occidentales et des Apennins. Ainsi, l’orogenèse alpine, encore active, est liée à la convergence des cratons Européen et Africain et accompagnée de la destruction de l’océan Mésozoïque Téthys (e.g., Dercourt et al, 1986). Ce processus est responsable des traits structuraux les plus importants d’une très grande zone entre l’Afrique et l’Eurasie, comprenant les chaînes alpines et apenniniques. Bien qu’il y ait débat sur la modalité de la résorption de l’océan Liguro-Piémontais durant l’orogenèse alpine (Lustrino 2000b), la plupart des auteurs s’accordent à dire que la collision Afrique-Europe est un processus complexe. La subduction de la croûte océanique du bassin Liguro-Piémontais se poursuivit jusqu’à l’Oligocène (~35 Ma ; Annexe A, Fig. 8). De la croûte continentale fut également subductée durant les dernières phases de collision continentale comme en témoignent les faciès de très haute pression à coésite (120-150 km) du massif de Dora Maira par exemple (ex., Chopin, 1984). De telles observations suggèrent une forte contamination du manteau par la croûte continentale supérieure au cours de ces phases récentes.

Les grands traits structuraux actuels de la Méditerranée Occidentale sont cependant essentiellement liés à son histoire « récente » (c.a.d. les 30 derniers Ma) qui fait l’objet du paragraphe suivant.

b) Evolution géodynamique Cénozoïque

L’ouverture de la Méditerranée Occidentale a débuté vers 35 Ma, avec la genèse de bassins irréguliers qui migrent en âge de l’Ouest vers l’Est. Les bassins se sont développés à l’Oligocène Supérieur - Miocène Inférieur pour les secteurs les plus à l’Ouest (Alboran, Valencia, et les bassins Provençaux ; Maldonado et al., 1992 ; Roca et Desegaulx, 1992 ; Comas et al., 1993 ; Gueguen et al., 1993 ; Watts et al., 1993 ; Roca, 1994 ; Gueguen, 1995 ; Fernetez et al., 1995 ; Docherty et Beta, 1995) devenant progressivement plus jeunes vers l’Est: Miocène Moyen-Supérieur pour les bassins orientaux des Baléares et d’Algérie (Roca et Desegaulx, 1992 ; Sabàt et al., 1997), jusqu’à Miocène Supérieur et Plio-Pléistocène dans le bassin Tyrrhénien (Kastens et al., 1988). Ces bassins s’ouvrent dans la région arrière-arc d’une zone de

subduction Apeninnes-Maghrebines se retirant respectivement, vers l’E et vers le S-SO. L’arc a migré de 800 km vers l’Est depuis l’Oligocène Supérieur (~35 Ma) jusqu’à aujourd’hui.

L’extension en Méditerranée Occidentale et la croissance de l’arc Apenninique se développent pourtant dans un contexte général de convergence lente entre l’Afrique et l’Europe, principalement après un épisode de collision finale dans les Pyrénées à 20 Ma (Mattauer et Séguret, 1971; Viallard, 1978, 1979). La direction du mouvement relatif entre Afrique et Europe est toujours en débat. La plupart des reconstructions montrent une rotation des directions de mouvements relatifs du NE vers le NW durant les derniers 23 Ma (Dewey et al., 1989 ; Helman et Mazzoli, 1994 ; Campan, 1995 ; Albarello et al., 1995). Le raccourcissement total entre les deux plaques a été estimé à 400-500 km en Méditerranée Centrale durant les derniers 80 Ma (Dewey et al., 1989). Il s’avère que la quantité de mouvement relatif N-S Afrique-Europe était 5 à 8 fois plus lente que la migration vers l’Est de l’arc Apennin, c’est à dire 4-7 mm/an de convergence N-S contre 30-40 mm/an de migration Est de l’arc Apennin (Gueguen et al, 1997).

Les données géodésiques confirment ce contexte général de convergence et montrent que la direction actuelle du mouvement de la plaque Africaine par rapport à l’Europe est NO-SE (ex., Argus et al., 1989).

L’ouverture de la Méditerranée Occidentale à ~35 Ma est directement liée à l’initiation de la subduction Apeninnes-Maghrebides (Robertson et Grasso, 1995). A cette époque, la subduction Alpine a atteint le stade de collision continentale (Doglioni et al., 1998). Dès lors, la subduction se retira vers l’Est et le Sud respectivement (phénomène de « slab roll-back »), jusqu’à sa position actuelle sous les Apennins et les Maghrebides. Au front de cette subduction, l’extension arrière-arc ouvrit des dépressions irrégulières telles que les bassins Provençal, Algérien, Tyrrhénien (Réhault et al., 1984; Malinverno et Ryan, 1986; Royden et al., 1987; Doglioni, 1991). Des blocs lithosphériques furent isolés entre ces bassins, tels que le bloc corso-sarde et le promontoire des Baléares (Gueguen et al., 1997). Du magmatisme accompagna cette évolution avec des épisodes calco-alcalins localisés particulièrement sur les marges Ouest des blocs et l’accrétion de magmas alcalins dans les bassins (Hernetez et al., 1987 ; Kastens et al., 1988 ; Marti et al., 1992).

Figure I-A.4: Reconstruction paléotectonique de la Méditerranée Occidentale au Miocène Inférieur

(Gueguen et al., 1998) montrant le système extensif Provençal-Valencia-Alboran considéré comme le bassin arrière-arc de la subduction Apeninnes-Maghrébides à pendage Nord-Ouest (en noir). Notez la vergence Est du front apenninique et de l’extension arrière-arc associée. En gris figure le front de l’orogène Alpin-Bétique qui est traversé par la zone d’extension arrière-arc. Cette extension fragmente l’orogène Alpin-Bétique en bassins segmentés. Notez la distance entre l’arc au Miocène Inférieur reconstruit et sa position actuelle (775 km) par rapport au mouvement N-NO, contemporain mais plus faible, de l’Afrique relativement à l’Europe (135 km).

De 25 Ma à 10 Ma

A l’Oligocène supérieur, l’ouverture du bassin Liguro-Provençal était déjà initiée. La Fig. I-A.4 montre la paléogéographie au début du Miocène après l’extension Oligocène des marges liguro-provençales, mais avant l’océanisation du bassin (Gueguen, 1995). Entre 25 et 10 Ma, le bloc corso-sarde a effectué une rotation de 60° dans le sens anti-horaire autour d’un pôle situé environ à 42.7°N et 9.6°E (Gueguen, 1995). La Fig. I-A.7 illustre la reconstruction paléotectonique à cette période. Avec le début de l’ouverture de la Mer Tyrrhénienne, le bloc calabro-péloritain (Cal et Pel sur la Fig. 7) se détache de la Sardaigne.

Figure I-A.5: La plupart des bassins de la Méditerranée Occidentale se sont déjà ouverts durant le

Tortonien. Le roll-back de la subduction et les bassins arrière-arc associés continuent à migrer vers l’Est et le Sud (Gueguen et al., 1998).

De 10 Ma à 5 Ma

A 10 Ma, le bassin Liguro-Provençal, le bassin de Valence et le bassin Nord Algérien étaient presque entièrement ouverts (Fig. I-A.5). Au Tortonien, le « slab roll-back » cesse dans l’Ouest de la Méditerranée Occidentale où la convergence Afrique-Europe est alors absorbée dans les chaînes Nord-Africaines. Dans le bras Nord de l’arc (c.a.d. la zone Apenninique et Tyrrhénienne), le front de subduction migre vers l’Est entraînant un régime compressif dans les Apennins et extensif à l’Ouest du front. Le bassin de Vavilov (Fig. I-A.6) atteignit progressivement le stade d’océanisation durant le Miocène Supérieur - Pliocène Inférieur, tandis que le bassin de Marsili commençait à s’ouvrir, et que la Calabre était aussi affectée par une tectonique extensive. Ce saut dans les processus d’extension fût marqué par un changement de direction de l’ouverture d’une direction N120° à une direction N140°. Celle-ci se poursuit au Sud avec la subduction de la croûte océanique ionienne.

De 5 Ma à l’Actuel

Dans le domaine Tyrrhénien, le bassin de Vavilov était presque entièrement ouvert et une nouvelle croûte océanique commença à se former dans le bassin de Marsili durant le Pliocène supérieur (Fig. I-A.7). Dans les Apennins Nord, l’interférence de la zone de subduction avec la croûte continentale plus épaisse de la plateforme apulienne stoppa la migration de la subduction, alors que dans les Apennins Centre et Sud la subduction d’une fine lithosphère océanique adriatique et ionienne permit la poursuite du « roll-back » du slab. De par ces différents taux de roll-back, la vitesse de retrait fût divisée en deux « sub-arcs » séparés par la « Tremiti line » (Fig. I-A.7 ; Doglioni et al., 1994).

Figure I-A.6: Reconstruction paléotectonique du Pliocène Inférieur (Gueguen et al., 1998). De la

croûte océanique commence à se former dans le bassin de Vavilov de la Mer Tyrrhénienne. Le système associé à la subduction Apenninique migre vers l’Est à une vitesse de 50 mm/an.

.

c) Vers un modèle global d’évolution géodynamique de la Méditerranée Occidentale

Les reconstructions tectoniques présentées précédemment ont été corroborées par l’apport de la tomographie sismique (Lucente et al., 1999 ; Lucente et Speranza, 2001 ; Wortel et Spakman, 1992, 2000 ; Faccenna et al., 2003, Piromallo et Morelli, 2003). Celle-ci a confirmé la présence de lithosphères subductées dans le manteau de la Méditerranée (Fig. I-A.8) et l’existence du processus de « slab roll-back » en observant l’aplatissement du slab des Apennins-Calabres et Bétiques-Alboran vers 660 km de profondeur, au niveau de la zone de transition manteau supérieur - manteau inférieur (Fig. I-A.8). Un tel aplatissement du slab est une caractéristique courante des systèmes de subduction en roll-back, tels que la subduction Izu-Bonin (Van der Hilst et al., 1991), celle de Tonga-Kermadec (Van der Hilst, 1995; Bijwaard et al., 1998), et de l’arc Mélanésien dans la région Est de l’Australie (Hall et Spakman, 2002). De plus, des modélisations analogiques et numériques dimensionnées de la subduction Figure I-A.7: La Méditerranée Occidentale est composée de bassins devenant de plus en plus jeunes

de l’Ouest vers l’Est (Gueguen et al., 1998). Durant les derniers 30 Ma, ils se sont développés en arrière du front de subduction Apeninnes-Maghrébides comme des bassins arrière-arc à mesure que celui-ci se retire vers l’Est, le Sud-Est et le Sud. Ces bassins ont une forme triangulaire.

associée à un système de convection mantellique (ex., Olbertz et al., 1997; Christensen, 1995, 2001; Faccenna et al., 2001; Cizkova et al., 2002) ont démontré que le slab roll-back, associé à un aplatissement lié à une résistance du manteau inférieur plus forte permettait de rendre compte des observations géologiques de surface.

Ainsi, d’après Spakman et Wortel (2004), un processus de roll-back à grande échelle doit être invoqué pour expliquer la position actuelle des slabs méditerranéens. En Méditerranée Occidentale, les zones de subduction auraient donc subi un roll-back radial et rapide (Fig. I-A.9). Les ceintures orogéniques des Apennins-Maghrébides se développèrent à l’aplomb de ces zones de subduction et la déformation compressive se déplaça suivant le roll-back du slab, vers l’Est, le Sud-Est, le Sud et l’Ouest (Fig. I-A.9 ; Carminati et al., 2004). Les bassins se développèrent en position arrière-arc. L’extension fût principalement active dans la zone du bassin Provençal - Golf du Lion à l’Oligocène Supérieur - Langhian (34-15 Ma). Elle ralentit fortement à 15 Ma au moment où le slab atteint la transition manteau supérieur manteau inférieur (Faccenna et al., 2001), puis reprend à l’Est de la Sardaigne, entraînant l’ouverture du bassin Tyrrhénien du Miocène Moyen à l’Actuel.

Dans le cas particulier de la Mer Tyrrhénienne, ce modèle global impliquant le rôle majeur du retrait de la subduction est encore l’objet de débats, certains auteurs en effet rejettent l’existence même d’une subduction sous les Apennins (ex., Lavecchia et Stoppa, 1996 ; Lavecchia et al., 2003 ; Bell et al., 2004), mettant en doute les interprétations des images tomographiques et des données géochimiques des roches magmatiques italiennes. Ceci sera plus amplement exposé dans les parties suivantes concernant la Mer Tyrrhénienne (I-A.3) et le magmatisme italien (I-B.).

Figure I-A.8: Deux profils tomographiques issus du modèle BS2000 à travers les 1000 premiers kilomètres du manteau de la Méditerranée Occidentale (Bijwaard et

Spakman, 2000; Spakman et Wortel, 2004). a : Profil à travers la région des Bétiques-Alboran et le bassin Algérien ; b : profil à travers le manteau Tyrrhénien et la Calabre. Les profils sont réalisés le long d’un segment de grand cercle indiqué par la droite rouge au centre de la carte située au dessus de chaque profil. Les coordonnées du grand cercle sont indiquées en bas de la carte. Les unités latérales sont en degrés mesurés depuis le début de profil (à gauche) ; 1 degré = 110 km. Les points blancs indiquent les séismes majeurs (magnitude > 4.8). La partie blanche du symbôle losangique sur la gauche de la carte indique le Nord. Le petit encart comprend une carte de la région à plus grande échelle avec le segment de grand cercle marqué par un trait rouge. Les lignes en tiretés dans les profils tomographiques représentent les discontinuités du manteau à 410 et 660 km. de profondeur. Les couleurs représentent le pourcentage de déviation de la vitesse des ondes sismiques par rapport au modèle 1-D de référence ak135 (Kenneth et al., 1995). Les anomalies négatives (positives) représentent des vitesses plus faibles (plus

Figure I-A.9: Reconstruction de la surface de l’océan Ligure basée sur la quantité et la géométrie de la

plaque plongeante estimées d’après le modèle de tomographie BS2000 (Bijwaard et Spakman, 2000; Spakman et Wortel, 2004). Les lignes en tiretés marquent la position de la marge africaine il y a environ 10 Ma, tandis que les lignes en pointillés montrent la position des îles Baléares, de la Corse, de la Sardaigne, et de la marge africaine durant l’Oligocène Supérieur/Miocène Inférieur (~23Ma; d’après Gueguen et al., 1998).La ligne continue en gras donne une idée de la position de la fosse de subduction il y a environ 15 Ma.

Documents relatifs