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Hypothèses théoriques

II. Partie expérimentale

II.1. Hypothèses théoriques

Selon Baddeley et Gathercole, la boucle phonologique joue un rôle fondamental dans l’acquisition du vocabulaire jusqu’à l’âge de six ans. Elle permet de retenir temporairement des nouveaux mots, pendant que des représentations phonologiques plus stables sont construites en mémoire à long terme. Le niveau de vocabulaire des jeunes enfants varierait donc en fonction de l’efficience leur mémoire phonologique.

Du point de vue de Metsala et collaborateurs, la croissance du vocabulaire durant le développement provoque un processus de segmentation des représentations lexicales en unités phonologiques plus fines. Ce phénomène, que Metsala appelle la « restructuration lexicale », est considéré comme une prémisse à l’émergence de la conscience phonologique. Pour cette chercheuse, les habiletés phonologiques et métaphonologiques exercent une grande influence dans le développement lexical.

Bowey suggère que la mémoire phonologique à court terme, aussi bien que les habiletés phonologiques, pourraient découler d’un processus phonologique latent. Ce processus serait le déterminant causal de l’acquisition du vocabulaire.

Majerus propose de considérer la mémoire à court terme verbale comme un processus formé de deux composantes indépendantes. La première serait destinée au stockage temporaire des caractéristiques phonologiques, lexicales et sémantiques des informations verbales et impliquerait une activation temporaire du système langagier. La seconde composante serait responsable du maintien de l’information sur l’ordre sériel. Chacune de ces composantes serait en lien avec les performances en vocabulaire, mais c’est la composante spécialisée dans le maintien de l’information sérielle qui serait déterminante pour l’acquisition du lexique.

II.2. Méthode

II.2.1. Participants

Notre échantillon est composé de vingt enfants âgés de 4,6 ans à 5,4 ans (moyenne d’âge 4,9 ans). Il s’agit de dix filles et de dix garçons de langue française, scolarisés dans deux écoles genevoises en classe ordinaire de première enfantine. Ces enfants poursuivent un développement normal. Les données de tous les participants ont pu être retenues.

Par mesure de simplification, nous utiliserons le masculin pour parler des participants à notre recherche dans la suite de ce travail.

II.2.2. Matériel

Les quinze épreuves que nous avons sélectionnées sont tirées de différentes batteries de tests standards ou du matériel utilisé antérieurement pour d’autres recherches. Elles sont destinées à évaluer les compétences phonologiques, la mémoire de travail, l’intelligence non verbale et le niveau lexical des participants. Les épreuves suivantes ont été présentées en format papier-crayon : « Mémoire des chiffres », « Subtest matrices », « Subtest identification de concepts », « Dénomination », « Sensibilité phonologique », « Conscience phonologique » et

« Evaluation du niveau lexical réceptif». D’autres tâches ont été présentées sur ordinateur. Il s’agit des épreuves « Répétition de mots similaires », « Répétition de mots dissimilaires »,

« Répétition de mots courts », « Répétition de mots longs », « Répétition de pseudo-mots - Tâche du château », « Discrimination phonologique », « Epreuve de mémoire sérielle – La course des animaux» et « Vitesse de traitement ». Pour ces épreuves, nous avons utilisé deux ordinateurs portables, l’un de marque Toshiba Satellite A110-378 et l’autre de marque Hewlett-Packard Pavillon.dv5000, deux casques audio Sony MDR-V200, deux microphones Audio technica cardioid ATR 20 et, enfin, le logiciel informatique prime 2.0 (run et E-studio).

II.2.3 Procédure et tâches

La phase expérimentale de notre recherche a duré trois mois, de mars 2007 à juin 2007. Nous avons constitué deux équipes de deux expérimentatrices chacune afin de nous rendre dans les établissements scolaires participant à notre étude. Ces écoles ont mis à notre disposition une salle où nous avons pu installer notre matériel et procéder aux passations. Chaque enfant a été reçu de manière individuelle pendant l’horaire scolaire par deux expérimentatrices. Nous avons divisé la passation en trois sessions d’une durée d’une demi-heure chacune, afin de limiter l’effet de la fatigue sur nos jeunes participants. Un exemplaire du protocole de passation incluant le détail des sessions et des épreuves est annexé au présent document (voir annexes 3, 4 et 5).

II.2.3.1 Epreuves de mémoire de travail :

II.2.3.1.1 Epreuves de mémoire à court terme phonologique

« Mémoire de chiffres » (Wechsler, 2005)

Cette tâche d’empan verbal tirée du WISC est destinée à évaluer les capacités de la boucle phonologique. L’expérimentateur énonce des séquences de chiffres d’une longueur croissante (de deux à neuf chiffres). Le participant doit répéter chaque série immédiatement et dans l’ordre entendu. Contrairement aux dispositions de l’épreuve originale, nous n’avons pas

procédé au test d’empan dans l’ordre inverse car des recherches précédentes ont montré un effet « plancher » sur cette mesure.

« Répétition de mots phonologiquement similaires » (Poncelet & Van der Linden, n.d.) Cette épreuve nécessite l’utilisation d’un ordinateur, d’un casque et d’un micro.

Des séries enregistrées de deux à six mots monosyllabiques phonologiquement proches (par exemple : poids – noix) sont présentées auditivement à l’enfant dans l’ordre croissant, par le biais du casque. L’enfant doit répéter chaque séquence de mots en respectant l’ordre entendu.

Ses réponses sont enregistrées sur l’ordinateur afin d’être analysées ultérieurement. A l’issue de cette tâche, nous calculons l’empan verbal et le taux de réponses correctes, afin d’évaluer la boucle phonologique, plus précisément la capacité du stock phonologique.

« Répétition de mots phonologiquement dissimilaires » (Poncelet & Van der Linden, n.d.) Nous présentons au participant des séquences de deux à sept mots monosyllabiques phonologiquement différents (par exemple : vase - thé), qu’il doit retenir en mémoire à court terme puis reproduire dans l’ordre. Cette tâche complète la précédente et vise le même objectif d’évaluation. Nous appliquons les procédures de passation et de cotation décrites dans l’épreuve « Répétition de mots similaires ».

« Répétition de mots longs » (Poncelet & Van der Linden, n.d.)

Dans cette tâche, nous présentons au participant des séries de mots de trois ou de quatre syllabes (par exemple : locomotive – balançoire). La longueur des séquences augmente progressivement de deux à sept mots. Le participant doit répéter les suites de mots entendus en respectant l’ordre de leur présentation. Nous appliquons les procédures de passation et de cotation décrites sous « Répétition de mots similaires ». Avec ce test, nous avons pour objectif d’évaluer les capacités de la boucle phonologique des participants, en particulier le fonctionnement du processus de récapitulation articulatoire.

« Répétition de mots courts » (Poncelet & Van der Linden, n.d.)

Cette tâche complète la précédente et poursuit les mêmes objectifs d’évaluation. La seule différence réside dans le choix des mots-cibles, qui sont des mots monosyllabiques (par exemple : herbe - sucre). A nouveau, nous appliquons les procédures de passation et de cotation décrites dans la tâche « Répétition de mots similaires ».

« Répétition de pseudo mots - Tâche du château » (Majerus et al., 2006)

Cette épreuve, entièrement informatisée, permet d’évaluer la mémoire à court terme en maximisant l’effet de l’information sur l’item. Il s’agit d’une tâche de rappel de pseudo-mots monosyllabiques de structure CVC présentés individuellement. Nous avons repris la procédure, ainsi que vingt-deux pseudo-mots de la tâche nommée «Delayed item repetition (the castle task): Short-term retention interval » mise au point par Majerus et al. La complexité structurelle des pseudo-mots sélectionnés a été pondérée en fonction de l’épreuve originale.

Cette épreuve est présentée à l’enfant sous la forme d’un jeu. Nous lui racontons qu’il est un aventurier ou une princesse qui se trouve enfermé dans un château. Pour sortir, il devra ouvrir plusieurs portes en répétant les mots magiques qu’il entendra au travers du casque audio. Si, durant le test, il ne se souvient pas d’un mot magique, nous pourrons « ouvrir la porte » pour lui à l’aide d’une « clé d’or ». L’enfant est assis face à l’écran de l’ordinateur et porte un casque audio. L’image d’un château s’affiche d’abord sur l’écran, puis des portes de différentes couleurs apparaissent au fur et à mesure du déroulement de la tâche. A chaque porte, l’enfant entend un pseudo-mot qu’il doit répéter immédiatement. Ensuite, nous lui demandons de répéter la syllabe « bla » durant trois secondes. Lorsque le temps est écoulé, nous l’invitons à rappeler encore une fois le pseudo-mot. Cette épreuve comprend deux items d’essai et vingt items de test. Les réponses de l’enfant sont consignées sur la feuille de cotation et enregistrées. Nous obtenons un score de rappel de pseudo-mots après suppression articulatoire.

II.2.3.1.2 Epreuve de mémoire sérielle

« Epreuve de mémoire sérielle - La course des animaux » (Majerus & al., 2006)

Cette épreuve, mise au point par Majerus et al. (2006), permet d’évaluer l’empan verbal des participants en maximisant l’effet de l’ordre séquentiel de présentation des items. Elle nécessite l’installation d’un casque audio, d’un micro et d’un ordinateur portable. Un podium en carton et sept petites cartes représentant chacune un animal sont également nécessaires (voir annexe 2). Conformément à l’épreuve originale, nous avons utilisé sept noms d’animaux monosyllabiques de haute fréquence acquis par les très jeunes enfants, soit chien, chat, loup, ours, lion, coq et singe. La procédure est la suivante :

Des séquences de deux à six animaux sont présentées aux participants par ordre de difficulté croissant, au travers du casque audio relié à l’ordinateur. Afin que l’enfant s’investisse dans la tâche, l’expérimentateur lui raconte que des animaux participent à une course. Il s’assure que l’enfant connaisse le nom de chaque animal représenté et qu’il sache comment les placer sur le podium. Des séries de trois courses sont proposées à chaque étape. Le concours commence par trois courses de deux animaux chacune, puis l’expérimentateur annonce à l’enfant qu’un animal de plus va participer à la série suivante. Six animaux prendront part aux trois dernières courses. Après chaque épreuve, l’enfant écoute l’ordre d’arrivée des animaux dans le casque audio. L’expérimentateur lui donne ensuite les cartes des animaux correspondants, dans l’ordre alphabétique. L’enfant doit placer ces cartes sur le podium en respectant l’ordre d’arrivée entendu. L’expérimentateur prend note du classement avant de passer à la série suivante.

II.2.3.2 Epreuve de phonologie

« Discrimination phonologique » (Laboratoire de Développement et des Troubles du Langage, Université de Genève)

Nous souhaitons évaluer les compétences de discrimination phonologique des participants au travers d’un test de discrimination de non-mots. Ce test est composé de cinquante-deux paires de pseudo-mots monosyllabiques de structure « consonne-voyelle-consonne » (voir annexe 1). Les phonèmes /a/ et /l/ sont présents dans tous ces pseudo-mots. La moitié des items est constituée de paires de pseudo-mots identiques. Les vingt-six couples restants sont composés de pseudo-mots qui diffèrent par un seul trait articulatoire sur la première ou la dernière consonne (voir protocole en annexe). Ces items ont été préalablement enregistrés selon un ordre pseudo-aléatoire et dans différents niveaux de bruit. Avant de commencer le test, l’expérimentateur énonce quatre paires de pseudo-mots à titre d’essai. A ce stade, il importe de s’assurer que l’enfant comprenne bien les notions de similarité et de différence et de les lui expliquer si nécessaire. Ensuite, l’enfant est invité à écouter les items au travers du casque audio. Nous lui demandons de nous dire, après chaque item, si les pseudo-mots qu’il a entendus étaient « les mêmes » ou « différents ». Une pause est respectée systématiquement après six couples de pseudo-mots. Chaque réponse correcte est créditée de un point.

II.2.3.3 Epreuves de métaphonologie

« Sensibilité phonologique – N-E.E.L. » (Chevrier-Muller & Plaza, 2001)

Nous évaluons le niveau de sensibilité phonologique des participants en leur proposant l’épreuve nommée « sensibilité phonologique » provenant du test N-E.E.L. Cette épreuve est constituée de dix paires de mots monosyllabiques sur lesquels l’enfant doit porter un jugement de rime. Avant de commencer le test, nous nous sommes assurées que le participant comprenne bien la notion de rime en lui fournissant des explications, des exemples et en lui proposant quelques items d’essai.

« Conscience phonologique » (Mousty, Leybaert, Alegria, Content, & Moraïs, 1994)

La conscience phonologique, ou capacité à manipuler les sons au sein d’un mot, est également évaluée. Nous la testons grâce à l’épreuve « soustraction de syllabes » provenant du test B.E.L.E.C. L’expérimentateur énonce dix pseudo-mots bisyllabiques à l’enfant et lui demande, pour chacun d’entre eux, de soustraire la première syllabe et de produire la syllabe restante.

II.2.3.4 Epreuves d’intelligence non-verbale

« Subtest matrices » (Wechsler, 2004)

Il s’agit ici d’un test à choix forcé tiré de la WPPSI, constitué de différentes planches dont la difficulté augmente progressivement. L’enfant a pour tâche de choisir, parmi quatre ou cinq images selon le niveau de difficulté, celle qui complètera le mieux la planche qu’il a devant lui. Cette tâche fait appel à l’intelligence non verbale car l’enfant doit établir des liens conceptuels de différentes natures pour apparier les bonnes images avec la matrice proposée.

« Subtest identification des concepts » (Wechsler, 2004)

Nous souhaitons évaluer la capacité des participants à effectuer un raisonnement catégoriel et abstrait au travers du subtest « Identification de concepts » tiré de la WIPPSI. Il s’agit d’une tâche d’appariement d’images comprenant vingt-huit matrices de difficulté croissante. Chaque matrice contient deux à trois rangées d’images. L’enfant doit choisir, dans chaque matrice, une image par rangée. Les images sélectionnées doivent avoir un lien conceptuel entre elles.

Aucune limite de temps n’est prévue pour finir ce test, mais la tâche est interrompue après quatre échecs consécutifs.

II.2.3.5 Epreuve de vitesse de traitement

« Vitesse de traitement » (Laboratoire de Développement et des Troubles du Langage, Université de Genève)

Cette épreuve permet d’évaluer la vitesse de traitement. Nous présentons à l’enfant un son neutre différent d’un son du langage (bip). Dès qu’il l’entend, il doit cliquer aussi rapidement que possible sur la souris d’ordinateur. La phase de test proprement dite comprend vingt-deux items. Un programme informatique mesure le temps de réaction entre la présentation du son et le moment où l’enfant clique avec la souris, en millisecondes. Nous recensons la valeur médiane des temps de réaction de chaque enfant.

II.2.3.6 Epreuves d’évaluation du lexique

II.2.3.6.1 Lexique en production

« Dénomination N-E.E.L. » (Chevrier-Muller & Plaza, 2001)

Nous avons évalué le lexique en production des participants par le biais d’une tâche de dénomination directe nommée « Expression-vocabulaire dénomination : vocabulaire 1 » tirée du test N-E.E.L. Ce subtest est composé de 36 mots concrets, représentés par des images, qui font partie du vocabulaire du petit enfant. Aucune facilitation par ébauche orale n’est permise et les paraphrases ne sont pas acceptées.

II.2.3.6.2 Lexique en compréhension

« Evaluation du niveau lexical réceptif – EVIP » (Dunn & al., 1993)

Nous avons choisi une épreuve tirée de l’« Echelle de vocabulaire en images Peabody » (EVIP) afin d’évaluer les compétences lexicales réceptives des participants. Il s'agit d'une tâche de désignation d'images à choix. Pour chaque item, quatre images représentent respectivement le mot-cible et trois distracteurs qui lui sont sémantiquement, phonologiquement ou visuellement proches. L’enfant doit écouter un mot produit par l’expérimentateur, puis désigner l’image qui lui correspond le mieux parmi les quatre images proposées. Afin d’adapter la tâche à notre échantillon de recherche, seuls les items numéro 39 à 78 ont été présentés. En effet, ils correspondent aux performances minimales et maximales

de la tranche d’âge concernée. Notre épreuve compte douze items d’essais qui ont pour but de familiariser l’enfant avec la tâche et quarante items de test, présentés par ordre de complexité croissante.

II.2.4 Traitement des résultats

Dans cette recherche, nous avons pour objectif d’évaluer le rôle de différentes variables sur le niveau du lexique en compréhension et en production. Les performances aux épreuves décrites ci-dessus nous permettent de former plusieurs variables indépendantes :

La mémoire de travail est évaluée par les épreuves « mémoire de chiffres », « répétition de mots phonologiquement similaires », « répétition de mots phonologiquement dissimilaires »,

« répétition de mots longs » et « répétition de mots courts ».

Le rappel de pseudo-mots est évalué par la « tâche du château ». Cette tâche fait l’objet d’une variable indépendante isolée, bien qu’elle dépende de la mémoire de travail. Nous avons procédé ainsi afin de mesurer la contribution spécifique de la tâche de rappel de pseudo-mots, qui a été mise au point par Majerus et al. (2006) dans le but de maximiser l’effet de l’information sur l’item en mémoire à court terme verbale.

La mémoire sérielle est mesurée au moyen de l’épreuve « la course des animaux ».

La métaphonologie regroupe les tâches de « discrimination phonologique », « sensibilité phonologique – N-E.E.L. » et « conscience phonologique ».

Enfin, nous avons mesuré la vitesse de traitement et le niveau d’intelligence non-verbale au titre de variables contrôle, car elles peuvent affecter le développement du lexique. Le niveau d’intelligence non-verbale regroupe les performances aux épreuves « subtest matrices » et

« subtest identification de concepts ».

En ce qui concerne le traitement des résultats, nous avons procédé à une analyse descriptive des différents scores, puis avons poursuivi par des analyses de corrélation et de régression multiple. Dans ce but, nous avons regroupé les épreuves mesurant les mêmes compétences cognitives afin d’en tirer trois scores composites :

Le score composite de mémoire de travail comprend les performances aux épreuves

« mémoire des chiffres », « répétition de mots similaires », « répétition de mots dissimilaires », « répétition de mots longs » et « répétition de mots courts ». Le score composite d’intelligence non verbale regroupe les résultats aux épreuves du WPPSI

« Identification de concepts » et « Matrices ». Enfin, le score composite de phonologie englobe les tâches de discrimination phonologique, de sensibilité phonologique et de conscience phonologique. Nous avons utilisé le logiciel d’analyses statistiques « SPSS 15.0 for Windows » pour traiter les résultats.

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