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PARTIE 2 – ETUDE TERRAIN

B. G ESTION DU FOURNISSEUR LINEN

En s’appuyant sur les résultats des études théorique puis pratique, nous tenterons d’apporter des pistes pour la gestion de LINEN. Nous y reprendrons les différentes stratégies identifiées paraissant seyantes et les appliquerons au cas de la blanchisserie sous forme de préconisations.

1. Maturité du service achats

Le service achats de Pierre & Vacances est constitué d’une vingtaine d’acheteurs répartis en deux grandes catégories : la direction projet et la direction des opérations.

Le service achats n’est pas encore totalement mature. C’est à partir de l’année 2010 que Martin De Neuville, Directeur Achats Groupe, entreprend ce qu’il qualifie de « route vers la maturité ». Le projet est d’abord caractérisé par l’objectivation de la question des économies pour mieux dimensionner le travail du service au sein de l’organisation. Il s’agit pour l’équipe d’ancrer les achats au travers de chiffres précis en accord avec la finance et le top management. C’est un travail de quatre ans qui permet in fine d’évaluer pleinement le rôle et l’impact des achats dans l’organisation.

De 2014 à aujourd’hui, le gain de maturité s’articule autour de l’implantation du service achats au sein des équipes business : le développement de la confiance des collaborateurs, la reconnaissance et l’intégration du service dans les comités de pilotage, la gestion de projet …

Enfin, les lignes directrices définies pour l’horizon 2020 sont orientées vers la prise d’initiative et la gestion de projets. On retrouve une partie consolidation du service via la définition d’une politique achats et d’une démarche de réduction des coûts, mais également une stratégie pour la première fois tournée vers l’extérieur de l’entreprise. Trois grandes notions viennent étayer cette orientation externe.

La mise en place d’une politique RSE

Dès sa création en 1967, le groupe s’est inscrit dans une logique RSE et développement durable qui n’était pas pourtant à l’époque un sujet d’actualité. La première station, Avoriaz, imaginée par Gérard Brémond, se voulait en effet sans voiture, chauffée à l’électricité (et non au mazout), et l’architecture pleinement intégrée au cadre pour ne pas dénaturer le paysage montagneux : « Les architectes se sont efforcés d’associer les formes, les volumes, les matériaux au paysage et à l’environnement » (avoriaz.com). Dans le prolongement de cette idée, les achats s’inscrivent plus profondément dans l’ADN du groupe à travers une politique achats responsables : la signature de la charte et la labellisation « Relations Fournisseur Responsables », l’adhésion au Pacte PME, l’augmentation de la part achats auprès d’ESAT et d’EAT et le recrutement d’acheteurs dédiés sont autant de signes esquissant la démarche RSE menée par les achats dans l’environnement extérieur.

Les achats et les enjeux de l’innovation

L’objectif est ici d’accompagner les business lines dans leurs enjeux de modernisation des parcs et de l’expérience clients. La stratégie menée demande aux achats une connaissance pointue des nouvelles technologies et une collaboration complète avec les parties prenantes. Parmi les grands projets, on retrouve notamment l’implémentation d’objets connectés dans les sites PVCP (contrôle de la température ambiante, optimisation du ramassage des déchets, comptage des flux etc.). Les enjeux

de ce programme requièrent l’implication des achats en tant que gestionnaires de projets dans la collecte d’informations via des études et des analyses de marché en profondeur.

Création de valeur partenariale

Le service achats est aujourd’hui plus ou moins impliqué dans la création de valeur partenariale qu’elle soit commerciale (générateur d’un CA commun avec Ikea), liée à l’image (partenariat avec Haribo) ou au produit même (partenariat avec Dolce Gusto). Son implication est encore plus forte dans les domaines stratégiques d’outsourcing des parties cœur du business comme les loisirs ou la restauration, ainsi que dans la création de valeur par les fournisseurs et le dégagement de bénéfices mutuels. Ce dernier point enracine PVCP dans une démarche partenariale orientée fournisseurs.

La stratégie de maturité de la fonction achats développée par Martin De Neuville révèle le souhait d’impliquer le service dans une logique collaborative, tant avec les prescripteurs internes qu’avec l’environnement extérieur. Néanmoins, les considérations sont récentes et la vision partenariale avec les fournisseurs n’est qu’à ces prémisses.

Nous avons abordé dans la partie théorique deux grands courants contraires que sont la relational based view et la relation arm’s length. L’étude terrain réalisée ensuite a mis en exergue ces deux approches et nous avons pu apprécier le rôle déterminant de la stratégie groupe et celui du directeur achats dans l’insufflation des grandes lignes directrices de sa politique. Ainsi, l’analyse de la stratégie achats du groupe nous permet de diriger notre réflexion sur la gestion des fournisseurs dominants en situation d’oligopoles. La RSE est historiquement intégrée dans l’ADN de PVCP et les récentes démarches achats démontrent une volonté de prolonger cette conduite au travers d’une cohérence partenariale avec les fournisseurs.

2. Préconisation / Application à la blanchisserie chez PVCP

Par souci d’homogénéité avec la politique achats de l’entreprise, nous préconisons donc l’établissement d’une relation de confiance avec le fournisseur et chercherons à jouer sur l’attractivité de PVCP pour le développement de la motivation chez LINEN. L’objectif affiché est de faire passer LINEN de fournisseur Leurre à fournisseur Cœur.

Le co-développement

Le co-développement est une notion évoquée chez Safran dans le cas des pièces forgées. L’entreprise spécialisée dans l’aéronautique reste à l’écoute de son fournisseur pour le développement d’activités nouvelles. Nous avons abordé plus tôt les grands axes de la stratégie achats de PVCP pour l’horizon 2020 dans lesquels figurait l’innovation. Les nouvelles technologies bouleversent en effet le paysage actuel. Tréhan dira dans un article paru sur Décision Achats le 26/01/2016 : « L’environnement est plus volatile, ne serait-ce qu’à cause des nouvelles technologies. Il est grand temps de réinventer les achats et notamment renouveler la relation fournisseurs. ». C’est dans ce contexte que nous préconisons au groupe PVCP de développer conjointement avec LINEN un projet en lien avec les nouvelles technologies : les puces RFID.

L’implantation de ces puces dans les draps et serviettes pourrait dans un premier temps régler les litiges sur les pertes de linge et sur les erreurs de quantités livrées puisqu’il serait tracé de sa sortie de l’usine jusqu’à son retour.

Elles permettraient également d’évaluer avec exactitude le nombre de cycles subit par chaque article. Aujourd’hui, les contrats précisent une certaine durée de vie du textile avant son retrait du circuit. L’identification de l’année de mise en service est généralement réalisée via un code couleur visible. Après par exemple trois ans de circulation, tous les draps et serviettes identifiés grâce à ce code couleur sont évincés. La problème qui se pose avec cette technique est que le linge servant de stock de sécurité est lui aussi sorti du circuit alors même qu’il n’a jamais subi un lavage. Avec la puce, il serait possible de définir une durée de vie non pas en années mais en cycles. L’usure du linge serait optimisée, le gaspillage diminué et fournisseur comme clients en retireraient un bénéfice.

Enfin, l’identification RFID permettrait de limiter le tri effectué par l’homme puisque des machines seraient capables de diriger le linge dans les circuits appropriés de manière totalement autonome. Les manipulations humaines seraient réduites pour une meilleure qualité sanitaire.

Alors que cette technologie est déjà déployée dans certains vêtements de travail traités par le blanchisseur, le linge de maison en est toujours dépourvu. LINEN est en revanche en retard par rapport à l’un de ses plus gros concurrents européens qui a d’ores et déjà équipé son linge de puces à radio identification.

L’idée de la stratégie à développer est ici de démontrer à LINEN notre souhait de participer au développement de l’innovation dans les nouvelles technologies au sein de son business.

Suivi de la qualité

La qualité des prestations de LINEN est parfois remise en cause par de nombreux directeurs et directrices de sites en France. Les remarques les plus récurrentes concernent la qualité du linge livré, les quantités d’article non conformes à la commande ou des délais de livraison non respectés. PVCP implémente aujourd’hui un outil, une application smartphone, permettant aux opérationnels sur sites de faire remonter l’information jusqu’au service achats grâce à un questionnaire ciblé. L’utilisation de l’application est prometteuse et le reporting effectué permet de générer des statistiques pertinentes reflétant la qualité de service de LINEN. Néanmoins, nous devons également nous remettre en question et ne pouvons rejeter toute la faute sur notre prestataire. Nous ne sommes pas actuellement en mesure de déterminer les irrégularités dans les actions de nos employés.

Le dessein est de s’ancrer dans un raisonnement d’amélioration continue avec notre prestataire. L’application actuellement employée nécessite encore des corrections et des affinements et il serait bien venu de la développer conjointement avec LINEN.

L’avantage du développement mutuel d’un outil de mesure de la qualité de service est double. Premièrement, il permettrait d’avoir une vision globale et authentique de la réalité terrain. Nous pourrions déterminer concurremment les axes d’amélioration tant chez le prestataire que chez PVCP. Le nombre de litiges serait réduit et la coopération accrue.

Deuxièmement, cette méthode consent à déployer des actifs spécifiques pour les deux parties, améliorant ainsi la « captivité » de chacun (objectif de création d’une interdépendance selon la matrice de Bensaou).

Développement conjoint à l’international

Comme abordé au début de cette partie, le groupe PVCP se développe à l’international comme en Chine ou en Espagne. LINEN, de son côté, s’implante également à l’étranger à force d’acquisitions ciblées. On notera notamment le rachat d’une entreprise espagnole en 2016 qui l’amène en tête du marché ibérique de la blanchisserie.

Alors, dans quelle mesure peut-on collaborer avec LINEN pour un développement mutuel à l’international et spécialement en Espagne ?

Concéder plus de CA au prestataire actuel peut être à double tranchant. Il en résulterait une augmentation de la dépendance pour PVCP mais enverrait également des signes de confiance. Aujourd’hui, le choix des blanchisseurs pour les sites Pierre & Vacances en Espagne est décentralisé et laissé aux directeurs des structures. Le service achats n’a effectivement pas encore d’influence

prononcée dans ce pays mais les choses sont amenées à changer. Il se posera alors la question de savoir à qui octroyer le marché. De récentes études ont démontré qu’il existait des entreprises concurrentes de LINEN capables de répondre à un appel d’offres dans la péninsule.

La dépendance est actuellement trop forte et la classification de LINEN en tant que fournisseur Leurre nous invite à rester prudent. Nous ne préconisons donc pas d’entamer des procédures de développement mutuel à l’international à l’heure actuelle. Néanmoins, cette stratégie doit être réservée pour plus tard afin de renforcer éventuellement des liens d’interdépendance développés au préalable. Il est en effet nécessaire d’user d’autres méthodes moins risquées avant de se lancer dans une telle entreprise.

Développement de fournisseurs tiers

Notre étude pratique a révélé un point tout à fait remarquable qui est le développement de fournisseurs tiers. Les entreprises Safran, Renault, Rocher et AB-InBen ont toutes, malgré des stratégies de gestion des fournisseurs différentes, enregistré des démarches de sortie du mono- sourcing. Elles encouragent des fournisseurs à développer les capacités de production nécessaires et/ou les accompagnent dans le procédé. En effet, pour reprendre notre conclusion de l’étude terrain, le développement de la confiance et d’une interdépendance n’est pas un aboutissement en soi. Être acheteur exige de reconnaître et d’anticiper le plus de risques possibles et rien n’affirme qu’un fournisseur cœur ne soit pas sujet à un problème tant externe qu’interne mettant en péril sa propre activité et celle de ses clients. Par ailleurs, être en mono-sourcing implique la même problématique que l’internalisation : Sur qui ou sur quoi se reposer en cas de défaillance du fournisseur unique ?

En parallèle du développement d’une relation de confiance avec LINEN, nous préconisons donc d’accompagner d’autres prestataires dans leur expansion.

Il en existe par ailleurs un, OUTSLINEN, historiquement lié au groupe, qui a toujours répondu aux appels d’offres et a toujours démontré une volonté de développement sur le territoire national. Nous le classons parmi les fournisseurs dits « prometteurs » qui ne possèdent pas les capacités de production adéquats mais qui présentent de forts signes de motivation.

Son accompagnement ne serait cependant pas une mince affaire. Comment lui offrir plus de CA alors que pratiquement tout notre marché est d’ores et déjà accordé à un autre prestataire ?

1. Nous pouvons recommander le prestataire à d’autres compagnies nécessitant l’intervention d’un blanchisseur. Nos prestataires de restauration par exemple sont indépendants et le traitement des nappes, serviettes et torchons n’est pas du ressort de Pierre & Vacances Center Parcs. Nous pouvons cependant préconiser OUTSLINEN à ces restaurateurs.

2. Les vêtements de travail des employés de Pierre & Vacances sont aujourd’hui traités en interne. Il est possible d’externaliser une partie de leur entretien auprès de OUTSLINEN. 3. Autrement, il reste l’éventualité d’octroyer à OUTSLINEN le traitement futur du linge de sites

en construction, bien que le risque de friction avec LINEN soit réel.

V. CONCLUSION

En synthèse de cette dernière partie, nous avons évoqué sans donner suite à la possibilité d’internalisation de la blanchisserie. Nous avons vu au travers de nos recherches théoriques que les conditions ne se prêtaient pas à l’étude préalable d’une solution « Make or Buy ». Subséquemment, nous avons donc préconisé le développement d’une relation de confiance avec notre actuel prestataire LINEN, répondant ainsi à la politique régit par le directeur achats groupe de PVCP. Nos recommandations ont porté sur la démonstration de notre volonté de travailler en collaboration étroite avec LINEN par le co-développement, l’amélioration continue de la qualité de service et dans une autre mesure au développement conjoint à l’international.

De par ces différentes actions, nous souhaitons développer l’attractivité de PVCP pour le prestataire LINEN dans le but de créer une relation d’interdépendance.

Faisant échos aux entretiens menés auprès de différents acteurs du monde des achats, nous conseillons également de maintenir de bonnes relations avec d’autres fournisseurs pressentant à se développer sur le territoire national. Ils sont une source d’alternatives concrètes pouvant pallier à une insuffisance du prestataire dominant en situation d’oligopole.

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