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SOMMAIRE DU CHAPITRE

I- III.4 Les flysch éocènes et formation carbonatées associées

Durant l’Éocène, plusieurs formations se développent et sont associées à des environnements de dépôts gravitaires marins profonds (flyschs) mais aussi de plateforme (Figure I-19).

I-III.4.1 Le Flysch de Bourail

Dénommé autrefois Flysch Éocène (Gonord 1977), Flysch de Bourail (Paris 1981) ou encore Flysch Paléogène (Cluzel et al. 1998) (Figure I-16), cette unité porte aujourd’hui le nom de Bourail Group (Maurizot & Cluzel 2014). Ce groupe est formé de trois formations sédimentaires : (1) le Flysch Inférieur de Bourail (FIB), (2) le Flysch Supérieur de Bourail (FSB) et (3) l’Olistostrome, aussi appelé Formation de la Cathédrale (Maurizot & Cluzel 2014). Maurizot and Cluzel (2014) décrivent cette unité dans la région de Bourail par le biais du sondage CADART-1 et de la coupe géologique de la Néra qui permet de décrire l’ensemble de la succession de ce flysch atteignant ici 4000 mètres d’épaisseur (Figure I-20).

1) Le Flysch Inférieur de Bourail

Le Flysch Inférieur de Bourail, aussi appelé Flysch Carbonaté (Paris 1981), se dépose entre l’Éocène inférieur et l’Éocène supérieur (biozones planctoniques E4 à E16, (Maurizot & Cluzel 2014)). D’une puissance de 2000 mètres dans la région de Bourail (Figure I-20), cette unité s’amincie vers l’est, dans les régions de Boulouparis et Nouméa (Figure I-19). Elle est composée à la base d’un intervalle marneux passant verticalement à des calciturbidites décimétriques à métriques, composées de feldspath, quartz, minéraux opaques, glauconie et clastes volcaniques, de chert et de micrite. Ces turbidites présentent une importante fraction carbonatée, composée de bioclastes indifférenciés et de foraminifères benthiques (nummulites) (Maurizot & Cluzel 2014).

2) Le Flysch Supérieur de Bourail

Le Flysch Inférieur de Bourail passe progressivement au Flysch Supérieur de Bourail (Figure I-20a). Ce dernier est décrit comme un flysch volcanoclastique (Maurizot & Cluzel 2014). Dans la région de Bourail, il s’organise en une succession de bancs strato et grano-croissants, sur une épaisseur de 2000 m (Maurizot & Cluzel 2014) (Figure I-20c). Ces grès sont composés de clastes de chert, de micrites et de clastes volcaniques dont de nombreux clinopyroxènes (Paris 1981; Maurizot & Cluzel 2014). Une étude géochimique réalisée sur les éléments majeurs des clinopyroxènes suggère une relation génétique avec des clinopyroxènes provenant des basaltes de types E-MORB de la Nappe de Poya (Figure I-21) (Parat 1996; Maurizot 2005; Maurizot & Cluzel 2014). La partie inférieure du Flysch Supérieur de Bourail est daté du Priabonien (Maurizot & Cluzel 2014). L’épaisse série du Flysch Supérieur souligne l’augmentation significative du taux de sédimentation au cours de l’Éocène supérieur (Maurizot et al. 2018).

Figure I-20 : Carte et coupe géologique de la zone de Bourail ainsi que log sédimentologique montrant la succession des unités sédimentaires crétacées à éocènes présentes dans cette zone. L’emplacement de cette zone d’étude est visible dans la Figure I-19. a) Carte géologique de la région de Bourail montrant l’emplacement de la coupe géologique ainsi que le positionnement du forage CADART-1. b) Coupe géologique montrant la structure anticlinale que forme la couverture sédimentaire dans la région de Bourail. c) Log sédimentologique synthétique du sondage CADART-1 et de la coupe de la rivière Nera. Ce log montre une épaisseur totale de 4000 mètres de la série Eocène. Les biozones indiquées sont associées à celles définies par Wade et al. (2011). Figure de Maurizot et al. (2018).

Figure I-21 : Composition cationique et comparaison des clinopyroxènes (cpx) présents dans le Flysch Supérieur de Bourail avec les basaltes présents dans la Nappe de Poya. a) Diagramme Si vs Al de Beccaluva et al.(1989) montrant le positionnement des cpx du FSB dans l’aire des tholéites. b) Diagramme de Leterrier et al (1982) Na vs Ti montrant une relation entre les Cpx du FSB et des tholeiites anorogéniques D : aire des tholéites anorogeniques ; A : basalte alkalin. c) et d) composition cationique des Cpx présents dans le FSB comparée à celle des basaltes de la Nappe de Poya (Parat 1996).

3) L’Olistostrome

La strato et grano-croissance du Flysch Supérieur de Bourail atteint son paroxysme avec la mise en place de l’Olistostrome (Maurizot & Cluzel 2014). Aussi appelé Formation de la Cathédrale (Tissot & Noesmoen 1958; Gonord 1977; Paris 1981), cette unité est décrite comme une succession de brèches à fragments de micrites et de cherts anguleux, centimétriques à décimétriques, reposant dans une matrice sableuse volcanoclastique (Maurizot & Cluzel 2014). Ces brèches sont aussi nommées « Brèches de la Kouri » (Routhier 1953). Dans les régions de Bourail, de Nouméa et de Boulouparis, cette unité comprend des blocs isolés métriques à kilométriques de cherts noirs maastrichtiens, de micrites paléocènes, et de bancs turbiditiques des flyschs sous-jacents, interprétés comme des olistolites (Gonord 1977; Paris 1981; Maurizot & Cluzel 2014). Dans la région de Bourail, les olistolites sont composés des unités du Crétacé supérieur et de la Formation de la Boghen (Piroutet 1917; Maurizot & Cluzel 2014).

I-III.4.2 Les Flyschs de Népoui et de Pandope

Les Flyschs de Népoui et de Pandope, d’âge éocène supérieur, affleurent localement au nord de la Grande Terre (Coudray 1976; Coudray 1977; Paris et al. 1979; Paris 1981; Cluzel 1998; Cluzel et al. 2001) (Figure I-19). Ces unités sont décrites comme des dépôts marins turbiditiques reposant sur les basaltes de la Nappe de Poya et sur la semelle serpentineuse (Coudray 1976; Coudray 1977; Paris et al. 1979; Cluzel et al. 1998; Cluzel et al. 2001).

Le Flysch de Népoui (Figure I-22) est subdivisé en cinq intervalles (Coudray 1976; Cluzel 1998; Cluzel et al. 2001) : (1) un mince niveau discontinu de calcarénites composées de clastes serpentineux bien roulés ; (2) des argilites marron à kaki contenant de rares olistolites de calcarénites ; (3) une alternance entre des argilites à niveaux de zéolites, d'arénites fines ou grossières à ciments carbonatés et de carbonates ; (4) un intervalle slumpé d'une trentaine de mètres composé d’olistolites des séquences sous-jacentes ; (5) une alternance de séries arénitiques et dolomitiques. Les faciès gréso-carbonatés sont composés de bioclastes, de foraminifères benthiques et de fragments de coraux. Il est aussi noté la présence d’une phase lithoclastique composée d’éléments ultramafiques tels que de la chromite ou de la serpentine (Coudray 1976; Coudray 1977; Cluzel 1998). L’ensemble de cette formation s’est mise en place durant le Priabonien moyen à supérieur (biozones E15-E16 (Maurizot et al. 2018)). Toutefois, Coudray (1976) propose un âge oligocène supérieur à l’ensemble de cette formation.

Le Flysch de Pandope (Paris 1981) est composé de dépôts turbiditiques similaires au Flysch de Népoui affleurant dans la région de Koumac. Reposant aussi en discordance sur la Nappe de Poya, cette unité est composée de brèches à clastes essentiellement basaltiques, doléritiques (rarement associés à des gabbros), de jaspes et de serpentinites (Routhier 1953; Espirat 1971b; Maurizot et al. 2018).

Figure I-22 : a) Carte géologique de la presqu’ile de Népoui (Maurizot et al. 2018). L’emplacement de cette dernière est visible dans la Figure I-19 de ce chapitre. b) Log synthétique du Flysch de Népoui découpé en 5 séquences, proposé par Coudray (1976). Figure d’après Cluzel et al. (2001).

Contemporainement à la mise en place des flyschs de Bourail, de Népoui et de Pandope, des formations carbonatées se développent durant l’Éocène, dans les régions de Bourail (Calcaires du Creek Aymes) et de Uitoé (Calcaires de Uitoé).

I-III.4.3 Les Calcaires du Creek Aymes

Les Calcaires du Creek Aymes, affleurant dans la carrière du Creek Aymes dans la région de Bourail (Mé Auré - Figure I-20a) correspondent à des calciturbidites bioclastiques de granularité fine (Maurizot et al. 2018). Nommés par Routhier (1953) et Avias (1954), ces calcaires, yprésiens-lutétiens (biozone planctonique E7b à E10) reposent en discordance sur le socle sédimentaire. Ils sont composés de fragments de foraminifères benthiques, d’échinodermes, de bivalves, de coraux et de quelques ostracodes (Maurizot & Cluzel 2014). Une fraction lithique est aussi présente dans la partie basale de l’unité avec des grains de quartz, de plagioclase et de chlorite (Maurizot & Cluzel 2014). Ces faciès sont interprétés comme le produit de démantèlement d’une plateforme carbonatée peu profonde aujourd’hui inconnue à l’affleurement (Maurizot & Cluzel 2014).

I-III.4.4 Les Calcaires de Uitoé

Les calcaires de Uitoé (Gonord 1977; Paris 1981), se mettent en place durant le Bartonien (Maurizot 2014) et affleurent dans région de la Baie de Saint-Vincent (Figure I-19). Ils reposent en discordance sur le socle sédimentaire (Figure I-24) et montrent des variations d’épaisseurs importantes. Ce sont des grainstones à rudstones composés essentiellement de bioclastes, de foraminifères benthiques, d’algues rouges et de coraux et d’une phase lithique avec des lithoclastes rouges anguleux et des fragments de roches volcaniques. Les calcaires de Uitoé sont identifiés comme un équivalent latéral du Flysch Inférieur de Bourail (Maurizot & Cluzel 2014). Les structures sédimentaires et les faunes présentes dans la plateforme carbonatée de Uitoé soulignent le caractère relativement peu profond de cette dernière (Maurizot 2014). La Formation des calcaires de Uitoé passe verticalement à des grès rouges et conglomérats priaboniens et rapidement à des turbidites montrant un ennoiement généralisé de la série (Maurizot 2014).

Figure I-24 : Vue aérienne de l’île Uitoé, dans la Baie de Saint-Vincent. Les Calcaires de Uitoé (2) reposent en discordance sur le socle sédimentaire (1 : Teremba terrane) ; (3) turbidites fines volcanoclastiques ; (Maurizot 2014)

Figure I-23 : Formation des Calcaires du Creek Aymes visible aux abords de la carrière du Creek Aymes.

I-III.4.5 Le modèle tectono-sédimentaire associé : le bassin d’avant-pays Eocène À partir de l’Éocène, une nouvelle subduction s’initierait au niveau de la dorsale du bassin Sud-Loyauté (Cluzel et al. 2006). Cet épisode compressif, aboutissant à l’obduction du complexe ophiolitique à l’Eocène, fait suite au régime extensif et passif prenant place entre le Crétacé et le Paléocène (Cluzel et al. 2012; Maurizot & Cluzel 2014). Les unités éocènes enregistreraient donc une tectonique compressive, marquée par le passage d’un bassin de post-rift à un bassin d’avant pays (Maurizot 2011; Cluzel et al. 2012; Maurizot & Cluzel 2014).

Durant l’Éocène, l’ensemble du Flysch de Bourail se déposerait dans la partie foredeep du bassin d’avant-pays. Contemporaines à ces dépôts gravitaires, des plateformes carbonatées (plateforme des Calcaires de Uitoé et plateforme alimentant les Calcaires du Creek Aymes) se déposeraient sur le bombement périphérique (forebulge) (Figure I-25, (Maurizot et al. 2018). Cet ensemble, flysch et plateformes carbonatées, se déplacerait progressivement vers le sud-ouest (Figure I-26). Ceci serait suggéré par l'âge des unités carbonatées de plus en plus jeune en allant vers le Sud. La première moitié du Flysch de Bourail (Flysch Inferieur) serait alimentée par ces plateformes carbonatées, alors que la seconde moitié du Flysch de Bourail (Flysch Supérieur), serait essentiellement alimentée par les nappes du front chevauchant. Ces sources ont respectivement été déduites de l'étude des nombreux éléments carbonatées et clinopyroxènes présents au sein du Flysch de Bourail en comparaison avec respectivement, les calcaires présents dans la Nappe des Montagnes Blanches et les basaltes de la Nappe de Poya (Maurizot & Cluzel 2014). Au Priabonien supérieur, les unités éocènes sont recouvertes par des dépôts bréchiques et olistolites de micrites qui marquerait marquent la proximité immédiate de la Nappe des Montagnes Blanches. Il est à noter qu’aucun élément ultramafique de la Nappe des Péridotites n’est remanié dans le Flysch de Bourail (Maurizot 2005; Maurizot & Cluzel 2014).

Enfin, les flyschs de Népoui et de Pandope se déposent à l’Éocène supérieur, contemporains à l’Olistostrome et remanient les premiers éléments de roches ultramafiques. Ils sont interprétés comme des dépôts turbiditiques au sein de bassins perchés sur la Nappe de Poya lors de la mise en place du complexe ophiolitique (Cluzel et al. 2001).

Figure I-25 : Modèle de dépôt du bassin d’avant-pays paléogène de Nouvelle-Calédonie (Maurizot et al. 2018) montrant la mise en place du Flysch Inférieur de Bourail (carbonaté) alimenté par les plateformes se développant dans la partie forebulge. Ces mêmes plateformes se rétrogradent vers le sud est avec la succession des Calcaires d’Adio, du Creek Aymes et de Uitoé. Le Flysch Supérieur de Bourail (volcanoclastique) est alimenté par le front de chevauchement (Nappe de Poya et Nappe des Montagnes Blanches).

Figure I-26 : Évolution du bassin d’avant-pays calédonien depuis l’initiation de la subduction paléocène et de l’obduction éocène supérieur, avec la propagation vers le sud-ouest du bombement périphérique. Le prisme d’accrétion est considéré comme fixe (ligne grise en pointillée). L’ensemble des zones évoluent vers le sud-ouest durant l’Éocène. BB : back-bulge, FB : forebulge, FD : foredeep, TW : thrust wedge. Schéma tiré de Maurizot and Cluzel (2014).

I-IV Les dépôts crétacés supérieur à paléogènes dans le