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Chapitre 1 : Recension des écrits

1.2 Contexte de la formation professionnelle au Québec

1.2.2 Acteurs

Cette section présente les principaux acteurs impliqués dans les situations d’enseignement/apprentissage vécues dans les CFP, soit les élèves, les enseignants ainsi que les organisations. Étant donné le rôle central des enseignants au regard du soutien au développement du comportement préventif au travail des élèves, des caractéristiques spécifiques en relation avec leur formation, les défis auxquels ils sont confrontés ainsi que les ressources disponibles pour les soutenir sont abordées.

1.2.2.1 Élèves

Pour l’année académique 2013-2014, quelque 129 348 élèves étaient inscrits dans l’un des programmes d’études offerts (Gouvernement du Québec, 2015) dans les différents CFP de la province. La clientèle de la FP présente une diversité importante en termes de profils d’élèves. La population d’élèves est en fait composée de mineurs provenant directement du secondaire général, mais aussi d’adultes qui ont connu des périodes d’emploi, d’études, ou d’inactivité (Berbaoui, 2015; Chatigny et al., 2012; Chatigny & Desmarais, 2015). Les élèves âgés de 24 ans ou moins représentent 55 % de la population, tandis que ceux âgés de plus de 30 ans représentent 30 % de la clientèle des CFP (Gouvernement du Québec, 2010). Les très jeunes élèves (moins de 20 ans) ne représenteraient que 17 % de la clientèle des CFP (MELS & MESRST, 2012). Plus de 60 % des jeunes élèves (24 ans ou moins) possèdent un diplôme d’études secondaires à leur arrivée à la FP, tandis que seulement 40 % des élèves plus âgés (25 ans et plus) ont obtenu ce diplôme. La population des CFP est composée d’hommes à 56 % (Gouvernement du Québec, 2010). Les élèves qui fréquentent les CFP vivent en majorité (60 %) chez leurs parents et occupent, pour la plupart (70 %), un emploi à temps partiel en dehors de leurs études (Berbaoui, 2015).

16 1.2.2.2 Enseignants

Un peu plus de 10 000 enseignants œuvraient dans les CFP du Québec en 2009-2010. Parmi ceux- ci, plusieurs (76,1 %) ont un statut d’emploi précaire, étant embauchés « à taux horaire (ou à la leçon) » ou « à contrat » (Gouvernement du Québec, 2012). Une des particularités du contexte d’enseignement à la FP est la précipitation ou l’urgence qui guide l’embauche des nouvelles ressources enseignantes. En effet, des études et rapports mentionnent qu’une large proportion des enseignants dans les CFP sont embauchés à quelques jours d’avis avant leur première prestation de cours (Balleux, 2006; Chatigny et al., 2012; Gouvernement du Québec, 2012; Loignon, 2006), dans un contexte d’urgence d’une tâche d’enseignement à combler (Deschenaux, Roussel, Lainey, & Bourdon, 2010). Ils disposent conséquemment de peu de temps de préparation relativement aux enseignements qu’ils doivent prodiguer (Chatigny, Lévesque, & Riel, 2012). Pour la plupart, les enseignants dans les CFP sont avant tout des professionnels dans leur métier qui décident de faire le saut en enseignement pour transmettre leurs savoirs (Balleux, 2006), leur passion pour leur métier (Loignon, 2006) ou pour vivre de nouveaux défis après une carrière parfois longue dans leur métier respectif (Balleux, 2006). C’est après environ 14 années de travail dans leur métier que ces personnes, alors âgées dans la quarantaine, commencent à enseigner (Deschenaux, Monette, & Tardif, 2012). Bien qu’elles aient des compétences certaines dans la pratique de leur métier, elles n’ont souvent pas reçu de formation préalable pour développer leurs compétences en enseignement. C’est à la suite de leur embauche que ces personnes complètent une formation universitaire en enseignement professionnel, si elles désirent obtenir une permanence auprès de leur employeur (Balleux, 2006; Gouvernement du Québec, 2001; Loignon, 2006). Le baccalauréat en enseignement professionnel est requis pour obtenir une permanence dans un CFP depuis 2003. Le début des études universitaires se fait en moyenne après deux années d’enseignement dans un CFP et la durée des études s’échelonne sur une période de plus de dix ans, dans un cheminement à temps partiel (Deschenaux et al., 2012).

1.2.2.2.1 Formation universitaire des enseignants

Au Québec, la formation aux enseignements portant sur la prévention des atteintes à la santé ou à la sécurité dans le travail est obligatoire dans le cursus universitaire des enseignants œuvrant en CFP depuis 2001 avec la création du référentiel de compétences en enseignement professionnel (Gouvernement du Québec, 2001). Quatre principes sous-tendent cette formation : 1) la conception d’activités pédagogiques doit tenir compte des règles de prévention ainsi que des

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contraintes et exigences du milieu de travail; 2) l’établissement de liens entre le métier enseigné et la prévention doit se trouver au cœur des situations d’enseignement/apprentissage; 3) l’accompagnement des élèves dans la compréhension des situations d’enseignement/apprentissage, dans la sélection des ressources appropriées ainsi que dans l’exécution des activités d’apprentissage doit favoriser la sécurité ; et 4) l’application des modalités de fonctionnement doit favoriser un déroulement efficace et sécuritaire des activités en atelier, en laboratoire ou en classe.

Par ailleurs, bien que la formation à l’enseignement de la prévention des atteintes à la santé ou à la sécurité dans le travail soit incluse dans le cursus universitaire en enseignement professionnel puisque prescrite par le Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MEESR), elle est actuellement basée sur le volontariat des universités (Groupe de travail 2.2.1, 2015). Certaines universités ont opté pour un cours obligatoire, alors que pour d’autres, le cours offert est optionnel. Le contenu diffère aussi considérablement d’une institution à l’autre. Toutefois, la plupart ont opté pour un cours généraliste portant principalement sur la législation. De plus, étant donné que plusieurs enseignants commencent leurs activités pédagogiques bien avant d’entamer leur cours universitaire, la formation à l’enseignement de la prévention arrive tardivement dans leurs parcours (Chatigny & Desmarais, 2015). Afin de diminuer ces inégalités et d’uniformiser la formation des enseignants en ce qui concerne la prévention des atteintes à la santé ou à la sécurité dans le travail, le Comité national pour la formation à la prévention des risques professionnels est à élaborer la Stratégie d’intégration de la SST dans l’enseignement universitaire en FP (Chatigny & Desmarais, 2015). Des recommandations pour bonifier la formation universitaire des enseignants seront émises à la suite de ces travaux.

1.2.2.2.2 Défis vécus par les enseignants

Bien que les enseignants des programmes de FP accordent une importance élevée à l’intégration des principes de prévention dans leurs activités pédagogiques (Chatigny et al., 2012; Hubert, Ulrich, Lindner, & Murphy, 2003; Kaskutas et al., 2010; Moreau et al., 2013; Pisaniello et al., 2013), ils sont confrontés à divers défis au quotidien. Le principal défi concerne le fait que l’intégration des enseignements relatifs à la prévention dans la formation des futurs travailleurs repose sur la bonne volonté des enseignants et des milieux de formation (Chatigny et al., 2012; Schooley, 2012). Entre autres, la définition des contenus de cours et les modalités pédagogiques reposent presque exclusivement sur leur volonté et leurs compétences. Ceci peut créer une pression sur

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les enseignants puisqu’ils se retrouvent souvent seuls à porter la responsabilité de l’enseignement relatif à la prévention. Bien que cette question ait été peu documentée, d’autres défis sont relatés dans les écrits scientifiques, dont la difficulté à organiser l’environnement physique afin d’assurer la sécurité des élèves (McKim & Saucier, 2011), la difficulté à passer de la théorie à la pratique (Moreau et al., 2013), la transition difficile entre la formation et le marché du travail (Moreau et al., 2013), la difficulté à bien soutenir l’apprenant (Moreau et al., 2013), la méconnaissance de certaines ressources pédagogiques (Chatigny et al., 2012), la difficulté à intéresser les élèves à la prévention (Pisaniello et al., 2013), les désaccords entre les collègues concernant certains aspects de la prévention qui ne font pas consensus (Chatigny et al., 2012), le stress associé au travail en atelier et à l’impossibilité d’avoir un regard sur l’ensemble des élèves (Chatigny et al., 2012), le manque de ressources pour assurer le suivi des enseignements en stage (Chatigny et al., 2012), ainsi que le manque global de ressources pour l’enseignement et l’évaluation de la prévention des atteintes à la santé ou à la sécurité dans le travail (Chatigny et al., 2012; Pisaniello et al., 2013). Toutefois, étant donné le nombre très restreint d’études ayant documenté les défis vécus par les enseignants concernant leur rôle en lien avec le développement du comportement préventif au travail des élèves, d’autres études doivent être menées afin de valider à plus grande échelle ces besoins et d’examiner la possibilité qu’il y en existe d’autres selon les différents contextes.

1.2.2.2.3 Ressources disponibles pour les enseignants

Bien que les enseignants relatent un manque de ressources pour les soutenir dans leurs enseignements relatifs à la prévention, certains outils se trouvent à leur disposition. L’examen des écrits scientifiques suggère que la majorité des ressources accessibles prennent davantage la forme de formations ponctuelles ad hoc, plutôt que de véritables programmes de perfectionnement professionnel en formation continue. Le recours à ce type de formation doit, la plupart du temps, provenir d’une initiative d’autoformation de la part de l’enseignant. Au Québec, mis à part les cours universitaires abordés à la section précédente, les principales ressources se résument à 1) la documentation produite par la CNESST; 2) l’expertise des conseillers en prévention jeunesse de la CNESST; 3) les comités SST des organisations scolaires; 4) la documentation et les formations offertes par les Associations sectorielles paritaires (p. ex. : cours de 30 heures sur la santé et sécurité générale sur les chantiers de construction offert par l’ASP Construction (ASP Construction, 2016)); 5) les communautés de pratique en lien avec l’enseignement de la prévention (CNESST, 2016a); 6) la Banque d’instruments de mesure qui

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fournit des outils d’évaluation disponibles pour les enseignants des CFP (GRICS, 2015); 7) le Centre d’élaboration des moyens d’enseignement du Québec qui offre diverses ressources didactiques pour les enseignants des CFP (CEMEC, 2016); et 8) les Analyses de professions (Compétences Québec, 2016). Ces derniers documents gouvernementaux présentent, entre autres, les risques à la santé ou à la sécurité du métier, et sont créés en amont de plusieurs programmes d’études. Malgré la présence de plusieurs ressources web de grande qualité, il faudrait d’abord qu’elles soient connues des milieux de formation afin d’être mobilisées par les enseignants. En effet, il appert que ces documents sont peu utilisés par les enseignants des programmes de FP, principalement en raison d’un manque de connaissance et de diffusion (Chatigny & Desmarais, 2015).

1.2.2.3 Organisation

Les écrits scientifiques reconnaissent l’importance du milieu scolaire de la FP comme étant un endroit privilégié pour réaliser des apprentissages concernant la prévention des atteintes à la santé ou à la sécurité (Chatigny & Desmarais, 2015). En effet, les apprentissages réalisés pendant la formation constitueraient la base des comportements de prévention qui resteront pour le reste de la vie professionnelle (Frigul & Thébaud-Mony, 2010).

L’organisation d’un CFP comprend plusieurs acteurs en amont des enseignants qui peuvent avoir un lien avec le développement du comportement préventif au travail des élèves. Tout d’abord, l’équipe de direction (direction générale, direction générale adjointe et directions adjointes de secteurs) a généralement pour rôle principal de s’assurer que les installations et le fonctionnement du CFP satisfassent aux attentes de la CNESST (Chatigny et al., 2012). En second lieu, l’équipe de direction peut agir en soutien aux enseignants, qu’ils considèrent souvent comme les acteurs de premier plan au regard du développement du comportement préventif des élèves. Les conseillers pédagogiques sont également présents dans les CFP. Leur rôle vise habituellement à contribuer à l’accueil et au perfectionnement des enseignants en les appuyant dans la planification, l’élaboration et l’évaluation des contenus de cours. En ce sens, ils peuvent être appelés à soutenir l’enseignant dans les enseignements relatifs à la prévention des atteintes à la santé ou à la sécurité dans le travail (Chatigny et al., 2012).

Les magasiniers sont aussi des acteurs importants en lien avec la prévention. En effet, ces personnes ont pour rôle de gérer l’inventaire des équipements utiles pour les programmes d’études. Ils doivent faire les commandes, suggérer de nouveaux produits et équipements,

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préparer et entretenir le matériel. L’étude de Chatigny et collaborateurs (2012) révèle de plus que les magasiniers prodiguent des conseils aux élèves en lien avec l’utilisation et les méthodes de travail à privilégier avec les équipements et le matériel. Toutefois, il semble que ces personnes ne bénéficient pas d’une formation concernant la prévention, ce qui peut entraîner la transmission d’informations erronées (Chatigny et al., 2012). Enfin, les magasiniers sont appelés à prodiguer des soins pour des blessures mineures qui peuvent survenir en atelier.

Les organisations scolaires ont, pour plusieurs, un comité SST en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) (Éditeur officiel du Québec, 2017). Ce comité est composé, entre autres, de représentants des programmes d’études, de conseillers pédagogiques, de membres de la direction et de représentants des associations syndicales. Ce comité travaille de concert avec les conseillers en prévention jeunesse de la CNESST afin d’élaborer des plans d’action visant à accroître la réussite en matière de prévention. L’implantation des comités SST dans les CFP relève d’ailleurs d’une initiative de la CNESST, via son programme de prévention jeunesse. Le rôle des comités SST semble toutefois peu défini ou variable selon les organisations et leur niveau d’activité serait fluctuant dans le temps (Chatigny et al., 2012).

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