C HAPITRE III - L ES DOMAINES PDZ
4) Assemblage multi-domaines
4) Assemblage multi-domaines
L’association de domaines PDZ entre eux ou avec d’autres domaines permet l’émergence de nouvelles propriétés fonctionnelles pour les protéines. L’étude indispensable de ces multi-‐domaines, notamment d’un point de vue structural, se heurte à de nombreux problèmes expérimentaux tant ils sont souvent difficiles à produire, et présentent fréquemment de fortes propriétés de flexibilité et des problèmes de stabilité.
A. Les tandems PDZ-PDZ
Une des caractéristiques des plus marquantes des domaines PDZ est la récurrence avec laquelle on les retrouve en plusieurs copies dans une même protéine. Parmi les protéines humaines contenant au moins un domaine PDZ, 30% en contiennent au moins deux, et 18% trois ou plus. La protéine MUPP1 est celle qui en contient le plus avec treize copies. Cette multiplicité au sein des protéines est plus élevée pour les PDZ que pour d’autres types de domaines de reconnaissance tels que les domaines SH2 ou SH3 (Figure 26).
Figure 26 : Combinaisons en multiples copies de domaines dans les protéines humaines Répartition des domaines de signalisation PDZ, SH2 et SH3 prédite par protéine par SMART (234). Les résultats sont classés selon que les protéines contiennent 1 (gris), 2 (violet), 3-‐5 (bleu), >5 (Rouge) copies d’un type de domaine. D’après Harris et al (2001) (238).
Cette multiplicité permet aux protéines composées de nombreux PDZ de former des plateformes d’interactions pour complexes multi-‐protéiques. Dans certaines de ces protéines, deux domaines PDZ s’associent pour former un tandem d’où émergent des
propriétés d’interaction propres, différentes de chacun des domaines PDZ isolés ou même de la simple somme des deux PDZ (357). Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’ils sont proches l’un de l’autre, séparés par un court linker. Ainsi, le tandem PDZ-‐1-‐PDZ2 de PSD95 interagit de manière synergique avec des ligands dimériques et/ou multimériques. En effet, il possède une meilleure affinité et spécificité vis à vis de partenaires tels que les récepteurs à NMDA ou les canaux à potassium (244, 358).
Le tandem PDZ2-‐PDZ3 de PAR-‐3, en fixant à la fois des PIP et le PBM de PTEN, protéine tyrosine phosphatase spécifique des PIP, est adapté pour le maintien du gradient de PIP dans les cellules polarisées tels que les neurones (314, 359).
Enfin, le tandem PDZ1-‐PDZ2 de la synténine en fixant à la fois des PIP de la membrane et des PBM de partenaires protéiques joue le rôle de lien entre les signaux de PIP et de protéines membranaires (244, 312, 360).
B. Les Supramodules de PDZ
On retrouve également au sein des protéines contenant des domaines PDZ une très grande variété de domaines de signalisation. D’après une analyse bioinformatique effectuée par SMART, environ 45% des protéines ayant des domaines PDZ contiennent au moins un autre type de domaine. Il peut s’agir de domaines de reconnaissance tels que PTB, PB1, DH, WW, FHA, SH3, PX, FERM, BRO1, LIM ou bien des domaines catalytiques comme des domaines PTP, protéases, Guk ou des Ser/Thr kinases (liste non exhaustive) (Figure 27). Cette hétérogénéité de domaines permet aux protéines d’interagir de manière polyvalente avec leurs partenaires et de participer de façon efficace à diverses voies de signalisation (19). Ces protéines présentent alors autant de points de régulation dans le système très complexe et imbriqué des voies de signalisation chez les organismes supérieurs.
Pour certaines de ces protéines, les domaines PDZ forment avec d’autres domaines des supramodules. Ils sont, au même titre que les tandems, des entités structurales distinctes qui ont des propriétés propres d’interaction. Peu de ces supramodules ont été structuralement caractérisés à ce jour.
Figure 27 : Exemples de protéines possédant un ou des domaines PDZ.
Cette figure illustre la nature modulaire et la variété des domaines d’interaction protéique. Les domaines PDZ sont représentés par des ellipses violettes. Sont aussi représentés : Ank, ankyrin repeats; CaM kinase, calmodulin-‐dependent kinase (CaMK)-‐like domain; DIL, dilute domain; FABD, FAD binding domain; FHA, forkhead-‐associated domain; GK, guanylate kinase-‐like domain; L27, domaine initiallement trouvé dans LIN2 et LIN7; NADB, NAD-‐binding domain; NO, nitric oxide; PTB, phosphotyrosine-‐binding domain; RA, RAS association domain; RapGAP, Rap GTPase-‐activating protein; SAM, sterile # motif; SH3, Src homology 3 domain; WW, domain ; ZU5, domain présent dans ZO-‐1 et dans le récepteur netrine UNC5. Les protéines: Dlg; discs large; GRIP1, glutamate-‐receptor-‐ interacting protein 1; LIN7, lin7 homologue; LIN10, lin10 homologue; nNOS, neuronal nitric oxide synthase; PICK1, protein interacting with C-‐kinase 1; PSD-‐93, postsynaptic density protein 93; PSD-‐ 95, postsynaptic density protein 95; SAP97, synapse-‐associated protein 97; SAP102, synapse-‐associated protein 102; Shank, SH3 and ankyrin repeat-‐containing protein; SPAR, spine-‐associated RapGAP; S-‐ SCAM, synaptic scaffolding molecule; ZO-‐1, zona occludens protein 1.
D’après Kim et al (2004) (361).
a. Supramodules de reconnaissance
Parmi les supramodules de reconnaissance, la protéine α-‐syntropine possède un domaine PDZ et un domaine PH qui interagissent de manière synergique avec les lipides et améliore l’affinité du supramodule pour les lipides (362).
Comme nous l’avons vue précédemment, la famille très étudiée des protéines MAGUK est caractérisée par la présence d’un supramodule PDZ-‐SH3-‐Guk. Elle comprend de nombreuse protéines telles que ZO-‐1 à ZO-‐3, MPP-‐1 à MP-‐7, CASK, DLG-‐1 5 et CARMA-‐1 à -‐3 (Figure 28). Nous avons vu que l’affinité du domaine PDZ pour certains partenaires est dépendante de la présence des domaines adjacents SH3-‐Guk dans la famille MAGUK. De manière réciproque, l’interaction du partenaire GukHolder de la protéine DLG avec les domaines SH3-‐Guk est elle même dépendante de la présence du domaine PDZ au sein du supramodule et de la fixation d’un PBM (363, 364). Cette régulation intramoléculaire n’est pas due à de simples effets de gêne stérique mais à des propriétés particulières de liaisons des partenaires au sein du supramodule (356, 363). Ceci est un très bon exemple pour illustrer comment des propriétés d’interactions propres émergent de l’association de différents domaines au sein d’un supramodule.
Figure 28 : Organisation en domaine des protéines MAGUK et structure du complexe ZO-1 PDZ3-SH3-GuK/peptide Cx4.
(A) Schéma sur l’organisation en domaine des protéines MAGUK. Le « supra domaine » PDZ3-‐SH3-‐Guk est mis en évidence avec un carré en pointillés. (B) Structure du complexe ZO-‐1 PDZ3-‐SH3-‐GuK/peptide Cx45. Le domaine PDZ3 est indiqué en orange, le domaine SH3 en bleu, le domaine Guk en vert. Le cinquième brin du domaine SH3 et le brin suivant du domaine Guk sont représentés en magenta et le peptide Cx45 en rose. D’après Pan et al (2011) (356).
b. Supramodules à activité catalytique
Certains domaines PDZ sont également associés à des domaines catalytiques. Le seul exemple connu à ce jour de régulation catalytique par des domaines PDZ est celui de la famille de sérine-‐protéases HtrA, impliquée dans le processus de contrôle et de dégradation des protéines mal repliées ou endommagées chez les bactéries et organismes eucaryotes. HtrA est composée d’un domaine protéase et de un ou deux domaines PDZ.
La protéase DegS d’E. coli de la famille HtrA est inhibée de façon allostérique par son domaine PDZ adjacent et la fixation d’un PBM rétablit l’activité enzymatique (365). Cette régulation a également été démontrée pour des protéines homologues bactériennes et humaines (366-‐369). Bien que plusieurs structures de ces protéines aient été obtenues sous différentes formes, Apo ou Holo, le mécanisme moléculaire sous-‐jacent à cette régulation est très complexe et n’est pas encore pleinement compris, d’autant que certaines de ces protéases adoptent différents niveaux d’oligomérisation, via des interactions PDZ -‐ PDZ intermoléculaires, dont va dépendre l’activité enzymatique (370).