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L’immunité adaptative constitue la seconde ligne de défense contre les infections et représente une étape essentielle à l’éradication complète de plusieurs pathogènes (Murphy, 2012). Elle se définie par l’acquisition d’une mémoire immunologique et fait appel aux mécanismes impliqués dans la génération d’une réponse spécifique à un antigène. Compte tenu de sa complexité, le déploiement de la réponse immunitaire adaptative est plus lent que celui de l’immunité innée (Figure 1.3). En effet, le développement de l’immunité adaptative nécessite la réalisation de plusieurs étapes suivant l’infection : 1) la transformation de l’antigène et son transport vers les organes lymphoïdes secondaires par les cellules présentatrices d’antigènes (antigen-

presenting cells, APCs); 2) la présentation de l’antigènes aux lymphocytes T

et B naïfs et 3) l’expansion clonale des lymphocytes et leur différentiation en cellules effectrices (Murphy, 2012). Les étapes de capture, de transformation et de présentation de l’antigène sont principalement accomplies par les macrophages, les DCs ainsi que certains lymphocytes B. Ce sont ces cellules qui vont guider l’activation, la différentiation et la réponse des lymphocytes. Suivant la présentation d’antigènes, une mémoire antigénique est acquise seulement par les lymphocytes possédant le récepteur spécifique pour cet antigène. Pour des raisons de concision et de pertinence, les données présentées dans cette section traiteront en majorité de la présentation d’antigènes par les macrophages et DCs et leurs rôles dans l’activation des lymphocytes T CD4+.

La transformation de l’antigène

On définit les antigènes comme étant toutes molécules ou peptides pouvant être reconnus par le système immunitaire adaptatif, et plus précisément par un anticorps ou un récepteur des cellules T (T cell receptor, TCR). En conséquence, un pathogène peut générer une grande variété d’antigènes, lesquels peuvent être reconnus par plusieurs anticorps ou TCR différents. La génération d’antigènes débute par l’internalisation d’un corps étranger dans la cellule où il est enzymatiquement digéré en courts fragments. Cette digestion peut survenir dans le cytosol ou dans des vésicules endoplasmiques, générant ainsi des antigènes qui seront couplés aux complexes majeurs d’histocomptabilité de type I (MHCI) ou de type II (MHCII), respectivement (Murphy, 2012). Le type de MHC « choisi » influence par la suite le type de lymphocytes T auxquels l’antigène sera présenté. En effet, les MHC de type I participent à l’activation des lymphocytes T cytotoxiques (TC, CD8+) alors que les MHC de type II sont quant à eux

impliqués dans la présentation d’antigènes aux lymphocytes T auxiliaires (TH,

CD4+). Alors que l’expression du MHCII est restreinte aux APCs matures

Ceci implique que les APCs doivent se déplacer du foyer inflammatoire aux organes lymphoïdes secondaires.

FIGURE 1.6 – Propriétés associées à la présentation d’antigènes des cellules dendritiques, macrophages et lymphocytes B. Tirée de : Murphy (2012), page 352.

FIGURE 1.7 – Anatomie de la rate et des ganglions lymphatiques.

Tirée de : Mebius et Kraal (2005).

La migration leucocytaire vers les organes lymphoïdes secondaires

La rate et les ganglions lymphatiques partagent une variété de structures et propriétés reliées à l’immunité adaptative. En effet, les deux organes participent à la filtration des antigènes présents dans les liquides biologiques, respectivement le sang et le liquide interstitiel (aussi appelé lymphe) (Mebius and Kraal, 2005; Turley et al., 2010). Ces deux organes arborent aussi des zones anatomiques dédiées aux lymphocytes B et aux lymphocytes T (Figure 1.7) et emploient des modes de recrutement similaires pour ces deux types cellulaires (Mebius and Kraal, 2005; Turley et al., 2010; Bronte and Pittet, 2013). Au niveau de leurs différences, la rate joue un rôle important dans le recyclage des globules rouge et de leur fer (Mebius and Kraal, 2005). De plus, la rate est les ganglions lymphatiques sont connectés sur deux systèmes vasculaires différents, les vaisseaux sanguins et les vaisseaux lymphatiques. Le système lymphatique, qui forme un vaste réseau couvrant le corps entier (Figure 1.8), représente la principale route empruntée par les APCs pour se déplacer du foyer inflammatoire aux ganglions lymphatiques (von Andrian and Mempel, 2003). Le recrutement des leucocytes à l’intérieur des ganglions est maximisé par la présence de petits capillaires veineux nommés HEVs (high endothelial venules) qui favorisent leur attachement ferme et leur égression (Girard et al., 2012). Afin de simplifier la description

FIGURE 1.8 – Localisation des différents organes lymphoïdes humains.

Tirée du site web : http://anatomybody-charts.us/structure-circulatory-

lymphatic-system/ (consulté le 20 mars 2017).

En conditions homéostatiques, les leucocytes visitent constamment les différents organes lymphoïdes secondaires (Girard et al., 2012). En revanche, l’apparition d’un statut inflammatoire entraîne une forte augmentation du recrutement de leucocytes dans les organes lymphoïdes secondaires. Il est intéressant de noter que les mécanismes qui gouvernent le recrutement leucocytaire aux organes lymphoïdes secondaires en absence ou en présence de stimuli inflammatoire partagent plusieurs similitudes (von Andrian and Mempel, 2003; Girard et al., 2012). Par exemple, il a été démontré que CCL2 et CXCL9, via leurs récepteurs respectifs CCR2 et CXCR3, participent au recrutement des monocytes via les HEVs (Figure 1.9)(Janatpour et al., 2001; Palframan et al., 2001). Une fois à l’intérieur du ganglion lymphatique, les monocytes Ly6Chi recrutés par le signal CCL2 se

différentient en moDCs (Randolph et al., 1999; Palframan et al., 2001). Les DCs immatures peuvent aussi répondre au CCL2, une réponse qui est toutefois perdue lors de leur maturation (Sallusto et al., 1998). La maturation

des DCs entraine également une réduction de l’expression de CCR1, CCR5 et CXCR1 ainsi qu’un important gain des niveaux de CCR7 et CXCR4 (Sallusto et al., 1998). L’expression de CCR7 est essentielle pour la migration des DCs matures aux ganglions lymphatiques et son absence entraîne une forte réduction du nombre de leucocytes totaux dans l’organe (Braun et al., 2011; Moussion and Girard, 2011; Girard et al., 2012). Le récepteur CCR7 possède deux ligands, CCL19 et CCL21, lesquels peuvent être produits par les cellules des HEVs ou les cellules stromales du ganglion (von Andrian and Mempel, 2003; Link et al., 2007; Turley et al., 2010). Il a été rapporté que CCL19, CCL21 et CCL2 produits au foyer inflammatoire peuvent être transportés jusqu’aux vaisseaux lymphatiques pour être exposés à la surface luminale et ainsi contribuer au recrutement leucocytaire (Stein et al., 2000; Baekkevold et al., 2001; Palframan et al., 2001; von Andrian and Mempel, 2003). CCR7 est aussi présent sur les lymphocytes T naïfs et son expression est indispensable pour leur recrutement aux ganglions lymphatiques (Stein et al., 2000; Baekkevold et al., 2001; von Andrian and Mempel, 2003; Braun et al., 2011). De leur côté, les lymphocytes B requièrent l’activation de la voie de CCR7 (CCL19 et CCL21) ou de CXCR4 (CXCL12) ainsi que CXCR5 (CXCL13) pour leur migration (Okada et al., 2002; von Andrian and Mempel, 2003).

En condition inflammatoire, l’influx important de leucocytes dans les organes lymphoïdes secondaires est accompagné d’une diminution de l’égression des lymphocytes, un phénomène appelé le « lymph-node shutdown ». Cette rétention lymphocytaire est causée par la diminution ou l’interruption de la signalisation du récepteur de la sphingosine-1-phosphate (S1P), le principal signal d’égression des lymphocytes (Cyster and Schwab, 2012). Ensemble, l’accumulation leucocytaire et la rétention des lymphocytes augmentent le nombre d’interactions entre APCs et lymphocytes et favorisent les phénomènes de présentation d’antigènes.

FIGURE 1.9 – Recrutement des monocytes aux ganglions lymphatiques.

L’inflammation tissulaire provoque la production de CCL2 (a), lequel est en partie drainé vers les ganglions lymphatiques (b). Le statut inflammatoire induit la perméabilisation des HEVs (c), libérant du même coup le CCL2 qui s’accumule dans le ganglion. Le CCL2 est par la suite présenté aux monocytes inflammatoires CCR2+ circulants, provoquant leur recrutement

vers le ganglion (d). Un sous-type de monocytes activés peut aussi migrer vers le ganglion lymphatique via l’axe CXCL9 – CXCR3 (e). FRC : fibroblastic

La présentation d’antigènes et la différentiation des lymphocytes

L’anatomie du ganglion lymphatique est ordonnée de telle sorte que différentes populations leucocytaires se retrouvent dans des régions distinctes (Figure 1.10). Du côté des APCs, on retrouve les DCs principalement dans la zone des lymphocytes T (paracortex), les macrophages surtout sous la capsule et dans la médulla et les lymphocytes B dans les follicules au niveau du cortex. Il faut noter que les mégacaryocytes furent récemment montrés comme capable de présenter des antigènes (Zufferey et al., 2017), mais ces phénomènes ne seront pas discutés en détails dans cet ouvrage. De par leur nature, les différents APCs ne possèdent pas les mêmes aptitudes de présentation d’antigènes. En effet, plusieurs considèrent que les DCs occupent le premier rang des APCs et sont indispensables dans la défense de l’organisme. Cette assertion est motivée par la démonstration que les animaux dont le nombre de macrophages ou de lymphocytes B est grandement réduit sont tout de même en mesure de développer une réponse lymphocytaire normale (Chang et al., 1995; Epstein et al., 1995). Toutefois, la présence de macrophages résiduels chez les souris op/op utilisées dans l’étude de Chang et al., de même que les conclusions obtenues à partir des souris CD11c-DTR sachant que certains sous-types de macrophages expriment CD11c, font en sorte que l’importance des macrophages à la présentation d’antigènes demeure ambigüe (Chang et al., 1995; Jung et al., 2002; Itano and Jenkins, 2003; Martinez-Pomares and Gordon, 2012; Mildner et al., 2013). Itano et Jenkins, dans leur revue de 2003, ont émis l’hypothèse que les macrophages participeraient davantage à la réactivation locale des lymphocytes, potentialisant ainsi leur réponse directement au foyer inflammatoire (Itano and Jenkins, 2003). Cette réactivation locale pourrait parfois être accomplie dans les organes lymphoïdes tertiaires, des tissus similaires aux organes lymphoïdes secondaires, générés dans le but d’augmenter la vitesse de la réponse immunitaire lorsqu’il y a une génération constante d’antigènes comme dans l’inflammation chronique ou les troubles auto-immunitaires (Neyt et al., 2012; Batoulis et al., 2015).

Notre conception de l’activation des lymphocytes T se base sur le modèle à « deux signaux » introduit dans les années 70 qui permettait d’expliquer les phénomènes de tolérance immunologique (Lafferty et al., 1974). Depuis, ce paradigme a été raffiné et inclus maintenant un troisième signal responsable de la spécialisation de la réponse lymphocytaire (Figure 1.11). Le premier signal est initié par l’interaction entre le TCR d’une cellule T avec le complexe peptide:MHC présent à la surface de la cellule présentatrice. Cette interaction entraine l’entrée massive de calcium dans le cytoplasme du lymphocyte et l’activation d’une cascade de signalisation intracellulaire menant à la production du facteur de transcription NFAT actif (Macián et al., 2002; Smith- Garvin et al., 2009). À lui seul, ce signal n’est pas suffisant pour activer le

2012). Le deuxième signal provient des molécules de co-stimulation présentes en grande quantité à la surface des APCs matures. Les molécules impliquées dans le « signal 2 » sont variées mais cette signalisation est majoritairement induite par la liaison de CD80 (B7.1) ou CD86 (B7.2) des APCs à CD28 à la surface des cellules T. Conjointement avec le « signal 1 », l’activité de CD28 induit l’activation de plusieurs facteurs de transcriptions incluant NFAT, AP-1 et NF-kB, lesquels entraînent l’expression d’autres protéines de co-stimulation, la relâche de cytokines comme l’IL-2 et la division cellulaire (Sharpe and Freeman, 2002; Acuto and Michel, 2003; DuPage and Bluestone, 2016). Conjointement, les signaux 1 et 2 représentent un point de contrôle majeur de l’immunité adaptative dont le but est de prévenir les réactions auto-immunitaires (Figure 1.12) (Goodnow, 2001). Comme les APCs n’ont aucun contrôle sur l’origine des peptides qu’elles présentent, la discrimination entre antigènes endogènes et exogènes est principalement indiquée par les molécules de co-stimulation, limitant ainsi l’activation des lymphocytes auto-réactifs (Caux et al., 2000; Hawiger et al., 2001; Steinman and Hemmi, 2006). Lorsque le danger est bien réel, l’activation du TCR et de CD28 entraîne la génération de deux types de lymphocytes : les cellules T à mémoire effectrice (TEM) et à mémoire centrale (TCM) (Sallusto et al., 1999).

Les TEM possèdent des récepteurs leur permettant de migrer vers les foyers

inflammatoires et de supporter la résolution du danger. L’expression de CCR7 sur les TCM leur permet de retourner dans les différents organes

lymphoïdes secondaires, de soutenir l’activation des APCs présents et ultimement d’encourager leur différentiation en TEM (Sallusto et al., 1999).

FIGURE 1.10 – Anatomie détaillée des ganglions lymphatiques et

distribution des différentes populations leucocytaires. Tirée de : Girard et

al. (2012).

FIGURE 1.11 – Les trois signaux envoyés par une cellules présentatrice d’antigènes aux lymphocytes T CD4+. Tirée de : Murphy (2012), page 354.

FIGURE 1.12 – Mécanismes moléculaires impliqués dans la tolérance immunogénique. Tirée de : Goodnow (2001).

La génération de lymphocytes T effecteurs ne s’arrête cependant pas à l’activation du TCR et de CD28. En effet, l’équipe du Dr Robert L. Coffman a

observé des patrons de cytokines distincts chez différents clones de lymphocytes CD4+, notamment la production d’IFNg et d’IL-4 par des cellules

nommées TH1 et TH2, respectivement (Mosmann et al., 1986). Depuis

l’identification des TH1 et TH2, plusieurs autres sous-types de lymphocytes

CD4+ ont été caractérisés, incluant les TH17 et les TReg (Figure 1.13). Nous

savons maintenant que cette réponse lymphocytaire spécifique est due au troisième et dernier signal provoqué par les cytokines dérivées des APCs ou présentes dans l’environnement cellulaire. La production de ces cytokines est attribuable à la réponse des PRR aux différents stimuli inflammatoires et orientera la transformation des lymphocytes naïfs en cellules effectrices spécialisées. Plus spécifiquement, le mode TH1 est induit par l’IFNg et l’IL-12

et est médié par le facteur de transcription T-bet (Lazarevic and Glimcher, 2011). La réponse TH1 est caractérisée par la relâche d’IFNg et de TNFa et

intervient dans l’éradication de pathogènes intracellulaires comme ceux des familles Staphylococcus, Mycobacterium et Salmonella (Lazarevic and Glimcher, 2011).

FIGURE 1.13 – Caractéristiques des différentes sous-populations de

lymphocytes CD4+. Tirée de : Dupage et Bluestone (2016).

Pour sa part, la polarisation en TH2 dépend de l’IL-4 et du facteur GATA3 et

soutient la réponse envers les parasites de même que dans certaines allergies (Licona-Limón et al., 2013). La réponse TH17 dépend de l’IL-6, du

TGFb et du facteur de transcription RORgT et est induite en réaction à certains champignons (Korn et al., 2009). Il est intéressant de noter qu’en combinaison avec l’IL-6 et l’IL-23, l’IL-1b est capable de compenser l’absence de TGFb (Ghoreschi et al., 2010). Enfin, l’apparition des lymphocytes T régulateurs requièrent l’IL-2 et le TGFb ainsi que le facteur FoxP3 (Li and Zheng, 2015). L’activité régulatrice des TReg est principalement médiée par

leur relâche de TGFb et d’IL-10 de même que par le récepteur CTLA-4, un compétiteur de CD28 aux propriétés anti-inflammatoires (Sharpe and Freeman, 2002; Wing and Sakaguchi, 2012; Li and Zheng, 2015).

À première vue, les voies de signalisation guidant la différentiation lymphocytaire semblent simples et directes. Toutefois, cette nomenclature assez rigide ne tient pas compte de la complexité et de la malléabilité des processus biologiques qui surviennent in vivo. Sans surprise, les lymphocytes T possèdent une grande plasticité et ont la faculté d’adopter leur phénotype et de maximiser leur impact lors de la réponse inflammatoire (O’Shea and Paul, 2010; Wing and Sakaguchi, 2012; DuPage and Bluestone, 2016). Ainsi, plusieurs autres médiateurs inflammatoires interviennent non pas dans la différentiation, mais plutôt dans la puissance et l’ampleur de leur réponse.

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