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Chapitre 2 : Cadre conceptuel

2.1 Identité

2.1.1 Identité professionnelle

Plusieurs auteurs provenant de disciplines différentes se sont intéressés au concept de l’identité professionnelle3. Pour Dubar (1996), Maheu et Robitaille (1993) ainsi que Sainsaulieu (1988),

3 Il importe de préciser que la construction de l’identité professionnelle débuterait dès le début de la formation

professionnelle et se façonnerait tout au long de la vie au travail (Dubar, 2010; Gohier et al., 2001). Ainsi, pour la suite de ce chapitre du cadre conceptuel, le vocable « travailleur » sera utilisé pour représenter la personne en emploi comme telle, mais également l’élève en apprentissage de son métier.

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l'identité professionnelle relève surtout du domaine social, tandis que pour Baillauques et Breuse (1993), Beckers (2007), Dejours (2010) et Tardif (1993), cette identité se développe premièrement dans un registre psychologique. Enfin, pour Gohier, Anadon, Bouchard, Charbonneau et Chevrier (2001), elle relève plutôt de l’équilibre entre des dimensions d'ordre social et psychologique. Bien que des divergences soient présentes selon les théories, des points de convergence demeurent. Entre autres, il appert que l’identité professionnelle, tout en s’inscrivant dans un contexte particulier, comporte deux principaux versants : 1) l’identité pour soi et 2) l’identité par les autres.

Le premier versant de l’identité professionnelle, soit l’identité pour soi, réfère à la façon dont la personne se construit dans et à travers le travail, faisant en sorte qu’elle s’y reconnaît (Dejours, 2010). Ce versant de l’identité implique les connaissances, les croyances et les valeurs personnelles (dont celles concernant la prévention), les habiletés individuelles, les projets et les aspirations de la personne (Gohier et al., 2001). L’identité pour soi réfère à « ce que je veux être comme personne » dans le travail et serait garante de la constance de l’identité au travers le temps (Dubar, 2010). Ce versant de l’identité professionnelle correspond à la manière dont un travailleur se définit et est teinté par le bagage de valeurs, de convictions et de connaissances hérité des groupes d’appartenance depuis l’enfance comme la famille, la communauté religieuse, les amis ou l’école (Larouche & Legault, 2003). L’identité pour soi se construit à travers l’interaction entre l'identité héritée et celle qui est projetée par la personne (Dubar, 2010). L’identité par les autres réfère, quant à elle, à l’influence des membres du collectif de travail4 qui permet d’échanger, de partager, de confirmer ou d’infirmer certains choix, valeurs ou comportements (Dejours, 2010). Ce second versant de l’identité implique le rapport aux autres, collègues et superviseurs, mais aussi aux enseignants, à l’institution d’enseignement, au travail et à ses responsabilités (Gohier et al., 2001). L’intériorisation des valeurs professionnelles, dont la prévention, est un élément important dans ce versant de l’identité puisque ces dernières sont véhiculées par les personnes qui gravitent autour de la formation et de l’emploi (p. ex. : enseignants, superviseurs de stage, collègues). Dans ce versant identitaire plus social, le travailleur est à la recherche de la reconnaissance de ses pairs, de ses superviseurs ou de ses enseignants. Dans ce contexte, le processus de construction identitaire implique une validation

4Le collectif de travail se construit « lorsque plusieurs travailleurs concourent à une œuvre commune dans le respect

de règles » (Cru, 2016, p.57). Le collectif de travail intègre certes les règles imposées par l’organisation, mais s’en donne également d’autres à respecter, influençant ainsi les modes opératoires que les membres choisissent d’adopter. Le collectif de travail se forge à travers le pouvoir d’autorégulation et d’initiatives de ses membres.

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constante de l’identité par les autres (Dejours, 2008, 2010), puisque c’est sous le regard de ceux- ci que le travailleur confirme constamment son identité. Le collectif de travail est ici une ressource importante pour la construction identitaire si la personne parvient à s’y intégrer, à s’approprier les règles et à y faire reconnaître sa contribution singulière (Clot, 2008).

Le contexte du travail est indissociable de la construction de l’identité professionnelle. En effet, l'identité professionnelle se distingue de l'identité au sens large puisqu'elle s'actualise dans un contexte spécifique, celui d’un milieu de travail (Cohen-Scali, 2000). Ainsi, les divers milieux ou environnements de formation ou de travail que le travailleur fréquente durant sa vie ont une influence sur la construction de son identité professionnelle. En ce sens, des éléments de la culture organisationnelle5 des milieux dans lesquels s’investit le travailleur ont une influence sur la construction de son identité professionnelle.

L’identité professionnelle est un concept dynamique qui se construit au travers les différentes expériences positives ou négatives que vit le travailleur et selon les différents contextes dans lesquels il évolue (Blin, 1997). Ces expériences variées entraînent des déséquilibres entre la représentation que le travailleur se fait de lui-même comme personne au travail ainsi que la représentation qu’il se fait des autres (p. ex. : enseignants, collègues, superviseurs) dans le métier (Dejours, 2008; Gohier et al., 2001). Ces déséquilibres engendrent des transformations de l’identité professionnelle tout au long de la carrière. Ils entraînent un processus d’appropriation qui permet à la personne, tout au long de sa vie au travail, de confirmer, d’infirmer ou de rejeter les valeurs dont elle a hérité, transformant ainsi son identité professionnelle (Larouche & Legault, 2003).

L’identité professionnelle n’implique pas une fusion de la personne avec un groupe, mais bien une affirmation de soi au sein du collectif. Pour illustrer ce propos, Sorel et Wittorski (2005) indiquent que : « être professionnellement, c’est occuper une place ; c’est prendre sa place ; c’est être vu à une place. C’est tout autant exister pour soi que par l’autre. » (cité dans Reméry et Bénard, 2014, p.107). Ainsi, l’identité, à la fois pour soi et par l’autre, permet de souligner d’une part la singularité d’un individu, et d’autre part, de le rendre semblable aux autres au sein d’un même collectif.

5 La culture organisationnelle se définit comme les bases du fonctionnement d’une organisation. Elle comprend les

paradigmes, valeurs et croyances qui influencent l’ensemble des activités d’une organisation (Champoux, 2011; Schein, 2010). Elle peut également intégrer des éléments plus concrets comme les méthodes de travail ou le code vestimentaire. La culture organisationnelle influence l’ensemble des membres d’une organisation, de la haute direction jusqu’aux ouvriers de production.

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En somme, l’identité professionnelle se définit en partie par une identité commune et partagée par les membres d'une profession ou d’un métier, en partie par une identité propre à la personne en fonction de son histoire singulière et de ses caractéristiques individuelles, et se transforme au sein d’un contexte professionnel particulier. Comme elle s'inscrit dans un contexte professionnel particulier et qu'elle résulte de l’influence du collectif de travail en ce qui concerne notamment l'acquisition de règles, normes et valeurs d'un métier donné, l'identité professionnelle serait marquée par les apprentissages relatifs aux éléments de la culture du métier.

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