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Impacts hydrogéologiques potentiels de la séquestration géologique du CO 2

La séquestration géologique du CO2dans les aquifères salins vise à réduire les émissions de GES

afin d’assurer la stabilité du climat à l’échelle de la Terre. C’est une action de préservation de l’environnement global, mais des impacts environnementaux peuvent être associés à l’injection de CO2 à l’échelle industrielle et pourraient diminuer l’intérêt de la méthode.Lemieux(2011)

et Birkholzer et collab. (2015) synthétisent les différents types d’impacts associés à ce type de projets et présentent les différentes études réalisées dans le but d’évaluer ces impacts. Les

différents types d’impacts hydrogéologiques énumérés dans ces études sont présentés ici. Ces impacts peuvent être classés en deux catégories suivant leur proximité avec le site d’injection, soient les impacts locaux et distaux. La figure 1.8illustre les impacts potentiels de l’injection du CO2.

Puits abandonnés Puits d’injection

Limite eau douce / saumure

Puits de captage

Aquifères Aquitard CO2 supercritique

Migration d’eau douce

Migration de CO2

Migration de saumure

Panache masse dissoute

Baisse du pH 2

Figure 1.8 – Modèle conceptuel des impacts pouvant être provoqués par l’injection de CO2

Impacts locaux

Dans un projet de CSC, à proximité du (ou des) puits d’injection, le gaz séquestré forme une

phase continue de CO2 supercritique. Cette phase pure est généralement appelée panache de

CO2 et contient, au début de l’injection, la majorité du CO2 injecté. Par la suite, le CO2 peut

se dissoudre dans l’eau et éventuellement précipiter pour former des carbonates solides. Pour cette raison, les aquifères choisis pour l’injection présentent des salinités élevées, évitant ainsi de polluer des ressources en eau douce.

À cause des volumes importants à injecter, pour que la masse séquestrée soit significative, l’augmentation de pression dans le système peut être très importante. Cette augmentation de pression est susceptible d’engendrer des contraintes sur les formations encaissantes et sur les fluides en présence. L’augmentation de pression due à l’injection peut en effet fracturer les roches formant le réservoir et la formation imperméable qui coiffe l’aquifère cible. Ce cas de figure est représenté en 1 sur la figure 1.8 et a été étudié par Rutqvist et Tsang (2002).

La fracturation de l’aquitard pourrait permettre au CO2 de remonter dans un aquifère dans

lequel l’eau est potable et utilisée pour l’approvisionnement (2 sur la figure 1.8). Rutqvist

(2012) offre une revue très complète des phénomènes géomécaniques ayant lieu durant une

injection de CO2à l’échelle industrielle. Le CO2pourrait également remonter à la faveur d’une

discontinuité perméable comme une fracture ou le long d’un puits (Gasda et collab., 2004). C’est le cas représenté en 3 sur la figure1.8, il a été documenté notamment parCelia et collab.

(2011). Les couches visées sont saturées en saumures et la présence de CO2 n’altère donc pas

une eau qui pourrait être captée pour l’alimentation en eau potable. Néanmoins, si du CO2

parvient à atteindre un niveau d’eau douce, il pourrait se dissoudre dans l’eau et diminuerait le pH de l’eau. Ceci aurait pour effet de faire entrer en solution des minéraux présents dans l’aquifère (Kharaka et collab., 2006). Wang et Jaffe (2004) et Karamalidis et collab. (2013)

ont montré que la chute de pH due à la dissolution du CO2 pouvait rendre certaines eaux

impropres à la consommation humaine. C’est le cas pour des aquifères riches en galène (PbS) et peu aptes à tamponner la diminution du pH. La dissolution d’autres minéraux contenant des métaux (As2O3, ZnCO3, CdS, UO2, etc.), due à la baisse du pH, pourrait également nuire

à la potabilité de l’eau. La mobilisation de composants organiques due à la baisse de pH est également possible (Kharaka et collab., 2009). Afin de réaliser ces études, la connaissance

de l’extension du panache de CO2 est nécessaire, ce qui dépend de processus d’écoulements

multiphases (Birkholzer et collab.,2009).

Dans le cas des BTSL, Tran Ngoc et collab. (2014) ont mené des études d’évaluation de la

résistance de la couverture. Ces auteurs ont conclu qu’une élévation de la pression interstitielle de 9 à 10 MPa pouvait conduire à une fracturation de la roche de couverture et du réservoir. Par la suite, Tran Ngoc et collab.(2013) ont réalisé des simulations numériques d’écoulement permettant de décrire des scénarios d’injection présentant un risque contrôlé pour la couverture rocheuse et le réservoir.

Au-delà du panache de CO2, les impacts ne concernent plus directement la phase pure de

CO2, c’est le volume qu’elle occupe, et l’augmentation de pression engendrée par l’injection,

qui vont avoir un impact hydrogéologique. Impacts distaux

À cause du manque de recul existant sur la pratique du CSC, la grande majorité des études portant sur les impacts potentiels de cette activité à l’échelle d’un bassin sédimentaire ont été

réalisées grâce à des simulations numériques prédictives. Dans le cas de l’injection du CO2

à l’échelle industrielle, le volume injecté génère une augmentation de la charge hydraulique autour des puits d’injection, ce qui crée un gradient hydraulique avec un potentiel maximal au centre de la zone d’injection. Au fur et à mesure que l’injection se poursuit, la charge hy- draulique augmente dans la zone d’injection et se transmet horizontalement dans la formation dans laquelle a lieu l’injection (Birkholzer et collab.,2009). De même, l’élévation de la charge hydraulique dans le réservoir génère une hausse de la charge hydraulique dans les unités envi- ronnantes (Birkholzer et collab.,2009). Les modélisations numériques réalisées pour différents bassins sédimentaires montrent que les zones affectées par l’injection ont des surfaces de l’ordre de 104 km2 (Birkholzer et Zhou,2009;Nicot,2008). Il est tout à fait possible d’imaginer que

la zone subissant une élévation de la charge hydraulique puisse s’étendre jusqu’à la surface, où affleurent les unités affectées par l’injection. Cette augmentation de la charge hydraulique pourrait se traduire par une élévation de la surface libre (Zhou et Birkholzer,2011;Birkholzer et Zhou,2009). Dans certaines simulations, le niveau de la nappe communiquant avec l’aquifère ciblé peut s’élever de plusieurs mètres (Nicot,2008). Cette augmentation pourrait provoquer des crues de nappes, des instabilités de terrain ou diminuer la recharge par augmentation de l’évapotranspiration réelle. Sur la figure 1.8, une élévation de la surface libre est représentée

en 7.

Enfin, ces gradients provoquent des flux qui tendent à équilibrer les différences de potentiel. Or, au-delà du panache, les saumures présentes dans le réservoir sont soumises à ces différences de potentiel et sont donc transportées par advection en dehors de la zone d’injection. Il est donc possible d’imaginer que ces saumures puissent être déplacées par drainance à travers des

aquitards, comme représenté en 4 sur la figure 1.8. Ces saumures pourraient également être

transportées à la faveur de failles perméables ou le long de puits abandonnés ou en activité, forés jusqu’à la profondeur du réservoir. Ce cas de figure est représenté en 5 sur la figure 1.8, il a été documenté par Bergman et Winter (1995); Gasda et collab. (2004); Celia et collab.

(2011). Ces auteurs concluent que le risque d’une pollution des eaux de surface, par remontée de saumures à travers des chemins d’écoulement préférentiels, doit être évalué à travers des simulations numériques. Enfin les saumures peuvent migrer au sein du réservoir et contaminer l’eau douce contenue dans ce même réservoir, s’il affleure à la surface. Une telle situation est représentée en 6 sur la figure 1.8.

1.4

Travaux similaires précédents

Dans les BTSL, le GRREBS a déjà publié plusieurs recherches sur la faisabilité et les impacts potentiels de la séquestration du CO2.Malo et Bédard(2012) se sont intéressés à la faisabilité

du CSC au Québec et ont défini que la structure géologique la plus propice pour recevoir

un projet de CSC au Québec est le bassin des BTSL. Bédard et collab. (2013b) ont défini

la masse potentiellement séquestrable dans le bassin, comme cela est présenté en 1.2, et ces auteurs présentent également un modèle géologique en 3 dimensions du bassin sédimentaire, réalisé avec GOCAD. Par la suite Konstantinovskaya et collab. (2012) se sont intéressés aux contraintes tectoniques actuelles dans le bassin et aux pressions interstitielles susceptibles de réactiver les fractures présentes. Les travaux deComeau et collab.(2013);Tran Ngoc et collab.

(2014) ont permis respectivement de définir une lithostratigraphie du bassin des BTSL et de définir les propriétés hydrodynamiques des unités de la région de Bécancour. Ces travaux ont été suivis de modélisations d’injection visant à définir des scénarios permettant d’injecter du CO2 dans des proportions industrielles sans toutefois atteindre les pressions interstitielles

critiques définies par Konstantinovskaya et collab. (Tran Ngoc et collab., 2013). Tran Ngoc et collab.(2013) ont défini des scénarios d’injection présentant un alternance d’injection et de phase de repos dans le but de réduire l’augmentation de pression et les impacts potentiels à l’échelle du puits d’injection. Toutefois, ces travaux ne s’intéressent pas aux impacts potentiels à l’échelle du bassin, au-delà du panache de CO2.

En outre,Konstantinovskaya et collab.(2014) se sont intéressés à la perméabilité de deux failles normales du bassin et à leur instabilité potentielle dans le contexte d’une injection de CO2 à

du CSC dans les BTSL, il est maintenant nécessaire d’étudier les impacts hydrogéologiques potentiels de l’injection de CO2 à l’échelle du bassin.

Plusieurs équipes de recherche ont tenté de définir les impacts potentiels du CSC à l’échelle des bassins sédimentaires. Les premières simulations visant à étudier les impacts de la séquestra-

tion du CO2 ont été publiées parNicot(2008). Cet auteur a utilisé MODFLOW pour simuler

une injection monophasique d’un volume de saumures équivalent à un volume de CO2 dans

un projet de CSC, pour le bassin de la côte du Golfe du Texas. Nicot n’a pas représenté la

totalité du bassin sédimentaire, mais a choisi des limites non physiques suffisamment éloignées de la zone d’injection pour éviter que ses résultats ne subissent l’influence des conditions aux frontières. Il a en outre choisi de représenter les failles normales du bassin comme des bar- rières hydrauliques mais sans les considérer comme les limites du modèle. Cette approche vise à simuler au mieux les impacts distaux en négligeant les processus multiphasiques mais en incorporant les éléments géologiques les plus importants dans l’expression des impacts hydro- géologiques. Finalement, pour évaluer la migration potentielle des saumures dans le bassin, cet

auteur a choisi la méthode du traçage de particules. Nicot présente ainsi le déplacement des

isocontours de masse dissoute totale 250 et 3000 mg/l. Yamamoto et collab. (2009) ont opté

pour une simulation de l’écoulement multiphasique pour étudier l’injection de CO2 sous la baie

de Tokyo, avec une extension du modèle similaire à celle choisie par Nicot, et donc avec une influence minimale des conditions aux limites, sans toutefois inclure les failles du bassin. Par la suite, de nombreux auteurs ont eu une approche identique, à savoir un modèle vaste, un écou- lement multiphasique et un modèle sans faille, pour simuler le bassin de l’Illinois (Birkholzer et Zhou,2009;Zhou et collab.,2010;Person et collab.,2010;Bandilla et collab.,2012;Mehnert et collab.,2014).Zhou et Birkholzer(2011) ont simulé l’injection multiphasique de CO2 dans

la totalité du bassin de San Joaquin, en Californie, en y incluant les failles comme barrières hydrauliques. Ces auteurs ne présentent pas de variation de la salinité dans le bassin, même si la concentration est modélisée, seul un flux sortant du modèle, vers une zone correspondant à un aquifère voisin, est documenté. En Allemagne, Schäfer et collab. (2012) se sont intéressés à la propagation distale de la pression dans le cas de la simulation de l’injection de CO2 dans

le bassin Nord-Allemand. L’approche de ces auteurs est différente car elle reste centrée sur la zone d’injection et les failles les plus proches de la zone d’injection sont considérées comme des limites du modèle. De fait, les limites jouent un rôle important dans la propagation de la pres- sion dans le modèle, cette approche est donc moins indiquée pour l’étude des impacts du CSC à l’échelle du bassin. CommeZhou et Birkholzer(2011),Schäfer et collab.ne présentent qu’un bilan de flux pour évaluer les impacts dus au transport des saumures, ils concluent qu’une meilleure étude de la migration des saumures est nécessaire afin de quantifier cette migration potentielle. Tillner et collab. (2013) proposent également une approche centrée sur la zone d’injection, comme Schäfer et collab., pour le bassin du Nord-est Allemand. Toutefois Tillner et collab. présentent des variations de la salinité dans l’unité supérieure de leur modèle, si les failles se comportent comme des conduits. Cette approche intéressante permet d’appréhender

le comportement des failles comme discontinuités autorisant les flux de saumures, cependant cette étude ne permet pas de caractériser l’impact de la migration de saumures sur les eaux douces de la région simulée. Ces travaux se rapprochent de modélisations plus ciblées visant à étudier les failles (Cihan et collab., 2012; Walter et collab., 2012, 2013; Tillner et collab.,

2016) mais aussi les puits (Nicot et collab.,2009;Celia et collab.,2011;Birkholzer et collab.,

2011;Cihan et collab.,2012) comme chemins préférentiels pour la migration de saumures. À l’heure actuelle, l’étude la plus récente concernant la simulation du CO2 à l’échelle d’un bassin

sédimentaire est celle deHuang et collab.(2014), pour l’aquifère basal de la région des Prairies au Canada. À cause de l’extension du domaine simulé, les auteurs ont choisi une modélisation en plan en 2 dimensions en supposant l’équilibre vertical des fluides au sein de la formation. Cette approche avait également été choisie par Person et collab. (2010) et Bandilla et collab.

(2012).

Les auteurs cités ici s’accordent sur le fait que l’élévation de la charge hydraulique peut s’étendre loin de la zone d’injection, jusqu’à 150-200 km (Zhou et Birkholzer, 2011). Cette extension peut varier selon le bassin sédimentaire simulé et les paramètres choisis pour la modélisation, ainsi chaque bassin pour lequel est prévu un projet de CSC doit faire l’objet d’une étude de la propagation de la charge hydraulique. Concernant la migration des saumures, le consensus est que le transport par drainance à travers les aquitards est très peu probable

(voir également Kühn et Kempka, 2015). La migration de saumures à travers des chemins

d’écoulement préférentiels est étudiée par de nombreux auteurs à l’échelle locale mais pas dans des simulations de bassins sédimentaires complets. Le troisième chemin de migration des saumures est la migration horizontale des saumures du réservoir vers la surface si le réservoir affleure. Cette migration est estimée dans plusieurs études par le débit d’eau sortant du modèle.

Zhou et Birkholzer (2011) concluent que pour le bassin de San Joaquin les fluides sortants présentent une faible concentration et que leur remontée à la surface ne présente donc pas de risque pour l’environnement. Cette conclusion omet l’intrusion possible de saumures vers

la surface qui pourrait potentiellement contaminer des puits. L’approche de Nicot (2008)

est ainsi plus adaptée à cette problématique, puisqu’elle montre l’avancée des isocontours de masse totale dissoute dans le bassin de la côte du Golfe du Texas. Seule une étude présente la variation de concentration dans le cas d’une migration latérale dans le réservoir, dans un cas synthétique (Hussain et collab.,2016).