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Identification des enjeux liés au bannissement du bois de l’élimination

2. LES ENJEUX LIÉS AU BANNISSEMENT DU BOIS DE L’ÉLIMINATION

2.2. Identification des enjeux liés au bannissement du bois de l’élimination

À la lumière de cette analyse structurelle de la « filière bois », plusieurs enjeux semblent donc se dessiner clairement. Il apparaît aussi que les récupérateurs, les transporteurs, les entrepreneurs CRD, les ICI et les acteurs urbains et municipaux entretiennent des relations d’interdépendance. Aucun enjeu n’est donc propre à un secteur d’activité en particulier, tous ont en commun plusieurs intérêts et préoccupations quant au projet du gouvernement d’interdire l’élimination des résidus de bois.

2.2.1. L’enjeu économique

En l’occurrence, l’enjeu économique entourant la mesure de bannissement est de taille. Sitôt l’interdiction d’enfouissement et d’incinération effective, chacun des acteurs de la chaîne de valeur (les fournisseurs, les récupérateurs et les clients) cherchera à occuper une place de choix dans le nouveau modèle d’affaires instauré. Une redistribution des pouvoirs en place est à prévoir mais il apparaît déjà nettement que les centres de tri, par leur position intermédiaire, deviendront un maillon incontournable de cette situation économique inédite.

Le gouvernement provincial, par l’entremise du Ministère du développement durable, de l’environnement, de la faune et des parcs, pourrait par ailleurs manifester l’intention de travailler en étroite collaboration avec les récupérateurs afin d’assurer le déploiement progressif de la mesure de bannissement du bois de l’élimination à travers la province (Del Degan, Massé, 2012).

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2.2.2. L’enjeu de communication

Si les centres de tri, les recycleurs et les exploitants d’installations de valorisation énergétique sont relativement concentrés et bien organisés, ils se révèlent également particulièrement conscients des implications du bannissement prochain des résidus de bois de l’élimination (Del Degan, Massé, 2012; Richer, 2013).

À l’inverse, les fournisseurs rassemblent davantage de petites structures dont le corps de métier principal n’est pas la gestion des matières résiduelles de bois (transporteurs exceptés). Ainsi, leur niveau de concertation et d’organisation est bien en deçà de celui des récupérateurs et des clients en aval (Del Degan, Massé, 2012). Les fournisseurs sont donc confrontés à un véritable enjeu de réseautage et de communication à l’approche de l’interdiction d’enfouissement et d’incinération des rebuts ligneux. Nul doute que l’entrée en vigueur de la mesure de bannissement aura sur eux un effet structurant, d’autant qu’il en ira de leur propre intérêt s’ils souhaitent conserver un certain pouvoir de négociation face aux récupérateurs malgré leur entière dépendance aux centres de tri régionaux une fois le bannissement implanté.

2.2.3. L’enjeu social

La proscription des résidus de bois de l’élimination amène également avec elle son lot d’enjeux sociaux. En l’occurrence, la mesure de bannissement devrait contribuer à la création de plusieurs emplois à travers la province et représenter ainsi un véritable outil de développement économique pour le Québec (Del Degan, Massé, 2012). Incontestablement, l’interdiction d’élimination influera sur les centres d’enfouissement qui auront à pâtir de la perte d’une partie de leurs revenus. Une diminution de la main-d’œuvre des sites d’élimination est donc à prévoir à l’entrée en vigueur de la mesure de bannissement. Cependant, le regain d’activité des centres de tri et le développement progressif du marché de la récupération et de la mise en valeur des résidus de bois devraient palier à ces pertes d’emplois. Plusieurs embauches sont effectivement escomptées parmi les récupérateurs qui fonctionnent pour l’heure au ralenti, de même que de nouveaux utilisateurs de résidus de bois devraient apparaître au cours des prochaines années, ayant su déceler une opportunité d’affaire. Enfin, l’élimination des résidus de bois par enfouissement est une pratique contraire aux principes du développement durable. En l’occurrence, l’enfouissement participe à léguer aux générations futures des matières résiduelles en décomposition dont la gestion est un véritable fardeau tant elle est susceptible d’occasionner des nuisances pour l’environnement et les populations voisines des sites d’enfouissement. Par ailleurs, aucune compensation monétaire n’est prévue pour les générations futures à titre de dédommagement pour les désagréments potentiels, de même qu’aucune garantie ne peut leur être accordée en ce qui a trait à la qualité, la sécurité et la longévité des infrastructures d’enfouissement.

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2.2.4. L’enjeu juridique

Avec l’officialisation de l’interdiction d’élimination des résidus de bois, l’ensemble des acteurs de la « filière bois » se retrouve par la même occasion soumis au respect des nouvelles dispositions du Règlement sur l’enfouissement et l’incinération des matières résiduelles. En l’état actuel des réflexions, il semblerait que la responsabilité de la conformité aux exigences du REIMR incombe aux sites d’enfouissement (Dallaire, 2013). Il n’est toutefois pas exclu que d’autres entités soient également assujetties au respect de la mesure de bannissement. Tout contrevenant à l’interdiction d’enfouissement et d’incinération est donc passible d’un avis d’infraction délivré par les inspecteurs du MDDEFP et de sanctions qui n’ont, pour l’heure, pas encore été définies (Dallaire, 2013). Un enjeu juridique concret entoure donc l’application du bannissement du bois des sites d’enfouissement et autres lieux d’incinération.

Ces considérations juridiques peuvent aussi revêtir un autre aspect. Invariablement, les activités de valorisation énergétique requièrent l’obtention d’un certificat d’autorisation accordé par le MDDEFP (LQE, L.R.Q., c. Q-2). Les gestionnaires d’installations de valorisation énergétique seront donc tenus de vérifier les conditions d’exploitation de leurs infrastructures afin de s’assurer qu’ils sont autorisés à utiliser tous les types de rebuts de bois détournés de l’enfouissement. Le cas échéant, ils devront veiller à se doter d’un nouveau certificat.

Enfin, outre la révision des autorisations gouvernementales, plusieurs contrats d’approvisionnement entre les fournisseurs, les centres de tri et leurs clients pourraient être renégociés suite à l’entrée en vigueur du bannissement et la redistribution des pouvoirs de négociation et des parts de marché.

2.2.5. L’enjeu technologique

Lorsque le bannissement du bois de l’élimination sera en application au Québec, concurrence rimera avec différenciation et innovation. Face au nombre croissant de compétiteurs, les centres de tri n’auront pas d’autre choix que de garantir un approvisionnement régulier à leurs clients et de leur proposer des produits de qualité supérieure s’ils veulent conserver leurs parts de marché (Del Degan, Massé, 2012). Les récupérateurs devront ainsi s’adjoindre les services de nouveaux fournisseurs en leur offrant notamment des capacités d’accueil performantes et personnalisées ainsi que des points de collecte localisés (Del Degan, Massé, 2012). Ces évolutions ne pourront se faire sans le déploiement de nouvelles technologies. Il existe donc un réel enjeu d’innovation autour du projet du gouvernement d’interdire l’enfouissement et l’incinération des résidus de bois.

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En Estrie, une entreprise fait tout particulièrement office de chef de file en la matière. Sherbrooke OEM est en effet un leader nord-américain dans le domaine des équipements de tri, de tamisage et de manutention des différents types de déchets solides (Sherbrooke OEM, 2013). Le procédé de tri optique développé par la compagnie est notamment à la fine pointe des dernières avancées technologiques (Sherbrooke OEM, 2013). Sherbrooke OEM s’est récemment vu octroyer le contrat d’équipement du centre de mise en valeur des matières résiduelles Valoris.

2.2.6. L’enjeu environnemental

Enfin, le dernier enjeu mais non le moindre est à la base même de la volonté du gouvernement provincial d’exclure les résidus de bois de l’élimination. La mesure de bannissement se veut en effet une réponse concrète à un enjeu environnemental majeur. L’enfouissement et l’incinération s’opposent à une utilisation efficiente des ressources et sont par ailleurs susceptibles de porter atteinte à la qualité de l’environnement. De nombreux risques sont effectivement associés à l’exploitation de tels sites, parmi lesquels l’émission de gaz à effet de serre qui participent au réchauffement climatique et la formation de lixiviat affectant la qualité des sols et de l’eau (Québec. MDDEP, 2012a; Olivier, 2010). De plus, ces modes de gestion souffrent d’une mauvaise acceptabilité sociale. Ces deux pratiques sont donc parfaitement incompatibles avec la résolution du gouvernement québécois de s’engager pleinement dans une démarche de développement durable.

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