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Chapitre II : Données et méthodes

III- II.3 Groupe de Uitoé

Le Groupe de Uitoé daté du Bartonien au Priabonien n’affleure que dans les îles et presqu’île de la Baie de Saint Vincent (Figure III-16). Ce groupe repose en discordance sur le socle sédimentaire de Teremba. C’est la raison pour laquelle il est intégré dans l’ensemble dit Autochtone. Toutefois, il est important de noter que ces séries éocènes n’apparaissent nulle part superposées aux séries des groupes de Dumbea et du Col de la Boghen qui reposent sur le socle de la bordure occidentale de la chaîne centrale. Le Groupe de Uitoé et le socle sous-jacent appartiennent donc à un domaine paléogéographique distinct de celui où sont préservés les dépôts du Crétacé-Paléocène. Ainsi, le domaine de la Baie de Saint-Vincent peut être considéré soit comme une zone de non-dépôt du Crétacé soit comme une zone d’érosion anté-bartonienne. Il n’est pas exclu que ces deux domaines paléogéographiques impliquant le soubassement dit « autochtone » aient subi un déplacement relatif lors des déformations tectoniques du Priabonien supérieur – Oligocène.

Le Groupe de Uitoé rassemble deux formations distinctes : la Formation des Calcaire de Uitoé et la Formation des Grès rouges et des Conglomérats de Uitoé (Figure III-16 & Figure III-17). Cette dernière est chevauchée par l’unité du Flysch de Bourail. La région de Uitoé est affectée par une vaste une structure antiforme WNW – ESE qui permet l’affleurement de ces formations (Figure III-16). Les nouvelles données décrites ici ont été obtenues sur les îles de Leprédour, de Ducos et de Mathieu (Figure III-16).

Figure III-16 : a) Carte géologique au 1/50000 de la Baie de Saint-Vincent modifiée d’après Maurizot et al. (2018). b) Coupes géologiques montrant la discordance angulaire du Groupes de Uitoé sur l’unité de Teremba et son recouvrement tectonique par l’unité chevauchante de Bourail.

Figure III-17 : Log sédimentologique du Groupe de Uitoé sur l’île Lepredour avec (1) la Formation des Calcaires de Uitoé divisée en deux membres distinct et (2) la Formation des Grès Rouges et Conglomérats de Uitoé

III-II.3.1 La Formation des Calcaires de Uitoé

Les calcaires de Uitoé, définis par Paris (1981) correspondent à une unité calcaire d’âge Bartonien moyen à Priabonien qui repose en discordance sur le socle sédimentaire de la Baie de Saint-Vincent (Figure III-16). Cette formation est décrite sur les îles Mathieu, Leprédour, Ducos et Julien, ainsi que sur les presqu’îles de Uitoé et de Pointe Noire. Cette unité présente d’importantes variations d’épaisseurs allant de plusieurs dizaines de mètres sur les îles de Leprédour ou Ducos à l’ouest et à quelques mètres au maximum vers l’est sur la côte Est de l’île de Ducos et de l’île Mathieu (Figure III-16). Ces variations d’épaisseur attestent à la fois une paléotopographie marquée du toit du socle lors de la transgression bartonienne mais aussi probablement des mouvements tectoniques syn-sédimentaires. Les nouvelles coupes sédimentologiques réalisées dans les îles de Mathieu, Ducos et Leprédour conduisent à distinguer deux membres au sein de cette formation (Figure III-17).

1) Le membre inférieur des Calcaires de Uitoé

Le membre inférieur des Calcaires de Uitoé est visible sur les îles de Mathieu, Ducos et Leprédour, ainsi que les presqu’îles de Uitoé et Montagnès (Figure III-16). Ces calcaires sont discordants sur le socle sédimentaire correspondant à l’Unité de Teremba (Figure III-16 & Figure III-2). Ce membre est composé d’une succession de bancs décimétriques à pluridécimétriques de packstone / grainstone bioclastique sans structures sédimentaires apparentes. Seules sont visibles des structures de compaction. Ces calcaires grainstone sont principalement composés de foraminifères benthiques de type nummulites,

assilines et disocyclines et de débris de coraux, d’algues rouges et autres bioclastes indifférenciés.

Certains horizons sont particulièrement riches en assiline (Figure III-17, entre 17 et 19 m). La phase lithoclastique est subordonnée et composée de lithoclastes rouges et noirs et de clastes de céladonite provenant de l’Unité sous-jacente de Teremba. La Figure III-18 illustre les macros et microfaciès qui caractérisent ce premier membre.

La présence des espèces benthiques Halkyardia minima, Discogypsina saipanensis, Assilina cf. spira, et

Fabiania saipanensis indique que ces calcaires se sont déposés entre le Bartonien moyen et le

Bartonien supérieur non élevé (Biozone E13). Les espèces Eofabiania sp, Planorbulinella sp. et Fabiania sp., comme la présence de clastes de coraux, de bryozoaires et d’algues corallinaceae suggère un environnement de dépôts peu profond en domaine péri-récifal (Bosellini & Papazzoni 2003).

2) Le membre supérieur des Calcaires de Uitoé

Le membre supérieur des Calcaires d’Uitoé se caractérise par un enrichissement progressif en éléments silico-clastiques. Visible sur les îles de Ducos, Leprédour et la presqu’île Montagnès. Ce second membre est ainsi composé de calcaires gréseux bioclastiques de couleur rose à texture packstone / grainstone. Ce faciès se présente sous forme d’une succession de sets pluridécimétriques à métriques de grainstone à litage oblique de mégarides indiquant une direction de courant vers le NE ou l’ENE (N50°E –N80°E) (Figure III-17 & Figure III-18). Ces calcaires roses sont principalement composés de foraminifères benthiques et de fragments d’algues rouges. La particularité de ce faciès est une diminution des apports lithoclastique et bioclastique à la faveur d’une fine fraction silico-clastique composée de grains de feldspath, de quartz de clastes de roche volcanique souvent altérés, d’hématite et d’éléments rouges oxydés. Ces derniers donnent une coloration rosée à ce faciès. A Pointe Noire, un faciès plus grossier est présent sous la forme de grainstones / rudstones rouges à rodholites et fragments de coraux.

Figure III-18 : Association de faciès dans les membres inférieur et supérieur de la Formation des Calcaires de Uitoé. a) Grainstone bioclastique du membre inférieur avec la présence de clastes de céladonite vert provenant de l’Unité de Teremba (socle sédimentaire). b) structures noduleuses de compaction. c) Microfaciès du membre inférieur des Calcaires de Uitoé montrant la forte présence discocycline et de Nummulites ainsi que de débris bioclastiques indifférenciés (B). d) et e) Grainstone à litage oblique de mégarides, membre supérieur des Calcaires de Uitoé. f) Microfaciès du membre supérieur des Calcaires de Uitoé composé de grainstone à bioclastes (B) et lithoclastes (Lc).

L’association des espèces Turborotalia increbescens, Morozovelloides crassatus, Acarinina mcgowrani et Subbotina gortanii indique un âge bartonien supérieur à priabonien basal (sommet biozone E13). Elle indique également un léger approfondissement de l’environnement de dépôts qui passe d’un domaine récifal à un domaine infralittoral distal à circalittoral (-50m à -250m de profondeur) (Wade et al. 2018).

Ainsi la Formation des Calcaires de Uitoé enregistre un ennoyage du socle sédimentaire de Teremba à partir du Bartonien qui se traduit par l’installation d’un système carbonaté péri-récifal qui s’approfondit progressivement durant le Bartonien supérieur - Priabonien. A partir du Priabonien, l’ensemble de ces carbonates passent rapidement à la Formation des Grès Rouges et Conglomérats de Uitoé.

III-II.3.2 La Formation des Grès Rouges et Conglomérats de Uitoé

Cette formation silicoclastique rouge datée du Priabonien affleure sur les îles de Ducos, Mathieu et de Leprédour ainsi que sur la presqu’île de Montagnès (Figure III-16). Le contact basale avec les unités sous-jacente carbonatées est continus avec localement des discontinuités mineures associées à des bases érosives de bancs conglomératiques. Cette unité est constituée d’un assemblage complexe de faciès de nature et granulométrie très variée : marno-calcaires roses à foraminifères planctoniques, grès rouges et conglomérats polygéniques.

Les faciès gréseux sont formés d’une succession de bancs décimétriques à métriques de grès rouges homogènes, fins à grossier, à litage oblique de mégarides. Les sets d’épaisseur décimétrique à métrique sont délimités par des niveaux bioclastiques plus carbonatés. Les litages obliques indiquent des directions de courants vers le NE - ENE (N70°E à N100°E). Ces grès sont principalement composés de lithoclastes de roche volcanique rouges et noirs souvent oxydés ainsi que des clastes de tuff, de céladonites, de chert et de calcaire microsparitique. Ces lithoclastes sont similaires à ceux présents dans la Formation des Calcaires de Uitoé et montrent ainsi une certaine continuité stratigraphique et des sources sédimentaires entre ces deux formations. Une fraction bioclastique est également présente dans ces grès sous forme de fragments de coraux, de bivalves, d’échinides, de mollusques, de foraminifères benthiques et planctoniques (Figure III-19).

Figure III-19 : Association de faciès caractéristique de la Formation des Grés Rouges et Conglomérats de Uitoé. a) Unité conglomératique de plusieurs mètres d’épaisseur. b) conglomérats à éléments bien roulés et mal triés. c) Bloc de calcaire à polypiers remanié dans les dépôts conglomératiques. d) et e) Grès rouge moyen à grossier à litage oblique de mégarides. Un lit conglomératique souligne des surfaces d’érosion intraformationnelles. f) microfaciès des grès rouges composés de grains de quartz (Q), de lithoclastes (Lc), et de bioclastes (B).

Les faciès les plus grossiers sont des conglomérats polygéniques stratifiés, organisés en couches pluri-décimétriques à pluri-métriques. Ils sont composés de galets et de blocs arrondis à sub-anguleux, jointifs, mal triés, dont la taille peu atteindre plusieurs mètres. La matrice est formée par des grès rouges de même composition que décrite précédemment. Les éléments proviennent principalement du socle sédimentaire de Teremba avec des galets et blocs d’argilites silicifiées, de basalte, de chert souvent azoïque et de turbidite volcano-clastique. Des blocs pluri-métriques de grainstone bioclastique et de rudstone à coraux provenant des Calcaires de Uitoé sous-jacent sont également remaniés dans ces conglomérats.

La présence dans les faciès marneux des foraminifères planctoniques de l’espèce Subbotina gortanii

Turborotalia cerroazulensis, Acarinina collactea indique un âge priabonien à la mise en place de cette

formation. Ces foraminifères sont fréquents dans des environnements bathyaux (Pearson et al. (2005). plutôt associés à des dépôts hémipélagiques (Wade et al. 2018).

Les coupes levées sur les îles ainsi que la distributions complexe des faciès sédimentaires de cette formation montreraient une certaine interstratification (ou passage latéral de faciès ?) entre les dépôts marno-calcaires hémipélagiques et les dépôts gréso-conglomértiques. A titre d’exemple, le contact avec la formation sous-jacente est maqué par la présence des dépôts marno-calcaires roses à foraminifères planctoniques sur l’île Mathieu, alors que ce même contact est marqué par des faciès gréseux sur l’île Ducos et conglomératique sur l’île Leprédour (voir figure.). Ceci serait d’autant plus appuyé par l’observation de ces mêmes faciès marno marno-calcaires roses qui reposent sur des grès très grossiers ou microconglo avec un intermédiare de calciturbidites à globigérines sur l’îlot St Julien. La présence de blocs récifaux resédimentés, l’association (interstratification, passage latéral… ?) avec des dépôts marno-calcaires hémipélagiques, l’existence d’organisme pélagiques dans les faciès plus fins conduisent à interpréter ces faciès gréso-conglomératiques comme des dépôts gravitaires relativement profonds. Ces dépôts enregistrent d’une part un approfondissement majeur et donc un affaissement de ce domaine d’Uitoé et d’autre part la formation de paléoreliefs émergés en amont (WSW) dont l’érosion active constitue la source des éléments sableux et conglomératiques selon une polarité vers le NE / ENE. Cette évolution qui s’inscrit dans la continuité de la transgression matérialisée par les Calcaires d’Uitoé sous-jacents implique un forte structuration tectonique de ce domaine pendant la sédimentation Priabonienne.

Ainsi, la lacune du Crétacé-Paléocène visible dans dans cette zone tend à montrer que le domaine d’Uitoé correspond à un domaine paléogéographique distinct de celui de la chaîne centrale (unités qui sont peut-être maintenant tectonqieument rapprochées) et/ou que le domaine d’Uitoé a été soumis à une érosion post-paléocène qui a décapé le syn-post-rift (domaine émergé, talus d’érosion sous-marin ?). Cette question sera traité dans la partie III-VI de ce chapitre.

L’ensemble de ce groupe marque le sommet des formations sédimentaires présentes dans l’Autochtone. Le recouvrement des séries de l’Eocène moyen et supérieur par l’unité allochtone du Flysch de Bourail (îlot Ducos, St Julien, etc.) prouve de manière irréfutable que l’âge de mise en place de ces unités chevauchantes ne peut intervenir avant le Priabonien supérieur. Ceci sera discuté dans la partie III-VI de ce chapitre.

III-III Découpage litho-stratigraphique de l’unité