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6. Discussion générale

6.1 Hypothèses – volet agronomique

Dans le volet agronomique, la première hypothèse qui a été confirmée en partie est qu’un semis tardif de blé augmente les risques d’infection par la fusariose de l’épi. Dans quelques essais, la teneur en DON et le pourcentage d’épillets fusariés (FHB index) ont augmenté significativement avec une date de semis tardive. Le phénomène est particulièrement intéressant aux sites de Normandin et Saint-Augustin-de-Desmaures en 2011 où les précipitations ont probablement joué un rôle important. À ces sites, même si la quantité de précipitations se trouvait sous les normales, les événements de pluie (> 1 mm) ont été fréquents dans la période où la floraison et les applications fongicides ont eu lieu (Annexe A). L’effet de la date de semis a également été observé dans une étude menée en Ontario où un semis tardif a augmenté le FDK et la teneur en DON des grains (Ma et coll. 2013). Un semis tardif augmente les probabilités que la floraison du blé coïncide avec une humidité relative et des températures élevées (Castonguay et Couture 1983). En effet, la période de l’année où a eu lieu la floraison du blé est la plus chaude de l’année à tous les sites. De plus, la fréquence élevée des précipitations a mené à une humidité relative supérieure à 80% particulièrement dans la période où les dernières applications fongicides ont eu lieu aux sites où l’incidence de la fusariose était élevée en 2011 (Annexe A). De telles conditions accentuent la gravité des symptômes de la fusariose de l’épi et augmentent la teneur en DON des grains (Subedi et coll. 2007a; Hollingsworth et coll. 2008). Ces conditions peuvent aussi mener à une diminution de rendement et de poids spécifique (Hollingsworth et coll. 2008). En Ontario, un semis tardif a mené à des pertes de rendement de l’ordre de 15 à 45 %, car le blé était plus sévèrement atteint par la fusariose de l’épi et par des maladies foliaires (Subedi et coll. 2007a). Les semis tardifs ont également mené à de telles pertes particulièrement en 2011. Toutefois, les maladies foliaires n’ont pas été évaluées dans le cadre de notre projet et on ne peut mesurer quel impact elles ont eu sur le rendement. La diminution de rendement associée à une date de semis tardive peut également être expliquée par la période de remplissage du grain qui est moins longue. Un blé semé tardivement poussera sous des

conditions plus chaudes ce qui accélère son développement phénologique (Subedi et coll. 2007b). En effet, à Saint-Mathieu-de-Beloeil en 2011 et à trois sites sur quatre en 2012, plus le blé était semé tardivement, plus la période pour atteindre la maturité physiologique raccourcissait, ce qui correspond aux observations de Subedi et coll. (2007b) (Annexe B). En résumé, l’effet de la date de semis n’est pas constant dans tous les sites et années, mais une tendance semble se dessiner. Un semis tardif augmente les risques de fusariose ce qui contribue à faire diminuer la qualité du blé. L’incidence de la fusariose combinée à une courte période de remplissage des grains a probablement causé la diminution des rendements. Ce phénomène est plus marqué lorsque la maladie est fortement présente au champ, mais la faible incidence de fusariose de l’épi observée dans la majorité des essais ne permet pas de confirmer totalement l’hypothèse.

La seconde hypothèse qui a été confirmée en partie est que l’utilisation d’un cultivar moins sensible à la fusariose et l’application d’un fongicide vers la mi-floraison (Z65) diminuent les impacts de la fusariose de l’épi ainsi que la teneur en DON des grains. La première partie de l’hypothèse qui concerne les propriétés du cultivar a été infirmée. À quelques reprises, ils ont influencé le niveau d’infection à la fusariose de l’épi et les rendements, mais leur effet n’a pas été constant dans les différents sites expérimentaux. En 2011, les résultats obtenus concordent avec ceux des essais de cultivars au Québec (RGCQ 2012), tandis qu’en 2012 certaines divergences apparaissent. Les conditions pédoclimatiques locales peuvent avoir créé ces différences. La combinaison cultivar-site a particulièrement influencé les rendements dans des essais tenus au Wisconsin aux États-Unis (Lackermann et coll. 2011). Le cultivar Torka est celui qui est le plus sensible à la fusariose de l’épi et qui est le plus productif (RGCQ 2012). Tel qu’énoncé, l’année 2012 n’était pas propice aux épidémies de fusariose pour les deux cultivars dans les quatre sites expérimentaux. Ainsi, les différences trouvées pour les données d’infection liées à la fusariose sont significatives statistiquement, mais les faibles valeurs numériques ont peu de signification agronomique. Nos résultats concordent avec ceux de Landschoot et coll. (2012) qui expliquent l’effet variable de la variété par le fait que la différence entre deux cultivars (moyennement résistant et sensible) est plus marquée lorsqu’il y a une épidémie que lorsqu’il n’y en a pas. Le cultivar s’avère quand même être un choix important autant pour ses caractéristiques de résistance à la maladie que pour son potentiel de rendement pour optimiser la qualité de la récolte.

La partie de l’hypothèse mentionnant que l’application d’un fongicide vers la mi-floraison (Z65) diminuent les impacts de la fusariose de l’épi ainsi que la teneur en DON des grains a, quant à elle, été confirmée. Plusieurs effets du fongicide ont été notés sur la récolte. Le fongicide utilisé est un mélange de tébuconazole et de prothioconazole, deux matières actives faisant partie de la famille des triazoles. Dans la plupart des essais de blé de printemps, l’application du fongicide à la floraison a permis de diminuer la teneur en DON des grains et d’augmenter les rendements. La diminution de la teneur en DON des grains dépassait rarement 50 % et était du même ordre que celle mentionnée dans la méta-analyse sur l’efficacité des fongicides de Paul et coll.

(2008). Les différences créées par le fongicide étaient généralement plus prononcées lors d’une épidémie, mais elles ont également pu être observées lorsque la pression de la maladie dans les parcelles expérimentales était faible. La différence d’efficacité entre les années et les sites pour la teneur en DON, le FDK et le FHB index peut s’expliquer par de possibles interactions entre le fongicide utilisé, le complexe de pathogènes de la fusariose de l’épi et l’environnement (Paul et coll. 2008). De plus, peu d’études ont tenu compte de l’interaction du fongicide avec les facteurs abiotiques sur la croissance mycélienne et la production de mycotoxines (Magan et coll. 2002). Ces facteurs ont un impact certain sur le développement de la maladie et du niveau de répression du fongicide. L’inondation survenue à Saint-Mathieu-de-Beloeil en 2012 est un facteur abiotique qui a certainement pu participer à une telle interaction en créant de l’hétérogénéité dans le développement des parcelles. De plus, des interactions entre l’application d’un fongicide à la floraison et le cultivar ou la date de semis ont été fréquemment observées. À plusieurs reprises, le fongicide a été plus efficace pour diminuer la teneur en DON des grains pour le blé semé aux dates hâtives et intermédiaires. Son effet était plus prononcé pour le cultivar Torka, le plus sensible à la fusariose de l’épi. L’application de fongicide à la floraison a également permis d’augmenter le rendement, avec des augmentations plus marquées pour le cultivar Torka et pour le blé semé tardivement. Étant donné que le cultivar Torka produit généralement un plus grand rendement que le cultivar AC Barrie (RGCQ 2012), le fongicide semble avoir provoqué des augmentations proportionnelles au potentiel de chacune des variétés. De plus, les fongicides de la famille des triazoles sont reconnus pour augmenter la vigueur de la feuille étendard et de retarder sa sénescence (Blandino et Reyneri 2009). Une feuille étendard en santé permet de maintenir une activité photosynthétique intense et pourrait donc contribuer à augmenter les rendements (Blandino et Reyneri 2009). Des augmentations de rendement ont aussi été observées dans plusieurs études utilisant un fongicide contre la fusariose de l’épi (Rossi et coll. 2007; Hollingsworth et coll. 2008; Amarasinghe et coll. 2013). Bien que l’effet du fongicide soit plus spectaculaire pour le blé semé tardivement, les rendements totaux diminuent avec une telle date de semis tel qu’expliqué précédemment. Avec ou sans application de fongicide à la floraison, un semis hâtif de blé est préférable pour maximiser la récolte. Pour le blé d’automne, l’application de fongicide à la floraison a permis de diminuer la teneur en DON des grains, mais n’a pas eu d’effet sur le rendement. Les fongicides seraient généralement plus efficaces chez le blé de printemps que chez le blé d’automne (Paul et coll. 2008). Le blé d’automne se développe plus tôt en saison quand la pression de maladie est généralement plus faible, ce qui peut expliquer l’absence de différence de rendement après une application de fongicide. Bref, même si l’application de fongicide a permis de diminuer la teneur en DON chez le blé de printemps et d’automne, elle ne garantit pas que celle-ci sera sous le seuil de 2 ppm, limite maximale acceptée pour le blé destiné à la consommation humaine (Agence canadienne d’inspection des aliments 2012). L’utilisation du fongicide doit être combiné avec l’utilisation de cultivars les plus résistants possibles à la maladie pour optimiser la qualité de la récolte (Paul et coll. 2008; Amarasinghe et coll. 2013).