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Identification des facteurs impliqués dans le développement de la Sclérose En Plaques.

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Chapitre III : Rôles des protéines T-box dans le système immunitaire

1. Identification des facteurs impliqués dans le développement de la Sclérose En Plaques.

La Sclérose En Plaques (SEP) est une maladie inflammatoire du système nerveux central d’origine auto-immune. Cette maladie touche plus de 2,5 millions de personnes dans le monde dont plus de 100 000 cas en France. La prévalence Homme/Femme est d’environ 1/3 et se déclare principalement chez le jeune adulte. La SEP est une maladie dite « multifactorielle » ou complexe puisqu’elle dépend principalement de 3 facteurs : des facteurs génétiques, épigénétiques et environnementaux.

Gènes associés à la susceptibilité de la Sclérose en Plaques : De la génétique aux études d’association pangénomiques (GWAS).

Les chercheurs ont pu mettre en évidence une part importante de la génétique dans la susceptibilité à développer la maladie. En effet, le risque de développer une SEP est augmenté chez les individus dont un membre de la famille est atteint de la maladie, comparé à une personne n’ayant aucun cas de SEP dans sa famille qui lui a un risque relatif de 0,2%. De plus, plus le degré de parenté est proche, plus le risque augmente. Par exemple, dans une même famille, si un enfant est atteint de SEP, le risque que son frère développe également la maladie est de 2 à 4% soulignant ici un rôle du patrimoine génétique sur le développement de la maladie (Sadovnick, Ebers et al. 1996). L’importance de la génétique fût également démontrée par l’étude de jumeaux mono et dizygotes qui partagent respectivement 100% ou 50% de l’information génétique. Chez les « vrais » jumeaux le risque de développer une SEP si l’un des jumeaux est atteint monte à 30% contre seulement 5% pour des jumeaux dizygotes, restant néanmoins supérieur au risque de 3% dans le cas de frères/sœurs (Willer, Dyment et al. 2003).

Le séquençage et l’analyse du génome humain ont permis de mettre en évidence que les individus dans le monde entier ont un génome identique à 99.9% et qu’une petite fraction du génome est différente entre deux personnes. Il existe plusieurs formes de variations génétiques mais nous nous attarderons sur les

variations les plus fréquentes dans le génome : variations d’un seul nucléotide (Single Nucleotide Polymorphism ou SNP). Ces variations génétiques dans le génome proviennent de mutations ponctuelles héritées de nos ancêtres sous l’effet de pression de sélection qui peuvent conférer un avantage sélectif. Ces SNP sont plus ou moins importants en fonction de l’origine ethnique des individus mais on estime à plus de 10 millions le nombre de SNP dans le génome humain. Si ces polymorphismes sont si nombreux comment peuvent-ils conférer un risque accru de développer une SEP ? L’une des réponses à cette question vient du fait que de nombreux SNP se transmettent de génération en génération par blocs car ils se trouvent en déséquilibre de liaison. La notion de déséquilibre de liaison (Linkage Sisequilibrium ou LD) est apparue dans les années 60 où il fut mis en évidence que certains SNP sont transmis de manière non-aléatoire et sont encadrés de zones de forte recombinaison (Figure

24) (Feldman, Lewontin et al. 1975). Ainsi, il est possible de calculer la probabilité que plusieurs SNP soient transmis par bloc en fonction du coefficient D’(dont la valeur peut être comprise entre 0 et 1). Plus ce coefficient est proche de 1, plus la probabilité que deux SNP soient transmis ensemble augmente.

Afin de mieux comprendre quels sont les SNP et les gènes impliqués dans le développement de la maladie, des études à grande échelle comparant des individus malades et non malades ont été mise en place : ce sont les études d’association pangénomiques ou GWAS (Genome Wide Association Studies).

Figure 24 – Plusieurs SNPs peuvent être transmis de façon non-aléatoire s’ils se trouvent en déséquilibre de liaison. Au fur et à mesure de l’évolution, une ancienne séquence d’ADN accumule des mutations ponctuelles qui se transmettent au cours de l’évolution. Bien qu’elles soient plus au moins espacées dans le génome, elles sont transmises par bloc lorsqu’ielles sont en déséquilibre de liaison (LD). Parmi tous les SNP transmis, un ou plusieurs SNP peuvent causer une susceptibilité augmentée aux maladies auto-immunes (Causative Variant), et sera tout le temps associé à d’autres SNP situés en LD. (Adapté de Kirino et al 2015 Nature review rheumatology)

Utilité et importance des études GWAS

Les études d’association pangénomique présentent l’avantage de déterminer sans a priori quelles sont les régions du génome qui sont présentes majoritairement chez des individus atteints d’une maladie par rapport à une population « saine ». Bien que très puissantes, ces études nécessitent un grand nombre d’individus pour s’assurer que les SNP identifiés soient réellement causaux de la maladie et que le poids statistique soit le plus important possible afin de limiter au maximum les faux positifs. En 2007, la première étude GWAS réalisée sur 6942 sujets atteints de SEP et 5418 patients contrôle, a pu mettre évidence 17 SNP plus fréquemment retrouvé chez les patients SEP que chez les individus sains (International Multiple Sclerosis Genetics, Hafler et al. 2007). Ces SNP se trouvent dans des régions impliquées dans la fonction, l’activation ou la régulation du système immunitaire comme par exemple, un SNP situé au niveau de l’intron 1 du gène IL2RA (codant pour la molécule CD25), ou encore un autre SNP non-synonyme situé dans l’exon 6 du gène IL7RA (codant pour la molécule CD127) (International Multiple Sclerosis Genetics, Hafler et al. 2007). De façon intéressante, ces loci de susceptibilité ne sont pas propres à la SEP mais sont retrouvés dans de nombreuses maladies auto-immunes comme le diabète de type 1 (T1D), ou dans la maladie de Graves (Brand, Lowe et al. 2007). A l’heure actuelle, plus de 110 loci de susceptibilité ont été découverts grâce à la comparaison du génome de 15 000 patients SEP versus 24 000 individus sains (International Multiple Sclerosis Genetics, Beecham et al. 2013). Et parmi ces 110 loci, 97 sont à moins de 50kb de gènes impliqués dans la régulation du système immunitaire et 35 sont liés au GO Term « Immune System Process » et sont retrouvés au moins dans une maladie auto-immune. En 2016, une méta-analyse de l’étude de 2013 a listé sur chaque chromosome les gènes associés au développement de la SEP (Figure 25).

Figure 25 – Atlas génétique de la Sclérose En Plaques. Les gènes de susceptibilité connus à ce jour sont positionnés sur leurs chromosomes respectifs. En gras sont représentés les gènes impliqués dans la régulation du système immunitaire (avec en bleu les gènes nouvellement découverts et en noir les anciens gènes découverts lors des précédentes études GWAS). Hussman et al., 2016 Genes and Immunity

On y voit ici que de nombreux gènes sont impliqués dans la régulation du système immunitaire, et plus particulièrement, dans la différenciation des LT CD4. Parmi ces gènes on retrouve EOMES, les protéines de type STAT1, STAT4, STAT3 et STAT5 qui sont importantes pour la différenciation Th1, Th17 et Treg et des protéines des voies de signalisation en aval et en amont du programme de différenciation des LT CD4 (International Multiple Sclerosis Genetics, Beecham et al. 2013, Hussman, Beecham et al. 2016).

Rôles des Facteurs de transcription T-BOX et FOXO chez l’Homme

Bien que FOXO3 ne fasse pas partie des gènes de susceptibilité à la SEP, plusieurs polymorphismes ont été identifiés dans d’autres maladies auto-immunes. En effet, le SNP rs12212067 : T>G diminue la susceptibilité à la Polyarthrite Rhumatoïde lorsqu’un individu susceptible porte l’allèle mineur (G) mais augmente les risques de développer une malaria plus sévère. C’est le seul polymorphisme qui a été identifié comme modifiant non pas les risques de développer la maladie, mais la sévérité de la maladie (Lee, Espeli et al. 2013). Ce facteur est également associé à la longévité de certaines populations humaines qui portent des polymorphismes particuliers à proximité des zones régulant l’expression de FOXO3.

EOMES semble jouer un rôle important chez l’Homme, en particulier dans les réponses anti-tumorales, où son expression par les LT CD4 et CD8 est associée à une meilleure élimination des tumeurs comme par exemple l’Ipilimumab (anti-CTLA4), qui permet d’augmenter la proportion de ces LT EOMES+. En parallèle de son rôle

bénéfique dans le cancer, EOMES semble jouer un rôle délétère dans les maladies auto-immunes. En effet, les patients SEP qui ont des formes très sévères de sclérose en plaques, forme dite « secondaire progressive », présentent des proportions élevées de LT CD4 exprimant EOMES que ce soit au niveau du sang circulant ou au niveau du liquide céphalorachidien (LCR) (Raveney, Oki et al. 2015). Dans le psoriasis, des niveaux élevés de mRNA d’EOMES sont détectés au niveau des lésions psoriasiques (Sahmatova, Sugis et al. 2017). Enfin, EOMES a été identifié comme locus de susceptibilité dans la PR et la SEP (Patsopoulos, Bayer Pharma et al. 2011, International Multiple Sclerosis Genetics, Beecham et al. 2013, Okada, Wu et al. 2014).

Dans la SEP, plusieurs SNPs ont été identifiés à proximité du locus d’EOMES : le SNP rs170934 situé à 150kb du locus, le SNP rs2371108 situé quelques kb après

EOMES, et enfin, le SNP rs11129295 situé à -20kb de la région promotrice. Ces SNPs

sont situés dans des zones génomiques plus ou moins conservées dans les différentes espèces ce qui laisse penser que ces régions peuvent correspondre à des régions régulatrices de type « enhancer » notamment pour le rs170934 (International Multiple Sclerosis Genetics, Wellcome Trust Case Control et al. 2011, Patsopoulos, Bayer Pharma et al. 2011 , International Multiple Sclerosis Genetics, Beecham et al. 2013 ). Bien que très utile pour la découverte de loci de susceptibilité dans les maladies auto- immunes, les GWAS restent néanmoins seulement associatives et des analyses fonctionnelles sont nécessaires afin d’évaluer la conséquence de chacun des gènes identifiés sur la maladie.

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