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2.2 DU « PAS DE CÔTE » OU DU DETOUR PAR LE TRAVAIL DES ENSEIGNANTS

2.2.1 Des hypothèses de travail

2.2.1.1 Une maturation du conseil en formation concomitante à la professionnalisation du métier d’enseignant.

La transformation des dispositifs de formation dans le domaine de l'enseignement reconfigurent les situations de conseil et d’accompagnement des enseignants.

La réforme de la formation des enseignants lauréats de concours engagée depuis 2008 dite réforme de la mastérisation interroge les modalités d’organisation et le contenu de la formation des enseignants contractualisables dans son articulation entre pratiques professionnelles et apports théoriques. Comment une formation disciplinaire, didactique, pédagogique à la gestion de classe et une pratique sur le terrain concourent-elles à l’apprentissage du métier d’enseignant ? La mastérisation de la formation initiale des enseignants concentre l'apprentissage du métier à la maîtrise d'une discipline universitaire. Les masters « enseignement » ont vocation à garantir un niveau de formation à la fois théorique et professionnelle, cependant ils formeraient principalement aux savoir-faire didactiques attendus des enseignants et à la préparation des concours. La mastérisation comme universitarisation de la formation vise à élever le niveau de qualification au moment

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du recrutement à bac +5, et continue d’accorder la priorité à une démarche de formation référée à la spécialisation et à la maîtrise des savoirs.

De son côté, l’enseignement privé recrute des délégués auxiliaires avec un niveau de qualification moindre, BAC+ 3 le plus souvent. Ce procédé administratif permet d’assurer le taux d’encadrement des élèves et tend à réduire l’enseignement à une affaire de talent personnel. Envoyés devant les élèves sans formation professionnelle préalable, ces enseignants, pour ne pas simplement transmettre des savoirs au sens le plus étroit du terme et conserver leur emploi par une qualité du travail rendu, ont du apprendre en situation de travail à répondre aux diverses tâches qui leur incombent.86

La question de l’accompagnement des enseignants en formation d’enseignant connaîtrait une maturation parallèle à celle de la professionnalisation du métier initiée en 1989 avec la création des IUFM et accentuée en 2006 et 2010 par l’élaboration d’un référentiel de compétences du métier d’enseignant. La diversité des parcours professionnels des cdisables conduisant à leur titularisation poserait la question de la construction des compétences et de leur évaluation. Avec elle, ce serait la question du conseil dans sa contribution au développement des compétences attendues qui se poserait. La formation des contractualisables ne se réduirait à une affaire de formations stagifiées dont le contenu s’adapterait aux évolutions du système éducatif (conseiller des formations adaptées, logique ingénierie de formation) mais à la combinaison de plusieurs modalités de formation en situation de travail articulées aux organisations de travail des établissements et aux pratiques managériales des chefs d’établissement (conseiller des modalités de formation, logique ingénierie de la professionnalisation). Le métier d’enseignant parce qu’il se serait complexifié impliquerait un conseil en formation qui tienne compte de ses évolutions pour être adapté.

2.2.1.2 La titularisation comme objet symptôme de reconnaissance professionnelle.

La contractualisation mettrait en jeu chez des enseignants une négociation parfois difficile d’une image de soi professionnelle (et corrélativement une image pour autrui) et un jugement de compétence. Le contractualisable doit gérer cette situation paradoxale et compliquée d’être amené à dire ce qu’il ne sait pas faire alors même qu’il est en cours de contractualisation et qu’il doit faire valoir ce qu’il sait faire pour être titularisé.

Les cdisables seraient davantage préoccupés par la recherche d’un statut qui leur garantirait un emploi et moins par un souci de professionnalisation. La titularisation apparaîtrait comme l’objet symptôme de reconnaissance professionnelle. Avec elle, l’enseignant serait rendu comme à l’égal des professeurs certifiés. Cet enjeu pourrait primer au point de les occulter d’autres enjeux à plus long termes tout aussi cruciaux pour bien vivre leur métier.

86Préparer et enseigner des cours, cerner et résoudre les difficultés d’apprentissage des élèves, , diversifier les

approches pédagogiques et motiver les élèves, développer des usages didactiques et pédagogiques des outils numériques, personnaliser l’accompagnement des élèves et participer à leur orientation, décloisonner les disciplines et participer à des projets pluridisciplinaires, organiser la travail de la classe par une approche compétence, entretenir des relations avec les familles, travailler en équipe…

60 2.2.1.3 Une professionnalisation construite au cours de l’expérience.

Les cdisables se caractérisent par une expérience du métier d’au moins six années. Dès lors leur processus de professionnalisation se serait développé dans le temps, avec plus ou moins de fortune selon les collectifs de travail, par l’exécution de tâches en situation professionnelle. Ce serait dans la répétition des tâches au cours de la pratique et avec la rencontre inattendue de situations de travail singulières à surmonter, que les enseignants contractualisables auraient forgé leurs expériences et construit leur professionnalité et non dans la transposition de connaissances acquises en formation (master universitaire enseignement ou formation de la structure).

Sans opposer connaissances et compétences dans la mesure elles peuvent se développer conjointement – les connaissances peuvent favoriser l’acquisition de l’expérience, et à travers des expériences peuvent s’élaborer des connaissances – les enseignants mobiliseraient des compétences techniques, éthiques, sociales, une intelligence du travail, acquise par la pratique et pour accomplir le travail (thèse de l’investissement subjectif)87sans nécessairement disposer par manque de formation des connaissances génériques, stéréotypiques des situations d’enseignement et des actes d’enseigner. Sans une conscientisation de ses savoirs de référence, ils ne peuvent rapporter leurs expériences par définition, contextualisées et situées, à des connaissances stables et standard pour élaborer, formaliser, élucider leurs expériences.