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Images de Mueller des pièces opératoires ex vivo

5.6 Essai clinique

5.6.3 Images de Mueller des pièces opératoires ex vivo

En marge de l’essai clinique, nous bénéficions de l’opportunité d’étudier les conisations extraites à l’Institut Mutualiste Montsouris avec le polarimètre de Mueller en réflexion décrit au chapitre 3 et comparer nos résultats avec les rapport d’anatomopathologie de l’équipe de Dr. Pierre Validire. Même s’il s’agit d’un travail qui vient de commencer et par conséquent, si nous ne disposons pas encore les rapports d’anatomopathologies pour les pièces opératoires imagées, nous tenons à présenter les premiers images qui paraissent intéressantes.

Matrices de Mueller

Tout d’abord, nous présentons la matrice de Mueller d’une conisation imagée à quatre lon- gueurs d’onde : 500, 550, 600 et 700 nm (figures respectivement 5.38 à 5.41).

Par rapport aux échantillons de peau étudiés précédemment, ces images présentent à la fois des similitudes et des différences notables :

– Les termes dominants sont les termes diagonaux, ce qui indique que ces tissus sont en première approximation des dépolariseurs anisotropes, qui dépolarisent plus la polarisation circulaire que la linéaire. L’image en M44 présente en effet les mêmes motifs (les mêmes

zones moins dépolarisantes) que les M33et M22, mais avec une valeur absolue plus faible.

– Il est intéressant de remarquer que ces zones moins dépolarisantes sont aussi les plus claires sur l’image en M11, contrairement à la tendance inverse qu’on observe généralement.

– La dépolarisation augmente globalement avec la longueur d’onde, mais le point remar- quable est la disparition complète à 700 nm des contrastes (zones moins dépolarisantes)

Fig. 5.38 – Matrice de Mueller d’une conisation imagée à 500 nm. L’échelle en couleur varie de -0,25 (rouge) à 0,25 (bleu) pour tous les éléments de la matrice de Mueller, à l’exception du

M11, pour lequel, afin de permettre sa visualisation, elle varie de 0 (rouge) à 0,3 (bleu).

Fig. 5.39 – Matrice de Mueller de la même conisation que celle présentée sur la figure 5.38 imagée à 550 nm. L’échelle en couleur varie de -0,25 (rouge) à 0,25 (bleu) pour tous les éléments de la matrice de Mueller, à l’exception du M11, pour lequel, afin de permettre sa visualisation,

Fig. 5.40 – Matrice de Mueller de la même conisation que celle présentée sur la figure 5.38 imagée à 600 nm. L’échelle en couleur varie de -0,25 (rouge) à 0,25 (bleu) pour tous les éléments de la matrice de Mueller, à l’exception du M11, pour lequel, afin de permettre sa visualisation,

elle varie de 0 (rouge) à 0,5 (bleu).

Fig. 5.41 – Matrice de Mueller de la même conisation que celle présentée sur la figure 5.38 imagée à 700 nm. L’échelle en couleur varie de -0,25 (rouge) à 0,25 (bleu) pour tous les éléments de la matrice de Mueller, à l’exception du M11, pour lequel, afin de permettre sa visualisation,

clairement visibles sur les termes diagonaux aux trois autres longueurs d’onde.

– Enfin, on observe une polarisance linéaire marquée en haut à gauche de la pièce, alors que le dichroïsme est partout pratiquement nul. Ce résultat indique que la lumière provenant de cette zone se polarise à la sortie du tissu, que l’on peut considérer comme un dépolariseur suivi d’un dichroïque, pour lequel la décomposition inverse décrite dans le chapitre 2 paraît mieux adaptée que la décomposition classique. La partie où apparaît cette polarisance était inclinée par rapport au support. La polarisance observée paraît bien liée à un angle de vue élevé, et disparaît elle aussi à 700 nm.

Dépolarisation et polarisance

Nous avons effectivement appliqué la décomposition inverse à ces images de Mueller. Ici nous présentons les résultats sur le dichroïsme et la dépolarisation obtenus de cette manière à la longueur d’onde que nous avons choisie pour l’essai clinique, 550 nm, et à une longueur d’onde plus élevée, 700 nm (figure 5.42). Nous constatons qu’à 550 nm, où nous avons décidé de travailler, du moins dans un premier temps, les contrastes sont plus forts entre les différentes zones et il y a une quantité plus importante d’informations sur ces images.

Fig. 5.42 – Dichroïsme en degrés (en haut) et dépolarisation (en bas) issus par la décomposition inverse de la matrice de Mueller de la conisation imagée sur les figures 5.41 et 5.39 à 700 (à gauche) et 550 nm (à droite).

Les images ci-dessous précisent les caractéristiques quantitatives de la polarisance, soit sa valeur scalaire (exprimée en degrés d’angle ellipsométrique Ψ) et son orientation ainsi que son ellipticité. Ces résultats indiquent clairement qu’à la sortie de l’échantillon la lumière a tendance à se polariser linéairement dans le plan p.

Fig. 5.43 – Polarisance scalaire en degrés (a), orientation du vecteur polarisance (b) et ellipticité de la polarisance(c) de la même conisation.

DOP linéaire et circulaire

Sur la figure 5.44 nous présentons le degré de polarisation linéaire de la même conisation, calculé à partir de la matrice de Mueller aux quatre azimuts qui sont définis pour l’essai clinique : 0, 45, 90 et 135°. Nous constatons que les nuances dépendent de l’azimut d’une manière similaire à ce qui est observé in-vivo et qu’il y a des zones qui se singularisent à certains azimuts et pas à d’autres.

Fig. 5.44 – Degré de polarisation linéaire de la conisation imagée sur la figure 5.39 à 550 nm à quatre azimuts : 0, 45, 90 et 135°.

Enfin, nous présentons les images en degré de polarisation circulaire de la même conisation, recalculé à partir des matrices de Mueller aux quatre longueurs d’onde (figure 5.45). Nous voyons se singulariser pratiquement les mêmes zones que sur les images en DOP linéaire, mais avec des contrastes plus faibles, et sans contribution de la polarisance linéaire bien entendu.

Ces images suggèrent que la longueur d’onde choisie (550 nm) est bien celle qui fournit le plus d’informations (dont nous espérons qu’elles s’avèreront pertinentes). Il reste à déterminer si la polarisance linéaire liée à l’angle de vue peut contribuer à améliorer le contraste entre zones saines et zones dysplasiques ou s’il faut la considérer comme un artéfact à éliminer. IL faut rappeler à ce sujet que pour les 76 conisations imagées en DOP "à la main" avant le début de ce travail la polarisation était basculée dans le bras d’entrée, et donc les contrastes observés sur les images 5.14 et 5.15 ne peuvent être dus uniquement à la polarisance. Ceci étant, en fonction des résultats d’anatomopathologie, si cet effet de polarisance (qu’il faudra de toute

Fig. 5.45 – Degré de polarisation circulaire de la même conisation à quatre longueurs d’onde : 500, 550, 600 et 700 nm.

façon comprendre par une modélisation adéquate) s’avérait finalement plus nuisible qu’utile, on peut envisager de passer pour l’in vivo à un DOP linéaire avec modulation à l’entrée (et en gardant le degré de liberté d’un azimut réglable) ou à un DOP circulaire, plus simple à implémenter, mais susceptible de donner de moins bons contrastes.

5.7

Conclusion

Dans ce chapitre nous avons décrit toute la démarche depuis les toutes première mesures du degré de polarisation sur des pièces opératoires ex vivo qui suggèrent que les parties (pré)cancéreuses des tissus sont moins dépolarisantes que les parties saines, avec un DOP plus élevé, jusqu’au développement d’un imageur en degré de polarisation in vivo et en temps réel, sa première évaluation sur des patientes in vivo et le lancement d’un essai clinique pour son évaluation définitive. Déjà, sur les première images in vivo obtenus dans le cadre de cet essai clinique, nous obtenons en imagerie polarimétrique des contrastes bien différents de l’imagerie conventionnelle, ce qui encourage l’utilisation de la polarimétrie dans ce but. Par ailleurs l’étude des images de Mueller des pièces opératoires ex vivo a fourni des informations tout à fait pertinentes pour l’amélioration de la technique et pour la mise en place d’un modèle réaliste reproduisant les effets observés de la longueur d’onde et de la géométrie d’observation, avec, en particulier, l’ap- parition d’une polarisance sur les zones vues sous un angle élevé, sans contrepartie au niveau du dichroïsme. Un autre effet remarquable est la disparition à 700 nm des contrastes vus aux longueurs d’onde plus petites.

Ce travail a été consacré au développement d’instrumentation optique pour des applications biomédicales. La technique que nous utilisons est la polarimétrie. Nous avons développé deux instruments : un polarimètre de Mueller en réflexion et un appareil médical dédié à l’examen du col utérin (colposcope) pour l’imagerie en degré de polarisation en temps réel. Les applications ont été de deux types : la visualisation des brûlures radiologiques à un niveau infraclinique et l’amélioration du diagnostic du cancer du col utérin.

Dans un premier temps, nous avons poursuivi le développement et l’optimisation du polari- mètre de Mueller imageur à cristaux liquides que nous utilisons pour les différentes thématiques déjà présentées. Les améliorations ont porté sur divers aspects du fonctionnement de l’instru- ment, et notamment la réduction du bruit lié aux fluctuations de la source lumineuse et les artéfacts introduits par la nonlinéarité de la caméra, deux problèmes rencontrés fréquemment en instrumentation optique.

Cet imageur a été utilisé par la suite pour l’étude des brûlures d’origine radiologique à un stade où les lésions cutanées ne sont pas encore visibles. Nous avons travaillé sur un modèle animal (porcs irradiés à des doses et sur des zones connues) dans le cadre d’une collaboration financée par la DGA entre le CRSSA (Centre de Recherche du Service de Santé des Armées, à Grenoble), l’IRSN (Institut de Recherche sur la Sûreté Nucléaire, à Fontenay-aux-Roses) et le laboratoire LSOL de l’Université de Bretagne Occidentale. Nous avons effectué seize missions à Grenoble pour imager avec notre polarimètre de Mueller à différentes longueurs d’onde entre 500 et 700 nm des porcs irradiés jusqu’à 60 Gy, à différents délais après l’irradiation, in vivo et sur des biopsies cutanées.

La première analyse des données sur les biopsies indique que la dépolarisation diminue avec la longueur d’onde, ainsi qu’avec l’augmentation de la dose d’irradiation. De cette manière nous pouvons distinguer les échantillons de doses différentes. Le délai depuis l’irradiation joue éga- lement. Nous ne constatons aucun effet ni pendant des périodes très courtes après l’irradiation (p.e. 2 jours après), ni pendant des périodes très longues après (p.e. 1 an plus tard).

En revanche, l’imagerie in vivo s’est avérée délicate du fait des mouvements respiratoires de l’animal pendant l’acquisition des images. Par conséquent, un logiciel de "recalage" de ces images a été développé par Steve Guyot, en séjour post-doctorale dans notre laboratoire. Une fois toutes les données recalées, nous avons pu les traiter. De cette manière, nous avons pu observer une certaine cinétique sur le développement de ce type de lésions. Nous avons constaté qu’il y a des incitateurs plus simples que la matrice de Mueller complète, tels que le degré de polarisation circulaire ou linéaire, qui pourraient être mis en place dans un système de mesure in vivo plus rapide, afin de diagnostiquer les zones irradiées.

En ce qui concerne notre recherche sur le diagnostic du cancer du col de l’utérus, nous avons développé une approche de diagnostic in vivo et en temps réel. Un système opto-mécanique, ac- compagné par un logiciel de commande des composants électro-optiques, d’acquisition en temps réel d’images en degré de polarisation ont été développés et intégrés sur un colposcope commer- cial. L’appareil a été testé dans le cabinet du gynécologue Dr. Bernard Huynh, avec qui nous