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1.3 L A SCLÉROSE EN PLAQUES

1.3.3 Immunologie de la sclérose en plaques

Tel que mentionné plus haut, la caractéristique principale de la SP est la formation de plaques dans la matière blanche du SNC (Frohman et al., 2006; Compston and Coles, 2008). De par leurs effets directs ou indirects, plusieurs des facteurs de risques génétiques et environnementaux pointent vers une implication importante du système immunitaire dans le développement de ces plaques. Ainsi, il est généralement accepté que la formation des plaques de démyélinisation et la mort neuronale chez la forme cyclique de la SP découlent de l’activité du système immunitaire (Compston and Coles, 2008). D’ailleurs, les traitements les plus efficaces pour ralentir la progression de la forme RRMS sont ceux qui ciblent le système immunitaire (Tableau 1.3) (Haghikia et al., 2013; Costello et al., 2016; Vargas and Tyor, 2017). Les formes progressives de SP semblent quant à elles être provoquées par une combinaison de facteurs inflammatoires et de processus neurodégénératifs (Mahad et al., 2015). Parmi les acteurs immunitaires présents à l’intérieur des plaques, on retrouve à la fois des cellules de l’immunité adaptative et innée (Henderson et al., 2009).

Du côté du système immunitaire adaptatif, les lymphocytes T CD4+ et CD8+

de même que les lymphocytes B semblent tous participer activement à la formation de plaques dans le SNC (Claes et al., 2015; Michel et al., 2015; Salou et al., 2015; Rangachari et al., 2017). En effet, les traitements ciblant davantage les lymphocytes T et B (Tableau 1.3) sont ceux qui montrent les effets les plus marquants quant à la réduction des crises et des lésions (Vargas and Tyor, 2017). Il a été rapporté que les lymphocytes T et B infiltrant le SNC proviennent de l’expansion clonale de quelques clones, suggérant qu’un nombre restreint d’antigènes sont responsables de leur activation (Babbe et al., 2000; Lovato et al., 2011). Toutefois, les antigènes liant les récepteurs des cellules T et B varient énormément d’un individu à l’autre et aucun antigène commun aux individus atteints de SP n’a été identifié jusqu’à maintenant (Compston and Coles, 2008; Hemmer et al., 2015). Il en va de même pour les anticorps retrouvés dans le liquide cérébrospinal ou le parenchyme cérébral : certains reconnaissent des peptides du SNC mais généralement les cibles demeurent indéterminées (Willis et al., 2015). Historiquement, une attention particulière fut portée aux antigènes dérivés de la myéline (Figure 1.21), le matériel isolant les neurones et produit par les oligodendrocytes (Hemmer et al., 2002; Sospedra and Martin, 2005). L’un des antigènes initialement identifiés est la protéine basique de la myéline (MBP, myelin basic protein) et étonnamment, la proportion des lymphocytes T qui réagissent contre le MBP est la même chez des individus sains que chez des gens atteints de SP (Jingwu et al., 1992). Toutefois, les lymphocytes

provenant d’individus avec la SP sont beaucoup plus réactifs à la stimulation avec le MBP que ceux provenant de sujets sains et ont un phénotype de « cellules activées » (Lovett-Racke et al., 1998; Brucklacher-Waldert et al., 2009). Similairement, l’utilisation d’un MBP modifié en essai clinique a montré une exacerbation des signes cliniques de la SP, forçant l’interruption de l’étude (Bielekova et al., 2000). Des symptômes similaires à ceux de la SP ont été décrits vers la fin du 19e siècle chez des individus traités contre le

virus de la rage. À l’époque, le vaccin développé par Louis Pasteur était fabriqué à partir d’extraits de cerveaux de moutons ou de chèvres infectés avec le virus de la rage et contenait une quantité significative de peptides de la myéline (Baxter, 2007). En lien avec les facteurs de risques de la SP, certains peptides viraux, incluant ceux provenant du EBV, ont été reconnus pour promouvoir l’activation de lymphocytes T ayant un TCR spécifique au MBP (Wucherpfennig and Strominger, 1995). Somme toute, ces résultats suggèrent que malgré la sensibilité des lymphocytes de patients atteints de SP à certains peptides de la myéline, une partie des activités inflammatoires et neurotoxiques des lymphocytes semblent être indépendantes des antigènes.

TABLEAU 1.3 – Thérapies utilisées pour le traitement de la sclérose en plaques. Données tirées de : Haghikia et al. (2013), Costello et al. (2016) et Vargas and Tyor (2017) ainsi que des monographies de produits.

FIGURE 1.21 – Localisation de différentes protéines de la myéline. Tirée de : Hemmer et al. (2002).

De leur côté, les cellules de l’immunité innée (cellules myéloïdes) semblent elles aussi jouer des rôles prépondérants dans le développement des plaques de démyélinisation et sont ciblées par une multitudes de traitements utilisés dans la SP (Hemmer et al., 2015; Mishra and Yong, 2016). Le nombre de phagocytes mononucléaires (microglies, monocytes et macrophages) retrouvés à l’intérieur des lésions, particulièrement les lésions chroniques, est d’ailleurs supérieur à celui des différentes populations lymphocytaires (Trebst et al., 2001; Henderson et al., 2009). Le fort nombre de monocytes et macrophages concordent avec la forte expression de CCL2 dans le cerveau d’individus atteints de SP (McManus et al., 1998; Simpson et al., 1998). La présence et l’état d’activation des phagocytes mononucléaires corrèlent fortement avec la rupture de la BHE, la perte de myéline, la mort neuronale de même que le score EDSS (Bitsch et al., 2000; Bar-Or et al., 2003; Henderson et al., 2009; Howell et al., 2010; Politis et al., 2012; Vogel et al., 2013). Étonnamment, une forte proportion des macrophages et microglies à proximité ou à l’intérieur des plaques de démyélinisation arborent un phénotype mixte, expriment à la fois des marqueurs pro-inflammatoires et anti-inflammatoires (Singh et al., 2013; Vogel et al., 2013; Peferoen and Vogel, 2015). De plus, le ratio de monocytes inflammatoires:anti- inflammatoires dans le liquide cérébro-spinal est significativement plus élevé chez les gens atteints de SP comparativement aux sujets sains (Waschbisch et al., 2016). Pour leur part, la présence de quelques neutrophiles a été

rapportants des données sur les neutrophiles à l’intérieur du SNC sont rares, très peu d’informations sont disponibles à leur sujet.

Quoiqu’on en sâche peu sur les rôles que jouent les cellules myéloïdes à l’intérieur du SNC, les données sur leurs effets en périphérie sont encore plus rares. Il a été rapporté que les monocytes sanguins de patients atteints de SP produisent davantage d’IL-6, d’IL-12 et d’IL-1b que les monocytes de contrôles sains (Kouwenhoven et al., 2001; Makhlouf et al., 2001; Waschbisch et al., 2016). Makhlouf et al. ont d’ailleurs rapporté que la production monocytaire d’IL-12 corrélait avec le score EDSS et le nombre de lésions actives dans le cerveau (Makhlouf et al., 2001). De plus, les lymphocytes CD4+ sanguins des patients SP expriment davantage d’IL-1R1

que ceux des sujets sains (Sha and Markovic-Plese, 2016). De façon similaire, les niveaux de caspase-1, une enzyme impliquée dans la maturation de l’IL-1b (voir section 1.2.1), dans les cellules mononucléaires sanguines augmentent significativement dans la période précédent une attaque de SP (Furlan et al., 1999). Une étude récente a d’ailleurs rapporté que les niveaux sériques de CCL2 et CXCL1/CXCL5, des chimiokines respectivement impliquées dans le recrutement des monocytes et neutrophiles, corrèlent eux-aussi avec le score EDSS (Rumble et al., 2015). De leur côté, les neutrophiles sanguins des patients SP montrent un phénotype de cellule activée, en particulier avec leur expression de TLR2 et des récepteurs du fMLP et de l’IL-8 (Naegele et al., 2012). Un phénotype similaire, caractérisé par la production d’IFNg, de TNFa et d’IL-6, a aussi été observé chez les DCs isolées à partir du sang de patients atteints de SP, un phénotype atténué lorsque ceux-ci sont traités avec des drogues anti- inflammatoires (Huang et al., 1999).

Les données recueillies chez l’humain ainsi que les conclusions tirées de leurs analyses sont majoritairement corrélatives et peignent un portrait souvent statique des phénomènes biologiques se produisant dans la SP. Ce manque d’information est pallié, en partie, par les études fondamentales réalisées dans différents modèles animaux de la SP.

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