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II.3 L’ensemble allochtone : le complexe ophiolitique et la Nappe des Montagnes Blanches

SOMMAIRE DU CHAPITRE

I- II.3 L’ensemble allochtone : le complexe ophiolitique et la Nappe des Montagnes Blanches

Trois systèmes de nappes sont présents en NC : la Nappe des Montagnes Blanches, la Nappe de Poya et la Nappe des Péridotites (Figure I-13). Les deux dernières forment le complexe ophiolitique tandis que la Nappe des Montagnes Blanches est constituée d’unités sédimentaires allochtones se retrouvant entre le complexe ophiolitique et les unités sédimentaires considérées comme autochtones (Figure I-13b). Ces trois nappes se mettent en place lors de la phase de convergence éocène (Maurizot 2011; Maurizot et al. 2018).

Figure I-13 : Coupe structurale schématique de la NC montrant l’ordre d’empilement des nappes allochtones. L’emplacement et la légende de cette coupe sont visibles sur la Figure I-12 de ce chapitre. Coupe redessinée d’après Cluzel et al. (2012)

I-II.3.1 La Nappe des Péridotites (Avias 1967)

La Nappe des Péridotites est l’unité structurale la plus importante de NC tant d’un point de vue géologique qu’économique (Avias 1967). Couvrant plus de 25% de la surface de la Grande Terre, elle se décline en deux sous-ensembles géomorphologiques. Dans la partie nord-ouest de l’île, la nappe affleure sous forme de klippes tectoniques alignées structuralement sur une direction N110°. Ces klippes sont caractérisées par une semelle serpentineuse à leur base. Le deuxième sous-ensemble, le massif du Sud, correspond à une large étendue représentant à elle seule 18% de la surface de l’île (Figure I-9). Cette unité ultramafique est composée de roches du manteau supérieur (hazburgites, lherzolites), de cumulats ultrabasiques (pyroxénite, wherlite et dunite) et de roches basiques tels que des gabbros lités (Prinzhofer 1981). Elle est recoupée par des filons doléritiques, des micro-diorites, et d’autres filons feldspathiques de type boninite, dont l’âge de mise en place est Éocène inférieur (50-55 Ma, datation U-Pb sur zircon) (Cluzel et al. 2006). Les dykes doléritiques ont une composition de type Island Arc Tholeite (IAT). Ces roches magmatiques résultent d’une source en contexte de fusion hydratée de croûte océanique amphibolitisée (Cluzel et al. 2006; Sevin et al. 2014).

I-II.3.2 La Nappe de Poya – Poya Terrane (Cluzel et al. 2001)

La Nappe de Poya est composée de basaltes océaniques (MORB) et de sédiments abyssaux tels que des cherts et des argilites (Cluzel et al. 2001). Cet ensemble est initialement considéré comme une unité allochtone par Gonord (1977) puis comme autochtone par Paris (1981). Cluzel et al. (2001) apportent des arguments en faveur de l'allochtonie, et lui donne le nom de Nappe de Poya ou Poya

terrane. Ces auteurs interprètent la Nappe de Poya comme un empilement d’écailles chevauchantes

se situant structuralement entre la Nappe des Péridotites et la Nappe des Montagnes Blanches. Cette unité est dépourvue de matériel mantellique ou cumulats et est composée de roches volcaniques de différentes sources. Les tholéiites E-MORB (Enriched-Mid-Ocean Ridge Basalt) sont dominantes face aux IAT (Island Arc Tholeiite), BABB (Back-Arc Basin Basalt) et tholéiites n-MORB (Normal-Mid-Ocean

Ridge Basalt) (Cluzel et al. 2001). Couplées à des analyses géochimiques, les études paléomagnétiques

effectuées sur ces roches suggèrent qu’elles sont associées à la formation d’un plancher océanique au nord-est de la NC à 300 km au nord de son emplacement actuel (Ali & Aitchison 2002). Cependant, l’âge de cette unité n’est contraint que par des données biostratigraphiques sur les sédiments abyssaux. Les faunes identifiées sont des radiolaires d’âge campanien à paléocène supérieur (Aitchison et al. 1995; Eissen et al. 1998; Cluzel et al. 2001). Localisées sur la côte ouest, des séries gréseuses turbiditiques se retrouvent intercalées au sein des lames tectoniques. Nommés par Routhier (1953) comme « faciès Koné », ces dépôts sont considérés aujourd’hui comme un terrane à part entière dont la sédimentologie est détaillée dans la partie I-III de ce chapitre.

I-II.3.3 La Nappe des Montagnes Blanches (Maurizot 2011)

La Nappe des Montagnes Blanches est systématiquement intercalée entre la couverture sédimentaire considérée autochtone et le complexe ophiolitique sus-jacent (Figure I-12b et Figure I-13). Cette unité tectonique correspond à une nappe sédimentaire décrite comme para-autochtone (Maurizot 2011). En effet, elle est considérée comme quasi-autochtone subissant un mouvement relatif partiel dans la partie nord de l’île (région de Koumac) et allochtone dans la région de Bourail (Maurizot 2011) (Figure I-12b). Les formations sédimentaires comprises dans cette nappe sont présentées dans la partie I-III de ce chapitre.

I-II.4 Le complexe métamorphique Haute Pression / Basse Température (HP/BT). L’unité métamorphique HP/BT du nord est composée de deux unités : l’Unité du Diahot-Panié (Cluzel et al. 1995) et l’Unité de Pouébo (Maurizot et al. 1989). L’Unité du Diahot-Panié présente des faciès schistes bleus à éclogites (Black & Brothers 1977), dont le protolithe est similaire à celui de la couverture sédimentaire du Crétacé supérieur (Cluzel et al. 1995). L’Unité de Pouébo présente un faciès éclogitique dont le protolithe est identifié comme des méta-basaltes, similaires à ceux de la Nappe de Poya. Les roches de l’Unité du Diahot-Panié ont été subduites à une profondeur de 50 km (1,7 GPa – 550°C) (Fitzherbert et al. 2005) et les éclogites présentes dans l’Unité de Pouébo montrent un enfouissement maximum de 80 km (2,4 Gpa – 650°C (Clarke et al. 1997; Carson et al. 1999). Les données radiométriques et thermochronologiques indiquent que l’Unité de Pouébo commence son exhumation à 44 Ma (Spandler et al. 2005). L’âge des températures de fermeture des phengites (450°C) dans les deux unités, est déterminé par 40Ar/39Ar à 36 Ma (Ghent et al. 1994; Baldwin et al. 2007). Enfin, les traces de fission sur apatite montrent que l’exhumation du l’Unité du Diahot, depuis une profondeur de 7 Km (85°C), se réalise à 34+/- 4 Ma (Baldwin et al. 2007). Toutefois, de nouveaux résultats obtenus sur l’Unité de Pouébo montrent un pic métamorphique à 80 km de profondeur (1,9-2,2 GPa – 540°C) à 38,2 +/- 0,3 Ma (Taetz et al. 2016). Ces analyses récentes rajeunissent donc la mise en place du complexe métamorphique (Figure I-14).

Figure I-14 : a) Modèle conceptuel de l’enfouissement et de l'exhumation des unités de Pouébo et du Diahot dans un diagramme Pression / Température modifié d’après Cluzel et al. 2012a. b) Évolution métamorphique temporelle des unités du Diahot et de Pouébo. Le trait en pointillé représente les nouveaux résultats sur l’Unité de Pouébo.

I-II.5 L’obduction : les modèles de Cluzel et al. (2001) et Lagabrielle et al. (2013) La mise en place des nappes décrites précédemment est associée au phénomène d’obduction, nommé aussi « cycle orogénique néo-calédonien » (Maurizot & Collot 2009; Cluzel et al. 2012). Deux principaux modèles sont proposés pour l’obduction (Figure I-15) : (1) un modèle compressif (Aitchison et al. (1995) Cluzel et al. (2001); Gautier et al. (2016) ; et (2) un modèle gravitaire (Lagabrielle et al. (2013) Vitale Brovarone et al. (2018).

Ces deux modèles s’accordent sur deux points majeurs: (1) la subduction de la lithosphère du Bassin Sud Loyauté sous l’arc des Loyauté à l’Éocène inférieur et (2) le blocage de cette subduction par l’arrivée de la Ride de Norfolk dans la zone de subduction. Cependant, les deux modèles divergent sur les moteurs de mise en place des nappes ophiolitiques :

• Aitchison et al. (1995) suivi de Cluzel et al. 2001 proposent un scenario dans lequel les formations basaltiques (Nappe de Poya) et mantelliques (Nappe des Péridotites) proviennent de deux plaques océaniques distinctes. La Nappe de Poya s’accréterait au front de la zone de subduction et proviendrait de la croûte océanique subduite. Le blocage de la subduction par la ride continentale de Norfolk entrainerait alors l’exhumation entre 44 et 34 Ma du complexe métamorphique HP-BT et l’obduction à l’Éocène supérieur de la Nappe des Péridotites en contexte de supra-subduction (Figure I-15). Ainsi, le moteur de l’obduction serait directement lié à la compression de l’ensemble des unités.

Lagabrielle et al. (2013) proposent « un nouveau modèle pour l’obduction, dans lequel les

basaltes de Poya forment la couverture initiale primitive du manteau de la nappe des péridotites. La surrection progressive des unités profondes enfouies lors de la subduction de la lithosphère du bassin Sud-Loyauté à l’Éocène, a permis le soulèvement passif de l’ophiolite et l’érosion puis le glissement des unités basaltiques » (Figure I-15). Ce modèle est proposé suite

aux travaux d'Ulrich et al. (2010) qui considèrent un lien « génétique » entre les basaltes de la Nappe de Poya et les roches ultramafiques de la Nappe des Péridotites. Enfin, la mise en place de cette obduction est contemporaine de l’exhumation rapide du complexe métamorphique HP/BT.

La fin de l’obduction est contrainte par l’âge des derniers dépôts sédimentaires situés sous la Nappe des Péridotites (bassins transportés contenant le Flysch de Népoui au Priabonien supérieur) ; et par l’âge des plutons granitoïdes (27 et 24 Ma – voir partie suivante) qui traversent l’ensemble des nappes (Cluzel et al. 2005; Paquette & Cluzel 2006). Ainsi, l’obduction se serait effectuée entre 45Ma et 34 Ma (Cluzel et al. 2001; Lagabrielle et al. 2013; Maurizot et al. In press) et 24-27 Ma.

Figure I-15 : Modèles tectoniques de la mise en place du complexe ophiolitique de Nouvelle-Calédonie. Modèle compressif proposé par Cluzel et al. (2001) et modèle gravitaire proposé par Lagabrielle et al. (2013). Redessiné par Poli (2016)