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L’analyse des flaveurs des produits laitiers exige plusieurs étapes afin de pouvoir identifier des centaines de composés aromatiques ayant différentes volatilités, polarités et concentrations (McGorrin, 2007). La méthodologie employée pour analyser les composés volatils qui se retrouvent dans le lait est un élément important à prendre en considération lorsqu’on compare des données. En effet, il existe plusieurs méthodes pour extraire et analyser les composés aromatiques et il est

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primordial d’en tenir compte puisqu’elles ne sont pas toutes aussi performantes les unes que les autres, et sont utilisées pour divers substrats.

L’analyse des composés volatils retrouvés dans les produits laitiers comprend une étape d’isolation ou d’extraction, suivie d’une étape d’identification chimique (McGorrin, 2007). Les composés extraits sont séparés dans une colonne capillaire avec une phase gazeuse et l’identification se fait généralement à l’aide de la chromatographie en phase gazeuse et de la spectrométrie de masse (GC-MS). L’étape de préparation des échantillons pour isoler les composés volatils du lait est probablement la plus difficile du processus d’analyse.

2.5.1 Méthodes d’extraction

Des teneurs importantes en lipides, protéines et glucides dans le lait rendent difficiles la séparation des composés aromatiques si l’on se base uniquement sur les propriétés générales telles que la polarité ou la volatilité (Friedrich et Acree, 1998). Il existe différentes méthodes pour isoler les composés des produits laitiers telles que la distillation sous vide (‘high vacuum distillation’), l’extraction à l’aide de solvant (‘solvent extraction’), l’échantillonnage ‘headspace’ en équilibre (‘static headspace’), l’échantillonnage ‘headspace’ dynamique (‘dynamic headspace sampling’ ou ‘purge and trap’) ou la microextraction en phase solide (‘solid-phase microextraction, SPME’) (McGorrin, 2007). Un échantillonnage par ‘dynamic headspace’ peut prendre environ une à deux heures, ce qui représente un temps d’analyse relativement long (Pillonel et al., 2001). La SPME s’avère être une méthode de choix pour sa rapidité, son faible coût, sa facilité d’utilisation et son automatisme (Pillonel et al., 2001).

2.5.1.1 La micro-extraction en phase solide (SPME)

Avec les méthodes conventionnelles, des composés peuvent être perdus durant les étapes d’extraction et de concentration (Stashenko et Martinez, 2007). La SPME est une technique

relativement récente développée pour l’isolation et la concentration des composés volatils, semi- volatils ou non volatils des aliments (McGorrin, 2007).Cette méthode combine l’échantillonnage des composés volatils, leur extraction, leur concentration et leur injection pour la chromatographie en une seule technique. C’est à l’aide d’une fibre que sont absorbés et concentrés les composés volatils (McGorrin, 2007).

Le premier dispositif de SPME a été développé par Arthur et Pawliszyn (1990) en guise de technique de préconcentration pour l’analyse des polluants dans l’eau. Dans les dernières années, la SPME est devenue une méthode populaire et son utilisation s’est répandue à divers secteurs d’études. La SPME peut être effectuée dans un mode d’extraction direct (immersion de la fibre) ou via une configuration ‘headspace’ (HS/SPME) (Pillonel et al., 2001). Dans le premier cas, la fibre est plongée directement dans l’échantillon d’où les composés seront extraits (Pillonel et al., 2001). Dans le mode HS/SPME, les composés à analyser doivent d’abord diffusés de la matrice vers l’air puis de l’air jusqu’au revêtement de la fibre (Pillonel et al., 2001). Dans le cas d’analyses de composés volatils provenant de matrices complexes telles que les aliments, il est préférable d’utiliser la méthode HS/SPME étant donné le plus grand risque d’endommager la fibre. D’ailleurs la HS/SPME est la méthode la plus couramment utilisée notamment pour sa haute sélectivité et parce que l’absence de contact avec l’échantillon prévient la contamination et/ou la décomposition du revêtement de la fibre (Stashenko et Martinez, 2007). Elle est également considérée comme la technique idéale pour l’analyse d’échantillons biologiques puisqu’elle réduit les interférences avec les composés volatils ayant une masse moléculaire importante telles que les protéines, ce qui permet d’obtenir des extraits plus ‘propres’ (Mounchili et al., 2005).

Il est possible d’améliorer la cinétique de l’extraction en agitant et/ou en augmentant la température d’extraction. Par contre, élever la température d’échantillonnage peut aussi diminuer la quantité de composés extraits (Pillonel et al., 2001). Il est important que la procédure d’isolation employée donne un produit représentatif de l’échantillon que l’on souhaite analyser. C’est pourquoi le choix d’une méthode de préparation des échantillons appropriée est primordial.

25 2.5.1.1.1 Types de fibre

Afin de réaliser la SPME, plusieurs fibres composées de différentes épaisseurs de films et de matériel de revêtement peuvent être utilisées. La fibre utilisée aura un impact sur la sélectivité des composés lors de l’extraction. Lors du choix de la fibre, il faut tenir compte de la polarité, de la volatilité et du poids moléculaire des composés analysés (McGorrin, 2007).

Selon Pillonel et al. (2001) les revêtements de fibres peuvent être classés en deux groupes :

- ceux comprenant une seule couche de polymères liquides purs (polydimethylsiloxane (PDMS) ou polyacrylate (PA)),

- ceux qui contiennent un film mixte de polymères liquides et de particules solides (Carboxen- PDMS, Divinylbenzene (DVB)-PDMS, Carbowax-DVB et DVB-carboxen-PDMS).

Voici une brève description ainsi que les particularités de chacune de ces fibres.

1- PDMS : Ce revêtement de fibre est fortement hydrophobe et non-polaire. Il a été développé à l’origine pour extraire les polluants d’échantillons liquides (Pillonel et al., 2001). La fibre est de type absorbant et a une forte capacité pour cloisonner les composés volatils à partir d’une phase liquide, et elle est plus appropriée pour les substances à analyser non polaires (McGorrin, 2007). La fibre est très sensible aux composés non-polaires et insensible aux composés polaires (Stashenko et Martinez, 2007).

2- PA : Le revêtement est plus polaire que le PDMS (Pillonel et al., 2001). Il est utilisé pour l’extraction de composés polaires tels que les acides gras et les composés soufrés réduits (Pillonel et al., 2001).

3- Car/PDMS : Le carboxen est un revêtement constitué de molécule de carbone avec des macro, meso et micropores. Il est généralement utilisé en combinaison avec le PDMS, améliorant alors l’extraction des petites molécules (Pillonel et al., 2001).

4-DVB-PDMS : Le DVB contient de plus grands pores que le carboxen et est donc plus adapté pour l’extraction de plus grosses molécules (Müller et al., 1997). Pour certaines applications dans des produits laitiers, ces fibres seraient capables d’extraire des composés volatils ayant un point d’ébullition élevé (McGorrin, 2007).

5- DVB/Carboxen/PDMS : Le carboxen permet de capter les petites molécules et le DVB, les plus grosses. La désorption est aussi facilitée avec cette configuration. Ces fibres sont toutefois difficiles à produire et sont parfois livrées avec des défauts (fissures dans le revêtement). Pour certaines applications dans des produits laitiers, elles seraient capables d’extraire des composés volatils à point d’ébullition élevé (McGorrin, 2007).

6- Carbowax/DVB : Il s’agit de la fibre la plus polaire du groupe de films mixtes.

La polarité de la fibre aurait seulement un effet minimal sur l’extraction de molécules à faible poids moléculaire alors que la porosité et l’épaisseur du film auraient une plus grande influence sur l’extraction des petites molécules (Pillonel et al., 2001).

27 2.5.1.1.2 Conditions d’échantillonnage

À température ambiante, les techniques d’immersion et le ‘headspace’ sont meilleurs pour les composés non polaires alors que les mêmes techniques, utilisées avec un chauffage, sont les plus appropriées pour extraire les composés polaires (Pillonel et al., 2001).

L’ajout de sel dans les échantillons à analyser pourrait augmenter la teneur en composés extraits, peu importe si il s’agit du mode immersion ou du ‘headspace’ (Pillonel et al., 2001). Il y a quatre types de comportements observés suite à l’ajout de sel :

 l’extraction augmente avec l’augmentation de la concentration de sel;

 l’extraction augmente initialement et cesse d’augmenter à une certaine concentration de sel;  l’extraction augmente initialement et décroit avec l’augmentation de la concentration de sel;  l’extraction diminue avec l’augmentation de la concentration en sel.

En général, on peut dire que l’ajout de sel améliore considérablement le taux d’extraction des composés polaires comme l’isopropylamine, l’isopropanol, l’acide carboxylique et les phénols (Pillonel et al., 2001). L’effet serait beaucoup plus faible pour les molécules moins polaires telles que le benzène, toluène, éthylbenzène et xylène. Il y aurait d’autres applications pour l’acétaldéhyde, les terpénoïdes, les amines aromatiques et les produits de la réaction de Maillard (Pillonel et al., 2001).

2.5.1.1.3 Reproductibilité

La méthode SPME est simple et requiert peu de matériel (échantillon). Elle est peu coûteuse, sélective et sensible (Stashenko et Martinez, 2007). Mentionnons que la détérioration rapide du revêtement de la fibre nécessite de prendre certaines précautions (utilisation de standards) pour les études à long terme (Pillonel et al., 2001). Certains facteurs tels que la température de l’échantillon (40-50 degrés C), le temps d’exposition de la fibre (5-30 min) et le ratio du volume de l’échantillon par rapport au volume d’headspace dans le flacon peuvent aussi influencer la sensibilité ainsi que la reproductibilité de l’isolation des composés volatils (McGorrin, 2007). L’agitation à l’aide d’une barre magnétique peut aussi avoir un impact en accélérant le transfert des composés volatils de l’échantillon à la fibre (McGorrin, 2007).

2.5.1.1.4 Méthode de quantification et d’identification

Le développement de la chromatographie en phase gazeuse a permis aux chimistes de séparer, quantifier et identifier les composés qui constituent les odeurs (Delahunty et al., 2006). Généralement, le chromatographe est jumelé à un détecteur, soit un spectromètre de masse ou à un détecteur à ionisation de flamme, afin d’identifier les composés (Delahunty et al., 2006).

Pour être détecté par une chromatographie en phase gazeuse jumelée à la spectrométrie de masse (GC-MS), les composés aromatiques doivent être présents dans l’aliment à une concentration égale ou supérieure à 10-5 g/L (Friedrich et Acree (1998). Se basant sur leurs connaissances en chimie des arômes, Friedrich et Acree (1998) mentionnent que seulement une petite fraction des composés volatils présents dans les aliments joue un rôle significatif dans la perception de l’odeur globale.

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Or, savoir si un composé est présent à une concentration donnée ou non ne permet pas de conclure qu’il est perceptible (Delahunty et al., 2006). C’est pourquoi certains laboratoires utilisent la chromatographie en phase gazeuse jumelée à un olfactomètre (GC -O). Dans ce cas, c’est le système olfactif humain qui permet l’identification des odeurs via un dispositif installé sur le GC.

2.5.1.2 La chromatographie en phase gazeuse jumelée à un olfactomètre (GC-O)

La perception de composés volatils par le nez de l’humain dépend de la libération des composés de leur matrice (ex : le lait) et des propriétés odorantes du mélange de composés (d’Acampora et al., 2007). Seulement une petite proportion du grand nombre de composés volatils retrouvés au sein d’une matrice va contribuer à la flaveur globale (Van Ruth, 2001; d’Acampora et al., 2007). De plus, ces molécules ne contribuent pas de manière équivalente à la flaveur globale d’un échantillon. Il existe une différence importante entre la concentration et l’intensité aromatique d’un composé (d’Acampora et al., 2007). C’est ce qui a amené les chercheurs à se pencher sur la question de la détermination de la contribution de chaque constituant sur la flaveur globale d’un produit (d’Acampora et al., 2007). Globalement, l’importance sensorielle d’un composé dans le lait peut se résumer par la concentration à laquelle on le retrouve et des limites de détection du nez humain (d’Acampora et al., 2007). Parallèlement, il faut tenir compte des interactions imprévisibles entre les molécules odorantes et les autres constituants du lait tels que les lipides, les protéines, les glucides, et les minéraux (d’Acampora et al., 2007). La GC-O s’avère donc être l’outil approprié puisqu’elle procure une analyse instrumentale jumelée à une analyse sensorielle (d’Acampora et al., 2007).

La description du premier chromatographe couplé à un olfactomètre afin de ‘renifler ’ les ‘effluents ’ pour déterminer l’activité volatile des odeurs fût publiée en 1964 par Fuller et al. (d’Acampora et al., 2007). Le but de la GC-O est de déterminer l’activité odorante des composés volatils se trouvant dans un échantillon et d’attribuer une importance relative à chacun d’entre eux (Delahunty et al., 2006). Ainsi, pour chaque composé séparé qui arrive du GC, l’évaluateur peut détecter le composé,

mesurer la durée de l’activité odorante, décrire la qualité de l’odeur et quantifier son intensité (Delahunty et al., 2006).

Tous les composés volatils présentent trois principales propriétés en lien avec la détection par l’humain, soit leur seuil de détection, leur intensité relativement à leur concentration, ainsi que leur intensité en terme de qualité (Delahunty et al., 2006). Le seuil de détection représente la concentration minimale à laquelle le composé peut être détecté (Delahunty et al., 2006).

Il existe trois différentes méthodes qui permettent de récolter et d’analyser les données obtenues par GC-O (Delahunty et al., 2006). Il s’agit de :

1- la fréquence de détection: Avec cette méthode, les composés (à un temps de rétention particulier) qui sont détectés le plus souvent par les panélistes obtiendront une plus grande importance relative. Les composés détectés le plus souvent sont associés à l’intensité de l’odeur de l’aliment. Il est donc possible de mesurer la durée de la perception d’une odeur, d’en faire une description simultanée, mais l’évaluation ne tient pas compte des variations d’intensité. En fait, le nombre d’évaluateurs ayant identifié l’odeur sera une estimation de l’intensité (d’Acampora et al., 2007). De 6 à 12 participants n’ayant pas eu d’entraînement préalable sont nécessaires (Delahunty et al., 2006). La méthode NIF (‘nasal impact frequency’) est basée sur cette technique. Toutefois, avec la fréquence de détection, même si la concentration d’un composé détecté augmente et que l’intensité de l’odeur est différente, la fréquence de détection peut ne pas varier (Delahunty et al., 2006).

2- des mesures de seuils de dilution : C’est la méthode la plus utilisée. ; il s’agit d’une série de dilutions (8 à 12) pour un composé spécifique, et ce, jusqu’à ce que l’odeur ne soit plus perçu par le panéliste (d’Acampora et al., 2007). Il y a généralement peu de participants (1 à 3). Les méthodes de dilution les plus connues sont les analyses CharmAnalysisTM (‘combined hedonic aroma response

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method’) et AEDA (‘aroma extraction dilution analysis’) (d’Acampora et al., 2007). Mentionnons que ces méthodes ne permettent pas d’évaluer l’intensité de l’odeur.

3- des mesures de l’intensité directe : Cette procédure requiert de 3 à 10 participants, lesquels doivent utiliser une échelle de mesure pour quantifier l’intensité des odeurs perçues (d’Acampora et al., 2007). Les panélistes doivent nécessairement subir un entraînement préalable.

Toutes ces méthodes d’analyses avec GC-O sont relativement subjectives et doivent donc être réalisées dans un environnement avec une température contrôlée et de l’air de qualité (Delahunty et al., 2006).

En ce qui concerne l’isolement des composés volatils, de nombreuses études ont été réalisées sans tenir compte des changements qui peuvent se produire lorsqu’on a l’aliment en bouche tels que l’augmentation de la température, la salivation et la mastication (d’Acampora et al., 2007). Des efforts ont donc été consacrés au développement de différents systèmes pouvant simuler le processus de transformation des aliments par voie orale, tels qu’une bouche artificielle (d’Acampora et al., 2007). Ces systèmes restent en développement. Entre-temps, il est reconnu que la combinaison de l’olfactométrie et de la chromatographie en phase gazeuse est efficace pour identifier et quantifier les composés aromatiques des aliments (d’Acampora et al., 2007).