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8. Discussion

8.6 Impact des MGF sur le mode d’accouchement

Cette revue de la littérature met en avant un taux d’accouchement instrumenté équivalent dans le groupe des femmes avec MGF tout comme dans le groupe contrôle ainsi qu’un risque significativement plus élevé du recours à la césarienne chez les femmes avec MGF

Cette revue de la littérature démontre peu de choses au niveau des accouchements par voie basse spontanée. Seuls Balachandran et al. (2017) s’y sont penchés et ne soulignent aucune différence significative entre les deux groupes. Du côté des autres articles, tous ont des données concernant l’accouchement par césarienne, ce qui donne une idée du ratio AVB/césarienne. Toutefois, les accouchements instrumentés ne sont pas différenciés des AVB spontanés, ce qui ne peut pas mener à une conclusion au niveau des taux d’AVB spontané. Cependant, Millogo-Traore et al., (2007), lors d’une étude menée au Burkina Faso,

rejoignent Balachandran et al., (2017) en mentionnant que les femmes avec MGF ont autant de chance de donner naissance à leur enfant par voie basse spontanément que les femmes sans MGF. Ces résultats sont renforcés par les trois articles de pays développés de ce travail. Tous reportent l’absence de données significatives entre les deux groupes concernant le taux d’accouchements par voie basse instrumentés.

Le manque de données concernant les accouchements voie basse instrumentés en pays émergents s’explique de plusieurs façons. Pour certains pays d’Afrique sub-saharienne, le taux d’instrumentation est estimé à moins de 1%. Ce faible taux est nourri par un manque de matériel et surtout un manque de pratique de la part des opérateurs. A cela s’ajoutent une parité moyenne davantage élevée, une analgésie péridurale pas toujours disponible et une surveillance fœtale intrapartum partielle. Cela engendre un cercle vicieux duquel il semble difficile de sortir sans un apport de matériel adéquat et la formation des professionnels à cette pratique (Ameh & Weeks, 2009).

Les résultats concernant les chances de pouvoir accoucher par voie basse, spontanément ou en bénéficiant d’une instrumentation, questionnent donc sur la raison d’un taux plus élevé de césarienne chez les femmes avec MGF dans la majorité des études analysées.

Seuls Balachandran et al. (2017) rapportent l’absence de significativité entre les deux groupes concernant le taux de césariennes, qu’elles soient électives ou d’urgence. Wuest et al. (2009) les rejoignent uniquement en ce qui concerne les césariennes électives. Les autres études sélectionnées pour ce travail s’accordent à dire que, de manière générale, les femmes avec MGF sont davantage sujettes à avoir recours à la césarienne quel que soit le pays. Cependant, quelques nuances sont à considérer. Par exemple, Gebremicheal et al. (2018) et Balachandran et al. (2017) s’accordent sur le risque augmenté de césarienne chez les femmes avec tous types de MGF. Banks et al. (2006) nuancent, selon eux seules les femmes avec MGF II et III sont davantage à risque d’être césarisées. Finalement, Wuest et al. (2009) soulignent une hausse du recours à la césarienne d’urgence uniquement chez les femmes avec MGF. Toutefois, ce résultat est à pondérer car en réalité, 8 des 18 femmes césarisées (44%) en urgence l’ont été pour cause d’un examen du score cervical impraticable. Les auteurs n’expliquent pas si cela est dû à une désinfibulation tardive, à des douleurs durant l’examen ou autre. Cela pourrait constituer un biais, dans la mesure où une césarienne ne devrait pas être pratiquée en ayant pour unique motif la présence d’une MGF. Toutefois, il faut considérer la possibilité que ces femmes se soient présentées à l’hôpital infibulées, peut être avec un rythme cardiaque fœtal pathologique et qu’il était nécessaire d’effectuer une césarienne d’urgence. La douleur provoquée par les touchers vaginaux n’est également pas à exclure. L’évaluation de la dilatation n’étant plus possible, la situation nécessitait une intervention dans l’intérêt de la parturiente et/ou du fœtus. L’hypothèse du refus de la désinfibulation n’est pas à écarter non plus, bien qu’habituellement l’AVB soit possible mais avec une épisiotomie. Wuest

et al. (2009) étant les seuls parmi les articles sélectionnés à préciser les différents motifs des césariennes d’urgence, l’hypothèse que l’incapacité d’évaluer le score cervical soit un motif de césarienne pour les autres ne peut pas être écartée. Cela expliquerait en partie la hausse significative du recours à la césarienne, du moins chez les femmes avec MGF III. Selon le Docteure J. Abdulcadir (communication personnelle, 17 juillet 2020), la hausse significative du taux de césarienne chez les femmes avec MGF est à pondérer. En effet, le fait que la plupart des études ne mentionnent pas le motif de la césarienne peut constituer un biais. La présence d’une MGF peut être la cause du motif de la césarienne, sans que la physiopathologie de l’accouchement en soi la cause. Par exemple, des soignants mal à l’aise dans une situation avec une femme infibulée pourraient opter pour l’option de la césarienne dans un contexte obstétrical déviant de la physiologie.

Par ailleurs, la piste psychologique n’est pas à écarter comme facteur de hausse du taux de césarienne chez les femmes avec MGF. En effet, de manière générale, les femmes ayant subi une MGF appréhendent l’accouchement comme un évènement anxiogène et l’associent aux douleurs de l’excision. Après leurs accouchements, elles s’accordent à dire que leur passé de femmes excisées les a menées à un accouchement prolongé, difficile et à des complications du post-partum (Hamid et al., 2018). Un lien peut être établi entre le vécu de l’accouchement comme un évènement anxiogène et un nombre significativement plus élevé de césariennes. C’est ce que démontre une étude basée sur les profils des femmes enceintes en fonction de leurs attitudes, de leurs représentations de l’accouchement et de l’estimation de leurs peurs liées à l'accouchement. Les femmes catégorisées en tant que femmes « anxieuses » ont un risque significativement plus élevé que les femmes « déterminées » de devoir bénéficier d’une césarienne (Haines et al., 2012). Ces affirmations sont appuyés par Fenwick et al., (2015) qui démontrent un pourcentage moindre de femmes bénéficiant d’une césarienne lorsqu’elles ont accès à un entretien psycho-éducatif avec une sage-femme durant la période prénatale. Ryding et al., (1998), en accord avec Fenwick et Haines sur l’augmentation du taux de césariennes en cas d’anxiété et un taux bas de tolérance au stress, soulignent le besoin de soins prénataux adaptés pour ces femmes.

Gebremicheal et al. (2018) relatent une augmentation significative du taux de césarienne proportionnellement à la sévérité de la MGF. Cela semble s’accorder avec le fait que, au vu de nombreuses infibulations et désinfibulations subies par certaines femmes avec MGF III, l’anxiété augmente et aboutisse à une césarienne.

A l’instar de Banks et al. (2006), Gebremicheal et al. (2018) ont exclu de leur échantillon les femmes avec des césariennes électives. Cela démontre une certaine fiabilité dans les résultats, car inclure les césariennes électives dans l’échantillon aurait constitué un biais par

le fait qu’une césarienne élective ne devrait pas avoir comme unique motif la présence d’une MGF. Cependant, la thématique des césariennes s’avère plus compliquée que cela en Afrique. En effet, il est démontré que les femmes sont régulièrement césarisées pour des motifs discutables et de façon inéquitable (Harrison & Goldenberg, 2016). Discutables de par le fait qu’elles sont pratiquées pour d’autres motifs que l'hémorragie antepartum, le travail prolongé ou la dystocie, la prééclampsie ou l'éclampsie ainsi que la détresse fœtale intrapartum qui sont les critères à pratiquer une césarienne selon l’OMS (2009). Pour ce qui est de l’équité, les femmes avec un niveau d’étude supérieur, ayant un revenu élevé ou encore celles accouchant dans des institutions privées sont davantage susceptibles de bénéficier d’une césarienne. Cela engendre des conséquences sur la santé des femmes, de leurs nouveau-nés, mais également sur l’économie. En effet, les femmes césarisées pour un motif discutable d’un point de vue médical, devront peut-être bénéficier à nouveau d’une césarienne lors de leur prochaine grossesse et des suivantes. Cela engendre des coûts non-négligeables pour des pays à revenus faibles et intermédiaires. Il risque également d’y avoir un impact pour les femmes qui, financièrement, n’ont pas l’accès facilité à la césarienne mais qui, d’un point de vue médical, ont besoin d’en bénéficier de façon élective ou dans l’urgence. Cela risque grandement d’augmenter les morbidités et la mortalité maternelles, fœtales et néonatales (Harrison & Goldenberg, 2016).

Varol et al. (2016) s’accordent avec les autres auteurs concernant le risque significativement plus élevé d’avoir recours à la césarienne chez les femmes avec MGF. Toutefois, le fait qu’une femme soit d’office césarisée dans cet hôpital lorsqu’elle présente un antécédent de césarienne pourrait remettre en cause la validité de ce résultat. En effet, dans cette institution, les tentatives d’accouchement vaginal après césarienne (AVAC) ne semblent pas faire partie des protocoles alors qu’entre 72-75% des AVAC se soldent par une réussite (Royal College of Obstetricians & Gynaecologists, 2015). En Suisse et dans de nombreux autres pays, l’accouchement voie basse peut être envisagé lorsqu’une femme présente un antécédant de césarienne. Une évaluation de la cicatrice et des différents facteurs de risque sont à prévoir dans l’objectif d’un AVAC. De plus, Varol et al. (2016), ne prennent pas en compte les antécédents obstétricaux dans les données socio-démographiques. Potentiellement, il s’agirait d’un biais dans l’hypothèse où les femmes avec MGF auraient davantage d’antécédents de césarienne que le groupe contrôle. Ce résultat est donc à nuancer malgré le fait que d’autres auteurs de cette revue de la littérature s’accordent à dire que les femmes avec MGF sont davantage susceptibles de devoir recourir à une césarienne.