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II/ Recherche des mécanismes impliqués

2/ Au niveau transcriptomique (Publications I, II et III)

Les expérimentations précédentes ont permis de mettre en évidence une augmentation de tolérance des larves de moustiques corrélée à une induction des activités globales

d‟enzymes de détoxication. Cependant, ces enzymes appartiennent à de grandes familles enzymatiques et les niveaux d‟activités mesurées ne correspondent qu‟à une moyenne

d‟activités d‟une partie ces enzymes. Pour identifier les enzymes particulièrement impliqués

dans la réponse des larves de moustiques à l‟exposition aux xénobiotiques, d‟autres approches sont nécessaires. La transcriptomique est l‟étude de la quantité des ARN messagers produits

lors de la transcription des gènes. Plusieurs techniques existent pour quantifier les ARN

messagers. Certaines permettent de mesurer les niveaux de transcription d‟un grand nombre

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séquençage systématique d‟ADN complémentaires constituent en ce sens de bonnes

approches de criblage global. Cependant, la précision des méthodes globales est souvent faussée par des biais expérimentaux liés à la préparation des échantillons ou bien aux méthodes de détection et d‟analyse et des approches plus précises telles que la reverse

transcription couplée à la PCR en temps réel (RT-qPCR) peuvent être utiles pour étudier plus finement certains gènes en particulier. De plus, les puces à ADN et les approches par

séquençage massif nécessitent de connaître les séquences d‟ADN complémentaire des gènes

que l‟on cible. Cela est possible avec Ae. aegypti puisque son génome est entièrement

séquencé et annoté depuis 2007 (Nene et al. 2007). Dans ce contexte, nous avons utilisé

l‟approche puces à ADN afin d‟identifier les gènes de détoxication différentiellement

transcrits suite à l‟exposition des larves de moustiques aux différents xénobiotiques. En

parallèle, nous avons aussi utilisé une approche par séquençage haut débit permettant de

s‟affranchir en partie des biais d‟annotation du génome et de quantifier l‟expression des gènes

par comptage de séquences d‟ADNc (« digital expression profiling »).

2-1/ Approche par puces à ADN (Publications I et II)

Les puces à ADN sont basées sur l‟hybridation compétitive d‟ADNc ou d‟ARN

marqués avec un fluorophore sur une lame de verre sur laquelle sont fixées des sondes ADN ou ARN complémentaires des ADNc/ARN que l‟on cherche à quantifier (Figure 19).

Figure 19 : Principe général du fonctionnement des puces à ADN (exemple d‟hybridation avec deux fluorophores)

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Pour nos expérimentations (Publications I et II), nous avons utilisé la puce « Aedes detox chip » développée à l‟école de médecine tropicale de Liverpool (Royaume Uni)

contenant l‟ensemble des gènes codant pour les trois grandes familles enzymatiques CYPs,

GSTs et CCEs. Pour la deuxième étude (Publication II), d‟autres gènes codant pour des

enzymes impliqués dans le stress oxydatif ont aussi été ajoutés à cette puce à ADN.

Les résultats de ces deux études montrent que l‟exposition de larves d‟Ae. aegypti à

certains polluants peut modifier le niveau de transcription de gènes codant pour plusieurs enzymes de détoxication, majoritairement des CYPs (gènes CYPs). La majorité de ces gènes appartiennent à la famille des CYP6 (Publication I et II) ce qui confirme le rôle potentiel de cette famille de CYPs dans la résistance aux xénobiotiques (Feyereisen, 2005, Strode et al. 2008). Certains gènes CYPs, comme CYP6Z8 et CYP6N12 sont induits par plusieurs types de

xénobiotiques différents (Table β, publications I et II) tandis que d‟autres, comme CYP9M8 et

CYP9M9, sont induits à la fois par un xénobiotique et par un insecticide (Table 2, Publication

I). D‟autres gènes, codant pour des enzymes impliquées dans le stress oxydant, ont été

également induits majoritairement par l‟insecticide imidaclopride (Table β, Publication II).

Ces premières études ont permis de dégager plusieurs gènes candidats (majoritairement des CYPs) répondant à une exposition aux xénobiotiques et pouvant être potentiellement impliqués dans la résistance métabolique aux insecticides.

2-2/ Approche par séquençage du transcriptome (Publication III)

En 2010, une analyse globale des variations de niveaux de transcription des gènes

entre larves d‟Ae. aegypti exposées à des xénobiotiques et non exposées a été réalisée grâce à

la technologie de Digital gene expression tag profiling (DGETP) faisant appel au séquençage à très haut débit Solexa (Illumina) (Publication III). Cette approche originale n‟avait encore jamais été développée chez les insectes. Dans cette expérience, les conditions d‟exposition des larves sont similaires aux études précédentes si ce n‟est le temps d‟exposition de 48

heures et des concentrations de polluants différentes. Trois polluants et trois insecticides ont été utilisées à des doses sub-létales pour cette étude : l‟insecticide pyréthrinoïde perméthrine,

l‟insecticide carbamate propoxur, l‟insecticide neonicotinoïde imidaclopride, l‟herbicide

atrazine, le HAP fluoranthène et le sulfate de cuivre. Après exposition des larves aux différents xénobiotiques, les ARN totaux ont été extraits de lots de 30 larves, dosés par nanodrop (ThermoFischer), contrôlés qualitativement par bioanalyser (Agilent) puis ensuite

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confiés à la société Illumina (USA) pour la préparation des banques de fragments d‟ADNc

(tags) et séquençage sur plateforme Solexa (Figure 20).

Figure 20: Principe de la méthode DGETP pour la préparation des banques d'ADNc

Pour chaque échantillon, les ARNs totaux issus de trois réplicats d‟exposition

indépendants ont été regroupés puis rétrotranscrits en ADN complémentaires et fixés à des

billes polyT, puis digérés par l‟enzyme DpnII qui reconnaît le site GATC (fréquence de

coupure d‟environ γ00 pb). Du fait de l‟utilisation de billes polyT, les fragments contenant le

site de restriction DpnII et la séquence PolyA sont ensuite purifiés. Un adaptateur contenant le

site de reconnaissance pour l‟enzyme Mme1 est ensuite ligué à ces fragments (côté 5‟).

L‟enzyme de restriction Mme1 possède la capacité de couper des fragments de 20 pb en aval

de son site de restriction. Cette méthode (décrite dans la Publication III) permet donc

d‟obtenir pour chaque transcrit possédant un site DpnII, une séquence de 20 pb spécifique

proche du site de polyadénilation (PolyA) et entourée de deux adaptateurs connus (tag). Après

quelques cycles d‟amplification par PCR, ces tags sont ensuite séquencés sur séquenceur à

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Dans notre étude, le séquençage de sept banques de tags d‟ADNc (correspondant aux

six expositions différentes et au témoin) a permis d‟obtenir β9,45 millions de séquences

(100% reads) correspondant à 726 269 tags différents (Table 1, publication III).

Par un travail de bioinformatique réalisé par Eric Coissac et Christelle Melodelima,

ces séquences ont été localisées sur le génome d‟Ae. aegypti (mapping) grâce au logiciel

TagMatcher développé dans notre laboratoire, puis regroupées en fonction des gènes connus et régions génomiques (clustering). De manière à supprimer le bruit de fond de notre jeu de séquences, seules les tags séquencés plus de β0 fois (β0 reads) sur l‟ensemble des 7

échantillons ont été retenus (soit 95,5% des séquences). Ensuite, 42.7% des « reads » ont été

localisées sans ambiguïté (1 seule position sans erreur) sur 6850 gènes connus d‟Ae. aegypti

(le génome contient plus de 16 000 gènes) avec un nombre moyen de 217 « reads » par gène.

Le fait que la digestion initiale par l‟enzyme DpnII ne soit pas toujours totale (digestion

partielle, variations alléliques …) a parfois généré plusieurs tags par transcrit avec un nombre

de reads décroissant depuis la partie γ‟ vers la partie 5‟. Ainsi, tous les « reads » des tags

localisés sur le même gène (bornes des gènes selon l‟annotation de génome + γ00bp en aval)

ont été ensuite regroupées et additionnées pour obtenir un nombre de « reads » par gène et par traitement (Figure 21). Le nombre de « reads » par gène (ou par cluster génomique hors des gènes annotés) a ensuite été utilisé pour calculer un rapport de transcription (« transcription ratio » TR) normalisé pour chaque gène entre chaque traitement et le témoin (larves non exposées). La différence statistiquement significative ou non des TRs par rapport à 1 (pas de différence de transcription) a ensuite été testée à l‟aide d‟un test de Fisher sur les nombres de

« reads » normalisés, suivi d‟une correction de tests multiples. Les TRs obtenus pour chaque

gène ont ensuite été comparés entre les différents traitements (Publication III).

Les résultats de cette étude confirment que l‟exposition des larves de moustiques à des

doses sub-létales de divers types de xénobiotiques peut modifier le niveau de transcription de

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nombreux gènes. Ainsi, plus de 450 gènes dont 115 codant pour des enzymes (Figure 3, publication III), sont différentiellement transcrits chez les larves exposées à au moins l‟un des six xénobiotiques étudiés en comparaison avec les larves témoins non exposées. Ces gènes codent notamment pour des enzymes de détoxication mais aussi pour des protéines cuticulaires, des transporteurs et de nombreux gènes de réponse au stress. Cette étude souligne

l‟impact cryptique (pas de modification apparente du phénotype) mais réel des polluants,

même à faible dose sur la biologie des moustiques. Elle met également en évidence

l‟implication d‟autres gènes que ceux codant pour les enzymes de détoxication dans la

réponse des larves de moustiques aux xénobiotiques.

3/ Caractérisation des profils transcriptionnels de gènes candidats

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