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Impact de la source d’acide gras saturé et la matrice alimentaire sur la santé

Tel que mentionné précédemment, les recommandations générales en lien avec la diminution des AGS dans la diète pour la prévention de MCV sont remises en doute. Dans les dernières décennies, des auteurs d’études épidémiologiques ont étudié l’impact de la source d’AGS sur la santé cardiovasculaire et ils ont découvert que ce ne sont pas tous les

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types d’AGS qui ont la même association avec le risque de MCV. Par exemple, Hu et collaborateurs (111) ont mené une étude prospective sur 14 ans, ayant pour objectif d’examiner les associations entre les apports de différents types d’acides gras en fonction de leur source, et le risque de maladie coronarienne. Plus de 80 000 femmes de la grande étude de cohorte Nurses’ Health Study ont été incluses dans les analyses. Les auteurs ont ainsi pu démontrer que les apports en AGS à courtes et moyennes chaînes n’étaient pas significativement associés au risque de maladie coronarienne alors que les apports en AGS à chaînes longues étaient associés avec une augmentation du risque. Dans le même ordre d’idées, des auteurs d’une étude prospective ont voulu comprendre comment les différentes sources d’AGS pouvaient influencer les relations avec les événements cardiovasculaires. Après un suivi sur 10 ans, un modèle statistique de régression logistique basé sur les données de plus de 5 000 hommes et femmes, a indiqué que chaque augmentation de 5% de l’énergie sous forme d’AGS laitiers était associée à une diminution du risque de MCV de 38%. À l’inverse, chaque augmentation de 5% de l’énergie sous forme d’AGS de la viande était associée à une augmentation de 48% du risque de développer une MCV (17). Finalement, O’Sullivan et collaborateurs (112) ont méta-analysé 26 études prospectives publiées entre 1952 et 2012, en ayant pour objectif de déterminer la relation entre plusieurs groupes alimentaires riches en AGS et la mortalité chez plus de 1,8 million d’adultes en santé. Les consommations élevées de viande, de lait, de fromage ou de tout autre produit laitier n’ont pas pu être associées à la mortalité cardiovasculaire. Au contraire, la consommation de viandes transformées telles que les saucisses, le jambon, les viandes froides, les viandes séchées et les sauces à la viande prêt-à-manger, ont significativement été associées à une augmentation du risque de mortalité cardiovasculaire de 17%.

Les effets de la source d’AGS sur les marqueurs de risque cardiovasculaire ont également été étudiés par l’entremise d’études cliniques randomisées. Par exemple, une équipe de chercheurs du Danemark a démontré dans une étude où la diète était entièrement contrôlée, que la consommation d’une diète riche en AGS provenant de fromage (environ 125 g/2500 kcal) menait à une augmentation de 5% de C-HDL en comparaison avec une diète faible en lipides et riche en glucides. Dans le même sens, une diète riche en AGS provenant de la viande menait également à une augmentation de 8% de C-HDL comparativement à la diète riche en glucides. Toutefois, aucun effet de la source d’AGS n’a été perçu entre le fromage et la viande, pour la même quantité d’AGS (113). En raison de la discordance entre les résultats d’études épidémiologiques et du manque d’études cliniques sur le sujet, le rôle de

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la source d’AGS sur le risque de MCV doit être investigué davantage, notamment par le biais d’études cliniques randomisées contrôlées.

D’autres chercheurs se sont davantage intéressés à l’impact de la matrice alimentaire de certains aliments riches en AGS sur les MCV. Puisque les produits laitiers représentent une source majeure d’AGS dans la diète occidentale, différentes études, bien que peu nombreuses, ont mesuré l’effet de différentes sources de produits laitiers, spécifiquement le fromage et le beurre, sur différents marqueurs de risque cardiovasculaire (19). Le beurre et le fromage contiennent principalement des acides gras à chaîne longue (l’acide palmitique 16:0 et l’acide stéarique 18:0). Le beurre sans sel contient approximativement 80% de lipides (114) alors que le gras du fromage quant à lui, est encapsulé dans une matrice comprenant à la fois des protéines sous forme de caséine et du calcium (115). Le fromage est également une bonne source de vitamines A, B2 et B12 et de phosphore, contrairement au beurre qui est constitué de gras, d’eau et de quelques traces de solides du lait (116). Il a été proposé que le fromage par rapport au beurre pouvait diminuer le cholestérol sanguin grâce à son contenu en calcium, qui aurait la capacité de se lier aux acides gras dans l’intestin pour former des composés insolubles, et ainsi limiter l’absorption intestinale de lipides et en augmenter l’excrétion fécale (117). De plus, certains fromages sont fabriqués à partir d’un procédé appelé fermentation. Il a été démontré que la consommation de produits laitiers fermentés augmentait le contenu en bactéries dans l’intestin. Par la suite, les bactéries fermentent les glucides non digestibles, ce qui augmenterait la production d’acides gras à chaînes courtes, qui pourrait mener à une diminution des concentrations de cholestérol sanguin, entre autres par un mécanisme d’inhibition de la synthèse hépatique de cholestérol (118). En se basant sur ces hypothèses, 5 groupes de chercheurs ont étudié l’effet du fromage en comparaison avec le beurre, afin de mieux déterminer l’impact de la matrice alimentaire laitière sur certains facteurs de risque cardiométabolique. Le tableau 3 résume les principales caractéristiques de ces 5 études cliniques. En 2004, Tholstrup et collaborateurs (119) ont mené une étude en chassé-croisé, où l’objectif était de comparer les effets de diètes isoénergétiques riches en lait, fromage et beurre, sur les niveaux à jeun et postprandiaux de lipides sanguins, lipoprotéines, glucose et sur la réponse insulinémique. Les analyses sanguines en post traitement ont démontré que les concentrations sanguines de C-LDL étaient significativement plus élevées après la diète beurre qu’après la diète fromage. De plus, le cholestérol total tendait vers une plus haute augmentation après la diète riche en beurre, en comparaison à la diète fromage

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(p=0.054). Dans la même année, un autre groupe de chercheurs a publié un article résumant les résultats de leur étude sur une population d’hommes et femmes en santé. Ils ont démontré que la consommation de près de 200 g de fromage quotidiennement durant 3 semaines diminuait le cholestérol total de 0,23 mmol/L en comparaison avec la consommation de beurre et ce, pour la même quantité d’AGS (120). Dans un contexte d’alimentation riche en lipides et en AGS, soit en moyenne 36,8% et 17,0% de l’énergie totale respectivement, Nestel et collaborateurs (121) ont évalué si le gras laitier du fromage augmentait le C-LDL autant que celui du beurre. Ils ont fourni à des sujets souffrant d’hypercholestérolémie modérée, définie par un cholestérol total moyen de 5,6 mmol/L, 40 g de lipides sous forme de beurre ou de fromage, pour une durée de 4 semaines par intervention. Deux semaines avant et entre les interventions, les participants devaient se soumettre à une diète faible en lipides et riche en glucides, en fonction des recommandations enseignées. Durant les phases d’intervention, les participants devaient compléter leur diète par eux-mêmes, avec des aliments au choix à travers une liste proposée pour différents groupes alimentaires. Cette intervention a permis de démontrer qu’en comparaison avec la diète faible en lipides, 40 g de lipides provenant du fromage menait à une moins grande augmentation de C-LDL en comparaison avec une consommation de 40 g de lipides sous forme de beurre. De plus, le beurre tendait à être plus hypercholestérolémiant par rapport au fromage, bien que cet effet n’ait pas été significatif. Toujours dans un contexte d’étude clinique randomisée en chassé-croisé, des chercheurs ont comparé l’effet d’un apport élevé en lipides provenant du fromage ou du beurre sur la tension artérielle, les concentrations plasmatiques de lipides, la protéine C réactive, l’insuline et le glucose sanguin (122). Les 49 hommes et femmes en santé devaient s’abstenir de consommer d’autres produits laitiers que ceux fournis durant l’étude et ce, durant les deux phases de 6 semaines d’intervention. Au niveau des lipides plasmatiques, la consommation quotidienne d’environ 135 g de fromage a diminué le cholestérol total de 5,7% et le C-LDL de 6,9% en comparaison avec une consommation d’environ 45 g de beurre par jour. Les concentrations sanguines de C-HDL ont également été diminuées après la consommation de fromage comparativement au beurre (p<0.005). Les auteurs ont été surpris de noter que la glycémie à jeun était plus élevée après une diète riche en fromage comparativement à une diète riche en beurre, sans y trouver d’explication. Finalement, aucun effet de la matrice laitière n’a été remarqué pour le CRP, la tension artérielle et l’insuline (122). L’étude la plus récente ayant investigué l’impact de la matrice laitière sur les facteurs de risque cardiovasculaires date de 2014. L’objectif principal de l’étude de

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Soerensen et collaborateurs (123) était de vérifier si deux diètes avec des quantités similaires de calcium agissaient de la même manière sur l’augmentation des lipides sanguins induite par la consommation d’AGS. Pour ce faire, les auteurs ont randomisé 15 hommes en santé à une séquence de trois diètes contrôlées, soit deux diètes riches en calcium provenant de lait partiellement écrémé ou de fromage et une diète faible en calcium, contenant principalement du beurre et aucun autre produit laitier. Les trois diètes contenaient approximativement 31,5% de l’énergie sous forme de lipides. En comparaison avec la diète riche en beurre, la consommation de fromage a atténué le cholestérol total de 0,48 mmol/L et le C-LDL de 0,38 mmol/L. De plus, aucune différence n’a été remarquée pour le C-HDL, les TG, la glycémie et la tension artérielle (123).

Ces cinq études dernières études ont été incluses dans une méta-analyse, qui en 2015 a démontré comme effet global que pour une même quantité d’AGS, la consommation de fromage diminuait le C-LDL de 6,5% et le C-HDL de 3,9%, sans effet sur les TG, en comparaison avec la consommation de beurre (18). Toutefois, les résultats de cette méta- analyse se limitent à 5 études randomisées contrôlées dont le nombre de sujets est limité. À notre connaissance, aucune étude d’intervention clinique n’a à ce jour examiné les effets des acides gras de différentes sources en comparaison avec d’autres types de lipides, dans le contexte d’une alimentation occidentale. De plus, l’impact de la source d’AGS sur les marqueurs de risque non-lipidiques n’a été que peu évalué dans le contexte d’études randomisées contrôlées. C’est pourquoi davantage d’études sont requises afin de mieux élucider comment l’impact de la matrice alimentaire laitière influence la relation entre la consommation d’AGS et le risque cardiovasculaire.

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Tableau 3: Résumé des études ayant comparé une consommation d’AGS du fromage à une consommation d’AGS du beurre 1

Auteur, année

(référence) Population Design Intervention Contrôle Durée

Résultats/ Effets de la matrice Tholstrup et coll., 2004 (119) 14 ♂ en santé Chassé-croisé, diètes contrôlées 214 g de fromage/2500 kcal 67 g de beurre/2500 kcal 3 semaines ↓ C-LDL de 0,21 mmol/L post- fromage vs post-beurre ; pas d'effet sur C total, C-HDL, TG,

apo B et glycémie Biong et coll., 2004 (120) 22 ♂ et ♀ en santé Chassé-croisé, diètes contrôlées 196 g de fromage/2500 kcal 68 g de beurre/2500 kcal 3 semaines

↓ C total de 0,27 mmol/L post fromage vs post beurre ; pas d'effet sur C-LDL, C-HDL, TG et apo B Nestel et coll., 2005 (121) 19 ♂ et ♀ avec hypercholestérolémie modérée Chassé-croisé 120 g de fromage (40 g de lipides) 40 g de lipides (qté non spécifiée) 4 semaines

Pas d'effet sur total C, C-LDL, C-HDL et TG Hjerpsted et coll., 2011 (122) 49 ♂ et ♀ en santé Chassé-croisé ~ 134 g de fromage/2500 kcal ~ 44 g de beurre/2500 kcal 6 semaines ↓ C total de 5,7%, ↓ C-LDL de 6,9% et ↓ C-HDL post fromage vs post-beurre ; ↑ glycémie post- fromage vs post-beurre ; pas d'effet sur CRP, insulinémie,

tension artérielle Soerensen et coll., 2014 (123) 15 ♂ en santé Chassé-croisé, diètes contrôlées 125 g de fromage/2500 kcal Beurre (qté non spécifiée) 2 semaines

↑ moins prononcée du C total et du C-LDL post-fromage vs post- beurre ; pas d'effet sur C-HDL et

TG 1 Tableau adapté de la méta-analyse de De Goede et coll. (18)

Certaines études incluent la consommation d’AGS du lait. Cependant, la présentation des interventions et résultats dans ce tableau est limitée à la consommation de fromage et de beurre.

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