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Dans ce travail, l’hypothèse principale est la suivante : la médiatisation des questions

humanitaires suscite de nombreuses critiques et polémiques parce que les contextes et les

enjeux qui caractérisent les crises humanitaires sont généralement différents et influencent

plus ou moins fortement la mobilisation des médias et des acteurs de la solidarité

internationale. Les intérêts et les objectifs de ces derniers sont souvent divergents et varient en

fonction des événements. Cette hypothèse fait le lien entre les réactions suscitées par la

couverture médiatique des crises humanitaires, en particulier le manque de visibilité de

certaines, et les facteurs différentiels déterminants qui peuvent favoriser ou non la

médiatisation. C’est cette relation de cause à effet que nous allons essayer de comprendre,

expliquer en vue d’infirmer ou de confirmer l’hypothèse. L’hypothèse se présente comme

« l’anticipation d’une relation entre un phénomène et un concept capable d’en rendre compte.

Elle peut également se présenter comme l’anticipation d’une relation entre deux concepts ou,

ce qui revient au même, entre deux types de phénomènes qu’ils désignent » (Quivy, Van

Campenhoudt : 1995). Il s’agit là des formes d’hypothèses qu’identifient ces auteurs. De

façon générale, chaque crise humanitaire survient dans un contexte sociohistorique et

géopolitique particulier, avec des causes et des implications qui lui sont propres. Les

répercussions de tous ordres d’une crise n’affectent pas forcément de la même façon tous les

pays ni tous les publics. De même, les acteurs de la solidarité internationale (ONG,

institutions et pays donateurs, entreprises) peuvent avoir des visions et des objectifs assez

divergents autour de la gestion d’une crise humanitaire donnée. Dans sa réflexion sur la place

31

et le rôle des ONG dans les relations internationales, Michel Dourcin met en relief « la

relation d’adversité qui les relie aux États » (Doucin, 2007 : 108)

20

.

Ce travail de recherche ne peut donc se réduire à la seule hypothèse principale. Pour mieux

cerner la complexité des crises humanitaires et de leur médiatisation, il nous paraît essentiel

de formuler des hypothèses plus spécifiques et complémentaires. Car la complexité du

phénomène et l’interdisciplinarité de l’approche nécessitent d’en construire d’autres pour

mieux appréhender les faits et les contextes dans leur globalité. Pour reprendre Roussel A.

Jones, « les comportements ou les processus sociaux […] ne sont quand même pas engendrés

par une seule cause, mais par une combinaison de facteurs dont le poids varie selon les

circonstances » (Jones, 2000 : 30). Il convient donc de poursuivre par la construction

d’hypothèses complémentaires afin de confronter la façon dont se présente la complexité des

questions humanitaires et les caractéristiques de la médiatisation qui en est faite.

Comme première hypothèse complémentaire, on peut supposer que le discours médiatique sur

l’humanitaire est fonction de l’implication directe des ressortissants et/ou des intérêts

nationaux. Dans la pratique du journalisme, l’un des critères déterminants du choix de

l’information est celui de la proximité. Cela étant, plus les ressortissants (ou les intérêts

politiques et économiques du pays) sont concernés, plus la mobilisation médiatique est forte.

Selon Antoine Char (1999 : 50), les critères de l’information dans les pays occidentaux sont

« basés essentiellement sur l’actualité, la proximité et le caractère spectaculaire ». Mais avec

les technologies de l’information et de la communication (TIC), la mondialisation et la

mobilité du travail qu’elle implique, les frontières physiques sont dépassées et de nouvelles

proximités sont créées. Une catastrophe en Amérique latine dans une entreprise peut avoir

plus de répercussions dans une ville française abritant par exemple une entreprise partenaire

ou le siège de la maison-mère qu’une catastrophe de même nature qui survient dans un

département voisin. Les médias occidentaux se mobilisent prioritairement et

systématiquement autour d’événements qui ont un impact et des enjeux majeurs de cette

nature. La catastrophe du tsunami répondait assez bien à ces critères d’événement médiatique,

tout comme l’ouragan Katrina aux États-Unis. À travers ces exemples, on est dans une

situation médiatique caractérisée par des « proximités distantes » (Rosenau, 2003)

21

.

20

DOUCIN Michel, 2007, Les ONG : le contre-pouvoir ?, Paris, toogezer 21

ROSENAU James N., 2003, Distant Proximities. Dynamics beyond Globalization, Princeton, Princeton University Press

32

L’expression proximités distantes traduit une sorte d’amoindrissement de l’importance de la

distance géographique dans l’appréciation et le traitement médiatique de certains événements.

Pour Jean-Paul Marthoz (2008 : 8)

22

, « l’importance accordée au journalisme international ne

relève pas d’une quelconque tentation exotique […]. Elle relève de l’imbrication de plus en

plus grande du monde ». Une imbrication par l’économie, la culture, le métissage de

populations, etc. La mondialisation et la globalisation des échanges y contribuent, en

renforçant le rapprochement des pays et des publics pourtant géographiquement très éloignés.

La deuxième hypothèse complémentaire est que la médiatisation est en partie le reflet de la

stratégie de communication des organisations humanitaires et des autres acteurs. Les ONG

sont parmi les principaux acteurs de la solidarité internationale. Elles sont en première ligne

sur les théâtres de crise humanitaire. En général, sur les crises qui émergent de façon latente

ou qui durent, c’est elles qui essaient de mobiliser la communauté internationale et de tirer la

sonnette d’alarme en s’appuyant sur les médias comme relais de leur message. Pour cela,

l’arme primaire d’alerte des ONG est le communiqué de presse adressé aux médias et aux

agences de presse. Ce qui ne suffit pas toujours, car de l’avis de certains responsables

d’organisations humanitaires, le communiqué de presse ne donne pas toujours lieu à une

nouvelle dans les médias surtout quand il s’agit de crises qui durent depuis des années ou

situées dans une région connue pour des situations humanitaires à répétition à cause des

catastrophes naturelles, des conflits ou des conséquences d’une mauvaise gouvernance. « Il y

a très peu de médias qui se donnent la peine de reprendre nos communiqués de presse sur

l’ouverture d’un projet ou l’atteinte d’un objectif »

23

, regrette Jean Saslawsky de Médecins du

Monde qui mesure l’importance pour les organisations humanitaires du travail des médias. La

22

MARTHOZ Jean-Paul, 2008, Journalisme international, Bruxelles, de boeck, coll. INFOCOM

23

Extrait de l’entretien avec Jean SASLAWSKY, responsable des financements institutionnels de l’ONG française Médecins du Monde. L’intégralité de l’entretien figure dans les annexes.

33

région des Grands Lacs

24

en Afrique centrale, le Darfour et le Niger sont des exemples de

crises dont la visibilité médiatique émerge de façon sporadique. Ce sont des crises qui durent

depuis longtemps ou sont récurrentes et donc finissent par être banales aux yeux des

journalistes, voire des publics. Les ONG doivent alors trouver d’autres stratégies de

communication pour amener les médias à s’intéresser à ces crises qui ne font pas forcément

l’actualité : obtenir une interview dans un grand média, diffuser les informations et les images

à travers leurs propres supports de communication.

La communication sur ces crises humanitaires est également l’œuvre d’autres acteurs : les

pays donateurs de l’aide, les belligérants et autres parties prenantes aux crises. Ces autres

acteurs communiquent en fonction de leurs intérêts, de leurs objectifs et surtout essaient

d’influencer la couverture médiatique dans un sens qui les arrange. L’interaction entre ces

différents acteurs devient donc importante. À propos des enjeux de l’interaction, Edmond

Marc et Dominique Picard (1989 : 121) expliquent que « chaque acteur cherche, dans la

rencontre, à donner une image valorisée de lui-même ; il va donc s’efforcer d’organiser une

mise en scène de son « Moi » qui aille dans ce sens ». Pour ce faire et en ce qui concerne les

crises humanitaires, on peut assister à des manœuvres de manipulation, de désinformation ou

de propagande délibérément orchestrées par certains acteurs, comme nous le verrons plus loin

s’agissant de la médiatisation de la famine au Niger. De l’interaction entre les différents

acteurs peut découler un type de médiatisation : forte ou faible, orientée dans un sens ou dans

un autre.

24

Hutu et Tutsi : 40 ans d'affrontements dans l'Afrique des Grands Lacs, qui culminent en 1994 avec le génocide rwandais, suivi d'un premier conflit au Zaïre. C'est toute la région qui s'embrase dans les années 1996-97, avec sept pays en guerre sur le sol de la République démocratique du Congo, dont les richesses minières sont l'objet de toutes les convoitises. En 2003, un espoir de paix se fait jour, discrètement soutenu par la communauté internationale. Au cœur du continent africain, la région des Grands Lacs, entité géopolitique modelée du Nord au Sud par un chapelet de lacs formant des frontières naturelles entre les pays qui les entourent : République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre), Ouganda, Rwanda, Burundi et Tanzanie, tous peuplés de nombreuses ethnies. Au cœur de cette région, la province du Kivu, située dans la partie est de la République démocratique du Congo : province jadis florissante, convoitée pour ses richesses minérales, traditionnel creuset de migrations transfrontalières, agitée de longue date par des flambées de violences interethniques en particulier entre Hutu et Tutsi originaires du Rwanda et du Burundi voisins. Depuis 1996, celles-ci ont engendré deux conflits successifs. Ils sont marqués par un déchaînement de combats, de massacres interethniques, de pillages, de viols impliquant plusieurs pays et un imbroglio de groupes armés. (Source : POURTIER Roland, « La Guerre des Grands Lacs », Cahiers français, n° 290, mars-avril 1999, La Documentation française)

34

La troisième hypothèse complémentaire est la suivante : la médiatisation de l’humanitaire

n’est pas à la hauteur de la diversité et de l’importance du phénomène parce que la

mondialisation et le développement de l’économie de marché font que les médias privilégient

les annonces et les nouvelles qui font vendre, qui attirent une grande audience. L’audience,

pour les responsables de l’audiovisuel comme pour ceux de la presse écrite, est aujourd’hui un

souci permanent. « L’audience est […] une unité de recensement, construite par des

spécialistes pour mesurer la réponse à une offre, pour évaluer une part de marché » (Rieffel,

2005 : 151). Le journaliste, en sélectionnant, en organisant et en produisant ses informations,

cherche à répondre aux exigences et aux goûts de son public cible dont il prend en compte les

valeurs sociales, et à être conforme au contexte socioéconomique. À propos des problèmes

publics, Daniel Céfaï explique que la couverture médiatique dépend, entre autres, « des

évaluations par les journalistes ou les rédacteurs du genre et du style d’histoires ou

d’événements qui peuvent intéresser les publics de lecteurs » (Céfaï, 1996 : 56)

25

.

Pour occuper une part de marché conséquente dans un contexte concurrentiel, les médias

doivent produire des contenus qui sont susceptibles d’attirer toujours plus de monde. Qu’il

s’agisse des informations, des autres rubriques ou émissions, les médias, qui sont aussi des

entreprises commerciales, privilégient les nouvelles et les événements pouvant leur permettre

de réunir la plus grande audience possible. De cela dépendent les tarifs des espaces

publicitaires qui procurent aux médias l’essentiel de leurs recettes. « L’émergence progressive

de la quantification » (Rieffel, 2005 : 151) s’explique sans doute par cet objectif de la

rentabilité. On peut ainsi facilement comprendre que certaines crises humanitaires qui

perdurent dans les régions pauvres de la planète n’aient pas toujours une visibilité médiatique

importante. « L’école du « journalisme d’intérêt public » implique pourtant que la presse ne

calque pas ses priorités uniquement sur les humeurs de l’audience ou sur les résultats des

études de marché. […]. Elle doit donc consacrer des ressources suffisantes à la collecte et au

traitement de l’actualité internationale » (Marthoz, 2008 : 9). Le choix opéré par les

journalistes repose sur des critères d’impact, d’intérêt et de signification pour le public auquel

ils s’adressent. Dans ces conditions, les crises dites oubliées pour cause principalement de

non-visibilité médiatique ne font l’actualité que lorsque leurs conséquences humaines

25

CEFAÏ Daniel, 1996, « La construction des problèmes publics. Définitions de situations dans des arènes publiques », dans Réseaux nº 75 : Le temps de l’événement 1, janvier-février 1996, pp. 43-66

35

atteignent des niveaux élevés. La région des Grands Lacs en Afrique centrale, et le Niger sont

des exemples de cette réalité.

Les hypothèses complémentaires permettront de couvrir tous les aspects des relations entre la

médiatisation d’une part, la réalité des crises humanitaires et les acteurs de la solidarité

internationale d’autre part. Ces hypothèses seront confrontées à des données analysées ou

observées dans la presse, mais aussi aux informations issues des lectures et d’analyses

d’ouvrages, de sites internet et de publications diverses. En effet, « sous les formes et les

procédures les plus variées, les recherches se présentent toujours comme des va-et-vient entre

une réflexion théorique et un travail empirique. Les hypothèses constituent les charnières de

ce mouvement… » (Quivy, Van Campenhoudt, 1995 : 118-119).

Cadre théorique

La précision du modèle d’analyse ou modèle explicatif est une étape fondamentale de la thèse.

Une fois défini, ce modèle donne tout son sens à la problématique et à la suite du travail.

C’est « le principe d’orientation théorique de la thèse, elle en définit les grandes lignes »

(Quivy, Van Campenhoudt, 1995 : 98). F-P. Gingras met en relief l’importance de la théorie

dans un travail de recherche scientifique, en ce sens qu’elle englobe deux cheminements

complémentaires du processus de la recherche : le cheminement de la découverte et le

cheminement de la preuve. Pour lui, donc, « la théorie guide le chercheur ou la chercheuse

comme le chien guide l’aveugle » (Gingras, 1997 : 101)

26

. Pour traiter ce sujet de recherche, il

est possible de recourir à plusieurs théories, comme le permettent les sciences de

l’information et de la communication. Les SIC, discipline récente qui date d’environ trente

ans, se définissent « plus comme une interdiscipline que comme une science à part entière

[…] même si la communauté tente chaque jour d'en définir les paradigmes fondamentaux et

les contours disciplinaires »

27

. Il convient donc de se situer dans une perspective

interdisciplinaire, une démarche pertinente à nos yeux pour mener la réflexion et l'analyse

26

GINGRAS François-Pierre, 1997, « La théorie et le sens de la recherche », pp. 101-124, in : GAUTHIER B. (dir.), Recherche sociale. De la problématique à la collecte des données, Québec, Presses de l’Université du Québec

27

Cf. BOUGNOUX Daniel, 2001. Introduction aux sciences de la communication, La Découverte, collection Repères et MUCCHIELLI Alex, 2003, Les sciences de l'information et de la communication, Paris, Hachette cités dans MASSELOT Cyril, 2004, Accessibilité et qualité des systèmes d'information multimédia : transfert méthodologique et technologique, thèse en sciences de l’information et de la communication, Université de Franche-Comté

36

nécessaire à la réalisation des objectifs de ce travail de recherche. « L’interdisciplinarité

[étant] indispensable »

28

pour contribuer à faire avancer l’état des connaissances dans les

sciences de l’information et de la communication.

A titre principal, il nous apparaît plus judicieux d’aborder ce sujet sous l’angle de la

sociologie compréhensive des médias, de l’interactionnisme et aussi de la sémiotique qui

semblent les grandes approches appropriées pour mener la réflexion. En tous les cas,

« …toute approche disciplinaire n’est par définition que partielle. Aucune ne peut épuiser

l’objet du monde phénoménal, du point de vue de sa signification » (Charaudeau, 1997 : 11).

C’est pourquoi l’on aura recours aussi, en fonction de l’évolution du travail, à des éléments du

systémisme et du constructivisme.

- L’approche compréhensive

Max Weber est considéré comme le fondateur de ce courant sociologique qui cherche à

appréhender les faits à travers le sens qu’en donnent les acteurs. C'est-à-dire à partir des

acteurs, donner un sens à l’action sociale pour mieux la comprendre dans sa nature et dans son

développement. Appliquée aux médias, la sociologie compréhensive doit donc permettre de

décrypter le comportement des médias et des journalistes par rapport aux événements qu’ils

couvrent. Selon C. Lemieux

29

, la sociologie compréhensive est un préalable indispensable à

toute critique constructive de ces institutions de médiation et d’information. Pour lui, « ce qui

prépare le terrain pour la formulation de critiques vraiment efficaces d’une activité donnée (le

journalisme par exemple), c’est toujours une compréhension en profondeur des valeurs que

cherchent à honorer ceux qui s’adonnent à cette activité. Seul ce détour compréhensif permet

de saisir les points d’entame de la critique qui seront […] acceptables et pertinents… »

(Lemieux, 2000 : 9).

Les médias ont principalement une fonction sociale de médiation. Ce qui se reflète dans la

production médiatique mise à la disposition de l'audience constituée de différents publics

membres de la société. Comme l’explique J. Arquembourg, (2006 : 17)

30

, « le traitement

28

Source : site internet de l’université de Genève (www.unige.ch)

29

LEMIEUX Cyril, 2000, Mauvaise presse. Une sociologie compréhensive du travail journalistique et de ses critiques, Paris, éd. Métailié, coll. Leçons de choses

30

ARQUEMBOURG Jocelyne, 2006, « De l’événement international à l’événement global : émergence et manifestation d’une sensibilité mondiale », pp. 13-21, in : ARQUEMBOURG J., LOCHARD G., MERCIER A. (dirs.), Evénements mondiaux. Regards nationaux, Hermès nº 46

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médiatique d’un événement imbrique la présence du public qu’il affecte pour lequel il

provoque une rupture dans un ordre des choses et une demande de sens corrélé à cette

rupture ». Le contenu des médias est préparé et destiné à un public donné dans la société. Le

traitement médiatique des faits et des événements permet de leur donner une plus grande

visibilité dans l’espace public et même de les imposer dans l’agenda politique. De par leur

statut, les médias sont aussi des éléments essentiels de la démocratie. En effet, l’existence des

médias libres et responsables demeure la condition principale de l’effectivité de la liberté

d’expression et de la démocratie en général, car ils constituent un relais amplificateur des

autres moyens d’expression. Les médias sont indispensables dans une vie démocratique, en ce

sens qu’ils constituent des outils d’information et de communication susceptibles d’abriter ou

de relayer des opinions contradictoires, de servir de plateforme pour le débat.

En journalisme, l'un des critères de base du choix d'une nouvelle est la loi de la proximité qui

fait que les individus ne sont pas affectés au même degré par un même événement heureux ou

malheureux, selon qu’il se produit plus près ou plus loin d’eux, selon que leurs proches sont

touchés ou non, selon que leurs intérêts personnels sont mis en cause ou non. On peut donc

déduire et comprendre que l'importance et la nature du discours des médias relatif à certaines

questions, comme l'humanitaire, soient justifiées ou influencées par ce critère de proximité.

Car il faut avant tout fournir une information qui peut être consommée, c'est à dire qui est

intéressante et acceptable pour le public. « Les messages contiennent aussi des indications sur

la société au sein de laquelle ils sont produits. Leur contenu peut exprimer des attitudes, des

valeurs, des préoccupations partagées par les membres de cette société » (De Bonville, 2000 :

19). En ce sens, on peut considérer que l'état de la médiatisation de l'humanitaire est

largement tributaire du système de fonctionnement des médias, lequel est très influencé par

les réalités de la société, donc de certains attributs et conditions des récepteurs du message. La

loi de la proximité n’explique pas tout. Il y a aussi des valeurs culturelles et d’autres normes

qui interviennent. Surtout quand il s’agit des événements internationaux. Car « …les

représentations sociales préétablies, sous forme de stéréotypes, de schémas d’analyse

simplifiés (des heuristiques) circulent dans l’espace public et sont présents dans l’outillage

cognitif des publics, et les journalistes en tiennent souvent compte dans leur traitement »

31

.

Dans un ouvrage où elle traite des représentations médiatiques des violences en France,

31

MERCIER Arnaud, 2006, « Les logiques journalistiques et lecture événementielle des faits d’actualité », pp. 23-35, in : ARQUEMBOURG J., LOCHARD G., MERCIER A. (dirs.), Evénements mondiaux. Regards nationaux, Hermès nº 46 (p. 25)

38

Isabelle Garcin-Marrou souligne que ces représentations ne sont pas forcément celles de la