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Au regard du constat établi préalablement, du contexte présenté et de l’ampleur que prend l’objet mémoire dans le cursus de formation des cadres de santé le dispositif d’accompagnement de cette mise en écriture est réinterrogé. En effet, d’un écrit personnel partant d’une situation professionnelle cet écrit se normalise et tend davantage à l’heure actuelle à adopter une forme d’écrit scientifique du domaine de la recherche en sciences humaines et sociales en s’éloignant de l’initiation à la recherche dans une finalité de professionnalisation. Les impacts de l’universitarisation du dispositif de formation seront explorés également pour mesurer les transformations de ces écrits professionnels. L’alternance proposée en IFCS, par ses transformations successives (voir évolution du dispositif de formation et universitarisation p.21) alourdissent considérablement la charge de travail des étudiants cadres et multiplient les évaluations du parcours de formation. Les étudiants répondent aux multiples sollicitations et reportent le passage à l’écriture de leur mémoire jusqu’à la première échéance prévue début janvier. En fait, ces étudiants pour la plupart débutent leur processus d’écriture en janvier et sont placés dans des injonctions et des contraintes fortes afin de restituer leurs écrits fin mai. Le dispositif de formation s’est transformé pour correspondre au modèle européen, suite aux accords de Bologne et s’inscrire dans le système LMD, dans le cadre de la réingénierie des diplômes paramédicaux. Dans l’attente de la réingénierie de la formation cadre, le décret de 1995 faisant toujours référence, le dispositif « hybride » construit sur une maquette entremêlant les unités d’enseignement universitaires et les compétences déclinées dans le référentiel en cours d’élaboration de la DGOS, favorise aussi un « flou » accentuant les incertitudes et la perte de sens des étudiants cadres et questionne la construction de leur identité.

De plus, le dispositif d’accompagnement de ce mémoire s’est formalisé par l’instauration d’un maillage entre trois acteurs autour de l’étudiant : le directeur de mémoire, le référent universitaire et le référent IFCS. Dès lors il est possible de s’interroger sur la pertinence et surtout la cohérence pour l’étudiant dans la construction de son mémoire. En effet, cet étudiant vit des tensions liées non seulement à l’alternance et la confrontation que celle-ci impose à trois mondes distincts (CLENET et DEMOL) mais aussi aux tensions soulignées par OUDART et VERSPIEREN dans le processus même d’écriture.

L’hypothèse de départ :

L’universitarisation de la formation des cadres de santé en IFCS impacte les écrits « mémoire professionnel ». Ce mémoire inscrit dans une visée

professionnalisante et de construction d’une identité cadre revisité par la masterisation impose un niveau de formalisation des écrits positionnant davantage les étudiants cadres dans une posture académique de chercheur. L’organisation du dispositif actuel de formation place les étudiants dans des contraintes organisationnelles et temporelles fortes. L’alternance juxtapositive avec le monde universitaire favorise une dichotomie entre savoirs scientifiques et savoirs quotidiens professionnels perceptible dans les écrits mémoires. Le dispositif d’accompagnement des mémoires renforce les tensions vécues par les étudiants dans leur processus d’écriture

L’enquête exploratoire réalisée auprès des étudiants de la promotion 2011-2012, en fin de parcours de formation témoigne d’une mise à l’écriture des étudiants fin décembre afin de restituer un premier écrit formel début janvier. L’organisation actuelle du dispositif de formation concentre en effet, les enseignements universitaires sur le premier trimestre de formation et par la même le nombre d’évaluation sur ce même temps. Ces évaluations conjuguées aux évaluations relatives à la validation du module 1 en IFCS monopolisent le temps et l’attention des étudiants adultes en formation désireux de bien faire. De ce fait, ils répondent de manière ponctuelle aux demandes nombreuses d’évaluations écrites. L’écriture du mémoire sur ce temps de parcours de formation serait reléguée, l’échéance étant plus lointaine. L’organisation du dispositif notamment sur ce premier trimestre impacterait le processus d’écriture.

Hypothèse 1 : L’organisation du dispositif de formation freine la mise à l’écriture.

Par l’organisation du dispositif de formation les étudiants travaillent en parcellisant leurs activités et en priorisant en fonction des échéances de restitution des travaux écrits pour les évaluations. Ainsi, ils s’organisent et reportent leur travail de mémoire pour lequel l’échéance est à plus long termes.

Hypothèse 2 : Les étudiants cadres mettent en place des stratégies pour reporter

leurs investigations dans le cadre de leur travail de mémoire.

L’évolution du dispositif de formation depuis le partenariat avec l’université conduit les étudiants actuellement à s’inscrire en master 1 S.S.S et à capitaliser 26 ECTS du

master 2. Ces étudiants suivent un cursus fréquenté par d’autres étudiants lambda à l’université et par conséquent, l’évaluation de leur mémoire professionnel répond aux critères d’un mémoire de niveau master 1. La grille d’évaluation de ces mémoires est identique pour tous les étudiants de ce cursus. Les critères de validation coïncident aux critères universitaires pour ce genre d’écrit.

Hypothèse 3 : La mastérisation du dispositif exige des écrits d’une autre qualité

répondant aux critères universitaires d’un travail écrit « mémoire ». (mémoire de recherche plus que mémoire professionnel)

L’universitarisation par la masterisation impacte les écrits professionnels en phagocytant les propositions ou perspectives professionnelles En effet, la partie réservée aux perspectives s’amenuise au bénéfice du cadre conceptuel et de l’analyse des résultats de l’enquête. Cette universitarisation décalerait le positionnement de l’étudiant cadre.

Hypothèse 4 : L’universitarisation conduit à une dérive du travail de mémoire et

inscrit davantage l’étudiant dans un positionnement de chercheur et moins dans un positionnement professionnel cadre.

Le dispositif d’accompagnement des mémoires s’articule entre 3 personnes ressources (ou pas) autour de l’étudiant cadre. A nouveau, placé dans une alternance, parfois confronté à des idées contradictoires, de la part des 3 intervenants l’étudiant serait mis en présence d’injonctions à concilier, afin de répondre au double enjeu de validation de son mémoire : professionnel, diplôme de cadre et universitaire, master 1. Ce dispositif ainsi proposé compliquerait l’activité d’écriture de l’étudiant.

Hypothèse 5 : Le maillage proposé entre les personnes ressources est un frein à la

progression de l’étudiant dans son travail de recherche.

Cette écriture se voulant initialement professionnalisante et permettant la construction de l’identité cadre de l’étudiant, serait perçue par les étudiants comme un rite de passage donnant droit à l’exercice d’un métier, une reconnaissance sociale et une légitimité professionnelle.

Hypothèse 6 : Le travail de mémoire est perçu comme un rite de passage pour accéder au diplôme de cadre de santé.

L’hypothèse générale de départ formulée, les hypothèses de travail vont guider l’enquête exploratoire et la recherche de trace.

Ne pas rester sur des présupposés, et tenter de repérer, par les écrits des étudiants cadres qui ont vécu la formation à l’IFCS, motivent cette première étape exploratoire. En effet, l’intuition discutée en équipe pédagogique et qui fait l’objet du constat, réclame la confrontation à des éléments objectifs permettant ainsi de construire plus aisément le cheminement du raisonnement de cette recherche.

III LA RECHERCHE DE TRACES : L’ENQUETE EXPLORATOIRE

L’enquête exploratoire consiste à : « ouvrir l’esprit, d’écouter et non de poser des questions précises, de découvrir de nouvelles manières de poser le problème et non de tester la validité de nos propres schémas » (QUIVY – CAMPENHOUDT, 2003, p.64)

Afin d’étayer les premiers éléments significatifs du constat discutés lors des réunions pédagogiques à l’IFCS, il semble pertinent de questionner de façon informelle et individuelle les acteurs de ce dispositif. Les entretiens sont menés sur des temps distincts et à distance auprès du Directeur de l’IFCS ayant au préalable exercé des fonctions de formateur dans un autre IFCS et d’un formateur ayant une vingtaine d’année d’expérience au sein de ce même IFCS.