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I NTRODUCTION GENERALE

3. Hydrates alumineux des matrices cimentaires de CEM III

Les matrices cimentaires de CEM III sont susceptibles de relarguer de l’aluminium lors de la lixiviation. Cette partie détaille la structure et la composition chimique des différents hydrates alumineux composant ces matrices. Les anhydres du ciment CEM III peuvent également être une source d’aluminium lors de la lixiviation. Il s’agit dans ce cas des phases C4AF et C3A du clinker et de l’aluminium contenus dans le laitier sous forme cristalline ou vitreuse.

3.1. Les C-A-S-H

Les C-S-H font partie des principaux hydrates des pâtes de ciment (CEM I et CEM III). De l’aluminium peut s’incorporer dans ces hydrates, qui sont alors notés C-A-S-H. Ce phénomène est accentué lorsque le ciment est riche en aluminium comme les CEM III. Ce paragraphe traitera dans un premier temps des C-S-H puis s’intéressera aux C-A-S-H.

3.1.1. Les C-S-H

Les silicates de calcium hydratés (C-S-H) sont les principaux hydrates constituant la phase liante de la pâte de ciment. Les C-S-H sont faiblement cristallisés et se présentent sous la forme de particules

nanométriques agrégées les unes aux autres. La taille de ces particules est d’environ 60x50x5 nm3 pour

1 < Ca/Si < 1,5 et de 60x30x5 nm3 pour 1,7 < Ca/Si < 2 [41].

La stœchiométrie des C-S-H est liée à la composition de la solution porale avec laquelle ils sont à l’équilibre : plus la solution interstitielle est concentrée en calcium (ou faible en silicium), plus le rapport C/S des C-S-H est élevé. Le rapport C/S est généralement compris entre 0,7 et 1,45. Ces limites sont fixées par le produit de solubilité de la silice amorphe (limite inférieure) et de la portlandite (limite supérieure) (Figure 5). Dans les pâtes cimentaires, la borne supérieure du rapport C/S est généralement de 1,7 mais peut aller jusqu’à 2. Dans ce cas, la solution est sursaturée par rapport à la portlandite, ce qui entraîne un rapport C/S plus important.

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Figure 5 : Relation entre le rapport C/S des C-S-H et la quantité de calcium ou silicium présent dans la phase aqueuse [35]

Les C-S-H possèdent une structure lamellaire, composée d’une couche d’oxydes de calcium avec, de part et d’autre, des chaînes de silicates organisées en structure « dreierketten » (motifs de trois tétraèdres de silice qui se répètent). Les interfeuillets contiennent des ions calcium et des molécules d’eau. Les chaînes de silicate sont constituées de dimères de silicates reliés parfois entre eux par un tétraèdre, appelé tétraèdre pontant, formant ainsi des pentaèdres. La structure des C-S-H est illustrée en Figure 6.

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Figure 6 : Représentations schématiques de la structure des C-S-H [42], [43]

La structure des C-S-H a été longuement étudiée mais il existe encore des points de controverse. Pour les C-S-H de faible rapport C/S (0,7 < C/S < 1,5), leur structure atomique est proche de la tobermorite (minéral naturel utilisé pour décrire la structure des C-S-H car ils possèdent une structure proche présentée en Figure 7) [44]. Pour les C-S-H de rapport C/S supérieur à 1,5, la structure n’est pas encore bien définie et est sujette à discussion. Cependant, il semblerait que ces C-S-H gardent une structure proche de celle de la tobermorite [35], [45].

Figure 7 : Structure de la tobermorite 11 Å [46]

Comme évoqué précédemment, la stœchiométrie des C-S-H influence leur structure. Plus le rapport C/S est élevé, plus les chaînes de silicates sont courtes. Une diminution du rapport C/S entraîne un allongement des chaînes :

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- Pour des C/S élevés, une majorité de dimères sont observés ;

- Pour des C/S = 1,2, des pentamères sont observés ;

- Pour des C/S = 1, des chaînes de 7 motifs ou plus sont présentes.

Figure 8 : Structure simplifiée des C-S-H en fonction du rapport C/S. Une seule chaîne silicatée de chaque feuillet est représentée. Les molécules d’eau ne sont pas représentées [47].

3.1.2. Les C-A-S-H

Lorsque la solution interstitielle est riche en aluminium, une partie peut être incorporée dans les C-S-H. Les hydrates correspondant sont alors notés C-A-S-C-S-H. L’incorporation de l’Al dans la structure des silicates de calcium hydratés est marquée lorsque le clinker est partiellement substitué par des additions riches en aluminium, telles que le laitier, le métakaolin ou les cendres volantes. Le rapport Al/Si augmente avec la concentration en aluminium dans la solution [48], [49]. Le Tableau 3 présente les rapports Ca/Si et Al/Si obtenus pour différentes compositions de ciment plus ou moins riches en laitier. La forte quantité de laitier dans la composition des pâtes cimentaires entraine une augmentation de l’incorporation de l’aluminium dans les C-A-S-H et une diminution du rapport Ca/Si. Pour la pâte cimentaire composée à 75 % de laitier, le rapport Ca/Si est de 1,31 et le rapport Al/Si est de 0,23 ou 0,16 (suivant la méthode utilisée) [40], [50].

Tableau 3 : Rapport Ca/Si et Al/Si des C-A-S-H dans un ciment au laitier de 20 ans (Rapports Al/Si déterminés par déconvolution des signaux 29Si RMN en utilisant respectivement 3 ou 4 pics pour les

C-S-H) [50]

% laitier Ca/Si Al/Si

RMN TEM 0 1,81 0,08 0,10 10 1,60 0,12 0,15 25 1,55 0,13 0,11 50 1,32 0,20 0,14 75 1,31 0,23 0,16 90 1,18 0,20 0,18 100 1,08 0,23 0,19

53 L’incorporation d’aluminium entraîne un changement dans la structure des C-S-H, en augmentant la distance interfeuillet [51]. Avec l’incorporation d’aluminium dans la structure, la solubilité des C-(A)-S-H est également impactée : celle-ci diminue avec l’incorporation d’aluminium dans la structure [52], [53].

L’aluminium dans les C-A-S-H peut avoir différents environnements chimiques. Il peut être tétraédrique (AlIV), pentaédrique (AlV), et/ou hexaédrique (AlVI). L’aluminium s’insère principalement

en environnement tétraédrique, par substitution d’un silicium tétravalent (Si4+) par un aluminium

trivalent (Al3+). Cette substitution entraîne un excès de charges négatives, qui ne peut être compensé

uniquement par les ions calcium. Il a été supposé que l’AlV, présent dans l’interfeuillet des C-S-H, compense l’excès de charges négatives en jouant le rôle de contre-ion [54]. Cependant, la quantité d’AlV n’est pas liée à la quantité d’AlIV (Figure 9). L’aluminium hexaédrique est présent en interfeuillet ou en surface des C-S-H sous forme de TAH (Third Aluminium Hydrate). Il pourrait s’agir d’hydroxyde d’aluminium amorphe ou d’aluminate de calcium hydraté [35], [44], [52], [54]–[56].

La Figure 9 montre une diminution de la quantité d’AlIV lorsque le rapport C/S augmente. Ce phénomène est dû à la dépolymérisation des chaînes silicatées.

Figure 9 : Spéciation de AlIV, AlV et AlVI en fonction du rapport Ca/Si [44]

3.3. L’ettringite

L’ettringite est l’un des principaux hydrates produits lors de l’hydratation des ciments Portland. De formule Ca6Al2(SO4)3(OH)12.26H2O (C6AŠ3H32 en notation cimentaire), l’ettringite cristallise sous forme d’aiguilles. Cet hydrate se forme suite à la réaction entre le régulateur de prise (anhydrite, hémi-hydrate, gypse) et le C3A. La structure de l’ettringite est composée de colonnes de cations coordinés

54 par les oxygènes des hydroxydes et des molécules d’eau (Figure 10). Les ions sulfates servent à assurer l’électroneutralité du système [42].

L’ettringite est stable à température ambiante mais est très sensible à l’augmentation de température. A partir de 50 °C, elle commence à se dégrader et à perdre son eau liée [57].

Figure 10 : Structure cristalline de l’ettringite [42]

3.4. Les AFm

Il existe différents types d’aluminates de calcium rassemblés sous le nom d’AFm. Ces hydrates ont une structure qui dérive de celle de la portlandite (structure en feuillet, Figure 11). Certains ions calcium

(Ca2+) de la structure sont remplacés par des ions trivalents, majoritairement des ions aluminium (Al3+)

et minoritairement des ions ferrique (Fe3+). Cette substitution entraîne un excès de charges positives

compensé par la présence d’anions dans l’interfeuillet. Ces anions peuvent être de différentes natures : OH-, CO32-, SO42-, Cl-, etc. Le Tableau 4 rassemble différentes compositions d’AFm. La stabilité des phases AFm dépend de la nature de l’anion équilibrant la charge. Ainsi, les AFm contenant des ions carbonates vont avoir une meilleure stabilité, à 25 °C, que les AFm contenant des ions sulfates [42], [58].

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Tableau 4 : Composition de différentes phases AFm [59]

Composition chimique Composition des feuillets Composition de