• Aucun résultat trouvé

Illustration des défis de mise en place des CAR T à l’hôpital de Bordeaux

2. LES CAR T DANS LA PRATIQUE CLINIQUE

2.2. Illustration des défis de mise en place des CAR T à l’hôpital de Bordeaux

Pour illustrer mes propos relatifs à l’ampleur des défis à relever pour mettre en place les CAR T dans les centres français, j’ai choisi d’étudier l’exemple de l’hôpital de Bordeaux.

Le CHU de Bordeaux est un CHU qui regroupe trois sites hospitaliers : le site de Pellegrin, le site de Saint-André et le site de Haut-Lévêque, qui assurent la prise en charge des soins de la population bordelaise et d'Aquitaine.

Sur le site de Haut-Lévêque se trouve le service d’hématologie et de thérapie cellulaire. C’est dans ce service, sous la responsabilité du Pr Noël Milpied que se réalise actuellement la prise en charge des patients CAR T. Le site est également pourvu d’une PUI dirigée par Mme Isabelle Maachi, pharmacien gérant. Sur le site de Saint-André se trouve le service de réanimation médicale. Et sur le site de Pellegrin se trouve l’établissement français du sang (EFS) et le Centre d’Étude et de Conservation du Sperme Humain (CECOS) (Figure 19).

2.2.1. La mise en place du circuit pharmaceutique

Le CHU de Bordeaux fait face à de nombreuses problématiques quant à la mise en place de son circuit CAR T. Les premiers obstacles sont relatifs à la mise en place du circuit pharmaceutique.

À l’heure où nous écrivons, la PUI du CHU de Bordeaux ne dispose pas d’unité de conservation de cellules CAR T, ne dispose pas de l’agrément d'utilisation d'OGM délivré par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et ne dispose pas de l'agrément MTI. Cela ne lui autorise donc pas la gestion de l’approvisionnement, la préparation, le contrôle, la détention et la dispensation des médicaments de thérapie innovante.

L'arrêté du 28 mars 2019 limitant l'utilisation de médicament de thérapie innovante à base de lymphocytes T génétiquement modifiés à certains établissements de santé en application des dispositions de l'article L. 1151-1 du Code de la Santé Publique prévoit un dispositif pour les PUI ne disposant pas de l'ensemble des moyens en personnel, en locaux et équipements requis : « Le cas échéant, si la PUI ne dispose pas de l'ensemble des moyens en personnel, en locaux et équipements requis, elle peut confier la conservation ou la mise en forme en vue de l'administration au patient à une unité de thérapie cellulaire (UTC) autorisée par l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament, dans le cadre d'une convention qui définit notamment les responsabilités respectives. La convention établie entre PUI et UTC organise en particulier l'ensemble des étapes du circuit du médicament, afin d'en garantir notamment la qualité et la bonne administration »(151).

Ainsi, dans l’attente de l’obtention de ces autorisations, la PUI de l'hôpital de Bordeaux cherche à développer un partenariat avec des structures permettant la conservation des cellules CAR T. Dans un premier temps l’UTC de l’EFS avait été envisagée, cependant ce dernier ne dispose pas non plus des autorisations requises. Actuellement, un partenariat avec le CECOS de Bordeaux est à l’étude.

La réception des cellules CAR T ainsi que leur stockage serait réalisée sur le site de Pellegrin, au CECOS, dans une cuve azote à -150°c dédiée aux CAR T. Cette cuve serait en accès limité et possèderait un suivi de la température en continu avec un système d’alarme en cas

d’intrusion. Le jour de l’administration au patient, le transfert serait déclenché après le feu vert du médecin. Les CAR T seraient livrés en dry-shipper à la PUI de l’hôpital qui procèdera aux contrôles et puis à la décongélation (Figure 20).

Figure 20 : Le circuit des CAR T en AMM au CHU de Bordeaux (155,165)

Cette perspective de stockage constituerait une solution temporaire et présente un inconvénient majeur : le CECOS étant sur le site de Pellegrin et l’utilisation des cellules se faisant sur le site de Haut-Lévêque, il doit y avoir une délégation de la responsabilité pharmaceutique. Cela nécessite une autorisation de l’ARS sur l’extension de la PUI. Cette autorisation s’obtient après une inspection et nécessite un délai minimum de 4 mois (155,165).

À moyen terme, la PUI envisage la création d’un local dédié au stockage des MTI. Ce local répondrait à des exigences en termes de construction, de sécurité, de superficie et d’équipements (165) :

- La superficie du local doit être supérieure à 20m²

- La porte du local doit être vitrée ou avoir un hublot pour la surveillance depuis l’extérieur

- Le local doit être clairement identifié avec des pictogrammes et des affiches de sécurité

- L'accès au local est contrôlé et réservé aux seules personnes habilitées via un badge d'accès

Le local doit être équipé :

- D’une alarme sonore et visuelle

- D'appareils de détection et de mesure du taux d’oxygène et l’affichant à l’intérieur et à l’extérieur du local

- D’un local ventilé

- D’équipements de protection individuelle (EPI)

La construction de ce local dédié présenterait ainsi de nombreux avantages notamment la présence d’une permanence pharmaceutique la nuit et le week-end, permettant une intervention rapide à toutes heures et la surveillance des alarmes ; la maintenance des cuves assurées par la PUI ; et surtout l’absence de délégation de la responsabilité pharmaceutique (155,165).

2.2.2. La gestion des effets indésirables

Outre la mise en place du circuit pharmaceutique, le CHU de Bordeaux est confronté aux exigences réglementaires du décret du 28 mars 2019. En effet dans ce décret il est mentionné que « l'administration des CAR T-Cells ne peut être réalisée que dans les établissements de santé répondant à l'ensemble des critères suivants : [...]

- L’établissement de santé dispose sur place d'une unité de soins intensifs d'hémato- oncologie reconnue par l'ARS. Cette unité de soins intensifs doit être dotée d'un accès en cas de besoin à une unité ou un secteur protégé [...] » (151)

Or, au CHU de Bordeaux, le service de réanimation médicale ne se trouve pas sur le site d’administration du CAR T. En l'occurrence, à l’heure actuelle, le centre de Bordeaux ne remplit pas toutes les conditions pour être autorisé à dispenser des thérapies CAR T.

Cependant, le CHU réfléchit à la mise en place d’un circuit de management des effets indésirables efficient permettant de pallier le problème. En effet, il pourrait être envisagé une hospitalisation et une surveillance rapprochée du patient après l’injection du CAR T sur le site de Haut-Lévêque. Le patient serait monitoré, et dans l’éventualité où il présenterait un effet indésirable de type CRS de grade 1 ou 2, il serait immédiatement transféré sur le site de Saint- André, où il pourrait être pris en charge en respectant toutes les conditions que prévoit le décret.

Cette solution, là encore provisoire, serait suivi sur le moyen terme de l’intégration du service de réanimation sur le site de Haut-Lévêque afin de répondre aux critères réglementaires du Ministère de la santé relatifs à l'autorisation des centres qualifiés à l’utilisation des CAR T-cells dans leur phase de commercialisation (152).

2.2.3. La mise en place de la coordination

Au CHU de Bordeaux, une équipe pluridisciplinaire sera mise en place afin de consolider l'organisation du parcours thérapeutique. Cette équipe appelée « CAR T-cells Task force » disposera d’un temps médical dédié au CAR T et réunira :

- Une infirmière de coordination,

- Une collaboration étroite avec les équipes de thérapies cellulaires et de cytaphérèse, - Et une collaboration étroite avec la pharmacie.

2.3.

Pistes de réflexion et propositions relatives à la mise en place des