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Les techniques de l’imagerie nucléaire TEMP et TEP sont performantes. Cependant, de par leur nature, elles ont des inconvénients comme la faible sensibilité qui implique une dose ra-dioactive non-négligeable et des algorithmes compliqués qui consomment beaucoup de temps de calcul dans le cas de la TEP et peuvent introduire des artefacts sur l’image reconstruite. L’amélioration des performances de ces techniques nécessite désormais des investissements humains et financiers importants, et sont en phase de développement. Des solutions de chan-gement radical ont été proposées pour améliorer l’imagerie nucléaire. En 1977, D.B. Everett et al. [17] proposent de remplacer la collimation physique de la TEMP en utilisant l’imagerie Compton. Depuis, de nombreux groupes de recherche ont développé cette idée en utilisant des télescopes Compton constitués de semi-conducteurs [18,19]. C’est en 2001 que J. D. Kurfess et B. F. Phlips [20] proposent pour la première fois d’utiliser des radioisotopes non-conventionnels pour réaliser une imagerie à part entière, l’imagerie 3γ.

Indépendamment de ces travaux, l’idée de l’imagerie 3γ a été proposée vers 2004 au la-boratoire Subatech par Dominique Thers et al [21]. Ils suggèrent l’utilisation d’un télescope Compton au xénon liquide couplé à une caméra TEP pour détecter les désintégrations du44Sc. L’objectif est d’imager en temps réel la distribution de ce radioisotope, en améliorant la quanti-fication et en diminuant la dose injectée au patient.

1.5.1 Principe de l’imagerie 3γ

Le principe de l’imagerie 3γ tel que proposé dans la référence [21] est illustré par la figure

1.24. Il repose sur la localisation en 3D et évènement par évènement, d’un émetteur particu-lier (β+, γ) ; cet émetteur émet un positron en coïncidence temporelle avec un photon γ. Tout comme en TEP, le positron s’annihile avec un électron pour donner naissance à deux rayons γ de 511 keV émis dos à dos, et ceux-ci sont ensuite détectés, par une caméra TEP par exemple,

pour reconstruire une ligne de réponse LOR. Le troisième photon, autour d’1 MeV, va lui être utilisé pour localiser l’émetteur le long de cette LOR : il faut donc précisément déterminer la direction d’arrivée de ce rayonnement dans le détecteur. La détection de ce troisième photon est quant à elle assurée par un télescope Compton (voir le paragraphe suivant).

Nous proposons cependant un nouveau système au xénon liquide entourant le patient afin d’augmenter la sensibilité totale de la caméra, voir chapitre 5.

FIGURE 1.24 – Schéma de principe de l’imagerie 3γ réalisée avec un télescope Compton au xénon liquide couplé à un tomographe par émission de positon.

1.5.1.1 Télescope Compton et reconstruction du cône de direction

Le télescope Compton est une chambre à projection temporelle1permettant de reconstruire la direction d’arrivée d’un photon incident à partir de la mesure des coordonnées des points d’interaction et de l’énergie déposée à chacun de ces points. Par conséquent, il est possible de définir un cône d’angle d’ouverture θ et d’axe ∆. Cette reconstruction va tirer profit de la connaissance de la cinématique Compton.

En effet, il est possible de remonter à la direction d’arrivée du rayon γ incident d’énergie E0 connue, en mesurant la position des deux premiers points d’interaction et l’énergie de la première interaction de la séquence Compton, voir figure1.24. La position des deux premiers

points décrit l’axe ∆ du cône. La mesure de l’énergie E1du premier électron Compton permet de déterminer l’angle d’ouverture θ du cône (angle de diffusion Compton) à l’aide de la formule suivante :

cos θ = 1 − mec2 E1

E0(E0− E1) (1.6)

où me est la masse de l’électron de recul. La position de la désintégration du radiotraceur est déduite de l’intersection du cône avec la LOR.

L’incertitude sur la position des deux premières interactions va directement influencer la détermination de l’orientation de la droite ∆, tandis que l’incertitude sur la mesure de l’énergie de la première interaction va induire une dégradation de la résolution angulaire du télescope. L’erreur de la position de l’interaction du cône avec la LOR est donc une fonction de la ré-solution en énergie et de la réré-solution spatiale du télescope. Il est donc essentiel d’utiliser un milieu de détection qui a une bonne résolution spatiale sur l’emplacement des interactions, mais également d’atteindre une bonne résolution en énergie. Par ailleurs, ce milieu doit être adapté à la détection des photons γ d’énergie proche du 1 MeV, c’est à dire avec une grande efficacité de détection par effet Compton tout en ayant un grand champ de vue. Ces critères sont rem-plis par le xénon liquide qui sera décrit en détail dans le chapitre 2. Un autre point important de cette méthode d’imagerie repose sur l’utilisation du 44Sc comme radioémetteur. Il doit lui aussi répondre à certaines caractéristiques comme une demi-vie adaptée à un usage clinique et une énergie des rayonnements émis permettant une détection efficace avec le xénon liquide. Ce radioélément fait l’objet du paragraphe suivant.

1.5.2 Un émetteur particulier, le

44

Sc

Le scandium 44 a été identifié comme le meilleur candidat pour l’imagerie 3γ de par ses caractéristiques physiques de désintégration (β+, γ), de sa production qui sera possible avec le cyclotron ARRONAX à Nantes et de sa chimie de coordination qui est également en dévelop-pement à Subatech.

1.5.2.1 Propriétés physiques

Le tableau 1.4 résume les propriétés physiques du 44Sc. Il se désintègre dans 94.27% en émettant un positron, accompagné à chaque fois d’un seul photon γ d’une énergie égale à 1,157 MeV :

44

21Sc→4420Ca+ e++ ve 44

Isotope 44Sc m44Sc

Particules émises β+, γ γ

Demi-vie 3,97 h 2,44 jours

Énergie cinétique maximale du β (keV) 1474 : 94,27%

Énergie du rayon γ (keV) 1157 : 99,9 % 270 TABLE1.4 – Quelques propriétés des isotopes du scandium.

Comme il est présenté dans le schéma de désintégration du44Sc, figure1.25, la durée de vie du premier niveau excité du44Ca n’est que de 2,61 ps, ce qui fait que le photon de 1157 keV peut être considéré comme émis quasiment en même temps que le positron.

Le44Sc est un émetteur de positrons dont la demi-vie le contraint à être produit dans un cy-clotron et à être utilisé près de celui-ci. Cependant, il possède un état métastable, lem44Sc, d’une durée de vie de 2,44 jours, qui émet dans 98,8% des cas un rayon γ de 270 keV en rejoignant alors l’état stable du 44Sc. Il est possible alors d’utiliser cet état méstable comme générateur in vivo de 44Sc. Bien évidemment, en termes de dose reçue et de détection, il est préférable d’utiliser le 44Sc par rapport au m44Sc, ce dernier émettant un rayon γ de 270 keV qui risque d’être absorbé dans le patient.

Un inconvénient du 44Sc comparé au 18F classiquement utilisé en TEP est que l’énergie maximale du positron émis est deux fois plus grande ce qui augmente le parcours moyen du positron dans les tissus et augmente la dose reçue. Toutefois, cet inconvénient est corrigé en partie par la plus grande efficacité de l’imagerie 3γ comparée à la TEP (voir chapitre 5).

1.5.2.2 Production et vectorisation

Le 44Sc sera produit au cyclotron ARRONAX (Accélérateur pour le Recherche en Radio-chimie et Oncologie à Nantes Atlantique) [23] implanté récemment à Nantes. Le cyclotron ARRONAX a été mis en service au début de l’année 2011. Il a pour objectif à la fois une production industrielle d’isotopes et une recherche de production d’isotopes innovants. Parmi ceux-ci figure le44Sc, qui devrait être produit par un faisceau de protons irradiant une cible de 44Ca suivant la réaction44Ca(p,n)44Sc.

Par ailleurs, des études sont actuellement menées sur la chimie du scandium, jusqu’ici peu connue. Un ligand couramment utilisé en médecine, le DOTA, paraît être un candidat intéressant pour la complexation du scandium [24].

FIGURE1.25 – Schéma des niveaux d’énergie du44Sc[22].