Impact d une exposition larvaire aux xénobiotiques sur leur
tolérance aux insecticides chimiques (Publications I et II)
1-1/ Choix des xénobiotiques et pré-exposition des larves de moustiques
L‟ensemble des protocoles d‟exposition des larves de moustiques aux xénobiotiques
ont été standardisés afin de minimiser la variabilité observée dans les expérimentations qui en découlent. Des lots de 100 (Publication II) ou 200 larves (Publication I) homogènes sont
séparés dans des cristallisoirs contenant β00 ml d‟eau avec ou sans xénobiotique ainsi que 50
mg de nourriture (Figure 15). Chaque exposition est réalisée en triplicats et le temps
d‟exposition est de β4 heures (Publication I) ou 7β heures (Publication II).
Différents xénobiotiques tels que des pesticides (herbicides, insecticides), métaux lourds et HAPs ont été utilisés pour les expositions et/ou les bioessais sur larves. Tous les produits utilisés pour les pré-expositions et/ou les bioessais dans les deux études ont été rassemblés dans le Tableau 1. Afin d‟éviter de sélectionner certains génotypes durant la phase
d‟exposition aux xénobiotiques, des doses sub-létales de xénobiotiques (entraînant une
mortalité inférieure à 5%) ont été utilisées pour toutes les expositions larvaires.
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Tableau 1: Liste des xénobiotiques utilisés pour les expositions et bioessais.
Type Nom
(Publications) Formule chimique Remarques
Expo / Bioessais He rbic ides Atrazine (Publication I) Famille Triazines
Agit au niveau de la protéine D1 du photosystème II. Interdit depuis 2003 en France suite à la contamination des cours d‟eau et nappes phréatiques.
Expo
Glyphosate
(Publication II)
Famille Amino-phosphonates Herbicide le plus utilisé mondialement, notamment sur plantes OGM. Nombreux cas de contaminations des cours d‟eau et zones humides. Expo HA P s Fluoranthène (Publication I)
HAP ubiquitaire et retrouvé à des concentrations parfois élevées dans les sédiments (Durand et al. 2003).
Expo
Benzo[a]pyrène
(Publication II)
HAP résultant de la combustion incomplète des combustibles fossiles (Bostrom et al. 2002) également retrouvé à de fortes concentrations dans
l‟environnement (Lambert and Lane 2004) Expo Méta l/ ion Sulfate de Cuivre (Publication I)
CuSO
4Elément majoritaire de la bouillie bordelaise, très utilisée sur la vigne et les arbres fruitiers.
Expo Inse cti cides Perméthrine (Publications I et II)
Famille des pyréthrinoïdes. Agit au niveau des canaux sodium du système nerveux. Utilisé essentiellement en tant qu‟adulticide. Expo / Bioessais Téméphos (Publication I)
Famille des Organophosphorés. Agit en bloquant
l‟acétylcholinestérase. Utilisé essentiellement en tant que larvicide.
Expo / Bioessais
Imidaclopride
(Publication II)
Famille des Néonicotinoïdes Agit en se fixant sur les récepteurs à l‟acétylcholine. Insecticide récent non encore utilisé dans la démoustication.
Expo / Bioessais
Propoxur
(Publication II)
Famille des carbamates. Agit en bloquant
l‟acétylcholinestérase. Utilisé en tant que larvicide et adulticide.
Expo / Bioessais
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1-2/ Bioessais sur larves de moustiques exposées ou non à des polluants
Les bioessais ont été réalisés sur larves exposées ou non à des polluants. Avant leur
transfert dans les gobelets d‟insecticides, les larves ont été rincées à l‟eau (Figure 15). Les
bioessais réalisés dans les deux études ont révélé que l‟exposition des larves à certains
xénobiotiques pouvait modifier leur tolérance aux insecticides (Table 1 dans les publications I
et II). Ainsi, l‟exposition de larves de moustiques à un xénobiotique en particulier peut
améliorer leur tolérance à différents insecticides chimiques. Par exemple, l‟exposition pendant
β4 heures de larves d‟Ae. aegypti au fluoranthène augmente de façon significative leur
tolérance aux insecticides perméthrine et téméphos (Table 1, Publication I). Réciproquement, la tolérance des larves à un insecticide peut être augmentée après exposition à différents xénobiotiques (Figure 16). C‟est le cas pour l‟insecticide neonicotinoide imidaclopride dont
l‟efficacité diminue après exposition des larves au BaP ou glyphosate (Table 1, publication
II). Dans cette même étude, nous avons aussi pu montrer que cette augmentation de tolérance est dose-dépendante. Ainsi, une exposition larvaire avec une plus grande concentration de BaP ou de glyphosate entraîne une meilleure tolérance des larves à l‟imidaclopride (Table 1,
publication II). Cette réciprocité et complexité semblent indiquer que les interactions entre xénobiotiques et insecticides chez les larves sont sûrement d‟origine métabolique et non
simplement au niveau de la cible.
Figure 16 : Schémas d‟interactions observées entre l‟exposition à certains xénobiotiques et les bioessais avec différents insecticides chimiques de différentes familles.
2/ Impact d une exposition larvaire aux xénobiotiques sur la
tolérance des moustiques adultes aux insecticides.
L‟impact de l‟exposition prolongée de larves de moustiques à des xénobiotiques
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été étudié. Nous l‟avons uniquement abordé de façon préliminaire dans le cadre de cette thèse
et les résultats présentés n‟ont pas été publiés pour l‟instant. Pour les expérimentations, deux
lots de 500 larves de stades II ont été mis dans des récipients contenant 6 litres d‟eau seule ou
contaminée avec 100 µg/L du HAP fluoranthène et 2 grammes de nourriture. Les solutions
ont été renouvelées tous les β jours jusqu‟à émergence des adultes environ 96 heures après le
début de l‟exposition. Vingt-quatre heures après émergence des femelles adultes, des
bioessais sur femelles adultes ont été réalisés (Figure 17). Les papiers imprégnés de perméthrine fournis par l‟OMS pour détecter la résistance sur le terrain (0.75% de
perméthrine) entraînant trop de mortalité sur nos moustiques sensibles, nous avons été contraints de fabriquer nos propres papiers avec des doses moins importantes d‟insecticide.
(Annexe 1 pour la fabrication des papiers imprégnés). Cette expérimentation a été réalisée trois fois de manière indépendante. Pour chaque expérimentation, 3 tubes contenant au moins 25 femelles ont été utilisés (329 femelles testées pour le témoin et 259 femelles testées pour le traitement au fluoranthène).
Figure 17 : Approche expérimentale utilisée pour l‟exposition ou non des larves et nymphes au polluant et bioessais sur moustiques adultes.
46 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90
Sans exposition Fluoranthene 100 µg/L
M o rt a li té d e s fe m e ll e s a d u lt e s (% ) ± S E
Traitement d'exposition des larves
Nos résultats montrent que l‟exposition durant 96 heures de larves et de nymphes au
fluoranthène peut modifier la tolérance des moustiques adultes à la permethrine (Figure 18). Une mortalité 2,1 fois moins importante est observée chez femelles adultes exposées au fluoranthène durant leur stade larvaire comparativement au témoin. Ainsi cette étude
démontre clairement que l‟augmentation de la tolérance des larves aux insecticides due à l‟exposition aux xénobiotiques peut être transmise au stade adulte. Ainsi, l‟efficacité des
larvicides chimiques mais aussi des adulticides est susceptible d‟être affectée par la présence
de polluants dans l‟eau des gîtes larvaires. Une autre question que soulève cette
expérimentation est celle de l'impact des polluants atmosphériques sur la tolérance des moustiques adultes aux traitements insecticides. Dans certaines zones fortement urbanisées, ces polluants (fumées, etc…) dégagées par les activités humaines pourraient avoir un impact non négligeable sur la réponse des moustiques adultes aux insecticides.