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PARTIE 2 – ETUDE TERRAIN

A. I NTERNALISATION DES SERVICES DE BLANCHISSERIE

La construction de ce mémoire implique tout d’abord d’aborder la possibilité d’internalisation de la production pour contourner la domination actuelle de LINEN. Le groupe peut-il envisager un investissement dans une blanchisserie intégrée incrémentée de ses coûts de fonctionnement ? Nous retrouvons ici la logique « williamsonienne » de compensation des coûts de coordination par les coûts de transaction. Le choix de l’internalisation compenserait-il les coûts de recours au marché ?

La réponse à cette question ne pourrait pas être apportée sans une analyse « Make or Buy » réalisée conjointement avec différents services de l’entreprise. Il serait nécessaire d’opérer une décomposition du Total Cost of Ownership (TCO) du service de location et d’entretien du linge, une étude poussée et chronophage qui demanderait l’engagement de nombreuses parties prenantes. Notre étude pratique réalisée auprès de sept acteurs du monde des achats a révélé le non soulèvement de la question pour la majorité d’entre eux. Et quand bien même elle l’eut été, ce fut pour des raisons accessoires. En aucun cas, la question de l’internalisation n’a été objectivement défendue. Nous retiendrons tout de même le cas des ressorts en titane chez Safran qui a induit la volonté d’enrichissement des connaissances sur le sujet afin de pallier à la domination de son fournisseur.

Nous ne tenterons pas répondre de façon catégorique mais nous essaierons d’orienter notre réflexion en s’appuyant sur l’étude théorique et pratique apportée jusqu’alors.

1. Cycle de vie de l’activité de blanchisserie

Selon l’étude Xerfi réalisée en avril 2016, le chiffre d’affaires de la blanchisserie-teinturerie de gros est en recul au profit des loueurs de linge. L’environnement du secteur dépend de quatre facteurs que sont l’emploi salarié dans l’industrie (entretien des vêtements de travail et équipements de protection), les nuitées dans l’hôtellerie (linge de maison), la fréquentation des restaurants (nappes et autres types de linge) et la consommation en soins hospitaliers (entretien du linge hospitalier qui demande un traitement plus poussé que le linge hôtelier). Alors que l’emploi industriel est en diminution et la fréquentation des hôtels et restaurants est relativement stable, la demande hospitalière est en croissance. En effet, le secteur de la santé et de la gériatrie (hôpitaux et maisons de retraite notamment) externalisent de plus en plus les prestations qui jusqu’alors étaient effectuées en interne. Il existe donc de nouveaux débouchés dans ce secteur pour les plus grosses entreprises qui sauront obtenir les certifications nécessaires.

L’étude Xerfi avance également que les investissements se poursuivent, tant pour la blanchisserie de gros que pour les loueurs de linge, pour l’amélioration de la productivité et la baisse des consommations énergétiques qui est au cœur de l’actualité.

Enfin, alors que le CA de la blanchisserie-teinturerie de gros n’a pas évolué entre 2011 et 2015, celui des loueurs de linge en France est en constante augmentation. Entre 2009 et 2015, leur chiffre d’affaire a augmenté de 20%. Comme ces derniers réalisent 94% du CA du secteur de la blanchisserie, nous pouvons affirmer que le secteur est globalement en croissance

En nous référant à la figure 3- Intégration / désintégration selon le cycle de vie du produit, notre première constatation est que la tendance est logiquement à la désintégration verticale.

2. Les coûts de transaction

Dans un deuxième temps, nous nous intéressons aux paramètres en faveur de l’internalisation évoqués par Williamson. Pour rappel, les coûts de transaction sont caractérisés par la spécificité des actifs, la fréquence des transactions et l’incertitude qui dépend du contexte de réalisation de celle- ci selon la rationalité des acteurs, leur nombre et leur opportunisme.

Spécificité des actifs entre PVCP et l’actuel prestataire majoritaire

Les actifs de l’une et l’autre des parties sont très peu spécifiques. Aucun investissement conséquent n’est réalisé par PVCP, si ce n’est peut-être les investissements intangibles résultants de 10 ans de coopération et qui aboutissent à une habitude, une routine pour les employés du groupe. Chez LINEN, le seul investissement réalisé est la dotation en linge nécessaire à son client. Néanmoins, ce linge est standard et est transférable chez d’autres clients. Ainsi, selon la matrice de Bensaou, aucune des deux parties ne se retrouve captif de l’autre selon leur degré d’investissement.

Figure 16 Matrice de Bensaou - PVCP vs LINEN

La fréquence des transactions entre PVCP et LINEN

Pour chacun des sites, la fréquence des livraison et donc de facturation (transaction) est élevée. On compte entre deux et quatre livraisons par semaine selon le site et la saison. Les transactions sont néanmoins encadrées par un contrat cadre conclu entre les deux entreprises.

L’incertitude

Pour PVCP, le caractère stratégique de l’achat et la situation oligopolistique (voire quasi- monopolistique) du prestataire actuel génère une forme d’incertitude sur l’avenir. LINEN, conscient de sa situation sur le marché, peut à tout moment faire preuve d’opportunisme et mettre PVCP en porte-à-faux.

Selon la théorie « Williamsonienne », les coûts de transactions sont relativement forts en raison de la fréquence des transactions et l’incertitude. En revanche, la spécificité des actifs vient atténuer l’effet des coûts de transaction et l’ensemble des critères ne semblent pas totalement réunis pour envisager l’internalisation.

3. Les coûts bureaucratiques

Afin de conforter cette décision, analysons l’apport de Grant dans les coûts bureaucratiques.

Les économies d’échelle

Tout d’abord, la détermination des économies d’échelle mériteraient de réaliser l’étude « Make or Buy » mentionnée précédemment. Néanmoins, au vu de la domination incontestable du fournisseur sur le marché et de son panel de plus de 200.000 clients, nous pouvons émettre l’hypothèse que LINEN dégage des économies d’échelle inégalables pour quiconque souhaiterait internaliser, et qui ne saurait compenser la marge du fournisseur.

Développement de compétences différenciantes

Le secteur de la blanchisserie étant encore en croissance, des investissements continus sont réalisés par les entreprises du secteur. Quand bien même l’internalisation permettrait de dégager des économies, il deviendrait compliqué pour le groupe de maintenir un parc de blanchisserie compétitif dans le temps par rapport aux entreprises spécialisées.

Gérer stratégiquement différentes activités

Mis à part des investissements dans des capacités de production, le niveau de qualification et la gestion des effectifs ne sont pas particulièrement problématiques. Le management d’une blanchisserie ne demande pas de compétences organisationnelles très développées.

La motivation

Grant suppose que la réactivité de l’interface client-fournisseur est supérieure à l’interface intégrée. Néanmoins, la question peut se poser selon si la blanchisserie intégrée est située au sein même du site PVCP ou globalisée pour une région ou une zone regroupant plusieurs sites. Dans le premier cas, la motivation pourrait être maintenue à flot si les employés en charge de la blanchisserie étaient associés aux équipes ménage. Dans ce cas précis, la formation d’une équipe pourrait pallier au manque de réactivité supposé par Grant.

Flexibilité

Grant distingue le besoin de flexibilité structurel qui impacte toute la chaîne de valeur et nécessite son intégration totale et le besoin de flexibilité n’impliquant qu’un maillon de la chaîne de valeur et qui sous-entend le recours à la sous-traitance. La demande incertaine liée à la clientèle de PVCP fait partie du deuxième cas de figure. Il n’existe une incidence directe qu’avec les équipes ménage qui nécessitent l’approvisionnement en linge pour accomplir leurs tâches. En revanche, il n’est aucune corrélation entre le linge et les loisirs, la restauration ou encore la maintenance. Chacune des activités fonctionne indépendamment les unes des autres.

Des risques en chaîne

Les risques en chaîne caractérisent l’impact d’un problème à un niveau de la chaîne de production intégrée sur les autres stades de la chaîne de valeur. Une grève dans l’usine d’une entreprise verticalement intégrée se répercute subséquemment sur les étapes de production amonts. Lorsqu’à l’inverse, l’entreprise sous-traite la production à au moins deux fournisseurs, elle dispose d’une alternative si l’un de ces deux fournisseurs est défaillant. Dans notre cas, le problème n’est pas particulièrement soulevé. L’internalisation ne pourrait pas se faire via une unique unité de production.

Il en faudrait à minima une par zone géographique pour des raisons de logistique évidentes. Si l’une des usines de production était défaillante, PVCP pourrait se reposer sur une voire plusieurs autres entités.

Par ailleurs, ce paragraphe met en évidence le danger du mono-sourcing. Sur qui ou sur quoi se reporter en cas d’insuffisance du fournisseur ?

Les résultats en lien avec les coûts de transaction et bureaucratiques sont résumés dans le tableau suivant. A chaque paramètre discuté précédemment est attribué une note de 1 à 5. Si le score obtenu in fine est supérieur à la moyenne, alors la réalisation d’une étude Make or Buy est justifiée. Dans le cas contraire, il est fort à parier que le résultat de l’étude ne préconise pas l’internalisation. Si le score obtenu est inférieur à la moyenne, nous préconisons donc un recours à la sous-traitance sans autre forme d’étude. Un lien vers le tableau Excel est disponible en annexe 3.

Tableau 5 Outil d'aide à la réalisation d'une étude "Make or Buy"

Selon le barème et les scores que nous avons déterminés, l’analyse « Make or Buy » n’est pas pertinente. Ce tableau nous permet de justifier le choix de réalisation ou non d’une analyse approfondie ; justification qui manquait lors de notre étude terrain. L’outil peut être complété et personnalisé pour répondre à d’autres problématiques achats de l’entreprise lorsque la question de l’internalisation se pose.

L’analyse du cycle de vie du secteur de la blanchisserie dans un premier temps puis l’analyse des coûts de transaction versus les coûts bureaucratiques nous laisse à penser que l’internalisation de la production n’est pas la juste solution. Dans ce cas, le recours au marché est inéluctable et l’attention est portée sur la gestion de la relation avec le fournisseur dominant LINEN en situation d’oligopole.

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