L’étude des différents domaines de PTPN4 pourrait nous éclairer tant pour l’identification de ses partenaires cellulaires et la régulation de leur interaction que pour apporter une meilleure compréhension de la fonction cellulaire de PTPN4. In fine, ces études pourraient conduire à un meilleur ciblage de cette phosphatase et permettre d’induire de manière plus efficace la mort de cellules cancéreuses.
A. Le cas de la phosphatase PTPN4
De l’ensemble de données biochimiques et biologiques de PTPN4 connues à ce jour, plusieurs arguments sont en faveur d’un rôle concerté de ses domaines PDZ et phosphatase. Premièrement, la partie C-‐terminale de PTPN4, qui comprend les domaines PDZ et PTP, est résistante à la digestion protéasique et correspond à la forme la plus active de PTPN4 (381). Deuxièmement, il a été proposé aussi bien dans le cas de l’induction de la LTD que dans le contrôle de l’homéostasie cellulaire que la perturbation de l’interaction du domaine PDZ de PTPN4 avec ses ligands diminue la déphosphorylation de ces derniers, entraînant une dérégulation des voies de signalisation dans lesquelles PTPN4 est impliquée (98, 259, 445).
B. Modèle des homologues PTPN3 et PTPN13
Pour les deux autres tyrosine-‐phosphatases qui possèdent des domaines PDZ, PTPN3 et PTPN13, leurs domaines PDZ et PTP ont également un rôle crucial dans la régulation de leurs fonctions cellulaires.
Du fait de son interaction avec CD95 (aussi appelé Fas), PTPN13 est un régulateur négatif de l’apoptose, dans les adénocarcinomes de pancréas humain et dans les cellules de cancer du colon (463, 464). Le PBM de CD95 interagit avec les domaines PDZ2 et PDZ4 de PTPN13 (465). Cette interaction est cruciale à PTPN13 pour empêcher la localisation de CD95 à la membrane plasmique, où ce dernier est requis pour induire l’apoptose après fixation à son ligand (FasL) (466). Cette régulation se fait très certainement par la déphosphorylation de CD95 par PTPN13 (466-‐469). L’utilisation de
peptides mimant le PBM de CD95 et capables d’interagir avec le second domaine PDZ de PTPN13 est suffisante pour induire l’apoptose dépendante de CD95 une fois les peptides délivrés dans des cellules de cancer du colon (464).
PTPN3 induit quant à elle une prolifération oncogénique dépendante de RAS dans des cellules de cancer colorectal en interagissant avec la kinase p38γ de la famille des Mitogen Asoociated Protein Kinase (MAPK) (470). Cette kinase possède en C-‐terminal un PBM qui interagit avec le domaine PDZ de PTPN3. Cette interaction induit la déphosphorylation de cette kinase. Il est établi que la déphosphorylation de P38γ joue un rôle essentiel dans l’induction de la transformation oncogénique RAS-‐dépendante (471, 472). Un peptide codant pour le PBM de P38γ, empêche la formation du complexe de PTPN3 et P38γ et provoque l’augmentation de la phosphorylation de la kinase. Ce peptide est suffisant, lorsqu’il pénètre dans la cellule, pour bloquer la transformation tumorale. Il est ainsi proposé que PTPN3 régule la prolifération cancéreuse de cellules en déphosphorylant P38γ suite à leur interaction PBM/PDZ (470).
Ces deux exemples mettent en évidence le rôle critique que joue le recrutement d’un partenaire par le domaine PDZ pour contrôler l’apoptose ou la transformation oncogénique. Un mécanisme, similaire à celui de PTPN4, a été proposé pour expliquer leurs fonctions cellulaires impliquant un fonctionnement concerté entre les domaines PDZ et phosphatase pour déphosphoryler des tyrosines présentes sur les partenaires (98, 469, 470).
P
ROBLÉMATIQUE
L’organisation modulaire des protéines détermine leurs fonctions et leurs régulations. Je me suis intéressé lors de cette thèse sur le rôle fonctionnel et structural des domaines PDZ au sein de protéine tyrosine phosphatases.
Le ciblage des domaines PDZ de ces tyrosine phosphatases, aussi bien par des virus que par des peptides synthétiques, engendre des perturbations drastiques de leurs fonctions cellulaires. L’infection par une souche atténuée du virus de la rage altère les fonctions anti-‐apoptotiques de PTPN4 et induit la mort des cellules. Ceci est du à l’interaction de la glycoprotéine virale avec le domaine PDZ de PTPN4. Parallèlement, des peptides synthétiques affins pour le domaine PDZ de PTPN4 sont capables de provoquer par eux-‐mêmes la mort cellulaire. De la même façon, des peptides synthétiques ciblant les domaines PDZ de deux autres PTP homologues de PTPN4, PTPN3 et PTPN13, suffisent pour altérer leurs fonctions et induire soit la survie soit la mort des cellules.
Le ciblage du domaine PDZ de ces phosphatases est ainsi une étape clé dans la perturbation de leurs fonctions cellulaires. Parmi les multiples rôles que peuvent jouer les domaines PDZ dans cette perturbation, nous nous sommes intéressés au rôle potentiel de régulation du domaine PDZ de PTPN4, et de ses ligands, sur l’activité catalytique du domaine phosphatase de PTPN4.
Les domaines PDZ ont en effet la capacité de réguler des domaines catalytiques. Ceci est néanmoins très peu documenté et uniquement décrit dans la famille des protéases HtrA. Elle pourrait cependant se révéler être une fonction plus récurrente. Les domaines tyrosine-‐phosphatases sont quant à eux caractérisés par leur combinaison avec différents types de domaines qui peuvent directement contrôler leur activité catalytique. La fonction de ces tyrosine-‐phosphatases est dans certains cas dépendante de leurs domaines adjacents.
Le premier objectif de ma thèse fut ainsi de mettre à jour la régulation de l’activité catalytique de PTPN4 par son domaine PDZ et ses ligands d’un point de vue
enzymatique. De manière réciproque, nous avons étudié par titration calorimétrique isotherme l’influence du domaine phosphatase sur le recrutement de ligand au domaine PDZ. Nous avons par la suite détaillé les mécanismes moléculaires qui régissent cette régulation inter-‐domaine. Pour cela, une étude structurale en solution à basse résolution des deux domaines fut entreprise. Les résultats de cette étude nous ont alors amenés à caractériser par RMN la dynamique des deux domaines PDZ et PTP, afin de mettre en évidence un mécanisme de communication entre eux deux. L’ensemble des résultats qui englobe cette étude structure-‐fonction sera détaillé dans la première partie des résultats.
Nous avons voulu par ailleurs identifier quel effecteur cellulaire de PTPN4 protège la cellule de la mort. En effet, les effecteurs de cette fonction restent, jusqu’à présent, inconnus. Peu de ligands cellulaires de PTPN4 ont été identifiés et ceux qui interagissent avec son domaine PDZ ne régulent pas l’homéostasie cellulaire. Nous avons alors entrepris l’identification de la voie de signalisation en aval de PTPN4 et le partenaire de la phosphatase impliqué dans la régulation de la mort cellulaire. Nous nous sommes ensuite intéressés aux propriétés d’interaction in vitro de ce partenaire avec les domaines PDZ et PTP de PTPN4. Nous avons analysé l’interaction du PBM du partenaire avec le PDZ de PTPN4 par cristallographie par rayons-‐X. Nous avons ensuite détaillée par enzymologie la déphosphorylation de ce partenaire par la phosphatase de PTPN4. Nous savons que les domaines combinés aux PTP peuvent participer au recrutement des substrats des phosphatases. Aussi, du fait de la proximité des domaines PDZ et PTP de PTPN4, nous avons étudié comment le PDZ participerait à la présentation du partenaire au site catalytique de la phosphatase. Nous présenterons les résultats obtenus lors de cette étude dans la deuxième partie des résultats.