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Identification et classification des Actinomycètes « Streptomyces »

C LES STREPTOMYCES

II. Identification et classification des Actinomycètes « Streptomyces »

II. 1. Généralités

La taxonomie est une science ayant pour objectif de décrire les organismes vivants et de les regrouper en entités appelées taxons (familles, genres, espèces, etc) afin de pouvoir les nommer et les classer. Chez les bactéries, les taxons sont dans l’ordre hiérarchique : divisions, classes, sous-classes, ordres, familles, sous-familles, tribus, sous-tribus, genres, sous-genres, espèces et sous-espèces. Cependant parmi ces rangs hiérarchiques, il y a quelques uns qui sont très peu utilisés. Par conséquent, pour une bactérie donnée on peut attribuer des rangs et pas d’autres. Différentes approches taxonomiques sont utilisées pour la classification des bactéries :

II.1.1. La Taxonomie phénétique

Depuis la classification proposée par Cohn en 1872 et jusqu'au début des années 1960, la définition d'une espèce (et d'une manière générale toute la taxonomie bactérienne) reposait sur une classification phénétique ou phénotypique. Cette dernière utilise un faible nombre de caractères considérés comme importants tels que la morphologie, la présence d'une spore, la mise en évidence d'un caractère biochimique jugé essentiel, l'habitat, le pouvoir pathogène... Une classification phénétique a l'inconvénient de ne refléter qu'une quantité d'information réduite.

II.1.2. La Taxonomie numérique

En 1957, Sneath développe une taxonomie qualifiée de numérique pour les bactéries. La méthode consiste à étudier, pour chaque souche, plus d'une centaine de caractères morphologiques, biochimiques, culturaux, structuraux... et à attribuer le même poids à chacun des

caractères qui sont codés 1 (présence du caractère) ou 0 (absence du caractère). Le but recherché est de rassembler dans une classe de similitude les individus les plus semblables.

II.1.3. La Taxonomie phylogénétique

Dès 1936, Kluyver et van Niel proposaient l'utilisation d'une taxonomie phylogénétique, mais les outils nécessaires au développement d'une telle taxonomie n'étaient pas disponibles et il fallut attendre la deuxième moitié du 20ème siècle pour qu'une taxonomie phylogénétique

commence à se mettre en place. * Détermination du (G+C %)

En 1949, Chargaff et al., montrent que le contenu en bases puriques et en bases pyrimidiques de l'ADN pouvait varier, mais qu'il était relativement constant pour les individus d'une même espèce. Chez les bactéries, les valeurs du (G+C %) sont très dispersées et elles varient de 25 à 75 %. Actuellement, on admet que des bactéries dont les (G+C %) diffèrent de

plus de 5 % ne peuvent appartenir à une même espèce et que des bactéries dont les (G+C %) diffèrent de plus de 10 % ne peuvent appartenir à un même genre. Bien sûr, des

valeurs du (G+C %) identiques n'impliquent pas que les bactéries sont proches car les bases peuvent être disposées de manière très différente sur l'ADN.

* Etude des ARNr

Chez une bactérie, les gènes qui codent pour les ARNr sont organisés en opérons. Ces opérons existent en un ou plusieurs exemplaires sur le chromosome. Le nombre de copies est grossièrement corrélé à la taille du génome et à la vitesse de croissance des bactéries. L'ARNr 16S est le plus utilisé et le séquençage des gènes correspondants peut être automatisé et les données concernant ces molécules s'accumulent en permanence. L'utilité du séquençage des ARNr 16S est reconnue par tous les taxonomistes mais, comme cette technique n'analyse qu'une faible partie du génome, elle ne permet pas de différencier les espèces proches les unes des autres. En revanche le séquençage des ARNr 16S est très utile pour classer les bactéries dans un rang hiérarchique supérieur à l'espèce. Pour Stackebrandt et Goebel 1994, lorsqu'il existe moins de 97% de similarité entre les séquences des ARNr 16S de deux souches, ces souches

supérieur à 97, le placement de deux souches dans une unique espèce ou dans deux espèces différentes doit reposer sur les résultats des hybridations ADN-ADN.

* Les hybridations ADN-ADN

Les hybridations ADN-ADN se sont révélées essentielles pour la définition d'une espèce bactérienne. Leurs réalisations n'ont été possibles qu'après la découverte par Marmur (1961) du phénomène de renaturation de l'ADN. Les hybridations ADN-ADN, utilisées en bactériologie, sont réalisées à partir d'un mélange de deux ADN dénaturés provenant de deux bactéries différentes. En fonction des similitudes de séquence, deux types de duplex hétérologues peuvent se former : Si les ADN des deux bactéries présentent des similarités importantes, il se produit d'abord un appariement étroit au niveau d'un segment qui porte des bases complémentaires (site de nucléation), puis le duplex se complète de proche en proche. Si les ADN des deux bactéries ont des séquences très différentes, il peut se produire un appariement au niveau de quelques bases complémentaires situées dans une zone limitée, mais le reste des fragments ne s'associe pas ou seulement par quelques liaisons hydrogène éparses.

II. 2. Identification des actinomycètes « Streptomyces »

Les actinomycètes comprennent des formes peu évoluées comme le genre Mycobacterium ou très évoluées, comme le genre Streptomyces qui forme un véritable mycélium non fragmenté et sporulant. La taxonomie des actinomycètes est basée sur plusieurs critères : morphologiques, chimiques, physiologiques et moléculaires. L’identification des genres est facilitée par les études morphologiques tandis que les critères physiologiques et moléculaires (ex : hybridation ADN- ADN) séparent les espèces.

Cohn, dès 1875 décrit le premier actinomycète et deux années plus tard, Harz (1877) isola Actinomyces bovis, agent responsable des actinomycoses du bétail (Lechevalier et Lechevalier, 1970a). Durant les 30 dernières années, la taxonomie des actinomycètes a évolué considérablement. Elle fut marquée par quatre périodes essentielles dont chacune a apporté de nouveaux critères de classification.

Durant la première période, seuls les critères macro et micro morphologiques (mycélium fragmenté ou non, présence ou non de mycélium aérien, couleur des mycélia, production de spores, etc.) permettaient de différencier les genres entre eux. Ceci a donné lieu à la création de

nombreux genres dont les limites entre eux n’étaient pas toujours nettes, ce qui a engendré beaucoup de confusion (Waksman, 1943).

La seconde période voit l’utilisation de la chimiotaxonomie basée sur la composition cellulaire en acides aminés (Becker et al., 1964), en sucres (Lechevalier et Lechevalier, 1970b), en acides mycoliques (lipides pariétaux complexes et insaturés) (Mordarska et al., 1972) en phospholipides membranaires (Lechevalier et al., 1977; Minnikin et al.,1977) et en ménaquinones membranaires (collins et al., 1980). La chimiotaxonomie, combinée aux critères morphologiques, fut d’un apport essentiel pour distinguer de nombreux genres entre eux, tels par exemple, Streptomyces de Nocardia (Becker et al., 1964), Actinomadura de Nocardiopsis (Grund et Kroppenstedt, 1990) ou encore certains genres apparentés phylogénétiquement aux actinomycètes mais n’ayant pas un véritable mycélium, comme Corynebacterium, Cellulomonas, Clavibacter, etc. (Bergey, 1989).

La troisième période qui a débuté dans les années 70 et a trouvé son apogée entre 1980 et 1990, combine l’outil informatique à de nombreux tests physiologiques pour différencier les espèces de chaque genre entre elles. Ainsi est née la taxonomie numérique avec l’obtention de dendrogrammes qui ont permis d’apporter beaucoup de clarté au niveau de la composition en espèces des genres Rhodococcus (Goodfellow et Alderson, 1977), Nocardia (Orchard et Goodfellow 1980), Streptomyces (Williams et al.,1983), Actinomadura (Athalye et al.,1985), Nocardiopsis (Grund et Kroppenstedt,1990) et Actinophanes (Goodfellow et al., 1990).

La quatrième période a débuté durant les années 80 et s’étend jusqu’à l’heure actuelle. Elle consiste en l’application des méthodes d’analyses génétiques et moléculaires, notamment l’hybridation ADN-ADN et le séquençage de l’ARN ribosomique 16S, qui ont permis de tracer toute la phylogénie des actinomycètes (Stackebrandt et Kroppenstedt 1987; Kinoshita et al., 1999; Hu et al., 2004). Grâce au séquençage de l’ARN 16S, certains genres bactériens non mycéliens furent inclus dans l’ordre des Actinomycetales, tandis que d’autres en furent exclus.

Le genre Streptomyces se distingue des autres genres bactériens par des caractéristiques chimiques (présence de l'isomère de l'acide L-L-diamino-pimélique (DAP) et de glycine dans leurs parois), et morphologiques (production de chaînes de spores). Il comprend de nombreuses espèces dont la classification repose sur plusieurs critères telles que la détermination de la couleur de différents milieux après croissance des souches, la croissance possible à 4°C, la production de métabolites spécifiques ou la morphologie des chaînes de spores. D'autres critères

peuvent être également employés comme la tolérance au chlorure de sodium, la production de molécules odorantes (Dietz, 1988).

Généralement, plusieurs techniques sont associées pour l’identification et la classification des souches du genre Streptomyces:

• Coloration de Gram et observation microscopique.

• Aspect macroscopique et caractères culturaux. L’aspect phénotypique et les caractères culturaux sont déterminés sur des milieux de cultures spécifiques à savoir des milieux ISP (Petrosyan et al., 2003).

• Analyse chimique des constituants de la paroi cellulaire. Il s’agit de déterminer les différents isomères de l’acide 2,6-diaminopimélique et les sucres pariétaux de la paroi.

• Caractères physiologiques et biochimiques : il s’agit de suivre la croissance de la souche à différentes températures, à différents pH, en présence de différentes concentrations en NaCl, etc.

• Et hybridation ADN-ADN.

Il est à noter que chez les Streptomyces, les deux moyens largement utilisés pour l’identification de ce genre bactérien, sont d’une part le suivi des aspects macroscopiques et des caractères culturaux sur milieux de cultures spécifiques, et d’autre part, l’analyse de la séquence nucléotidique du gène ARNr 16S. Ces deux moyens ont permis l’identification de plusieurs souches appartenant à ce genre bactérien (Mellouli et al., 2003 ; Fourati et al., 2005 ; Ben Ameur et al., 2006). Mehling et al, 1995 ont testé plusieurs amorces afin d'amplifier les gènes ARNr16S des souches de Streptomyces. Quatre amorces (P1, P2, P3 et P4), ont été retenues pour leur fiabilité d'amplification (Tableau 1).

Tableau 1: Séquences nucléotidiques et positionnement des amorces P1, P2, P3 et P4

sur les gènes ARNr16S (Mehling et al, 1995).

Amorces Séquences nucléotidiques 5' 3' Position (nt)

P1 AGAGTTTGATCCTGGCTCAG 8

P2 GTGGGCAATCTGCCCTTGCACTCT 120

P4 AAGGAGGTGATCCAGCCGCA 1530